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T-4723-77
Michael John Martinoff et John Michael Page (Requérants)
c.
Le S/e.m. L. M. Gossen, registraire local d'armes à feu de Vancouver, R. H. Simmonds, commis- saire de la Gendarmerie royale du Canada, et Garde B. Gardom, Procureur général de la pro vince de Colombie-Britannique (Intimés)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, le 13 décembre 1977 et le 9 janvier 1978.
Brefs de prérogative Mandamus Demande d'enregis- trement d'armes à feu Retard excessif à faire parvenir au commissaire de la G.R.C. l'une des demandes Demandes présentées au Registraire local non approuvées Registraire local compétent uniquement en ce qui concerne certains types d'armes à feu par suite des restrictions imposées à sa nomina tion par le procureur général de la province concernée Un bref de mandamus peut-il être décerné (1) pour enjoindre au Registraire local d'étudier la demande (2) pour enjoindre au procureur général de la Colombie-Britannique et au commis- saire de la G.R.C. de nommer des registraires locaux sans restreindre leur autorité (3) pour enjoindre au commissaire de la G.R.C. d'étudier une demande d'enregistrement avant qu'une nouvelle loi ne devienne applicable Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 82(1), 91, 93, 97, 98, 99 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18.
Le requérant a présenté des demandes pour faire enregistrer trois armes à feu. L'une des demandes, dont copie est parvenue au commissaire de la G.R.C., par le biais du détachement local, n'a toutefois été examinée que quelques mois plus tard, mais aucune décision n'a été rendue. Des demandes concernant deux autres armes à feu, présentées à un registraire local d'armes à feu, ont été rejetées sous prétexte que les nominations de registraires locaux faisaient l'objet d'une restriction émise par le procureur général de la province concernée, savoir que ces registraires locaux n'étaient pas autorisés à enregistrer deux des quatre types d'armes à autorisation restreinte dont il est ques tion au Code. Par la suite, bien que la demande n'ait pas été examinée, le Registraire local fit parvenir un rapport au com- missaire de la G.R.C., conformément à l'article 98. Le requé- rant sollicite (1) un bref de mandamus enjoignant à l'intimé Gossen, un registraire local, d'étudier la demande d'enregistre- ment du requérant; (2) un bref de mandamus enjoignant au commissaire de la G.R.C. et au procureur général de la Colom- bie-Britannique de nommer des registraires locaux et des émet- teurs de permis sans restreindre leur autorité; et (3) une ordonnance de la nature du mandamus enjoignant au commis- saire de la G.R.C. d'étudier la demande d'enregistrement con- cernant la première arme à feu.
Arrêt: le redressement sollicité est accueilli en partie. Le temps que la première demande a pris pour parvenir au Com- missaire n'a pas été expliqué de façon satisfaisante. Il est souhaitable et équitable que le Commissaire en vienne à une
décision avant que la nouvelle législation devienne applicable. La Cour n'est pas compétente pour accorder un bref de manda- mus à l'égard d'un procureur général d'une province et même si ce recours est ouvert contre le Commissaire, il ne convient pas de lui demander d'exercer des pouvoirs dans un domaine, comme celui de la nomination de registraires locaux, qui est traditionnellement celui des procureurs généraux. Lorsque des procureurs généraux décident de nommer des registraires locaux d'armes à feu, ils ne peuvent choisir les armes à autori- sation restreinte qui seront du ressort de ces personnes, et ce, malgré le pouvoir législatif provincial qui leur est dévolu d'ad- ministrer la justice. Ils ne peuvent, en agissant ainsi, renverser la loi du Canada ou la rendre inopérante. Le législateur ne les a pas dotés d'un tel pouvoir discrétionnaire. Finalement, un regis- traire local, comme celui en l'espèce, ne peut refuser d'étudier une demande en particulier et en même temps, en faire rapport; il y a corrélation entre ces deux fonctions.
Distinction faite avec l'arrêt: Walker c. Gagnon [1976] 2 C.F. 155.
DEMANDES. AVOCATS:
Les requérants en leur nom personnel.
W. D. Stewart pour les intimés, le S/e.m. L. M. Gossen et Garde B. Gardom, Procureur général de la Colombie-Britannique.
B. Purdy pour R. H. Simmonds, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.
PROCU REURS:
Le procureur général de la Colombie-Britan- nique, Victoria, pour les intimés, le S/e.m. L. M. Gossen et Garde B. Gardom, Procureur général de la Colombie-Britannique.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur R. H. Simmonds, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Le 5 décembre 1977, les requérants ont déposé une demande, à présenter pour audition le 13 décembre 1977, visant un redressement du genre prévu à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale'. A la fin des plaidoiries, j'ai déposé des prononcés formels relativement certaines parties de la demande. L'audition des autres parties de la demande a été ajournée.
' S.A.C. 1970 (2° Supp.), c. 10.
J'avais indiqué que je donnerais peut-être les motifs écrits des décisions que j'ai rendues jusqu'à présent. Vu certaines considérations, qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer, je pense qu'il est bon que j'énonce maintenant mes conclusions.
Le requérant Martinoff plaide sa cause lui- même et s'en tire bien. Il a essayé de se faire l'avocat de son corequérant Page, ce que j'ai refusé. L'audition de la demande, en ce qui con- cerne Page, a donc été remise.
Devant la Cour (Martinoff a demandé des redressements de même nature devant les autres tribunaux), sa demande est née des derniers con- flits qu'il a eus, en tant que contribuable et citoyen, avec les bureaucrates et les fonctionnaires relativement à l'interprétation et à l'administration de ce qu'on appelle la «législation sur le contrôle des armes à feu» figurant au Code criminel'.
