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T-3111-75
Richard Robert Easton (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier— Ottawa, le 22 mars et le ler avril 1976.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu—A la fin de 1971, le demandeur avait des comptes à recevoir qu'il n'avait pas calculés selon le système de comptabilité de caisse—Il fait valoir que l'art. 23(3)a) des Règles d'application de l'impôt sur le revenu n'était pas en vigueur en 1971; il n'a déduit aucun montant en vertu de celui-ci—Interprétation de l'article 23 des RAIR—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 85F; S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 34(1)b) Art. 9, 23(1)-(4) des Règles d'application de l'impôt sur le revenu 1971.
A la fin de 1971, le demandeur, un avocat, avait des comptes à recevoir qu'il n'a pas inclus dans le revenu de l'année 1971 et des années antérieures selon son système de comptabilité de caisse. Il n'a déduit aucun montant en vertu de l'article 23(3)a)(i) des Règles d'application de l'impôt sur le revenu, car il prétend que l'alinéa a) n'était pas en vigueur en 1971. Selon son interprétation de l'article 23(3)a)(i), la somme à déduire en ce qui concerne l'année 1971 doit être égale à «zéro», que le contribuable ait utilisé la comptabilité de caisse ou la comptabilité d'exercice; le «montant le moins élevé» auquel réfère l'article 23(3)a) sera toujours «zéro». En outre, il a fait valoir que pour l'année 1972 la somme déductible en vertu de l'alinéa a) est, selon l'article b), réputée être égale aux comptes à recevoir de 1971. Il a de plus fait valoir qu'aucune somme n'avait été déduite vu que a) n'était pas en vigueur, de sorte qu'il n'y a rien à ajouter au revenu en vertu de l'alinéa c). La défenderesse a allégué qu'au sens clair des mots, la somme visée à l'article 23(3)b) renvoie à la somme mentionnée à l'article 23(3)a)(i).
Arrêt: l'action est rejetée. Bien qu'on puisse espérer que l'alinéa (3)b) ait fait une référence spécifique au sous-alinéa a)(i) plutôt qu'à l'alinéa a) dans son ensemble, cela n'entraîne aucun changement au sens clair des alinéas a) et b) lus ensemble. La somme à laquelle il est fait référence au sous-ali- néa a)(i) est réputée, pour l'année 1972, être égale aux comptes à recevoir de 1971 et la somme visée par le sous-alinéa a)(ii) est la participation aux investissements à la fin de 1972. Ici, la somme la moins élevée est la participation aux investissements du demandeur; c'est cette somme qu'il peut déduire en vertu de l'alinéa a). L'alinéa c), lorsqu'on lit l'article 23 dans son ensemble, ne peut que renvoyer à la somme mentionnée au sous-alinéa a)(i). En l'espèce, c'est réputé être égal aux comptes à recevoir de 1971.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
R. R. Easton, c.r., pour lui - même.
N. A. Chalmers, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
R. R. Easton, c.r., Windsor, pour lui-même. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Le demandeur est un avocat. En 1972 et au cours des années antérieures il a exercé sa profession à Windsor (Ontario). Il exer- çait et exerce «une profession libérale»'. Au cours des années d'imposition antérieures au l er janvier 1972, il avait choisi de calculer son revenu selon le système de la comptabilité de caisse, comme il en avait le droit en vertu de l'ancienne Loi 2 . Selon cette méthode, il n'incluait pas dans le revenu d'une année les honoraires facturés mais non payés (comptes à recevoir) à la fin de son année d'impo- sition. En comptabilité d'exercice, on incluerait normalement les comptes à recevoir dans le calcul.
Conformément à l'alinéa 34(1)b) de la Loi nou- velle 3 il faut maintenant inclure les comptes à recevoir. Cette disposition s'applique aux années d'imposition 1972 et suivantes'. Elle n'est pas rétroactive.
