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T-2332-74
Intermunicipal Realty & Development Corpora tion (Demanderesse)
c.
Gore Mutual Insurance Company, Canadian Marine Underwriters Ltd. et Reed, Shaw, Sten- house Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Gibson— Toronto, le 28 novembre; Ottawa, le 13 décembre 1977.
Compétence Droit maritime Contrat Assurance Demande séparée requérant le rejet de la présente action en recouvrement en vertu de contrats d'assurance, et en dénatura- tion négligente de certains faits par le courtier Les polices d'assurance maritime sont-elles des matières d'amirauté? La loi relative aux contrats maritimes fait-elle partie du droit positif fédéral? Le droit positif fédéral relève-t-il de la compétence législative du Parlement? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 2, 42 Règle 474 de la Cour fédérale.
Les défendeurs ont introduit deux demandes séparées requé- rant une ordonnance, conformément à la Règle 474, rejetant la présente action au motif que la Cour n'est pas compétente pour examiner la poursuite en recouvrement de la demanderesse contre les compagnies d'assurance défenderesses en vertu des deux polices d'assurance ou de l'une des deux, et contre la compagnie de courtage d'assurance défenderesse pour dénatu- ration négligente des faits. Voici les points litigieux: (1) les polices d'assurance maritime sont-elles des matières d'ami- rauté? (2) la loi relative aux contrats maritimes fait-elle partie intégrante du droit positif fédéral sur l'amirauté édicté par le Parlement? (3) toute partie du droit positif fédéral édicté est-elle valable comme relevant de la compétence législative du Parlement?
Arrêt: la demande de la compagnie d'assurance défenderesse est rejetée mais celle de la compagnie de courtage d'assurance est accueillie. La compétence de la Cour fédérale en matière de droit maritime canadien telle qu'elle est définie par les articles 2b) et 42 de la Loi sur la Cour fédérale s'étend au long code de droit fédéral positif applicable édicté en vertu de l'article 91(10) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. Selon un accord presque universel, ces polices d'assurance sont odes contrats maritimes» et le droit positif régissant tous con- trats maritimes et tous actes dommageables se trouve dans le domaine des matières d'amirauté. La seule réserve à cet égard est que contrats et actes dommageables doivent se rapporter à des affaires de navigation ou de commerce sur mer ou dans les eaux intérieures du Canada. Il a été établi que l'autorité législative du Parlement s'étend aux réclamations relatives à l'assurance maritime. L'article 22(2)r) de la Loi sur la Cour fédérale a attribué à la Division de première instance compé- tence en matière d'assurance maritime, et les tribunaux provin- ciaux ont une compétence parallèle lorsque les parties relèvent de leur ressort. Les allégations contre la compagnie de courtage d'assurance défenderesse ne sont pas des allégations de négli- gence en vertu des polices d'assurance maritime en question,
mais elles sont fondées sur les relations avec l'agence. Il ne s'agit pas d'allégations relatives à quelque matière maritime ou d'amirauté faisant partie du «droit maritime canadien».
Arrêts appliqués: Quebec North Shore Paper Co. c. Cana- dien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054; McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654; La Reine c. Canadian Vickers Ltd. [1978] 2 C.F. 675; Sivaco Wire & Nail Co. c. Atlantic Lines & Naviga tion Co., Inc. [1978] 2 C.F. 720; Sailing Ship «Blairmore» Co., Ltd. c. Macredie (1898) 25 R. (C.L.) 57. Arrêt examiné: De Lovio c. Boil (1817) 2 Gall. 398 (Gallison's Reports).
DEMANDE. AVOCATS:
David F. H. Marler pour la demanderesse. A. J. Stone, c.r., pour les défendeurs Gore Mutual Insurance Co. et Canadian Marine Underwriters Ltd.
G. A. Allison, c.r., pour la défenderesse Reed, Shaw, Stenhouse Ltd.
PROCUREURS:
Magwood, Pocock, Rogers, O'Callaghan, Toronto, pour la demanderesse.
McTaggart, Potts, Stone & Herridge, Toronto, pour les défendeurs Gore Mutual Insurance Co. et Canadian Marine Under writers Ltd.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac - Kell & Clermont, Montréal, pour la défende- resse Reed, Shaw, Stenhouse Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Les compagnies d'assurance défenderesses Gore Mutual Insurance Company et Canadian Marine Underwriters Ltd., ainsi que la compagnie de courtage d'assurance Reed, Shaw, Stenhouse Limited, ont introduit deux demandes séparées requérant le rejet de la présente action, conformément à la Règle 474, au motif que [TRA- DUCTION] «la Cour n'est pas compétente pour entendre et régler les réclamations faites dans la présente action».
Nous allons examiner en premier lieu la demande des compagnies d'assurance, et ensuite celle de la compagnie de courtage d'assurance.
La demanderesse poursuit les compagnies d'as- surance défenderesses relativement à deux contrats
d'assurance maritime portant les numéros 408014 et 408015 (dont des copies ont été déposées en preuve par affidavit concernant cette requête) et prétend, ainsi qu'il appert des preuves produites, qu'elle aurait droit au remboursement d'une somme d'environ $700,000 pour les rubriques détaillées aux paragraphes 31 et 33 de la déclara- tion, alléguant que toutes lesdites rubriques seraient garanties par l'une ou l'autre des deux polices susmentionnées, ou par les deux.
Ces polices d'assurance maritime comportent des provisions in rem et des provisions in personam.
Les requêtes soulèvent trois questions litigieuses à examiner, à savoir:
1. Des polices d'assurance maritime, telles que celles susmentionnées, sont-elles des matières «maritimes» ou des matières d'«amirauté»? et plus spécialement, sont-elles des «contrats maritimes»?
2. Quelle loi relative aux contrats maritimes a été édictée par le Parlement du Canada comme partie intégrante de la législation fédérale principale sur l'amirauté?
