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T-2620-76
L'Institut professionnel du service public du Canada (Requérant)
c.
La Commission de lutte contre l'inflation, Jean- Luc Pépin, David Chapman, Claude Castonguay, Jack Biddell, William Ladyman et Harold Renouf (Intimés)
Division de première instance, le juge Addy— Ottawa, les 21 et 26 juillet 1976.
Pratique—Demande d'injonction en vue d'empêcher les inti- més de demander au Directeur agissant aux termes de la Loi anti-inflation de connaître une décision arbitrale rendue par la Commission des relations de travail dans la Fonction publi- que—Le Directeur accomplit une fonction judiciaire—Le Directeur doit décider s'il a compétence—Le requérant demande que l'on interdise de soumettre une question à un tribunal—Aucun précédent—Empêcher quelqu'un de s'adres- ser à un tribunal créerait une injustice et la Cour ne devrait pas s'approprier le rôle d'un tribunal en décidant s'il a compé- tence ou non.
Demande d'injonction en vue d'empêcher les intimés de demander au Directeur agissant en vertu de la Loi anti-infla tion d'intervenir dans une décision arbitrale rendue par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique. La requête a été plaidée en même temps qu'une demande de mandamus contre le Conseil du trésor concernant la même question, présentée par le même requérant et reposant sur la même preuve et les mêmes arguments. (Voir [1977] 1 C.F. 304.)
Arrêt: la requête est rejetée. Les deux parties conviennent que dans l'exercice de ses pouvoirs en vertu de l'article 12 de la Loi anti-inflation, la Commission de lutte contre l'inflation n'agit pas à titre judiciaire et que l'injonction constitue la procédure appropriée pour empêcher les intimés d'agir. Cepen- dant, le Directeur, dans l'exercice de ses pouvoirs en vertu des articles 17, 18, 19 et 20, accomplit une fonction judiciaire et on peut présumer qu'un tribunal se conformera au droit, particu- lièrement en étudiant s'il a compétence. S'il n'a pas compé- tence, l'affaire se terminera ainsi; sinon, cette Cour ne devrait pas accorder l'injonction. Il n'y a aucun précédent un tribunal a interdit à une personne de s'adresser à un tribunal et non seulement cette Cour créerait-elle une injustice mais elle agirait contrairement à la Loi en accordant l'injonction deman- dée et de cette façon s'approprierait le rôle du tribunal.
DEMANDE d'injonction. AVOCATS:
G. Henderson, c.r., pour le requérant. G. W. Ainslie, c.r., pour les intimés.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE ADDY: On demande une injonction en vertu de l'article 18a) de la Loi sur la Cour fédérale en vue d'empêcher les intimés de deman- der au Directeur agissant aux termes de la Loi ana-inflation' d'étudier, d'entendre ou de connaî- tre de quelque façon une décision arbitrale rendue le 13 avril 1976 par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique.
La requête a été plaidée en même temps qu'une demande de mandamus concernant les mêmes questions, présentée par le même requérant contre le Conseil du trésor et ses membres. (Voir [1977] 1 C.F. 304.)
Dans ces deux requêtes, l'avocat s'est fondé sur la même preuve et a invoqué essentiellement les mêmes arguments sur le fond de l'affaire et certai- nes objections préliminaires. Je me référerai au résumé des faits contenu aux motifs que j'ai pro- noncés dans la demande de mandamus (précitée).
Les deux avocats conviennent que dans l'exer- cice de ses pouvoirs en vertu de l'article 12 de la Loi anti-inflation, la Commission de lutte contre l'inflation ne décide rien, ne tranche aucun droit, n'exerce pas les fonctions d'un tribunal et n'agit pas à titre judiciaire ou quasi judiciaire; l'injonc- tion, et non le bref de prohibition, constitue donc la procédure appropriée pour empêcher les intimés d'agir. Je partage cette opinion.
