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T-3908-71
Marjorie Hexter Stein, en son nom ainsi qu'en qualité de veuve de feu Charles Simmon Stein et de co-exécutrice de la succession de ce dernier, Maurice Schwarz et William I. Stein, co-exécu- teurs de ladite succession (Demandeurs)
c.
Les navires Kathy K (connu également sous le nom de Storm Point) et S. N. 1, Egmont Towing & Sorting Ltd., Shields Navigation Ltd. et Leonard David Helsing (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, les 10 et 19 décembre 1975.
Droit maritime—Accident maritime—Les demandeurs veu- lent obtenir une ordonnance relativement aux frais—La Cour est-elle encore compétente?—Règles 337(2)b),(5), 344(1),(4),(7) de la Cour fédérale—Contributory Negligence Act, S.R.C.-B. 1960, c. 74, art. 2 et 4.
A la suite de l'abordage survenu entre le Kathy K qui remorquait le S. N. No 1 et un voilier ayant pour équipage le défunt et son fils, le juge de première instance a attribué la responsabilité à raison de 75% au remorqueur et 25% au voilier. La Cour d'appel a jugé que la négligence du défunt et de son fils était seule responsable mais, en appel, la Cour suprême du Canada a appliqué les dispositions de la Contributory Negli gence Act (C. -B.) et a décidé que la responsabilité doit être proportionnelle à la faute. Les demandeurs veulent obtenir une ordonnance relativement aux frais a) des instructions seraient données portant que toutes les démarches faites font partie de la classe III, b) portant que les demandeurs recouvre- ront 75% de leurs frais jusqu'au 31 janvier 1972 et 100% après cette date ou c) 100%. Les défendeurs affirment que la Cour n'est plus compétente.
Arrêt: la requête est accueillie, la Cour n'a pas perdu compé- tence. Les parties et la Cour ont agi en prenant pour acquis que les demandes présentées par les demandeurs au sujet des frais étaient encore pendantes et qu'il n'était pas nécessaire de présenter de nouvelles requêtes ou demandes dans un délai donné. Toutes les parties ont oublié que la question des dépens n'était pas encore réglée ou elles l'ont mise de côté. Les demandeurs n'introduisent rien de nouveau mais ils cherchent à faire régler essentiellement les mêmes questions que les parties avaient laissées en suspens et ils recouvreront tous leurs dépens. Cependant, comme le juge de première instance a décidé que l'une des personnes au nom de qui l'action est intentée (le fils, qui tenait la barre) était partiellement responsable, l'arrêt Thomson, qui traite de l'article 4 de la Contributory Negli gence Act (C. -B.), ne s'applique pas en l'espèce. Les défendeurs ont droit à une réduction des dépens; une partie de la responsa- bilité incombe au fils. Comme aucune répartition des domma- ges-intérêts n'a été établie, les défendeurs recouvreront 8% de leurs dépens.
Arrêt analysé: Thomson c. B.C. Toll Highways & Bridges Authority (1965) 49 D.L.R. (2') 383.
REQUÊTE. AVOCATS:
J. R. Cunningham pour les demandeurs. D. B. Smith pour les défendeurs.
PROCUREURS:
McCrae, Montgomery, Hill et Cunningham, Vancouver, pour les demandeurs.
Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Les demandeurs veulent obtenir une ordonnance relativement aux frais:
(1) des instructions seraient données, confor- mément à la Règle 346(1) et à l'article 1 du tarif B et du tarif A, portant que toutes les démarches faites et toutes les mesures prises dans cette action font partie de la classe III plutôt que de la classe II;
(2) portant que les demandeurs peuvent recou- vrer des défendeurs 75 pour cent des frais de cette action jusqu'au 31 janvier 1972 et 100 pour cent de leurs frais après cette date; ou, subsidiairement,
(3) portant que les demandeurs peuvent recou- vrer des défendeurs 100 pour cent de leurs frais dans cette action 1 .
L'avocat des défendeurs prétend que les deman- deurs ne sont plus dans les délais, ou qu'ils ont beaucoup trop tardé à présenter cette demande, et que la Cour n'est plus compétente à rendre une ordonnance spéciale relativement aux frais. Si je comprends bien, dans de telles circonstances, la Cour, selon l'avocat des défendeurs, ne doit rendre aucune ordonnance quant aux frais ou, à sa discré- tion, doit statuer que les demandeurs ont droit à 75 pour cent de leurs frais et les défendeurs à 25 pour cent des leurs. Dans ce dernier cas, il y aurait correspondance avec la répartition de la responsa- bilité établie par le juge de première instance et finalement confirmée par la Cour suprême du Canada.