3. Toute partie de la législation fédérale principale adoptée est-elle valable comme relevant de la com- pétence législative constitutionnelle du gouverne- ment fédéral du Canada en vertu des Actes de l'Amérique du Nord britannique? En d'autres termes, en ce qui concerne les polices d'assurance maritime évoquées ici, l'autorité législative du Par- lement du Canada en vertu des Actes de l'Améri- que du Nord britannique, 1867 1960, et plus spécialement en vertu de l'article 91, rubrique 10 «La navigation et les expéditions par eau», englobe- t-elle comme partie intégrante du droit maritime principal canadien des réclamations de la compé- tence de la Cour fédérale du Canada telles que celles faites dans la présente action, relativement à des polices d'assurance maritime?
Contrats maritimes
Ces polices d'assurance maritime, comme toutes polices de ce genre comportant des provisions in rem et des provisions in personam, sont signées sur la terre ferme, mais traitent de la couverture des risques pour lesquels des primes sont payées, rela- tivement à la navigation, aux affaires ou au com-
merce sur mer ou sur certaines eaux intérieures du Canada.
Il y a un accord universel de fait pour considérer de telles polices comme des «contrats maritimes». Dans De Lovio c. Boit' (arrêt quelquefois appelé [TRADUCTION] «la clé de voûte de la jurisprudence relative à l'Amirauté en Amérique») le juge Story, se prononçant sur ce qu'il faut entendre par «con- trats maritimes», a déclaré [aux pages 475 et 476]:
[TRADUCTION] ... il y a peu de place pour la controverse. Tous les juristes, civilistes et autres, s'accordent à dire que cette appellation comprend entre autres: les chartes-parties, les affrè- tements, les inscriptions hypothécaires maritimes, les contrats pour les services maritimes afférents à la construction, à la réparation, à la fourniture et à la navigation des navires, les contrats entre les copropriétaires des navires, les contrats et les quasi-contrats relatifs aux avaries, aux contributions et aux jets à la mer; et, ce qui est plus important en l'espèce, les polices d'assurance.* Et le fait est que les cours d'amirauté des autres pays ont exercé une compétence sur les polices d'assurance en tant que contrats maritimes; et l'amirauté anglaise a constam- ment revendiqué ce genre de compétence.** Il n'y a pas plus de raison pour que l'amirauté statue sur les prêts à la grosse à titre de contrats maritimes que sur les polices d'assurance. Les uns et les autres sont exécutés sur terre et concernent intrinsèque- ment les risques maritimes, les dommages et les pertes.***
En conséquence, je juge que les polices d'assurance relèvent de la compétence (quoique non exclusive) de l'amirauté et des tribunaux maritimes des États-Unis.****
* Cleirac, Le Guidon, ch. 1, p. 109, ch. 3, p. 124, Id. Jurisd. de la Marine, p. 191.-1 Valin, Comm. 112, 120, &c. 127, &c.-2 Emer. 319.—Godolph. 43.—Zouch, 90, 92.—Exton, 69, &c. 295, &c.—Malyne Lex Merc. 303. Id. Collection of Sea Laws, ch. 2, p. 47.—Consol. del Mare, ch. 22.-2 Bro. Adm. ch. 4, p. 71.-4 Bl. Comm. 67.—The Sandwich, Peters's R. 233, n.—Targa. Reflex. ch. 1.
** Boucher's Consol. del Mare, 2 vol. 730.-1 Valin, Com. 120.-2 Emer. 319.—Roccus de Assec. n. 80.-2 Bro. Adm. 80.—Zouch, 92, 102.
*** Dans sa note 80, Roccus de Ass. a déclaré: «Les problè- mes d'assurance et les litiges portant sur les navires doivent être jugés conformément au droit maritime; et il faut respecter les usages et coutumes de la mer. La procédure à appliquer est celle des tribunaux maritimes.» Dans ses réflexions (ch. 1.), Targa définit les contrats maritimes comme ceux qui, suivant les usages commerciaux, se rapportent à des négociations mari- times et à leurs effets. On a déjà dit qu'à l'origine les Amirau- tés d'Angleterre et d'Écosse avaient la même compétence. Et l'Amirauté d'Écosse sur le fondement de son droit originaire et inhérent continue à exercer sa compétence sur tous les contrats maritimes, et plus spécialement les polices d'assurance. Dans les recueils Dow sur les décisions prises par la Chambre des Lords en 1813 et 1814, il n'y a pas moins de huit affaires d'assurance, lesquelles, introduites tout d'abord devant l'Ami- rauté d'Écosse, ont été finalement jugées par la Chambre des
' (1817) 2 Gall. 398 (Gallison's Reports).
Lords, les lords Ellenborough, Eldon et Erskine prenant part aux décisions.—Watt c. Morris, 1 Dow. R. 32.—Tennant c. Henderson, 1 Dow. R. 324.—Watson c. Clark, 1 Dow. R. 336. Brown c. Smith, 1 Dow. R. 349.—Sibbald c. Hill, 2 Dow. R. 263. Hall c. Brown, 2 Dow. R. 367.—Smith c. McNeil, 2 Dow. R. 538. Smith c. Robertson, 2 Dow. R. 474.
sss* Les tribunaux de common law ont certainement acquis une compétence simultanée, quoi qu'il ne soit pas facile de se fonder sur les principes de l'ancienne common law pour en retracer l'origine authentique. Voir page 422.