Le litige porte sur la question de savoir com ment le demandeur doit calculer son revenu pour l'année d'imposition 1972. Il résulte du fait qu'à la fin de 1971 le demandeur avait des comptes à recevoir qu'il n'a pas inclus dans le calcul pour l'année 1971 et les années antérieures selon son système de comptabilité de caisse. Il faut résoudre le problème en interprétant correctement l'article 23 des RAIR. Voici cet article à l'exception du paragraphe (5):
23. (1) Peut être déduite, lors du calcul du revenu qu'un contribuable tire, pour l'année d'imposition 1972, d'une entre- prise qui est une profession libérale, la totalité des sommes
Voir le paragraphe 34(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63, article 1. En donnant ces motifs, j'utiliserai les expressions «ancienne Loi» ou «Loi antérieure» et «Loi nouvelle» ou «Loi modifiée».
2 Voir article 85F de l'ancienne Loi.
3 L'alinéa 34(1)d) semble impliquer qu'une «personne exer- çant une profession libérale» doit également, aux fins du calcul de son revenu, inclure une somme relative au travail en cours, à moins qu'il choisisse de ne pas agir ainsi.
Règles d'application de l'impôt sur le revenu 1971, article 9 (troisième partie de la Loi modificative). Je renverrai à ces dispositions sous l'appellation RAIR.
payables par lui relativement à l'entreprise à la fin de l'exercice financier 1971 de l'entreprise, dans la mesure elles n'étaient pas déductibles lors du calcul du revenu qu'il a tiré de l'entre- prise pour cette année, mais l'auraient été s'il les avait payées dans cette année.
(2) Lorsqu'un contribuable n'a pas exercé un choix en vertu de l'alinéa 34(1)d) de la loi modifiée, relativement au revenu qu'il a tiré d'une entreprise qui est une profession libérale, pour son année d'imposition 1972, le travail en cours relativement à l'entreprise, au début de l'exercice financier 1972 de celle-ci, doit être évalué au même montant que celui auquel il était évalué à la fin de l'exercice financier 1971 de l'entreprise aux fins du calcul de son revenu tiré de cette entreprise pour l'année d'imposition 1971.
(3) Aux fins du calcul du revenu qu'un contribuable a tiré d'une entreprise qui est une profession libérale pour une année d'imposition se terminant après 1971, les règles suivantes s'appliquent:
a) peut être déduite la somme dont il demande la déduction, somme qui ne doit pas dépasser le moins élevé des montants suivants:
(i) le montant déduit en vertu du présent alinéa, lors du calcul du revenu que le contribuable a tiré de l'entreprise pour l'année d'imposition précédente, ou
(ii) la participation aux investissements que le contribua- ble détient dans l'entreprise à la fin de l'année;
b) lorsque l'année d'imposition est l'année d'imposition 1972 du contribuable, la somme déduite en vertu de l'alinéa a), lors du calcul du revenu que le contribuable a tiré de l'entreprise pour l'année d'imposition précédente, est réputée être une somme égale aux sommes à recevoir par le contri- buable pour 1971, relativement à l'entreprise;
c) la somme déduite en vertu de l'alinéa a) sera incluse dans le calcul du revenu que le contribuable a tiré de l'entreprise pour l'année d'imposition précédente; et
d) seront incluses les sommes reçues par le contribuable, dans l'année, au titre de créances de l'entreprise qui avaient été déclarées mauvaises créances avant la fin de l'exercice financier 1971 de l'entreprise.
(4) L'alinéa (3)a) n'a pas pour effet d'autoriser une déduc- tion lors du calcul du revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise qui est une profession libérale,
a) pour l'année d'imposition au cours de laquelle celui-ci est décédé, ou
b) pour toute année d'imposition,
(i) si, dans le cas d'un contribuable qui, à aucun moment de l'année, n'a résidé au Canada, celui-ci a cessé d'exploi- ter son entreprise, ou
(ii) si, dans-le cas de tout autre contribuable, celui-ci a cessé de résider au Canada
à une date quelconque de l'année ou de l'année suivante.
On évoquera mieux le désaccord entre les par ties en exposant les méthodes de calcul revendi- quées d'une part par le contribuable, et par le Ministre d'autre part. Les parties sont d'accord sur
les présents chiffres utilisés dans chaque méthode pour parvenir au résultat final.