Cette dernière possibilité a été ajoutée au moment de l'audition de la présente requête. Si elle est nécessaire pour des raisons de procédure, j'autorise la modification de l'avis de requête dans le sens approprié.
Pour ce qui est de faire passer cette action de la classe II à la classe III, les défendeurs prétendent que, quoi qu'il arrive, le bien-fondé de cette mesure n'a pas été établi.
Venons-en tout d'abord à la prétention selon laquelle la Cour n'est plus compétente à rendre des ordonnances spéciales ou à donner des instructions à ce sujet. Il est nécessaire d'exposer de façon assez détaillée, je le crains, les événements qui ont donné lieu à cette procédure.
Il s'agit d'une action en dommages-intérêts intentée à la suite du décès de Charles Simmon Stein, tué dans un accident maritime survenu dans le port de Vancouver le 27 juin 1970. Le défunt et son fils Ross Simmon Stein (né le 28 septembre 1953) faisaient de la voile; ce dernier était le barreur et son père l'équipier. Du point de vue juridique, les demandeurs dans cette action sont la veuve, qui poursuit en sa qualité personnelle, et deux autres exécuteurs de la succession du défunte. L'action est intentée en conformité de la partie 18 de la Loi sur la marine marchande du Canada' au nom de la veuve et de trois enfants du défunt, dont Ross Simmon Stein.
Le 31 janvier 1972, les avocats des demandeurs ont envoyé la lettre suivante aux avocats des défendeurs:
[TRADUCTION] Les interrogatoires préalables du capitaine du navire KATHY x et du seul survivant du voilier étant termi- nés, il semble que les circonstances de l'abordage sont connues de toutes les parties à l'action. Conformément aux instructions de nos clients, nous faisons par les présentes, pour leur compte, l'offre ferme de régler la question de la responsabilité de l'abordage en cause en attribuant 75 pour cent de la responsa- bilité aux défendeurs, le Registraire devant fixer le quantum des dommages-intérêts à défaut d'entente entre les parties. Cette offre est faite dans le but d'éviter les frais du procès portant sur la question de la responsabilité.
Si cette offre est rejetée et que la Cour attribue à vos clients 75 pour cent ou plus de la responsabilité de l'abordage, nous demanderons naturellement à la Cour d'ordonner qu'au moins tous les frais taxables engagés à partir d'aujourd'hui soient payés par vos clients.
Les défendeurs n'ont pas accepté l'offre. Par la suite, comme je l'ai dit, la Cour a fixé à 75 pour cent la responsabilité des défendeurs.
2 La veuve poursuit également en qualité de co-exécutrice.
3 S.R.C. 1952, c. 29 et ses modifications.
Par accord des parties, l'action a été entendue en deux étapes. La question de la responsabilité a été débattue la première, sur une période de sept jours, en avril 1972. Le juge Heald a rendu les motifs du jugement le 2 mai 1972. 4 Il a attribué la responsabilité de l'accident mortel de la façon suivante: 25 pour cent au voilier et 75 pour cent au navire Kathy K. Dans ses motifs, le juge déclare la page 6071:
d) Dépens—Les dépens tant de l'action que de la demande reconventionnelle seront calculés en fonction de la responsabi- lité et en respectant les pourcentages établis à l'alinéa a) ci-dessus.
Conformément à la règle 337(2)b), l'avocat des demandeurs peut préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à la décision de la Cour et demander que ce jugement soit prononcé.
Le 25 mai 1972, un avis d'appel a été déposé pour le compte des défendeurs. Comme aucun jugement officiel n'avait encore été prononcé, on a dit au greffe que l'avis d'appel était prématuré.'
Le 5 juin 1972, les avocats des demandeurs ont déposé une requête visant à obtenir un jugement conforme au projet qui était joint à la requête et demandant en outre:
[TRADUCTION] Une ordonnance de la Cour enjoignant aux défendeurs de verser aux demandeurs une somme fixe ou globale au lieu de frais taxés dont le montant net (après les déductions) serait fixé par la Cour; ou, subsidiairement, une ordonnance augmentant les montants accordés au tarif B des Règles de la Cour fédérale dans la mesure déterminée par la Cour.