Les auteurs de manuels scolaires, tels que F. L. Wiswall, Jr. 2 et A. R. G. M'Millan 3 reconnaissent
2 Aux pages 29 et 30 de The Development of Admiralty
Jurisdiction and Practice Since 1800, par F. L. Wiswall, Jr.:
[TRADUCTION] Pour Story, à qui incombait la responsabi- lité de définir la compétence de l'Amirauté en Amérique, l'histoire de cette compétence en Angleterre était d'une importance capitale. Sa connaissance en la matière était très étendue, tout comme son respect pour les décisions de Sto- well durant ses dernières années au tribunal,—ces deux considérations étant bien mises en lumière dans son jugement The Draco (7 Fed. Cas. 1032 (N° 4057) (C.C. Mass. 1835)). Il utilisait sa connaissance de façon très heureuse, commen- çant par bâtir la fondation de la compétence de l'Amirauté américaine en matière de contrat, dans The Emulous (8 Fed. Cas. 697 (N° 4479) (C.C. Mass. 1813)), puis confirmant cette fondation dans la plus grande décision jamais rendue DeLovio c. Boit, laquelle reste jusqu'à nos jours la clé de voûte de la compétence de l'Amirauté en Amérique. Dans DeLovio c. Boit (7 Fed. Cas. 418 (N° 3776) (C.C. Mass. 1815)) la question principale est celle de savoir si les polices d'assurance maritime relèvent de l'Amirauté à titre de con- trats maritimes. Quoi qu'il ait été établi de longue date en Angleterre que, malgré leur caractère maritime, les polices d'assurance maritime relèvent des seuls tribunaux de common law (voir A. Browne, tome 2, pages 82-3), Story pense que l'adoption de la common law d'Angleterre par les États-Unis n'emporte pas adoption des décisions des tribu- naux de common law ayant pour conséquence la limitation de la compétence de l'Amirauté relativement à des matières réellement maritimes, et que les lois proclamées par Richard II ne seraient pas valables en cas de contradiction avec la compétence accordée par la constitution «pour toute affaire civile ... affaire d'amirauté et affaire maritime». (Article III, § 2, cl. I.) Non seulement l'avis de Story dans DeLovio est cité par les auteurs modernes de manuels scolaires relative- ment à l'Amirauté britannique, pour sa description de la compétence de cette dernière (voir par exemple Roscoe dans Practice, introduction, page 2, note c)), mais, comme on le verra plus loin, il constitue le fondement sur lequel les tribunaux britanniques rendent des décisions relatives aux privilèges maritimes (voir plus loin, aux pages 156-7) et, avec l'avis qu'il a formulé subséquemment dans The Nestor (18 Fed. Cas. 9 (N° 10126) (C.C. Me. 1831)), le raisonnement de Story dans DeLovio constitue la théorie des actions in rem pour l'Amirauté aux États-Unis.
3 Scottish Maritime Practice par A. R. G. M'Millan, M.A., LL.B., à la page 5:
[TRADUCTION] On peut remarquer, en outre, que la compé- tence de l'Amirauté dans les deux pays ne coïncide pas (Suite d la page suivante)
le caractère maritime des polices d'assurance mari time lorsqu'ils étudient l'acquisition de la compé- tence simultanée par les tribunaux de common law en Angleterre dans l'audition des demandes fon- dées sur les susdites polices (pendant une certaine période, les tribunaux de common law, et même la législation écrite, ont interdit à l'Amirauté d'An- gleterre d'entendre des revendications y relatives. Mais aucune loi ni aucune décision d'un tribunal de common law en Angleterre n'a jamais prétendu suggérer qu'une police d'assurance maritime ne serait pas une matière d'amirauté ou une matière maritime.)
Ces déclarations des auteurs de manuels scolai- res relativement à la compétence en matière d'as- surance maritime sont fondées sur un avis exprimé par lord Watson à la page 63 dans Sailing Ship «Blairmore» Co., Ltd. c. Macredie 4 :
[TRADUCTION] Ledit arrêt a résolu une seule question, à savoir que dans les affaires maritimes relevant exclusivement de la compétence des cours de l'Amirauté dans les deux pays, la loi applicable n'était ni la loi anglaise, ni la loi écossaise, mais la loi britannique, donc le même code. Mais, à ma connaissance, la compétence desdites cours dans les deux pays n'a jamais exactement coïncidé. En Écosse, la compétence des cours d'Amirauté, quoique parallèle à celle des cours de session, s'étendait à tout conflit relatif aux polices d'assurance mari time, et aussi, à la suite d'un long usage, aux lettres de change et à d'autres conflits commerciaux n'ayant rien de maritime (Ersk. Inst. B. 1, Tit. iii., art. 33 et 34). D'autre part, en Angleterre, les polices d'assurance maritime étaient simplement considérées comme des contrats commerciaux, et des actions intentées à l'occasion desdites polices relevaient de la compé-
(Suite de la page précédente)
exactement, et que le principe d'uniformité s'applique seule- ment aux matières relevant de la compétence exclusive de l'Amirauté dans lesdits pays. Ainsi, en Angleterre, les problè- mes relatifs aux affrètements, sauf dans certaines circons- tances spéciales, ou ceux relatifs aux polices d'assurance maritime, ne relèvent pas de la compétence de l'Amirauté et sont entièrement jugés d'après des principes de common law. Dans de pareilles affaires, les décisions rendues par les tribunaux anglais ne constituent pas nécessairement des pré- cédents pour les tribunaux d'Écosse (Sailing Ship «Blair- more» Co., Ltd. c. Macredie, 1898, 25 R. (C.L.) 59, lord Watson, à la page 63). En outre, dans certaines circons- tances, le tribunal peut requérir l'application de la législation municipale étrangère. On a fait ressortir que la compétence des tribunaux d'Amirauté exige continuellement l'application de telle législation dans des affaires de revendication de possession ou de salaires, et dans celles survenues dans des prêts à la grosse aventure ou des hypothèques (The «Annette»: The «Dora», 1919, P. 105, le juge Hill, à la page 114). Très souvent, des matières de responsabilité contrac- tuelle et de responsabilité délictuelle exigent l'application de la législation municipale étrangère.
4 (1898) 25 R. (C.L.) 57.
tence, non pas des cours d'Amirauté, mais des tribunaux de common law.
La déclaration précitée de lord Watson n'a aucune relation avec la présente espèce, par suite des dispositions des articles 2b) et 42 de la Loi sur la Cour fédérale, pour les raisons ci-après énoncées.
Dans La Reine c. Canadian Vickers Limited 5 , le juge en chef adjoint Thurlow révise et relate, de façon exhaustive et avec abondance de détails, les sources du principal droit maritime canadien applicable devant la Cour fédérale du Canada, ainsi que la compétence de celle-ci relativement aux contrats maritimes. Dans cette cause, le juge en chef adjoint a constaté que la réclamation d'un propriétaire de navire contre un charpentier naval, sur le fondement d'un contract conclu entre eux, n'est pas une matière de contrat maritime.
Dans Sivaco Wire & Nail Company c. Atlantic Lines & Navigation Company, Inc. 6 le juge Walsh a statué que, dans la mesure la réclamation était fondée sur un contrat, en l'espèce pour des avaries occasionnées à la cargaison transportée de France à Montréal sur le navire du défendeur, elle était fondée sur un contrat maritime.
