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A-506-75
Le procureur général du Canada (Requérant) c.
La commission des relations de travail dans la Fonction publique (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Urie et le juge suppléant Kerr—Ottawa, les 15 et 16 janvier 1976.
Examen judiciaire—Fonction publique—La Commission des relations de travail a confirmé la décision d'un arbitre qui concluait au droit du plaignant d'être rémunéré pour le travail supplémentaire en vertu de la convention collective Aucune disposition expresse dans la convention collective—Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 23.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a confirmé la décision d'un arbitre concluant au droit du plaignant d'être rémunéré, en vertu de la convention collec tive, au taux heure pour heure à l'égard des 119 heures de travail supplémentaire. La convention collective prévoit une rémunération annuelle et une rémunération du travail accompli en plus des quarante-cinq heures hebdomadaires prescrites, au taux régulier majoré de moitié. Il s'agit de savoir si le plaignant avait droit à une rémunération à l'égard des heures supplémen- taires non expressément prévues par la convention, à savoir les heures supplémentaires non comprises dans l'expression «heures de travail effectuées au-delà de quarante-cinq... heures dans une semaine de travail».
Arrêt: la décision est annulée; le litige est renvoyé à la Commission, avec une directive lui ordonnant de statuer que l'arbitre a erré en droit et de renvoyer le grief à ce dernier. Si nous supposons qu'auparavant la rémunération annuelle des membres de professions libérales valait pour tous les services rendus, il est facile de concevoir l'arrangement inséré dans la convention collective comme un compromis entre une rémuné- ration calculée à un taux majoré pour toutes les heures supplé- mentaires, et aucune rémunération. On ne peut pas la considé- rer comme prévoyant de façon implicite le paiement du travail supplémentaire qu'elle n'a pas expressément prévu. L'article 20.01 de la convention prescrit que, sous réserve des autres clauses de cet article, les «conditions existantes régissant l'appli- cation de la rémunération ne sont pas modifiées». Reste la question de savoir si, en vertu des «conditions ... régissant l'application de la rémunération» aux employés en cause avant la signature de la convention, le plaignant a droit à la rémuné- ration réclamée pour le travail supplémentaire; cette question doit être examinée lors du renvoi à l'arbitre.
Arrêt analysé: Trollope & Colls Ltd. c. North West Metropolitan Regional Hospital Board [1973] 2 All E.R. 260.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
D. Friesen pour le requérant.
J. D. Richard et J. A. Kavanagh pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 28 aux fins d'annuler une décision de la Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique.
Le 30 mai 1974, l'arbitre a rendu une décision à propos d'un grief soumis par Donald Garth Evely et qui se rapporte à une réclamation relative au paiement d'heures de travail supplémentaires.
La réclamation se fonde sur une convention signée. le 23 mars 1973 entre le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel du service public du Canada relative au groupe «Génie et arpentage» (ci-après appelée «convention collective»). L'arbi- tre a conclu que le plaignant avait droit à la rémunération des heures supplémentaires en vertu de cette convention et a rendu une décision dont voici un extrait:
... et pour les raisons déjà mentionnées, il est fait droit au grief, et j'ordonne à l'employeur de rémunérer l'employé s'esti- mant lésé au taux «heure pour heure» pour les cent dix-neuf heures de travail que ce dernier a exécutées durant la période en question ....
En vertu de l'article 23 de la Loi sur les rela tions de travail dans la Fonction publique, qui prévoit notamment que:
23. Lorsqu'une question de droit ou de compétence se pose à propos d'une affaire qui a été renvoyée au tribunal d'arbitrage ou à un arbitre, en conformité de la présente loi, le tribunal d'arbitrage ou l'arbitre, selon le cas, ou l'une des parties peut renvoyer la question à la Commission, pour audition ou décision .. .
le Conseil du Trésor a renvoyé à la Commission des relations de travail dans la Fonction publique la question suivante:
[TRADUCTION] L'arbitre a-t-il erré en droit ou excédé sa com- pétence en décidant que le plaignant a droit d'être rémunéré au taux «heure pour heure» pour les 119 heures de travail que ce dernier a exécutées durant la période en question?
En septembre 1975, la Commission des relations de travail dans la Fonction publique a rendu une décision majoritaire qui conclut de la façon suivante:
37. Par conséquent, nous concluons que l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit en interprétant la convention collec tive comme il l'a fait.
38. Aussi faut-il rejeter le présent renvoi à l'arbitrage.
Cette décision constitue l'objet de la présente demande en vertu de l'article 28.
