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T-2006-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Montreal Shipping Co. Ltd. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé—Ville de Québec, le 16 octobre 1975; Ottawa, le 18 novembre 1975.
Droit maritime—Papier-journal entreposé dans un hangar du Conseil des ports nationaux—La Couronne réclame des frais d'entreposage—La défenderesse prétend que la Couronne n'a pas le pouvoir d'imposer ces frais et que la période de séjour gratuit s'applique dans le cas de marchandises entrepo- sées dans les hangars—Loi sur le Conseil des ports nationaux, S.R.C. 1970, c. N-8, art. 14 et 16(1), art. 2d),e), 5(1), 7, 8, 11 et 12 du Règlement B-3 et la Partie III de l'Annexe—Art. 2(1)a) de la Minute 1967-Q-12 du Conseil.
La demanderesse réclame $4,687.36 de la défenderesse pour les frais d'entreposage de papier-journal dans un hangar qu'elle lui avait loué. La défenderesse prétend que la demanderesse n'a pas le pouvoir d'imposer ces frais. Le Règlement B-3 du Conseil des ports nationaux prévoit (article 8) que le droit de séjour ne peut être imposé sur les marchandises en transit qui demeurent sur la propriété du Conseil après l'expiration du séjour gratuit si ces marchandises se trouvent sur une propriété, autre qu'un hangar de transit, que le Conseil a donnée à bail. La défenderesse soumet que la période de séjour gratuit s'appli- que aux marchandises entreposées dans les hangars et non seulement aux marchandises laissées sur le quai et que le Conseil doit faire connaître les frais qu'il entend charger. La défenderesse soutient en outre que si le Règlement B-3 n'établit pas les droits visant spécifiquement les hangars, le Conseil ne peut en imposer. Or, le Règlement ne mentionne que les droits de séjour et les droits de quai et puisqu'il s'agit ici de droits de séjour, ces derniers ne sont imposables (article 2 du Règlement B-3) qu'eaprès l'expiration du séjour gratuit» (i.e. la période après le déchargement des marchandises). Comment peut-on imposer des droits de séjour avant le déchargement? La deman- deresse prétend que dans le cas de marchandises entreposées dans les hangars, il n'y a jamais de période gratuite et, puisqu'il s'agit d'un quai neuf, elle fonde sa première prétention sur le tarif de le pied carré (article 2(1)a) de la Minute 1967- Q-12). Elle a aussi avancé un argument basé sur le contrat de location et un troisième sur l'enrichissement sans cause.
Arrêt: la défenderesse est tenue de payer les frais. Il suffit de considérer la première prétention de la demanderesse. Quant à la première allégation de la défenderesse, la condition 3), apparaissant au verso de la demande de poste de mouillage et du permis, stipule que le permis est assujetti à tous les règle- ments et règles du Conseil. La clef du problème se trouve à l'exception de l'exception présentée par l'article 8(1) du Règle- ment: le droit de séjour ne sera pas imposable aux marchandi- ses en transit sur une propriété autre qu'un hangar de transit; pour ce qui a trait aux marchandises dans un hangar, il n'y a pas de droit de séjour gratuit. Il est normal de ne pas imposer de droit de séjour aux marchandises arrivant de l'extérieur qui sont déchargées sur le quai mais le Conseil ne peut remiser
gratuitement et indéfiniment dans ses hangars toutes les mar- chandises à expédier.
ACTION. AVOCATS:
Y. Brisson et J.-M. Aubry pour la
demanderesse.
R. Langlois pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Langlois, Drouin & Laflamme, Ville de Québec, pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DUsE: Il s'agit ici d'une action sur compte à la suite de l'entreposage de papier-jour nal dans un des hangars du Conseil des ports nationaux au port de Québec. Une demande écrite de location du hangar W/C-3 a été faite par Canadian Import Steamship Agency pour la défenderesse, Montreal Shipping Ltd., en date du 29 mai 1970, tel qu'en font foi la demande [TRA- DUCTION] «Demande de poste de mouillage» et le permis de la même date signé par [TRADUCTION] «L. Côté, capitaine du port, Conseil des ports nationaux, Port de Québec».
L'espace occupé était de 58,892 pieds carrés, soit la presque totalité du hangar W/C-3. Le papier-journal a été entreposé à partir du 1 e7 juin jusqu'au 11 septembre 1970. Vu que les manuten- tionnaires du port de Québec étaient en grève du 2 juillet au 3 août, le Conseil des ports nationaux n'a chargé à la défenderesse que l'entreposage pour la période du 4 août jusqu'à la fin de septembre 1970, la partie excédentaire du mois. La somme totale de la réclamation de la Couronne se chiffre donc à $4,687.36.
La défenderesse ne nie vraiment pas les faits précités, mais prétend que la demanderesse n'avait pas le droit d'imposer ces frais d'entreposage.