Le projet de jugement contenait la clause suivante:
[TRADUCTION] Les demandeurs paient le quart des frais entre parties des défendeurs engagés dans l'action des deman- deurs jusqu'au 31 janvier 1972, les défendeurs paient les trois quarts des frais entre parties des demandeurs engagés dans l'action des demandeurs jusqu'au 31 janvier 1972, et les défen- deurs paient tous les frais entre parties des demandeurs engagés dans l'action des demandeurs après le 31 janvier 1972.
La date du 31 janvier 1972 mentionnée dans le paragraphe précité est évidemment tirée de la lettre que les demandeurs ont écrite ce jour-là et dans laquelle ils offraient de régler la question de la responsabilité si les défendeurs acceptaient une part de responsabilité de 75 pour cent.
^ [1972] C.F. 585.
5 Un nouvel avis d'appel lui a été substitué par la suite. J'en parlerai plus loin dans le corps des présents motifs, dans lesquels j'essaie de suivre l'ordre chronologique.
L'autre document pertinent que j'ai trouvé au dossier 6 est intitulé [TRADUCTION] «Jugement relatif à la requête», qui porte la mention [TRA- DUCTION] «Formulation approuvée» et la signature de l'avocat des demandeurs et de celui des défendeurs.
Le 29 juin 1972, le juge Heald a signé le jugement formel, identique à celui dont la formu lation avait été approuvée par les deux avocats. Les parties importantes sont les paragraphes 4 et 5, que voici:
[TRADUCTION] La demande reconventionnelle de la Egmont Towing & Sorting Ltd. et de la Shields Navigation Ltd. visant à faire limiter leur responsabilité en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada est rejetée, avec dépens aux demandeurs.
Il est loisible à chacune des parties de présenter une demande visant à débattre la question des dépens.
Un avis d'appel en date du 24 juillet 1972 a ensuite été substitué à l'avis d'appel antérieur susmentionné.
La question du quantum des dommages a ensuite été entendue par le juge Heald du 5 au 9 septembre 1972. Les motifs du jugement ont été prononcés le 24 octobre 1972'. Ces motifs portent notamment que:
Les demandeurs sont fondés à recevoir leurs dépens relatifs à l'audience sur l'évaluation des dommages-intérêts.
En application de la règle 337(2)b), les avocats des deman- deurs peuvent préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à la décision de la Cour et demander que ce jugement soit prononcé.
A été déposée au nom des demandeurs une requête portant la date du 30 octobre (six jours plus tard) visant notamment à faire délivrer l'or- donnance suivante:
[TRADUCTION] Une ordonnance de la Cour enjoignant aux défendeurs de verser aux demandeurs une somme fixe ou globale au lieu de frais taxés relativement à l'évaluation des dommages-intérêts, dont le montant serait fixé par la Cour; ou, subsidiairement, une ordonnance augmentant les montants accordés au tarif B des Règles de la Cour fédérale dans la mesure déterminée par la Cour.
6 I1 semble que l'on n'a fait au juge de première instance aucune observation orale ou écrite portant sur le contenu du jugement.
7 Non publié, T-3908-71.
Le 29 novembre 1972, le juge Heald a prononcé un autre jugement, cette fois en ce qui concerne la question des dommages-intérêts. Les paragraphes 3 et 4 portent que:
[TRADUCTION] Les demandeurs sont fondés à recevoir des défendeurs leurs dépens relatifs à l'audience sur l'évaluation des dommages-intérêts.
Les demandeurs auront le droit de poursuivre leur demande en ce qui concerne les dépens indiqués dans la clause 2 de leur avis de requête en date du 30 octobre 1972.
Un avis d'appel de la décision relative aux dom- mages-intérêts avait déjà été déposé le 23 novem- bre 1972.
Les appels devant la Cour d'appel fédérale rela- tivement à la responsabilité et au quantum ont été entendus en mai 1974. Le jugement a été prononcé le 17 mai'. L'appel et l'appel incident portant sur le quantum ont été rejetés. Il n'y a pas eu d'ordon- nance relativement aux dépens. La Division d'ap- pel a accueilli l'appel en ce qui concerne la ques tion de la responsabilité et a infirmé le jugement de la Division de première instance. Le jugement ajoute: «. .. l'action doit être rejetée avec dépens.»
