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A-498-77
François Boucher (Requérant) c.
Le Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges Pratte et Le Dain—Ottawa, les 14 et 24 avril 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Appel d'une évaluation accueilli pour des motifs autres que ceux sur
lesquels l'appel était fondé Tenue d'une seconde évaluation afin de remédier à l'irrégularité L'irrégularité sur laquelle l'appel du requérant était initialement fondé n'a pas été sup- primée malgré l'addition de la seconde évaluation à la pre- mière Le second comité d'appel a jugé que les griefs avaient
déjà été étudiés et jugés non fondés Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), art. 28 Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 21.
Le requérant demande l'annulation d'une décision du Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique. Son premier appel, interjeté après qu'il eut échoué à l'évaluation menée par un comité de sélection, a été accueilli en même temps que les appels interjetés par les autres candidats, mais pour des motifs différents de ceux sur lesquels son appel était fondé. Le résultat d'une seconde évaluation, faite en vue de remédier à l'irrégula- rité dont a été saisi le comité d'appel, a été ajouté au résultat de la première évaluation. Cette mesure n'a pas remédié à l'irrégu- larité dont se plaint le requérant mais un second comité d'appel a jugé que les griefs avaient déjà été étudiés et jugés non fondés. C'est cette décision du second comité d'appel que le requérant cherche à faire examiner, au motif qu'elle le prive du droit d'appel que lui accorde l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Arrêt: l'appel est accueilli. Bien que cette façon de faire soit acceptable, elle ne doit pas avoir pour résultat de priver un candidat malheureux du droit d'appel. Contrairement à ce qu'affirme cette décision, le premier comité d'appel n'a pas rejeté, implicitement ou autrement, le grief du requérant qui prétendait que ses aptitudes avaient été mal évaluées. De plus, le requérant n'a pas renoncé, tacitement ou autrement, à faire valoir ses griefs. Par conséquent, le comité d'appel a eu tort de rejeter l'appel du requérant sans examiner si les moyens d'appel qu'il invoquait étaient fondés.
Arrêt mentionné: Brown c. La Commission de la Fonction publique [1975] C.F. 345.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
John D. Richard, c.r., pour le requérant. Paul Plourde pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Voici les motifs de la décision prononcés en français â l'audience par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an- nulation en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale de la décision d'un comité établi par la Commission de la Fonction publique qui a rejeté l'appel fait par le requérant en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Au mois d'août 1976, on publia un avis annon- çant la tenue d'un concours, suivant l'article 7(1)a) du Règlement sur l'emploi dans la Fonc- tion publique, pour choisir ceux qui pouvaient occuper le poste de conseiller en immigration. La Commission de la Fonction publique nomma un comité de sélection qui, au cours d'entrevues, évalua les connaissances, les aptitudes et les «possi- bilités de rendement» de 57 candidats dont le requérant. Le comité jugea 15 de ces personnes aptes à remplir le poste qu'elles convoitaient et porta leurs noms sur une liste d'admissibilité. Le requérant n'était pas au nombre de ceux-là: il avait échoué au chapitre des aptitudes. Il interjeta appel suivant l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Son appel fut entendu en même temps que les appels de 6 autres candidats qui se plaignaient, eux aussi, de n'avoir pas réussi le concours. Mais alors que le requérant avait échoué au chapitre des aptitudes, les 6 autres appelants avaient échoué au chapitre des connais- sances. Le comité d'appel en vint à la conclusion que le comité de sélection n'avait pas évalué adé- quatement les connaissances des candidats en ce qu'il avait omis de vérifier leurs connaissances en droit criminel. A cause de cela, et à cause de cela seulement, le comité accueillit les appels, y com- pris celui du requérant. La décision ne fait aucune mention cependant du grief sur lequel l'appel du requérant était fondé, savoir que ses aptitudes avaient été mal évaluées; elle discute uniquement les griefs formulés par les autres appelants relati- vement à la façon dont on avait évalué leurs connaissances.
Suite à cette décision, le comité de sélection interviewa de nouveau les candidats au concours, y compris le requérant, pour évaluer leurs connais- sances en droit criminel. Puis, après avoir ajouté le
résultat de cette nouvelle évaluation à ceux des évaluations précédentes, le comité dressa une nou- velle liste d'admissibilité n'apparaissait évidem- ment pas le nom du requérant puisque celui-ci n'avait pas échoué au chapitre des connaissances mais à celui des aptitudes.
Le requérant fit de nouveau appel suivant l'arti- cle 21 à l'encontre des nominations proposées pré- tendant que ses aptitudes avaient été mal évaluées. Le comité chargé d'entendre ce nouvel appel décida de le rejeter au motif que les griefs du requérant avaient déjà été étudiés et jugés non fondés par le premier comité d'appel. C'est cette décision du second comité d'appel que le requérant attaque au motif qu'elle le prive du droit d'appel que lui accorde l'article 21.
Après la décision du premier comité d'appel, la Commission aurait pu décider de recommencer entièrement le concours. Tous les candidats mal- heureux à ce second concours auraient alors béné- ficié d'un droit d'appel et le problème que soulève cette affaire n'aurait pas existé. Ce problème vient, en effet, de ce que la Commission, plutôt que de recommencer entièrement le concours, s'est con- tentée de remédier à l'irrégularité qui avait motivé la décision du premier comité d'appel. Je ne vois rien de répréhensible à cette façon de faire car, à mon avis, le juge en chef a eu raison de dire, dans l'affaire Brown c. La Commission de la Fonction publique [1975] C.F. 345, à la page 372, que la Commission n'était pas toujours obligée, après qu'un appel eût été accueilli en vertu de l'article 21, de reprendre entièrement le processus de sélec- tion, et qu'elle pouvait, lorsque cela est possible, se limiter à corriger les irrégularités découvertes par le comité d'appel. Cependant, si cette façon de faire est acceptable, elle ne doit pas avoir pour résultat de priver un candidat malheureux du droit d'appel que lui donne l'article 21. Or, c'est bien là, à mon avis, l'effet de la décision attaquée. Contrai- rement à ce qu'affirme cette décision, le premier comité d'appel n'a pas rejeté, implicitement ou autrement, le grief du requérant qui prétendait que ses aptitudes avaient été mal évaluées. D'autre part, on ne peut dire, dans les circonstances, que le requérant ait renoncé, tacitement ou autrement, à faire valoir ses griefs. Pour ces motifs, je crois que le comité d'appel a eu tort de rejeter l'appel du requérant sans examiner si les moyens d'appel qu'il invoquait étaient fondés.
J'accueillerais donc la demande et je casserais la décision du comité d'appel à qui je renverrais l'affaire pour qu'il décide l'appel du requérant après avoir procédé à l'enquête que prévoit l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
LE JUGE EN CHEF JACKETT y a souscrit.
LE JUGE LE BAIN y a souscrit.
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