L'article 14 de la Loi sur le Conseil des ports nationaux' autorise le gouverneur en conseil à
1 S.R.C. 1970, c. N-8.
établir des règlements pour la gestion de divers ports. L'article 16(1) permet au Conseil, avec l'ap- probation du ministre (en l'occurrence le ministre des Transports), de transformer tous droits fixés par règlement, les réduire ou y renoncer, aux termes et conditions qu'il juge à propos.
En vertu de l'article 14, le Conseil a édicté le Règlement B-3 intitulé «Tarif des droits de quai» applicable aux ports nationaux dont le port de Québec. Le dit Règlement B-3 a été édicté par le décret (C.P. 1968-1509) le 31 juillet 1968 et publié dans la Gazette du Canada du 14 août 1968 [DORS/68-351].
L'article 5(1) du Règlement B-3 se lit comme suit:
5. (1) Sauf dispositions contraires des articles 7 et 8 et de la Partie II de l'Annexe, le quayage et le droit de séjour établis aux Parties I et II de l'Annexe seront imposés comme il est prévu dans lesdites Parties.
Les deux exceptions prévues à l'article 5(1) sont donc l'article 7 qui n'est pas pertinent dans l'es- pèce et l'article 8, tel qu'amendé par le décret (C.P. 1969-94) édicté le 14 janvier et publié dans la Gazette du Canada le 12 février 1969 [DORS/69-39].
8. (1) Le droit de séjour ne peut 'être imposé sur les mar- chandises en transit qui demeurent sur la propriété du Conseil après l'expiration du séjour gratuit si ces marchandises se trouvent sur une propriété, autre qu'un hangar de transit, que le Conseil a donnée à bail.
(2) Pour les fins de cet article, une propriété que le Conseil a donnée à bail n'inclut pas une propriété pour laquelle un permis d'occupation a été attribué en vertu d'une permission du gérant du port.
(3) Le droit de séjour ne doit pas être imposé sur les personnels autres que les véhicules à moteur, ne figurant pas sur un manifeste. [J'ai moi-même souligné.]
Il y a donc exception à l'exception, à savoir que les marchandises entreposées en hangar de transit sont imposables, sauf dispositions contraires de la Partie III de l'Annexe, laquelle partie est intitulée «Droits de séjour» et se lit en entier:
Sur les marchandises laissées sur la propriété du Conseil à l'expiration du séjour gratuit, des droits de séjour seront impo- sés comme il suit:
a) pour chacun des quatre premiers jours ouvrables ou partie de chaque jour ouvrable suivant la fin du
séjour gratuit, par tonne ou partie de tonne 500
b) pour chaque jour ouvrable ou partie de jour ouvra-
ble par la suite, par tonne ou partie de tonne $1.00
La défenderesse soumet que la période de séjour gratuit s'applique dans le cas des marchandises entreposées dans les hangars et non pas seulement aux marchandises laissées sur le quai.
La demanderesse prétend que dans le cas des marchandises entreposées dans les hangars il n'y a jamais de période gratuite.
L'article 2 du Règlement B-3 définit «séjour gratuit» à l'alinéa e):
2. Dans le présent règlement, l'expression
e) «séjour gratuit», appliquée à des marchandises, désigne une période pendant laquelle des marchandises doivent être enlevées de la propriété du Conseil sans être soumises à des droits de séjour, après avoir été déchargées d'un navire; [J'ai moi-même souligné.]
et à l'alinéa d) la définition de «droit de séjour»:
d) «droit de séjour» désigne un droit imposé sur les marchan- dises en transit qui demeurent sur la propriété du Conseil après l'expiration du séjour gratuit.
La Minute 1967-Q-12 du Conseil en date du 14 novembre 1967, approuve et ratifie de nouveaux tarifs minimum en trois catégories: les hangars (transit shed space), les quais (open space on wharves) et les bureaux (office space). Pour les quais neufs, le tarif est de le pied carré par mois ou pour une partie d'un mois. La demanderesse a établi qu'il s'agissait bien ici d'un quai neuf et que le tarif imposé était de le pied carré pour l'espace occupé au hangar W/C-3. C'est égale- ment en vertu de cet article 2(1)a) des Minutes que les droits de séjour visent tout le mois de septembre même si les marchandises ont été enle- vées le 11 du mois. L'article 2(1)a) de la Minute 1967-Q-12 est reproduite ici:
[TRADUCTION] 2. Approuver et ratifier de nouveaux tarifs minima relativement aux assignations, comme suit:
(1) Hangar de transit
a) Hangars neufs, par pied carré, par mois ou pour
une partie de mois 40
Il faut souligner que ladite Minute a été accep- tée sous réserve, le procureur de la défenderesse ne contestant pas l'authenticité de la Minute mais s'objectant à son admissibilité comme preuve que la défenderesse ait eu une connaissance du docu ment avant l'entreposage des marchandises.
La première prétention de la demanderesse est donc basée sur la Loi sur le Conseil des ports nationaux, le Règlement B-3 relatif aux tarifs et la Minute 1967-Q-12 établissant des droits de le pied carré pour l'entreposage de marchandises dans les hangars du Conseil.