Les demandeurs ont interjeté appel à la Cour suprême du Canada. Cet appel a été entendu en juin 1975 et le jugement prononcé le 7 octobre 1975. En ce qui concerne les dépens, la Cour suprême du Canada n'a traité que de ceux devant cette cour et de ceux devant la Cour d'appel fédérale.
Dans ses motifs de jugement, la Cour suprême a toutefois décidé que les dispositions de la Con tributory Negligence Act de la Colombie-Britanni- que «... s'appliquent à cet abordage et ... la responsabilité de réparer les dommages résultant du décès de Charles Stein doit être proportionnelle à la faute de chaque navire.» Cette question est pertinente au troisième alinéa du premier paragra- phe des présents motifs.
Voilà qui termine mon résumé de la plupart des faits pertinents. J'exposerai plus tard quelques détails additionnels.
Selon les défendeurs, les demandeurs auraient demander les instructions et les ordonnances qu'ils demandent maintenant dans les dix jours du prononcé du jugement portant la date du 29 juin
s [1974] 1 C.F. 657.
1972 et dans les dix jours du prononcé du juge- ment portant la date du 29 novembre 1972, ou tout au moins dans les dix jours de cette dernière date; les demandeurs ont tellement tardé, ajoutent les défendeurs, que la Cour ne doit pas accueillir la présente requête, ni une demande visant à proroger le délai de dix jours. Les défendeurs se fondent sur la Règle 344(7) et sur la Règle 337(5). C'est cette dernière qui fixe un délai de dix jours. Il me semble nécessaire de citer toute la Règle 337, et non pas seulement le paragraphe (5).
Règle 337. (1) La Cour pourra rendre une décision sur toute question qui a fait l'objet d'une audition
a) en rendant un jugement à l'audience avant que l'audition ne soit terminée, ou
b) après avoir réservé son jugement en attendant la fin de l'audition, en déposant le document nécessaire au greffe,
de la manière prévue au paragraphe (2).
(2) Lorsque la Cour est arrivée à une décision sur le juge- ment à prononcer, elle doit, en plus de donner, le cas échéant, les motifs de son jugement,
a) prononcer le jugement (Formule 14) dans un document distinct signé par le juge présidant, ou
b) à la fin des motifs du jugement, s'il en est, et sinon par déclaration spéciale de sa conclusion, déclaration qui peut être faite oralement à l'audience ou par document déposé au greffe, indiquer que l'une des parties (habituellement la partie gagnante) peut préparer un projet de jugement appro- prié pour donner effet à la décision de la Cour et demander que ce jugement soit prononcé (requête qui sera habituelle- ment faite en vertu de la Règle 324).
(3) Après présentation d'une requête prévue au paragraphe (2)b), la Cour fixera les termes du jugement et prononcera le jugement qui sera signé par le juge présidant. (Formule 14).
(4) Un jugement prononcé en vertu du paragraphe (2)a) ou du paragraphe (3) sera, sous réserve des paragraphes (5) et (6), en sa forme définitive.
(5) Dans les 10 jours du prononcé d'un jugement en vertu du paragraphe (2)a), ou dans tel délai prolongé que la Cour pourra accorder, soit avant, soit après l'expiration du délai de 10 jours, l'une ou l'autre des parties pourra présenter à la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé, une requête demandant un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement l'une ou l'autre ou l'une et l'autre des raisons suivantes:
a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier le jugement,
b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait traiter.
(Au sujet d'une requête simultanée demandant des instruc tions quant aux dépens, voir Règle 344(7).)
Je cite en outre les paragraphes (1) et (7) de la Règle 344:
Règle 344. (1) Les dépens et autres frais de toutes les procédures devant la Cour sont laissés à la discrétion de la Cour et suivent le sort de l'affaire sauf ordonnance contraire. Sans limiter la portée générale, la Cour pourra prescrire le paiement d'une somme fixe ou globale au lieu de frais taxés.
(7) Une partie peut
a) après le prononcé du jugement, dans le délai accordé par la Règle 337(5) pour requérir la Cour d'examiner de nou- veau le prononcé du jugement, ou
b) après que la Cour aura décidé du jugement à prononcer, au moment la requête pour l'obtention d'un jugement est présentée,
que le jugement ait ou non réglé la question des dépens, requérir la Cour de donner, au sujet des dépens, des directives spéciales aux termes de la présente Règle, y compris une directive visée au tarif B, et de statuer sur tout point relatif à l'application de tout ou partie des dispositions de la Règle 346. Une demande faite à la Cour d'appel en vertu du présent paragraphe doit être faite devant le juge en chef ou un juge désigné par lui, mais l'une ou l'autre partie peut demander à un tribunal composé d'au moins 3 juges de la Cour d'examiner une décision ainsi obtenue.