Quelle «loi maritime» a été édictée au Canada comme partie intégrante du droit positif de l'Amirauté?
L'article 42 et l'article 2b) de la Loi sur la Cour fédérale, dont voici le libellé, prescrivent et définis- sent ce qui constitue aujourd'hui, sur le plan fédé- ral, le droit maritime canadien positif:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement avant le 1" juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute autre loi.
2. Dans la présente loi,
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic- tion d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifica tions apportées à ce droit par la présente loi ou par toute autre loi du Parlement du Canada;
5 Supra, page 675.
6 Infra, page 720.
(En 1891, en application de l'Acte de l'Ami- rauté, 1891, cette cour, sous son rom précédent de Cour de l'Échiquier du Canada, reçut pour la première fois compétence concernant le droit mari time. Avant cette date, ladite compétence était attribuée à différents autres tribunaux du Canada.)
Lorsqu'il adopta les dispositions précitées en 1970, le Parlement fédéral jouissait des prérogati- ves législatives à lui reconnues par les Actes de
l'Amérique du Nord britannique, 1867 1960, sans souffrir des limitations en vigueur lors de l'adoption, par exemple, de l'Acte de l'Amirauté, 1891, cause du Statut de Westminster, 1931. En conséquence, le Parlement avait le pouvoir néces- saire pour proclamer un code de droit maritime positif plus détaillé qu'auparavant et d'y faire des attributions de compétence. Dans La Reine c. Canadian Vickers Limited (supra) le juge en chef adjoint Thurlow s'est ainsi exprimé à la page 682:
De 1890 1931, la Loi de 1865 relative à la validité des lois des colonies, 28 & 29 Vict., c. 63, a restreint quelque peu le pouvoir conféré au Parlement de légiférer en matière de marine marchande mais, en vertu de l'article 2 du Statut de Westmin- ster, 1931 (1931, 22 Geo. V, c. 4 (Imp.)), cette loi a cessé d'être appliquée à la législation subséquente adoptée par les Parle- ments des dominions autonomes. En outre, l'article 6 a mis fin aux restrictions imposées aux pouvoirs du Parlement par l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 et le paragraphe 2(2) a autorisé l'abrogation des textes législatifs impériaux qui fai- saient partie de la législation du Dominion.
Non pas à des fins d'interprétation, mais pour rappeler dans quelles circonstances le Statut de Westminster, 1931 a été adopté, nous reproduisons ci-après quelques-uns des articles dudit statut, ainsi que les annotations y afférentes apportées par Maurice 011ivier, c.r., parfois conseiller parlemen- taire à la Chambre des Communes à Ottawa. Les annotations figurent dans la collection des statuts et annotations intitulée Les Actes de l'Amérique du Nord britannique et Statuts connexes 1867- 1962 (Imprimerie de la Reine) aux pages 151 à 153. (Articles 2, 3, 4, 5 et 6 du Statut de West- minster, 1931 et annotations en bas de pages.)
2. (1) Le Colonial Laws Validity Act de 1865 ne s'appli- quera à nulle loi que le parlement du Dominion édictera postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.
(2) Nulle loi ou disposition législative que le parlement d'un Dominion édictera postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi ne sera nulle ou inopérante à raison de son incom- patibilité, soit avec le droit anglais, soit avec les dispositions d'une loi existante ou ultérieure du Royaume-Uni, soit avec un
arrêté pris, une règle établie ou un règlement rendu en vertu d'une telle loi du Royaume-Uni; et les pouvoirs du Parlement d'un Dominion comprendront la faculté d'abroger ou de modi fier une telle loi, un tel arrêté, une telle règle et un tel règlement dans la mesure ils feront partie de la législation de ce Dominion.*
3. Il est déclaré et décrété que le Parlement d'un Dominion a plein pouvoir pour édicter des lois ayant une portée extraterritoriale.**
4. Nulle loi du Parlement du Royaume-Uni édictée posté- rieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi ne fera partie ni ne sera considérée comme faisant partie de la législation d'un Dominion, à moins qu'il n'y soit formellement déclaré qu'elle a été édictée à la demande et avec l'assentiment dudit Dominion.***
5. Sans préjudice de la portée générale des dispositions précédentes de la présente loi, les articles 735 et 736 du Merchant Shipping Act de 1894 seront interprétés comme si la mention qui y est faite de la législature d'une possession britannique ne visait pas le parlement d'un Dominion.****
6. Sans préjudice de la portée générale des dispositions précédentes de la présente loi, l'article 4 du Colonial Courts of Admiralty Act de 1890, qui prescrit que la sanction de certai- nes lois doit être réservée au bon plaisir de Sa Majesté ou qu'elles doivent contenir une clause en suspendant l'entrée en vigueur, et cette partie de l'article 7 de la même loi qui prescrit que tout règlement établi par une cour relativement à la pratique et à la procédure d'une cour coloniale d'amirauté doit être approuvé par Sa Majesté en conseil, cesseront d'avoir force de loi dès l'entrée en vigueur de la présente loi.*****
* A la suite des déclarations qui avaient été faites à la Conférence de 1926, la conférence d'experts qui se réunit à Londres en 1929 recommanda l'abrogation de cette loi de 1865, adoptée alors pour étendre les pouvoirs des législatures colonia- les au delà des limites étroites que leur avaient assignées les décisions judiciaires. La loi de 1865 avait décrété que la législation adoptée par une colonie ne devait pas être invalide sauf si elle était incompatible avec quelque loi du Parlement du Royaume-Uni s'appliquant à la colonie et qu'alors elle devait être nulle seulement selon le degré de cette incompatibilité. (Voir la cause du Nadan v. Le Roi, 1926 A.C. p. 482.)
Cela ne suffisait pas, cependant, car on pouvait craindre, en abrogeant cette loi, de rétablir l'ancienne doctrine du droit coutumier. Il fallait donc une disposition législative qui fit voir clairement que, en dépit de la révocation de la loi relative à la validité des lois coloniales, les lois adoptées par les dominions ne devenaient pas inopérantes pour cause d'incompatibilité avec la loi d'Angleterre.