Méthode de calcul du demandeur
I. Revenu net de 1972 tiré d'une profession
libérale conformément à l'article 34 etc. $17,164.46
2. Alinéa a) de l'article 23(3) des RAIR Déduire le moins élevé des montants suivants:
(i) Somme déduite en vertu de l'alinéa a) dans le calcul du revenu de l'année d'imposi- tion 1971—étant donné que cet alinéa a) n'était pas en vigueur pour l'année d'imposi- tion 1971 (voir article 9 des RAIR), cette
somme est— Zéro
(ii) Participation aux investissements pour 1972, suivant la définition donnée à l'article
23(5)a)(i) des RAIR— $ 9,765.18
Le montant le moins élevé de (i) et de (ii)
est Zéro
3. Alinéa b) de l'article 23(3) des RAIR
Déduire:
Une somme égale aux comptes à recevoir en 1971 par le demandeur (suivant la définition donnée à l'article 23(5)c)(1) des RAIR— plutôt que la somme nulle déduite en vertu de l'alinéa a) du poste 2 ci-dessus, cette somme, pour l'année d'imposition 1972 seu-
lement, est réputée s'élever à 14,702.01
$ 2,462.45
4. Alinéa c) de l'article 23(3) des RAIR
Ajouter la somme déduite—comme au poste 2 ci-dessus—en vertu de l'alinéa a) de l'arti- cle 23(3) des RAIR dans le calcul du revenu de l'année d'imposition 197l—étant donné que l'alinéa a) n'était pas en vigueur pour l'année d'imposition 1971, la somme à ajou-
ter s'élève encore à— Zéro
REVENU NET DE 1972 TIRE D'UNE ENTREPRISE
UNIPERSONNELLE AUX FINS D'IMPOSITION $ 2,462.45
Calcul du Ministre
Revenu net tiré d'une profession libérale $17,164.46
Déduire:
Conformément à l'article 23(3)a) des
RAIR le moins élevé des montants suivants:
(i) acomptes à recevoir de 1971. $14,702.01
(ii) aparticipation aux investissements. à
la fin de l'année d'imposition 1972 9,765.18 9,765.18
Ajouter:
Conformément à l'article 23(3)c) des
RAIR (comptes à recevoir de 1971) $14,702.01 14,702.01
Revenu net de 1972 tiré d'une entreprise
unipersonnelle aux fins d'imposition $22,101.29
Pour appuyer son calcul, le demandeur analyse. ou interprète le paragraphe 23(3) de la façon suivante: la déduction visée à l'alinéa a) est le montant le moins élevé du sous-alinéa (i) ou du sous-alinéa (ii); le demandeur n'a déduit, pour le calcul de son revenu de 1971, aucun montant en vertu du sous-alinéa a)(i). La raison simple, sur
laquelle les avocats sont d'accord, en est que l'ali- néa a) n'était pas en vigueur en 1971 5 . Par consé- quent, la réponse arithmétique au sous-alinéa a)(i) est selon le demandeur «zéro».
Selon l'interprétation donnée par le demandeur du sous-alinéa a)(i), la somme sera toujours égale à «zéro», en ce qui concerne l'année 1972 seule- ment, que le contribuable ait utilisé la comptabilité de caisse ou la comptabilité d'exercice; pour le calcul du revenu de 1972 de toutes les personnes exerçant une profession libérale, le «montant le moins élevé» auquel les premières lignes de l'alinéa a) se réfèrent sera inexorablement «zéro».
Le demandeur invoque ensuite l'alinéa b). Il fait valoir qu'il est hors de tout doute que la somme qui en 1972 pouvait être réclamée à titre de déduction en vertu de l'alinéa a) serait, comme il a été démontré ci-dessus, égale à «zéro» dans tous les cas. Le demandeur déclare ensuite que pour 1972 seulement la somme à déduire en vertu de l'alinéa a) (et non pas en vertu du sous-alinéa a)(i)) est réputée être égale aux comptes à recevoir de 1971; c'est, dit-il, ce que signifie l'alinéa b). Autrement dit, le demandeur prétend qu'on ne se demande pas pour l'année d'imposition 1972 si une somme est inférieure à une autre; la somme qui peut être déduite en vertu de l'alinéa a) est, conformément au sens clair de l'alinéa b), égale aux comptes à recevoir de 1971.