Étant donné les circonstances exposées ci-dessus, je ne puis faire droit à l'argument avancé par les défendeurs.
En l'espèce, aucun jugement n'avait encore été prononcé lorsque les demandeurs, le 5 juin 1972, ont demandé que le jugement soit prononcé, comme les y avait autorisés le juge de première instance. (Il semble évident que le juge de pre- mière instance suivait la procédure exposée à la Règle 337(2)b)). Dans le projet de jugement joint à leur requête, les demandeurs réclamaient les mêmes instructions relatives aux dépens qu'ils demandent aujourd'hui à la clause (2) du premier paragraphe des présents motifs. Ils cherchaient en outre à faire majorer les montants accordés par le tarif B 9 . C'est plus qu'ils n'en demandent aujour- d'hui à la clause (1) du premier paragraphe des présents motifs.
Le jugement en date du 29 juin 1972 ne men- tionnait pas les dépens. Le juge de première ins tance n'a fait qu'adopter la clause proposée dont les avocats avaient approuvé la formulation: [TRA- DUCTION] «Il est loisible à chacune des parties de
9 Les demandeurs ont peut-être cru que le libellé du paragra- phe 3 de leur avis de requête en date du 5 juin 1972 était assez général pour constituer non seulement une demande de majora- tion des articles exposés au tarif B mais aussi une demande visant à faire passer la taxation de la classe II à la classe III.
présenter une demande visant à débattre la ques tion des dépens.» A mon avis, ce jugement:
a) n'était pas, quant aux dépens, «en sa forme définitive». La Règle 337(4) porte que: «Un jugement prononcé en vertu du paragraphe (2)a) ou du paragraphe (3) sera ... en sa forme définitive.» Le jugement était en sa forme défini- tive en ce qui concerne d'autres questions relati ves à la répartition de la faute, aux dommages- intérêts, à la limitation de la responsabilité du défendeur Helsing, à l'intérêt et au rejet de la demande reconventionnelle des compagnies défenderesses;
b) ne saurait avoir pour effet, directement ou indirectement, d'obliger les parties, et notam- ment les demandeurs, à présenter, dans les 10 jours du prononcé du jugement «définitif» sur toutes les questions sauf celle des dépens, une demande qu'il faut supposer identique à la partie relative aux dépens de leur requête visant à obtenir un jugement déposée 24 jours plus tôt.
Le 29 juin 1972, le juge présidant savait que deux jours plus tôt le juge en chef adjoint avait ordonné que la question des dommages-intérêts soit débattue le 5 septembre. Il était probable que la question de l'attribution des dépens et d'autres questions connexes soient soulevées une fois réso- lue celle des dommages-intérêts. Il est normal de penser, me semble-t-il, que le juge de première instance avant ce facteur à l'esprit lorsqu'il a signé le jugement du 29 juin. Figurait en outre au dossier, à cette date, un avis d'appel des défen- deurs portant sur la décision relative à la responsabilité 10 . Il était alors évident que le litige, y compris la question des dépens, ne serait peut- être pas tranché de façon définitive avant quelque temps.
Après l'audition de la preuve relative au quan tum, le juge présidant, conformément encore une fois à la Règle 337(2)b), a invité les parties
Le fait qu'au greffe on ait jugé prématuré l'avis d'appel ne lie personne, selon moi. Si, dans l'appel portant sur la question de la responsabilité, les demandeurs perdaient (comme ce fut le cas), toute décision rendue entre temps au sujet des dépens n'aurait aucun intérêt pratique. Il me semble qu'il était raison- nable de différer toutes les demandes tant que l'appel était pendant. Il est possible de prétendre, je le sais, que dans un appel, toutes les questions, y compris les décisions relatives aux dépens, devraient, dans la plupart des cas, être présentées à la cour d'appel.