Les provinces (spécialement Ontario et Québec) demandè- rent et obtinrent de la Conférence interprovinciale qui siégea au mois d'avril 1931, que les avantages de l'art. 2 leur fussent appliqués et c'est la raison de l'adoption du par. (2) de l'art. 7 du Statut.
** Le droit d'extraterritorialité, qui est l'un des attributs de la souveraineté, est l'opération des lois sur les personnes et sur les statuts existant en dehors des limites de l'État, mais conti- nuant quand même d'être assujettis aux lois de cet État. Il signifie pour une nation le droit de légiférer pour ses propres
nationaux au delà des limites de ses eaux territoriales, de manière à les assujettir à ses propres lois lorsqu'ils retombent sous la juridiction de leur pays.
Nos limitations relativement à l'extraterritorialité s'éten- daient notamment aux pêcheries, aux taxes, à la navigation, à l'aviation, au mariage, au droit criminel, au droit d'auteur, au droit de déportation, enfin à la mise en vigueur des lois sur la contrebande et l'immigration illicite.
L'article 3 stipule, d'une façon absolument claire et sans restriction aucune, que le parlement d'un Dominion a plein pouvoir d'édicter des lois ayant une application extraterrito- riale.
Cet article ne vise pas les législatures des provinces, évitant ainsi le conflit des lois qui aurait pu se produire si chaque province avait le pouvoir d'édicter des lois ayant une applica tion extraterritoriale.
*** On peut résumer ainsi la situation en ce qui a trait à notre droit de légiférer. Au commencement l'Angleterre légifé- rait pour nous aussi bien que pour tous ses sujets sans les consulter. La deuxième période fut celle les dominions acquirent la faculté de légiférer, mais avec certaines restric tions, et certaines matières continuant d'être réservées au Parle- ment du Royaume-Uni.
Pendant la troisième période il fut permis aux dominions d'adopter, pour leur territoire, la loi d'Angleterre, comme en 1911 la loi du droit d'auteur, et en 1914 le British Nationality Act.
Une quatrième période fut celle des consultations. Les lois qui intéressaient toutes les parties de l'Empire ne devaient être adoptées qu'après consultation des différentes parties intéres- sées. Nous croyons que dans le cas cette uniformité est nécessaire cette période se continue, avec cette différence, cependant, que la consultation est devenue absolument volon- taire. Ainsi, notre loi de la marine marchande n'a été modifiée que conformément à la «Convention relative à la marine mar- chande de la communauté britannique» signée à Londres le 10 décembre 1931.
Le Royaume-Uni a lui-même limité à notre égard son pou- voir de légiférer pour nous en adoptant l'art. 4 du Statut. Comme on le voit à la lecture de cet article, les lois anglaises auxquelles on se réfère sont celles qui ont été adoptées après l'entrée en vigueur du Statut de Westminster. Les lois adoptées auparavant et qui auparavant s'appliquaient aux dominions demeurent en force jusqu'à ce que notre parlement décide de les abroger.
Cet article est conforme à la recommandation de la Confé- rence de 1930.
**** Jusqu'au moment de l'adoption du Statut de Westmin- ster, l'autonomie législative du Canada, dans les matières rela tives à la marine marchande, était circonscrite par les disposi tions du Colonial Laws Validity Act, 1865, par les art. 735 et 736 du Merchant Shipping Act, 1894 (impérial) et du fait que le Dominion ne pouvait donner à sa législation un effet extraterritorial.
Le Merchant Shipping Act de 1854 s'appliquait à la Grande- Bretagne et à ses colonies, aucun des dominions n'existant comme tel à cette époque. Lors de la création du premier dominion, en 1867, pouvoir fut donné à notre Parlement fédéral
de légiférer en matière de navigation et de marine marchande. Notre législation, cependant, ne pouvait être valide qu'en tant qu'elle se conformait à la loi anglaise. Une nouvelle loi anglaise fut adoptée en 1894, qui n'était que la codification de la loi de 1854, avec les modifications apportées pendant les quarante ans qui venaient de s'écouler.
C'est donc la loi anglaise de 1894, avec les modifications apportées jusqu'en 1911, ainsi que notre propre loi de la marine marchande, qui nous régissaient jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi adoptée par notre Parlement en 1934. En effet, depuis 1911, il a été stipulé que les modifications apportées à la loi anglaise cesseraient de s'appliquer aux dominions.
Nous avons mentionné un peu plus haut l'Acte relatif à la validité des lois coloniales comme un obstacle à notre autono- mie en matière de législation maritime. Un autre obstacle venait de l'impossibilité dans laquelle se trouvait le Dominion d'adopter des lois ayant l'avantage de l'extraterritorialité. Ces difficultés n'existent plus, grâce aux art. 2 et 3 du Statut de Westminster qui ont fait disparaître les deux obstacles à notre autonomie en cette matière, mentionnés plus haut.
L'article 2 déclare que l'Acte relatif à la validité des lois coloniales cessera de s'appliquer aux lois adoptées par les parlements des dominions, et l'article trois que les parlements des dominions ont plein pouvoir d'adopter des lois d'une portée extraterritoriale.
La disparition de l'Acte relatif à la validité des lois coloniales fit en même temps disparaître l'obstacle principal à notre droit de légiférer au sujet de la marine marchande.
Comme nous l'avons vu, il ne suffisait pas cependant de dire que l'Acte relatif à la validité des lois coloniales ne s'applique- rait plus à l'avenir aux dominions, ni de déclarer que le parlement d'un dominion avait plein pouvoir d'adopter des lois opérant en dehors du territoire. Il fallait de plus que les art. 735 et 736 de la loi impériale de la marine marchande, cessassent de s'appliquer aux dominions, et ce résultat fut obtenu par l'art. 5 du Statut de Westminster.
Aussi, le Dominion a exercé ce droit en adoptant a loi de la marine marchande, 1934.
En adoptant cette loi, le Dominion s'est prévalu de son droit absolu de légiférer pour les vaisseaux, de quelque provenance qu'ils soient, lorsqu'ils sont dans les eaux canadiennes; il s'est prévalu de son droit de légiférer pour les vaisseaux immatricu- lés au Canada, que ces vaisseaux se trouvent dans les eaux canadiennes ou ailleurs, subordonnément, dans ce dernier cas, aux lois locales lorsque ces vaisseaux se trouvent dans des eaux ou des ports non canadiens.
