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T-3545-74
N. J. Douek and Sons Ltd. et autre (Deman- deresses)
c.
Le navire Banggai et ses propriétaires et autres (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, le l er mars; Ottawa, le 4 mars 1976.
Droit maritime—Requête en annulation de la déclaration— Connaissement pour le transport de Nouvelle-Guinée à Mon- tréal—Cargaison déchargée à Rotterdam et transbordée sur un autre navire La cause d'action repose-t-elle sur un con- trat passé à l'étranger?—Est-ce un connaissement direct?— Règle 307 de la Cour fédérale.
Les défendeurs, sous couvert d'un connaissement sans réserve, délivré à Lae, en Nouvelle-Guinée, ont reçu des demanderesses une cargaison de café, à destination de Mont- réal. Au lieu de cela, les défendeurs l'ont déchargée à Rotter- dam, elle a été transbordée sur le navire des codéfendeurs, et un autre connaissement a été délivré. A l'arrivée, il manquait une partie de la cargaison et les demanderesses ont demandé des dommages-intérêts pour violation de contrat et négligence. Les défendeurs ont fait valoir que la cause d'action reposait sur un contrat conclu à l'étranger, aux termes duquel ils pouvaient décharger la cargaison dans le port de leur choix et la faire transborder sur un autre navire, leur responsabilité étant alors limitée à la partie du transport effectuée par eux. Ils font valoir qu'ils ne peuvent être tenus responsables en vertu du connaisse- ment délivré à Rotterdam, que s'il y a eu violation de contrat, celle-ci s'est produite en dehors du Canada, et que le contrat leur permet de se placer sous la juridiction de la Cour de Rotterdam.
Arrêt: les défendeurs restent parties à l'instance. Le connais- sement du Banggai est direct, bien qu'il prévoie la possibilité d'un transport intermédiaire. Les défendeurs se sont engagés à transporter la cargaison à Montréal, port de destination et le fret était payé d'avance. On ne s'est aperçu de la perte qu'à l'arrivée; les demanderesses ne peuvent pas dire celle-ci s'est produite. L'ordonnance de signification ex juris a été faite en bonne et due forme. Les renseignements supplémentaires, y compris la clause attributive de compétence, n'autorisent pas à l'annuler.
Distinction faite avec l'arrêt: Oy Nokia Ab c. Le navire «Martha Russe [1974] 1 C.F. 410. Arrêt appliqué: Liquor Control Board (Ont.) c. Le »Bentainer» [1975] C.F. 238.
REQUÊTE. AVOCATS:
M. de Man pour les demanderesses. S. Harrington pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour les demanderesses.
McMaster, Meighen, Minnion, Patch, Cor- deau, Hyndman & Legge, Montréal, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Les défendeurs, soit les propriétaires du navire Banggai et Koninklijke Nedlloyd B. V., demandent par la présente requête que soit annulée la signification qui leur a été faite de la déclaration. Cette signification a été faite conformément à une ordonnance rendue par cette cour, autorisant la signification aux défendeurs hors de son ressort. Un acte de comparution condi- tionnelle a été déposé au nom des défendeurs.
Les faits à l'origine de cette action, selon l'ex- posé qui en est fait dans la déclaration, peuvent se résumer de la façon suivante. Les demanderesses étaient propriétaires d'une cargaison de café que les défendeurs, sous couvert d'un connaissement sans réserve, délivré à Lae, en Nouvelle-Guinée, ont reçue à bord de leur navire Banggai au port de Lae, avec mission de la transporter et de la livrer au port de Montréal (Québec), au Canada. Au lieu de décharger la cargaison au port de Montréal, les défendeurs l'ont déchargée au port de Rotterdam, elle a été transbordée sur le navire Manchester Concorde appartenant à la codéfenderesse Man- chester Liners Limited et exploité par celle-ci; un autre connaissement a alors été délivré. A l'arrivée du Manchester Concorde à Montréal, il manquait 20 poches de café. Après avoir exposé ces faits, les demanderesses demandent à être indemnisées par les défendeurs des dommages subis, aux motifs: 1. que les défendeurs ont violé leur contrat, et 2. qu'ils ont été négligents, engageant leur responsa- bilité à la fois sur le plan contractuel et sur le plan délictuel.
La cause d'action, soutiennent les défendeurs- requérants, repose sur un contrat de transport conclu ailleurs qu'au Canada. Aux termes de ce contrat, ajoutent-ils, ils pouvaient, en route pour Montréal, décharger la cargaison dans le port de leur choix et la faire transborder sur un autre navire, leur responsabilité étant limitée, dans ce
cas, à la partie du transport effectuée par eux. Ils ne peuvent, affirment-ils, être tenus responsables en vertu du connaissement délivré à Rotterdam par la défenderesse Manchester Liners Limited et sous couvert duquel les marchandises ont été trans- portées à Montréal. S'il y a eu violation de contrat de leur part, déclarent-ils enfin, cette violation s'est produite en dehors du Canada, et la clause 28 du contrat leur permet de toute façon de se placer sous la juridiction de la Cour de Rotterdam, ce qu'ils font d'ailleurs. Cette clause porte que:
[TRADUCTION] 28. Juridiction. Toute action susceptible d'être intentée en vertu du présent contrat de transport le sera devant la Cour d'Amsterdam ou de Rotterdam, au choix du transpor- teur, et aucune autre cour ne sera compétente pour connaître d'une telle action, sauf si le transporteur se pourvoit devant une autre juridiction.
Je ne suis pas d'accord avec ces prétentions des défendeurs. Il me semble que le contrat qu'ils ont souscrit, soit le connaissement visant le Banggai, est un connaissement direct, même s'il prévoit l'éventualité de transporteurs intermédiaires. Les défendeurs se sont engagés à assurer le transport de la cargaison des demanderesses de Lae à Mont- réal. La destination était Montréal et le fret était payé d'avance. Ce n'est qu'au moment de la livrai- son qu'on a pu constater la perte et les demande- resses disent ne pas être en mesure d'établir celle-ci s'est produite.
Les faits en l'espèce diffèrent de ceux dans l'affaire Oy Nokia Ab c. Le navire «Martha Russ» 1 , invoquée par les défendeurs. Dans cette affaire, d'une part, il y avait manifestement deux connaissements distincts et, d'autre part, il était possible, semble-t-il, de déterminer le lieu le dommage s'était produit. En revanche, les faits en l'espèce sont analogues à ceux de l'affaire Liquor Control Board (Ont.) c. Le «Bentainer» 2 , dans laquelle le juge Walsh a rejeté la requête en annulation.
La Règle 307 de la Cour fédérale, qui traite de la signification ex juris, accorde discrétion à la Cour en cette matière. Le juge Dubé, compte tenu de l'affidavit et des faits qui lui avaient été présen- tés, a correctement exercé cette discrétion en ren- dant l'ordonnance du 29 septembre 1975. En ce qui concerne la présente requête en annulation de
' [ 1974] 1 C.F. 410. a [1975] C.F. 238.
l'ordonnance, je décide que les renseignements supplémentaires fournis dans l'affidavit à l'appui, y compris les renseignements relatifs à la clause de juridiction précitée', ne justifient pas l'annulation de la signification.
Les défendeurs, soit les propriétaires du navire Banggai et Koninklijke Nedlloyd B.V., resteront parties à la procédure.
' Voir à ce sujet: Polito c. Gestioni Esercizio Navi Sicilia Gens, [1960] R.C.É. 233; The Fehmarn [1957] 2 Lloyd's Rep. 551.
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