gagnantes (les demandeurs) à préparer un projet de jugement et à demander que ce jugement soit prononcé, ce qui fut fait. Dans leur requête du 30 octobre 1972, les demandeurs ont demandé que le juge de première instance examine de nouveau un certain aspect de leur demande de dommages-inté- rêts et, comme je l'ai déjà dit, qu'il soit donné des instructions spéciales au sujet des dépens. Le juge de première instance a considéré la première partie de la requête comme une demande présentée en vertu de la Règle 337(5). Dans un «jugement» portant la date du 3 novembre 1972, il a déclaré que cette question ne lui avait pas échappé et, par conséquent, il n'a pas modifié son évaluation. Il a conclu de la façon suivante: [TRADUCTION] «Quant à la demande présentée conformément à la Règle 344(7), je prends la question en délibéré pour en faire un examen plus approfondi.» Au moment du dépôt de la requête du 30 octobre, les avocats de toutes les parties avaient informé la Cour que [TRADUCTION] «en ce qui concerne la seconde demande, les parties ont convenu qu'elle peut être reportée à une date ultérieure».
Le 10 novembre 1972, l'Administrateur adjoint de la Cour a envoyé à tous les avocats la lettre suivante:
[TRADUCTION] Veuillez trouver ci-joint un certificat d'ap- probation de l'honorable juge Heald visant une requête déposée au greffe le 31 octobre 1972.
Au dernier paragraphe de son ordonnance, M. le juge Heald déclare prendre en délibéré la question des dépens pour en faire un examen plus approfondi. Le bureau du greffe de Vancouver m'a informé qu'à la demande de M. le juge Heald, les parties ont convenu que les observations relatives à cet aspect de la requête se feraient par écrit conformément à la Règle 324 et sans comparution en personne des avocats.
Le jugement portant la signature du juge est daté du 29 novembre 1972. Il semble reprendre fidèlement le libellé d'un projet de jugement soumis par l'avocat des demandeurs.
Au moment du prononcé de ce jugement, les défendeurs avaient déjà déposé un nouvel avis d'appel sur la question de la responsabilité (le 24 juillet) ainsi qu'un avis d'appel sur la question du quantum (le 23 novembre).
Mes observations sur le jugement du 29 juin s'appliquent aussi, me semble-t-il, à celui du 29 novembre. Ce second jugement tranchait de façon «définitive» un certain nombre de questions, mais non celle des frais des procédures relatives à l'éva-
luation des dommages-intérêts. Il n'avait pas pour effet, directement ou indirectement, d'obliger les parties à présenter, dans un délai de 10 jours, une requête identique ou, pour l'essentiel, semblable aux parties de la requête en délivrance de juge- ment relatives aux dépens. Les demandeurs avaient obtenu [TRADUCTION] «... le droit de poursuivre leur demande en ce qui concerne les dépens ...».
Regardons la chose en gens raisonnables et pra- tiques. Il me semble évident que les parties, et assurément la Cour, ont estimé et ont agi en prenant pour acquis que les demandes présentées par les demandeurs au sujet des frais afférents aux questions de responsabilité et de dommages-inté- rêts étaient encore pendantes et qu'il n'était pas nécessaire de présenter de nouvelles requêtes ou demandes dans un délai donné. Il me semble rai- sonnable de conclure soit que toutes les parties, en préparant et en présentant les appels subséquents, ont oublié que la question des dépens n'était pas encore réglée, soit qu'elles ont tacitement convenu de la mettre de côté jusqu'au moment les appels seraient tranchés. Dans leur présente requête, les demandeurs, me semble-t-il, n'introduisent rien de nouveau. Ils cherchent à faire régler essentielle- ment les mêmes questions afférentes aux dépens que la Cour et les parties avaient laissées en suspens.
Je conclus donc que la Cour n'a pas perdu compétence. Si mon analyse de la situation se révélait erronée et si les demandeurs, selon la lettre de la loi, étaient tenus de présenter la présente requête dans les dix jours du prononcé de l'un ou l'autre jugement, ou des deux, je proroge le délai (conformément à la Règle 337(5)) jusqu'au 4 décembre 1975. J'estime que si une prorogation est nécessaire, il y a tout lieu d'en accorder une en l'espèce.
J'en arrive au fond de la requête des demandeurs.