En revanche, si l'on considère le genre d'enquête menée par le Directeur en vertu de l'article 17, ses pouvoirs d'enquête aux termes des articles 18 et 19 et, après sa décision, ses pouvoirs en vertu de l'article 20 d'interdire à une personne de contreve- nir aux indicateurs et de lui ordonner de verser des sommes d'argent à Sa Majesté du chef du Canada, il est évident qu'il accomplit une fonction judi- ciaire et qu'il se prononce sur des droits d'une façon définitive.
Comme dans la demande de mandamus susmen- tionnée, l'avocat du requérant invoque comme principal argument que la Commission de lutte
S.C. 1974-75-76, c. 75.
contre l'inflation n'a pas le pouvoir d'examiner, de même que le Directeur n'a pas le pouvoir de trancher, de modifier ni d'altérer la décision de l'arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique 2 , cette décision étant définitive depuis le 12 juillet 1976.
On ne peut présumer qu'un tribunal rendra une décision illégale et, encore moins qu'il interprétera incorrectement sa propre compétence; au con- traire, il faut présumer qu'il se conformera au droit. Avant de connaître d'une affaire au fond, le Directeur en vertu de la Loi anti-inflation a, comme tout autre tribunal, non seulement la com- pétence voulue pour déterminer s'il peut connaître de l'affaire mais il a en outre le devoir de le faire. Si l'avocat du requérant a raison, il faut alors présumer que le Directeur décidera qu'il n'a pas compétence et l'affaire se terminera ainsi. Sinon, cette Cour ne devrait pas accorder l'injonction.
En fait, le requérant demande que l'on interdise à certaines personnes ou à un organisme de sou- mettre une question à un tribunal. Je ne connais aucun précédent, et l'avocat du requérant n'a pu m'en citer, un tribunal a interdit à une personne de s'adresser à un autre tribunal et, à plus forte raison, à un tribunal qui a la compétence pour connaître de l'affaire. A ce sujet, l'avocat du requérant m'a invité à innover et à faire jurispru dence en accordant l'injonction puisqu'à son avis, notre droit a évolué au point qu'elle constitue maintenant le recours judiciaire approprié dans des circonstances comme les présentes. Je rejette cet argument en tous points parce qu'au contraire, si le droit évolue c'est en faveur d'une plus grande accessibilité des tribunaux, tant du point de vue des personnes que des moyens invoqués.
Non seulement cette Cour créerait-elle une injustice,—et une injonction ne devrait jamais être accordée si elle entraîne une injustice—mais, à mon avis, elle agirait contrairement à la Loi si elle utilisait ce recours en equity pour empêcher quel-
2 S.R.C. 1970, c. P-35, et ses modifications.
qu'un de s'adresser à un tribunal, même au motif que le tribunal n'a pas compétence. En effet, comme je l'ai déjà dit, il faut toujours présumer qu'un tribunal n'ayant pas compétence en viendra effectivement à cette conclusion. La Cour ne devrait pas s'approprier ce rôle. Il n'est pas ques tion en l'espèce de harcèlement ou d'abus des procédures.
C'est pour ce seul motif que la requête sera rejetée. Je tiens cependant à ajouter qu'en con- cluant ainsi je ne décide pas, ni même ne suggère ni ne sous-entend que le Directeur en vertu de la Loi anti-inflation ne possède pas en fait la compé- tence pour prendre les mesures qu'il estime appro- priées selon les Indicateurs anti-inflation 3 et ce, nonobstant la décision arbitrale prononcée en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Bien au contraire, je me refuse intentionnellement de traiter du fond de la ques tion; j'estime que cette Cour doit rejeter la requête pour le motif susmentionné qui représente une objection fondamentale et, vu les circonstances, il est préférable qu'un tribunal appelé à étudier pro- chainement le fond de cette question importante et actuelle, ne soit pas confronté à ce qui serait en fait obiter dicta de ma part.
Je ne statuerai pas non plus sur les autres objections de procédure et de droit positif soule- vées par les intimés, car il me semble bien évident que la requête doit être rejetée pour les raisons indiquées ci-dessus.
Une ordonnance rejetant cette requête avec dépens sera émise.
3 DORS/76-1.
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