Dans la mesure cela s'avère pertinent, la convention collective prévoit
a) une rémunération annuelle à chaque membre de ce groupe d'employés (voir l'article 20);
b) une «semaine de travail normale», visée à l'article 17.01 dont voici la teneur:
**17.01 La semaine de travail normale est de trente-sept heures et demie (37 1 / 2 ) et la journée de travail normale est de sept heures et demie (7 1 / 2 ). L'employeur peut faire varier ces durées afin de pouvoir mettre en vigueur des heures d'été et des heures d'hiver ou pour faire face aux conditions changeantes du service, pourvu que le total annuel des heures égale le total qui serait obtenu sans variations.
et
c) la rémunération relative aux «heures supplé- mentaires», visée à l'article 18 dont voici l'ex- trait qui se rapporte au grief en cause:
**18.03 Tout employé exécutant des travaux sur le terrain qui. est tenu de travailler des heures supplémentaires touche une rémunération calculée à tarif et demi (1 1 / 2 ) pour chacune des heures de travail effectuées au delà de quarante-cinq (45) heures dans une semaine de travail au cours de laquelle il exécutait de tels travaux.
Le grief a soulevé la question de savoir si le plaignant avait droit d'être rémunéré pour des heures supplémentaires à l'égard desquelles la con-
vention collective ne comporte aucune disposition expresse, c'est-à-dire des «heures supplémentai- res»' qui ne sont pas comprises dans l'expression «heures de travail effectuées au-delà de quarante- cinq (45) heures dans une semaine de travail> de l'article 18.03.
De fait, selon ce qui parait être le point de vue adopté par l'arbitre et la Commission, puisque la convention a prévu une rémunération calculée à tarif et demi pour les heures de travail supplémen- taires effectuées au-delà de 45 heures par semaine, les parties à la convention ont nécessairement eu l'intention de rémunérer les autres heures supplé- mentaires à un taux «régulier» ou, suivant l'expres- sion employée dans la convention, à un taux «heure pour heure».
A mon avis, maints contrats ne peuvent être intelligemment compris que si on tient compte de la situation qu'ils visaient à corriger, et ceci est particulièrement vrai des conventions collectives. En l'espèce, si nous supposons (ce qui semble possible compte tenu de la formulation de la dispo sition relative aux heures supplémentaires) que, juste avant la signature de la première convention collective comportant les dispositions précitées, la rémunération annuelle de membres de professions libérales comme le plaignant prévue dans la con vention valait pour tous les services rendus (que leur exécution exige moins ou plus que le nombre d'heures de travail normales), il est bien facile de concevoir l'arrangement inséré dans cette conven tion collective comme étant l'expression d'un com- promis entre une rémunération calculée à un taux majoré pour toutes les heures supplémentaires et aucune rémunération pour ces mêmes heures—
'L'article 2.01h) définit les «heures supplémentaires» de la façon suivante:
«heures supplémentaires» désigne tout travail exécuté par un employé en excédent de ses heures normales d'horaire de travail;
situation tout à fait normale pour des membres de professions libérales 2 . Dans les circonstances, j'es- time qu'on ne peut pas considérer la convention collective comme prévoyant de façon implicite le paiement d'une rémunération pour des heures sup- plémentaires qu'elle n'a pas expressément prévu.
Cette conclusion ne règle toutefois pas la ques tion. Voici le texte de l'article 20.01 de la conven tion collective.
**20.01 Sous réserve des clauses suivantes, les conditions existantes régissant l'application de la rémunération aux employés ne sont pas modifiées par la présente convention.
Ayant conclu que la convention collective elle- même ne confère pas un droit à une rémunération pour les heures supplémentaires en l'espèce, reste la question de savoir si, en vertu des «conditions ... régissant l'application de la rémunération» aux employés en cause juste avant la signature de la première convention collective, le plaignant a droit à la rémunération réclamée pour les heures supplémentaires.
A mon avis, il faut annuler la décision de la Commission, lui renvoyer le litige et l'enjoindre de répondre à la question de droit en statuant que l'arbitre a erré en droit quand il a conclu que le plaignant était fondé, en vertu de la convention collective, à être rémunéré au taux «heure pour heure» pour les périodes en cause, et de renvoyer l'affaire à l'arbitre pour qu'il examine la question
2 Si cette supposition est exacte et si dans l'état antérieur des choses il n'existait pas de rémunération pour les heures supplé- mentaires, il est quasi inconcevable que les parties aient con- venu d'une rémunération calculée à taux régulier pour certaines heures supplémentaires et à taux majoré de moitié pour d'au- tres sans le signifier de façon expresse. Par contre, si, dans l'état antérieur des choses, on calculait la rémunération à taux régulier pour toutes les heures supplémentaires et si le change- ment consistait en une augmentation à taux majoré de moitié pour certaines heures, la clause actuelle est alors une réalisation concevable de ce changement. Pour des indices sur la façon d'aborder la question de savoir quand il faut conclure à l'exis- tence implicite d'une obligation sous-entendue dans une con vention écrite, voir l'arrêt Trollope & Colls Ltd. c. North West Metropolitan Regional Hospital Board [1973] 2 All E.R. 260.
de savoir si le plaignant a droit à cette rémunéra- tion en vertu des conditions mentionnées dans l'article 20.01 de la convention collective.
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LE JUGE URIE y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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