La première instruction qu'on cherche à faire donner porterait que toutes les démarches faites et les mesures prises dans cette action tomberaient dans la classe III plutôt que dans la classe II. Je suis convaincu qu'il s'agit d'un cas il y a lieu de faire droit à cette demande. A l'action, longue et complexe, s'est ajoutée une demande reconvention-
nelle en limitation de responsabilité. Les montants en jeu étaient très considérables. L'audience, qui a duré douze jours, semble avoir été difficile. J'or- donne que les dépens soient taxés sur la base d'une action de la classe III.
Je passe maintenant aux clauses (2) et (3) du premier paragraphe des présents motifs.
Si je comprends bien, l'avocat des défendeurs a déclaré que, si la Cour décide qu'elle est toujours compétente à statuer sur les dépens, les deman- deurs ont probablement droit à l'ordonnance visée à la clause (3) susdite: les demandeurs recou- vraient ainsi 100 pour cent de leurs dépens, donc pas de répartition 75-25 pour cent. Dans la pré- sente action, la Cour suprême du Canada a statué que l'article 2 de la Contributory Negligence Act de la Colombie-Britannique s'applique ". Dans l'arrêt Thomson c. B.C. Toll Highways and Bridges Authority 12 , la Cour d'appel de la Colom- bie-Britannique, interprétant l'article 4 de la Con tributory Negligence Act, a décidé que les disposi tions de l'article 2 relatives à l'attribution de la responsabilité ne s'appliquent pas de façon que les frais seraient répartis suivant la même proportion (article 4), lorsqu'une partie (les demandeurs en l'occurence) n'est tenue «à aucune réparation». Dans l'affaire Thomson, la demanderesse était une veuve qui intentait en son nom et au nom de ses enfants une action eh dommages-intérêts par suite du décès de son mari. Le jury a attribué 75 pour cent de la responsabilité au défunt et 25 pour cent aux défendeurs. Quant à la demanderesse, elle n'était aucunement responsable du décès de son mari. Par conséquent, elle n'était tenue à aucune réparation. Elle a donc eu droit à tous ses dépens, même si le défendeur n'était responsable des dom- mages ou de la perte que dans une proportion de 25 pour cent. Me Smith, qui présentait les défen- deurs en l'espèce, s'est dit d'avis que les principes énoncés dans l'arrêt Thomson (relatifs à l'article 4) sont applicables 13
S.R.C.-B. 1960, c. 74.
12 (1965) 49 D.L.R. (2e) 383.
13 La Cour suprême du Canada n'a renvoyé qu'à l'article 2 de la Contributory Negligence Act. Il me semble logique que si l'article 2 s'applique à cette action, il en est de même de l'article 4.
Il y a toutefois une difficulté. Dans l'affaire Thomson et dans la jurisprudence qu'on y cite, aucun des demandeurs nommés non plus qu'au- cune des personnes au nom de qui les actions étaient intentées, n'était en aucune façon responsa- ble de la mort du défunt. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Le juge de première instance a décidé que ceux qui étaient à bord du voilier étaient partielle- ment responsables. Or, Ross Stein, l'une des per- sonnes au nom de qui cette action a été intentée, était le barreur.
Selon moi, en raison de ce facteur, les défen- deurs ont droit à une réduction des dépens. Un partie de la responsabilité incombe à Ross et au défunt. Aucune répartition des dommages-intérêts n'a été établie entre la veuve et les trois enfants. Il m'est donc impossible d'ordonner que les dépens que j'accorde aux défendeurs soient payés à même la portion des dommages-intérêts susceptibles d'être attribuée à Ross Stein. Cette cour n'aura peut-être jamais à faire de répartition formelle des dommages-intérêts.
Dans les circonstances, exerçant la discrétion qui m'est accordée, j'ordonne que les défendeurs recouvrent des demandeurs 8 pour cent de leurs frais taxables dans cette action. J'ai employé un chiffre quelque peu arbitraire. Les avocats des parties pourront peut-être, en se basant sur ce pourcentage, convenir d'une somme fixe relative- ment aux dépens des défendeurs. Serait ainsi évitée la nécessité de procéder à la taxation. Je ne rendrai pas de jugement officiel avant d'avoir entendu les avocats sur cette question.
En résumé:
1. Les dépens de cette action seront taxés sur la base d'une action de classe III.
2. Les demandeurs recouvreront tous leurs dépens des défendeurs.
3. Les défendeurs recouvreront des demandeurs 8 pour cent de leurs dépens (ou une somme fixe dont on aura convenu), à déduire des frais paya- bles aux demandeurs.
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