Le demandeur invoque ensuite l'alinéa c). Il fait valoir que l'alinéa a) n'était pas en vigueur pour l'année d'imposition 1971; que les personnes exer- çant une profession libérale n'ont déduit aucune somme dans le calcul de leur revenu de 1971, conformément aux règles exposées à cet alinéa; le résultat arithmétique est de nouveau «zéro». La somme qu'il faut ajouter au revenu est par consé- quent «zéro», et non pas la somme déduite aupara- vant par application de l'alinéa a) en raison de la disposition de l'alinéa b) qui crée une présomption.
Comme le montre le calcul exposé ci-dessus, la défenderesse n'est pas d'accord sur cette analyse ou interprétation de l'article 23. L'avocat du Ministre prétend qu'au sens clair, ordinaire et
5 L'article 23 pris globalement couvre, à mon avis, toutes les personnes exerçant une profession libérale qu'elles aient utilisé la comptabilité de caisse ou la comptabilité d'exercice avant 1972. Certaines parties de l'article 23 peuvent ne s'appliquer qu'à une méthode ou à un contribuable.
grammatical des mots et phrases utilisés, la somme visée à l'alinéa b) renvoie évidemment à la somme mentionnée au sous-alinéa a)(i). Je suis d'accord avec cette prétention.
On pourrait peut-être espérer que l'alinéa b) ait fait une référence spécifique au sous-alinéa a)(i) plutôt qu'à l'alinéa a) dans son ensemble. Je ne pense pas que cela entraîne un changement quel- conque au sens clair et grammatical des alinéas a) et b) lus ensemble. A mon avis, l'interprétation et le calcul du Ministre sont exacts. La somme à laquelle il est fait référence au sous-alinéa a)(i) est réputée, pour l'année 1972, être égale aux comptes à recevoir de 1971. La somme à laquelle il est fait référence au sous-alinéa a)(ii) est la participation aux investissements à la fin de 1972. En se fondant sur les faits de cet appel, la somme la moins élevée est la participation aux investissements du contri- buable et c'est cette somme qu'il peut déduire en vertu de l'alinéa a).
A mon avis, le demandeur ne donne pas une interprétation tout à fait logique de l'alinéa c). Selon son analyse, il prétend qu'en vertu de l'ali- néa a) il a droit de déduire pour 1972 le montant des comptes à recevoir de 1971 mais, lorsqu'il arrive à l'alinéa c), il n'inclut pas «la somme déduite en vertu de l'alinéa a)» mais une autre somme qui, selon lui, doit toujours être égale à «zéro» pour 1972.
L'avocat de la défenderesse prétend, et je l'ap- prouve, que l'alinéa, c) (lorsqu'on lit l'article 23 dans son ensemble) ne peut que renvoyer à la somme mentionnée au sous-alinéa a)(i); dans ce cas précis, et pour l'année 1972 seulement, la somme est réputée être égale aux comptes à rece- voir de 1971.
En résumé, je suis d'accord avec l'analyse et l'interprétation de l'ensemble de l'article 23 avan- cées par la défenderesse. A mon avis, l'article 23 ne contient aucune ambiguïté ou lacune en ce qui a trait aux faits de cette affaire. A mon avis, le sens grammatical ordinaire qu'il faut donner aux mots, aux phrases, alinéas et sous-alinéas appuie l'inter- prétation avancée par la défenderesse.
L'action est rejetée et la cotisation établie par le Ministre confirmée.
A la fin des débats, l'avocat de la défenderesse a indiqué qu'elle ne demanderait pas la restitution des dépens si elle avait gain de cause. Par consé- quent, il ne sera rendu aucune ordonnance en ce qui concerne les dépens.
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