Au cas la Cour n'accepte pas ce premier argument, la demanderesse en a soumis un deuxième basé sur le contrat de location et un troisième sur l'enrichissement sans cause. Exami- nons d'abord les prétentions de la défenderesse vis-à-vis le premier argument.
La défenderesse prétend que le Conseil, étant une agence de la Couronne qui administre des facilités et des services publics, se doit de faire connaître publiquement les frais qu'elle veut char ger à ses clients et ne pas les prendre par surprise. En d'autres termes, l'importateur ou l'exportateur a le droit de connaître les frais avant d'occuper un hangar au port de Québec. La demande [TRADUC- TION] «Demande de poste de mouillage» et le permis, par exemple, ne réfèrent en rien à des frais de séjour. Le document ne réfère pas non plus aux règlements ou à la Minute du Conseil.
Cependant la condition 3) au verso de la demande et du permis (les deux apparaissent au même document) se lit comme suit:
[TRADUCTION] Ce permis est assujetti à toutes les dispositions des Règlements du Conseil des ports nationaux et aux «Règles régissant l'occupation et l'utilisation de hangars de transit, etc. pour la manutention de la marchandise», du Conseil des ports nationaux.
La défenderesse cite également l'article 14(2) de la Loi sur le Conseil des ports nationaux:
14. (2) Les règlements établis en conformité de la présente loi ont, dès leur publication dans la Gazette du Canada, la même vigueur et le même effet que s'ils étaient édictés aux présentes.
et prétend que si le Règlement B-3, le seul règle- ment invoqué dans cette cause, n'établit pas de droits visant spécifiquement les hangars, alors le Conseil ne peut en imposer. Or, B-3 ne comprend que deux catégories de droits, des droits de séjour et des droits de quai. Puisqu'il s'agit ici de droits de séjour ces derniers ne sont imposables, d'après la définition à l'article 2 du Règlement B-3, qu'«a- près l'expiration du séjour gratuit». Et le «séjour gratuit» est défini à l'alinéa e) comme «une période pendant laquelle les marchandises doivent être
enlevées de la propriété du Conseil sans être sou- mises à des droits de séjour, après avoir été déchargées d'un navire». Alors, toujours selon ,la défenderesse, comment peut-on imposer des droits de séjour avant le chargement?
L'article 11 du Règlement B-3 précise davan- tage la durée du séjour gratuit:
11. (1) Le séjour gratuit commencera le jour suivant celui de la fin du déchargement de chaque navire à chaque poste et sera alloué comme il suit:
a) huit jours ouvrables dans le cas des marchandises qui doivent être mesurées ou inspectées, autrement que pour les formalités de la douane, par des fonctionnaires de Sa Majesté; et
b) cinq jours ouvrables, dans le cas de toutes autres marchandises.
(2) Le Conseil pourra, à discrétion, prolonger ou restreindre le séjour gratuit.
D'autres stipulations visant les marchandises assujetties au droit de séjour apparaissent à l'arti- cle suivant:
12. (1) Lorsque des marchandises seront devenues assujet- ties au droit de séjour, le propriétaire du navire fera en sorte que le Conseil reçoive à son bureau du port les marchandises auront été déchargées, avant midi le jour qui suit la date d'expiration du séjour gratuit prescrit à l'égard de ces marchan- dises, une liste en double exemplaire de ces marchandises, dressée sur une formule fournie par le Conseil.
Suite à ces deux articles, la défenderesse se demande comment cette obligation doit être ou peut être remplie lorsqu'il s'agit de marchandises à être chargées. De plus, la Partie III impose des droits de séjour sur les marchandises laissées sur la propriété du Conseil «à l'expiration du séjour gra- tuit». La défenderesse prétend donc que le Règle- ment B-3 n'impose pas de frais de séjour aux marchandises avant le chargement.
Il faut admettre que le Règlement B-3 n'est pas savamment rédigé. Toutefois, la clef du problème se trouve à l'exception de l'exception présentée par l'article 8(1): le droit de séjour prévu aux Parties I et III de l'Annexe ne sera pas imposable aux marchandises en transit sur une propriété autre qu'un hangar de transit. Pour ce qui a trait aux marchandises dans un hangar, il n'y a pas de droit de séjour gratuit.
Le règlement relie «droit de séjour», «séjour gratuit» et «déchargement de navire» aux marchan- dises «sur la propriété du Conseil»; mais l'article 8(1) exclut «un hangar de transit» de cette «pro- priété du Conseil».
Il est tout à fait normal que le Conseil n'impose pas de droit de séjour aux marchandises arrivant de l'extérieur qui sont déchargées sur le quai. Par contre, le Conseil ne peut pas se permettre de remiser gratuitement et indéfiniment dans ses han gars toutes les marchandises à expédier.
Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire de considérer les deux autres arguments alternatifs présentés par la demanderesse.
En conséquence, par le présent jugement, la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse la somme de $4,687.36 avec dépens.
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