***** C'est une question discutée que de savoir si cet article était nécessaire ou non. Nos cours d'amirauté, jusqu'à l'adop- tion du Statut de Westminster, étaient constituées en vertu de la Loi des cours coloniales d'amirauté de 1890. Cette législation régissait jusqu'à un certain point le fonctionnement de nos tribunaux et avait pour effet de limiter leur juridiction. L'arti- cle 4 en particulier empêchait les législatures des dominions d'étendre leur juridiction ou de changer leur procédure sans l'approbation du Secrétaire d'État du Royaume-Uni.
La juridiction de notre cour d'amirauté était limitée à celle de la Haute Cour d'Amirauté en Angleterre; d'autre part, l'on avait ajouté considérablement à la juridiction en amirauté de la Haute Cour sans étendre ces pouvoirs additionnels à nos tribu- naux, c'est-à-dire à la Cour d'Échiquier siégeant en amirauté. (Le c. 29 de nos statuts de 1891 avait fait de notre cour
d'Échiquier une cour d'amirauté en vertu de la Loi des cours coloniales d'amirauté.)
L'article 6 du Statut a maintenant fait disparaître les restric tions qui nous avaient été imposées. Il ne sera plus nécessaire que nos lois en la matière soient approuvées par Sa Majesté en son conseil avant d'entrer en vigueur et, ainsi que nous l'avons vu à la note accompagnant l'art. 2, le droit a été donné au Parlement du Dominion d'abroger les lois du Royaume-Uni en autant que ces lois «faisaient partie de la législation du Domi nion», ce qui évidemment comprend le pouvoir d'abroger, en ce qui nous concerne, la Loi des Cours coloniales d'amirauté de 1890.
Il faudrait donc remarquer que, lorsque le Parle- ment vota de nouveau en 1970 la loi maritime fédérale de droit positif et juridictionnel, son pou- voir législatif avait augmenté dans une très grande mesure, et le Parlement a exercé ce pouvoir accru et cette compétence attribuée de telle sorte qu'à présent le code du droit maritime fédéral positif dont l'application est dévolue à la Cour fédérale du Canada comprend non seulement (1) «le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridiction d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi», mais aussi (2) le droit positif «qui en aurait relevé si cette Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifications appor- tées à ce droit par la présente loi ou par toute autre loi du Parlement du Canada».
Un long code de droit positif d'amirauté, dont une large partie était non statutaire dans sa forme d'origine, a été ainsi incorporé, par simple réfé- rence, dans le droit maritime canadien et la Cour fédérale du Canada a reçu compétence pour con- naître des actions et poursuites relatives aux matières dudit droit, en vertu de l'autorité législa- tive de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, rubrique 10 «La navigation et les expéditions par eau» (voir le juge Kerwin, dont c'était alors le titre, dans An Act to Amend the Supreme Court Act'; voir aussi Laskin: Canadian
Constitutional Law, 4e édition, 1973, la page 796) et en vertu de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
En conséquence, et par suite de l'adoption d'un long code de droit fédéral positif applicable en vertu du pouvoir dévolu par la rubrique 10 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord bri-
[ 1940] R.C.S. 49, à la page 108.
tannique, on peut poser comme prémisse valable la compétence de la Cour fédérale du Canada en toute matière concernant le droit maritime cana- dien; et ainsi le principe énoncé dans les arrêts Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifique Limitée 8 et McNamara Construction (Western) Limited c. La Reine 9 relativement à la proposition «l'existence d'une législation fédérale applicable, que ce soit une loi, un règlement ou la common law» est satisfait en ce sens que, par rapport au droit maritime canadien, «la compé- tence judiciaire ... recouvre le même domaine que compétence législative [fédérale]».
En plus, et ceci se rapporte de très près à l'objet de la présente requête, il y a la référence à l'avis exprimé par lord Watson à la page 63 de l'arrêt Sailing Ship «Blairmore» Co., Ltd. c. Macredie rapporté plus haut, à savoir que la compétence des cours d'Amirauté écossaise et anglaise ne couvrait pas le même domaine et qi. ;, en ce temps-là et pendant une certaine période, les tribunaux anglais de common law, et non pas la cour anglaise d'Ami- rauté, étaient compétents pour connaître des revendications relatives aux polices d'assurance maritime. Ces remarques n'ont plus aucune impor tance ici car la Cour est maintenant compétente pour connaître des actions intentées pour toutes réclamations relatives à l'amirauté et à des matiè- res maritimes, ce qui englobe toutes réclamations en matière de police d'assurance maritime, lesquel- les, pendant une certaine période, relevaient de la compétence des tribunaux anglais de common law (et en tout cas, ainsi qu'il a été dit, aucune décision judiciaire n'a jamais laissé entendre qu'une reven- dication relative à une police d'assurance maritime ne serait pas une matière maritime ou une matière d'amirauté).
Les limites de ce droit maritime ainsi incorporé à la loi par simple référence et adopté comme droit maritime fédéral canadien peuvent être difficiles à déterminer avec précision, sauf si l'on analyse chaque cas d'espèce.
De façon générale, toutes matières maritimes et d'amirauté sont à l'intérieur desdites limites. Plus spécialement le droit positif gouvernant tous con- trats maritimes et tous actes dommageables se trouve certainement à l'intérieur desdites limites.
8 [1977] 2 R.C.S. 1054.
9 [1977] 2 R.C.S. 654.
La seule réserve à cet égard est que contrats et actes dommageables doivent se rapporter à des affaires de navigation, ou de commerce sur mer ou dans les eaux intérieures du Canada.
L'avis exprimé par le juge Story dans De Lovio c. Boit (supra) à la page 400, est très significatif à cet égard:
[TRADUCTION] En réalité, il est difficile de savoir exacte- ment quelles étaient à l'origine la nature et l'étendue de la compétence d'amirauté. Elle est aussi obscure que la compé- tence que possédaient à l'origine les cours de common law. Toutefois, il semble que tout à fait au début, l'Amirauté ait eu à connaître de toutes les affaires de captures, de préjudices et d'infractions survenus dans les ports entre le flux et le reflux de la marée et en haute mer; des contrats maritimes et de la navigation; et aussi de la préservation des droits, des prérogati- ves et des pouvoirs de la Couronne dans les mers britanniques. Les formes de ses procédures ont été empruntées au droit civil et les règles qui la régissaient étaient constituées, comme c'est admis partout, par les anciennes lois, coutumes et usages des mers. En fait, il n'est guère douteux que les tribunaux d'ami- rauté de l'Angleterre et les tribunaux maritimes des autres pays européens étaient sur le même modèle, et que leur compétence incluait les mêmes sujets que celle des cours consulaires de la Méditerranée. Ces cours sont décrites dans le Consolato del Mare, comme ayant compétence pour «tous les litiges relatifs au fret, aux dommages subis par la cargaison, aux salaires des matelots, au partage des navires par vente publique, au jet des marchandises à la mer, aux commissions et aux cautionnements consentis aux capitaines et aux marins, aux dettes contractées par le capitaine pour l'utilisation et les besoins de son navire, aux accords passés entre le capitaine et les marchands, aux marchandises trouvées en haute mer ou sur la côte, à l'arme- ment ou à l'équipement des navires, galères ou autres vaisseaux et, en général, à tous les contrats déclarés dans les coutumes de la mer.»
Certainement, dans le domaine ainsi décrit: (1) s'applique le code du droit de l'amirauté, à titre de droit maritime canadien, rendu loi fédérale par l'Acte de l'Amirauté, 1891 et la Loi d'amirauté, 1934; et (2) est introduite, à titre de droit mari time canadien, toute loi sur l'Amirauté et loi mari time appliquées par les cours d'Amirauté en Angleterre «sous le règne d'Edward III et avant les lois promulguées par Richard II et Henry IV, qui ont été ensuite interprétées et exécutées par les cours de common law, appliquant les principes de common law de manière à restreindre sévèrement la compétence de la Cour d'Amirauté» 10 .
10 Voir La Reine c. Canadian Vickers Ltd., le juge en chef adjoint Thurlow (supra) à la page 688.
Le domaine précité est, cependant, suffisam- ment large pour permettre de déterminer les points litigieux soulevés dans la présente requête, relati- vement aux polices d'assurance maritime en question.
Les affaires à juger plus tard devant cette cour donneront l'occasion de déterminer avec précision les limites des matières maritimes et des matières d'amirauté.
Autorité législative du Parlement pour l'adoption des articles 2b) et 42 de la Loi sur la Cour fédérale
L'autorité législative du Parlement du Canada en vertu des Actes de l'Amérique du Nord britan- nique, 1867 1960, et plus précisément en vertu de l'article 91, rubrique 10 «La navigation et les expéditions par eau», comporte-t-elle le droit d'in- corporer dans le droit maritime positif canadien applicable devant la Cour fédérale du Canada des revendications, telles que celles soulevées dans la présente action, relatives à des polices d'assurance maritime?
La Cour suprême du Canada a déjà reconnu, en principe, la compétence du Parlement à cet égard lorsqu'elle constate, dans Le «Picton» ", que l'Acte de Juridiction Maritime, 1877, était une loi intra vires en ce qui concerne la navigation et les expédi- tions par eau, et que ladite compétence découle de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (le tribunal maritime de l'Ontario et les cours de vice-amirauté fonctionnant dans d'au- tres parties du Canada ont été abolis lors de l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amirauté, 1891).
Compétence
Il faut noter la distinction entre la compétence pour appliquer le droit maritime canadien positif et l'existence même dudit droit.
L'application du droit maritime canadien posi- tif, édicté par le Parlement du Canada en 1891 dans l'Acte de l'Amirauté, 1891, était attribuée à la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic- tion d'amirauté; ladite attribution à été confirmée dans la Loi d'amirauté, 1934; elle a été par la suite attribuée à la Cour fédérale du Canada (laquelle
i1 (1879) 4 R.C.S. 648, la page 655.
succédait à la Cour de l'Échiquier sous un autre nom) en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
En ce qui concerne l'objet spécifique de la pré- sente action, le Parlement du Canada, par l'article 22(2)r) de la Loi sur la Cour fédérale, a attribué compétence à la Division de première instance de ladite cour. Voici le libellé dudit article:
22....
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il est déclaré pour plus de certitude que la Division de première instance a compétence relativement à toute demande ou à tout litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
r) toute demande née d'un contrat d'assurance maritime ou y relative; ...
La Cour fédérale du Canada n'a, cependant, pas compétence exclusive relativement aux polices d'assurance maritime. Les tribunaux provinciaux ont une compétence parallèle lorsque les parties relèvent de leur ressort.
Ce fait, et la prise en considération de certains arrêts ci-après cités, relatifs à des affaires constitu- tionnelles portant sur l'assurance, ne diminuent cependant en rien la validité des déclarations, faites dans les présents motifs:
Le procureur général du Canada c. Le procu- reur général de l'Alberta 12; Le procureur géné- ral de l'Ontario c. Reciprocal Insurers 13 ; In re The Insurance Act of Canada 14 ; et Reference as to the validity of Section 16 of the Special War Revenue Act 15 .
En ce qui concerne ces arrêts constitutionnels, on se reportera à un article de Vincent C. MacDonald 16 , publié en 1946 dans la Revue du Barreau canadien à la page 257 et intitulé [TRA- DUCTION] «La réglementation de l'assurance au Canada». L'auteur y cite C. P. Plaxton, c.r., sous- ministre fédéral intérimaire de la Justice, qui a dit la page 270], se référant à l'effet net produit jusqu'alors par lesdits arrêts:
12 [1916] 2 A.C. 588.
13 [1924] A.C. 328.
14 [1932] A.C. 41.
15 [1942] R.C.S. 429.
16 A une époque, doyen de la Dalhousie Law School, à Halifax, et plus tard juge à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.
[TRADUCTION] ... «que toutes personnes, canadiennes, bri- tanniques ou étrangères, sont soumises, dans la conduite de leurs affaires relatives à l'assurance (intéressant les polices ou autres incidents desdites affaires), aux lois provinciales de caractère général concernant les biens et les droits civils; et que le Parlement du Dominion n'est pas compétent pour trancher dans ce domaine.» M. Plaxton a ensuite fait ressor- tir la distinction suivante soulignée dans toutes les décisions: «Il y a une distinction constitutionnelle entre, d'une part, la création, le contrôle ou la limitation du statut subjectif et du domaine d'opération d'une compagnie canadienne, britanni- que ou étrangère constituée en compagnie pour exercer une entreprise d'assurance, et, d'autre part, la réglementation de l'exercice objectif de ses pouvoirs relativement aux biens et aux droits civils dans une province. La première catégorie de réglementation relève de la compétence exclusive du Parle- ment fédéral; la deuxième, de la compétence exclusive des législatures provinciales.»
Pareillement, l'existence de certaines lois statu- taires provinciales, à savoir le droit maritime pro vincial tel que celui cité en référence ci-après, ne diminue en rien la validité des déclarations faites dans les présents motifs: The Marine Insurance Act, S.R.O. 1970, c. 260; Loi sur l'assurance maritime, L.R.N.-B. 1973, c. M-1; Marine Insur ance Act, S.R.C.-B. 1960, c. 231; The Marine Insurance Act, S.R.M. 1970, c. M40; articles 184 à 273 de l'Insurance Act, 1967, S.R.N.-E. 1967, c. 148; articles 2468 2692 du Code civil du Québec.
Pour se prononcer sur les points litigieux soule- vés dans la présente action, il serait peut-être nécessaire de recourir à certaines de ces lois écrites et de les utiliser, ainsi qu'à d'autres lois statutaires provinciales, sorte d'utilisation et d'application qui a été examinée, par exemple, dans La Reine c. Murray'''. Mais, au cas elles s'avèrent nécessai- res, cette utilisation et cette application ne consti tuent pas [TRADUCTION] «une incorporation géné- rale ou une adoption référentielle de lois provinciales pour les introduire dans le champ de compétence de la Cour fédérale», comme il pour- rait être nécessaire dans la présente affaire, et comme il a été suggéré par l'avocat dans un autre contexte, avec des commentaires, dans Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifi- que Limitée (supra).
Pour ces motifs, je suis, par conséquent, d'avis que la Division de première instance de la Cour
17 [1965] 2 R.C.É. 663; voir [1967] R.C.S. 262.
fédérale du Canada est compétente pour entendre les présentes revendications relativement aux deux polices d'assurance maritime en question.
La requête des compagnies d'assurance défende- resses est donc rejetée avec dépens, qui suivront l'issue de la cause.
Quant à la seconde requête introduite par la compagnie de courtage d'assurance défenderesse Reed, Shaw, Stenhouse Limited, la revendication
est énoncée dans les paragraphes 26 29 de la
déclaration. Manifestement, elle est essentielle- ment fondée sur l'allégation que cette compagnie de courtage d'assurance aurait, par négligence, dénaturé certains faits. En vertu des polices d'assu- rance maritime en question, il ne s'agit pas d'allé- gations de négligence, mais ce sont, d'une façon générale, les relations avec l'agence qui sont visées. En tout cas, et aux fins de la présente action, il ne s'agit pas d'allégations relatives à quelque matière maritime ou d'amirauté faisant partie du «droit maritime canadien>.
Voici le libellé des paragraphes 26 29 de la
déclaration:
[TRADUCTION] 26. Le 7 février 1974, la demanderesse a reçu de la compagnie de courtage Reed, Shaw, Stenhouse Limited, une lettre lui transmettant le texte d'un message envoyé par la défenderesse Canadian Marine Underwriters Ltd. et déclarant que les assureurs, les compagnies défenderesses Gore Mutual Insurance Company et Canadian Marine Underwriters Ltd., considéraient la police comme nulle et sans effet à compter du commencement du risque et qu'en conséquence les assureurs ne feraient pas honneur à leurs engagements relativement à quel- que matière assurable que ce soit survenue pendant la période de validité de l'assurance, à savoir du 16 mars 1973 au 16 mars 1974.
27. D'après l'enquête par elle conduite, la demanderesse a appris que la décision des assureurs, les compagnies défenderes- ses Gore Mutual Insurance Company et Canadian Marine Underwriters Ltd., de déclarer la police nulle et sans effet à partir du commencement du risque, résultait de faux renseigne- ments donnés par la compagnie de courtage Reed, Shaw, Stenhouse Limited.
28. La demanderesse n'a jamais donné, soit directement aux défenderesses Gore Mutual Insurance Company et Canadian Marine Underwriters Ltd., soit indirectement par l'intermé- diaire de la compagnie de courtage Reed, Shaw, Stenhouse Limited, de faux renseignements relatifs à la vente des polices d'assurance ou autrement, et en conséquence, les compagnies défenderesses Gore Mutual Insurance Company et Canadian Marine Underwriters Ltd. n'ont pas le droit de considérer la police comme nulle et sans effet à compter du commencement du risque.
29. Cependant, dans le cas la Cour serait convaincue que les compagnies d'assurance sont bien fondées à considérer la police
comme nulle et sans effet à partir du commencement du risque, ce à quoi la demanderesse s'oppose énergiquement, cette der- nière a alors le droit de demander la condamnation de la défenderesse Reed, Shaw, Stenhouse Limited à lui payer toutes sommes dont les compagnies d'assurance seraient responsables envers elle si ladite police avait été en vigueur pendant toute sa durée, y compris tous les préjudices causés à ladite demande- resse par l'annulation des polices à compter du commencement du risque.
En conséquence, la Cour fédérale du Canada n'est pas compétente pour entendre la réclamation élevée contre la compagnie de courtage d'assu- rance défenderesse.
Les paragraphes 26 29 de la déclaration sont donc biffés, ainsi que toute autre de ses parties se rapportant à ladite compagnie de courtage d'assu- rance défenderesse; l'action contre Reed, Shaw, Stenhouse Limited est rejetée avec dépens et auto- risation donnée à la demanderesse de faire toute modification de la déclaration en conséquence, y compris la numérotation des paragraphes pour éliminer toute réclamation contre ladite compagnie de courtage d'assurance défenderesse, et pour per- mettre à ladite demanderesse de poursuivre ses revendications contre les compagnies d'assurance défenderesses.
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