L'historique complet, dont les incursions faites dans les autres cours, n'est pas jolis et je ne l'exposerai pas.
Selon cet historique, Martinoff a présenté un certain nombre de demandes de permis et de certi- ficats d'enregistrement concernant des armes à autorisation restreinte. Le requérant est manifeste- ment tenace et têtu. Il a sans doute persécuté sans répit les responsables de l'administration des lois sur le contrôle des armes à feu. De même, il a sans doute été une nuisance pour les fonctionnaires et bureaucrates qui n'étaient pas de son avis, particu- lièrement en ce qui a trait à la possession, en tant que collectionneur, d'armes à feu, dont des mitrailleuses.
Je ne peux me préoccuper de l'aspect moral de la propriété ou de la possession de mitrailleuses, permise par le Code criminel. Mon devoir est de
2 S.R.C. 1970, c. C-34, édicté par les S.C. 1968-69, c. 38, art. 6, et modifié par les S.C. 1972, c. 17, art. 2. La Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, c. 53, a abrogé les
articles 82 106 de ce que j'appellerai la législation sur le contrôle des armes à feu d'avant le ler janvier 1978. En même temps, une nouvelle législation, plus rigoureuse, si je comprends bien, a été édictée. Cette dernière doit entrer en vigueur aux dates fixées par proclamation. Quelques-unes des nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le ler janvier 1978.
3 Voir: a) La correspondance jointe à l'affidavit de Martinoff. b) La décision et les motifs du juge J. L. Davies, rendus le 29 juin 1977, l'on trouve l'historique des demandes et procédu- res judiciaires antérieures. c) Les motifs du jugement du juge Wetmore, de la Cour de comté, en date du 5 octobre 1977.
sublimer l'opinion personnelle que je peux avoir, pour interpréter (au besoin) la loi et ensuite l'ap- pliquer. Si la loi, telle que la Cour la conçoit, est favorable au requérant, sa demande doit alors être accueillie avec toute la protection, les privilèges ou les avantages qui s'ensuivent.
Pour les fins des motifs du présent jugement et de tous motifs supplémentaires à venir concernant lés parties de la demande qui ont été remises, il convient d'énoncer au complet le redressement demandé:
[TRADUCTION] ... une ordonnance enjoignant d'émettre un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition, ou une injonc- tion, comme la Cour le jugera bon, alternativement ou concur- remment, contre les personnes que la Cour décidera, pour assurer:
1. qu'un permis soit délivré au requérant Michael John Marti- noff pour qu'il puisse transporter ses armes à feu Uzi #104 et G3A4 #G3 12 C 692, du poste de police de Vancouver, sis au 312 Main Street, à sa résidence, 5038, Granville, à Vancouver;
2. que le Registraire local d'armes à feu de Vancouver, le S/e.m. L. M. Gossen, étudie la demande du requérant Michael John Martinoff qui cherche à enregistrer ses armes à autorisa- tion restreinte MAC-10 #2-3007383 et PMC M-2 #791A et qu'il délivre audit requérant un permis de transport desdites armes à feu de chez l'armurier Douglas Hough, 3626 ouest, avenue, à Vancouver, au bureau du S/e.m. Gossen aux fins d'examen, si ce dernier le désire, puis à la résidence du requé- rant, 5038, Granville, à Vancouver;
et que ledit registraire local d'armes à feu étudie la demande du requérant John Michael Page qui cherche à enregistrer son arme à autorisation restreinte Winchester M-2 #1133659 et qu'il délivre audit requérant un permis pour qu'il puisse trans porter ladite arme à feu de la résidence susmentionnée de Michael John Martinoff au bureau du S/e.m. Gossen aux fins d'examen, si ce dernier le désire, puis à la résidence du requé- rant, au 1445, avenue Marpole, app. 409,à Vancouver;
qu'un registraire local d'armes à feu soit nommé (par le procureur général de la Colombie-Britannique ou par le com- missaire de la G.R.C.), de même qu'un émetteur de permis prêts à servir les requérants et habilités à le faire, conformé- ment aux dispositions du Code criminel,
3. que l'intimé R. H. Simmonds, commissaire de la G.R.C., statue sur la demande du requérant Michael John Martinoff qui cherche à enregistrer son arme à feu Schmeisser #9981-D;
4. que l'intimé R. H. Simmonds, commissaire de la G.R.C., délivre au requérant Michael John Martinoff un permis l'auto- risant à avoir en sa possession une arme à autorisation res- treinte ailleurs que dans sa maison d'habitation ou son siège d'affaires et ce pour protéger des vies ou des biens et pour s'en servir dans le tir à la cible.
A l'audience, le 13 décembre 1977, les procédu- res se sont limitées
a) à la demande, énoncée au premier alinéa du deuxième paragraphe ci-dessus, d'une ordon- nance de la nature du mandamus pour enjoindre à l'intimé Gossen d'étudier la demande d'enre- gistrement déposée par Martinoff concernant ses armes à autorisation restreinte MAC-10 et PMC M-2. Ces armes sont du type arme auto- matique ou mitrailleuse.
b) à la demande subsidiaire, énoncée au troi- sième alinéa du deuxième paragraphe ci-dessus, que le procureur général de la Colombie-Britan- nique ou le commissaire de la G.R.C. reçoive l'ordre, par une ordonnance de la nature du mandamus, de nommer un registraire local d'ar- mes à feu et un émetteur de permis, sans res- treindre d'aucune manière l'autorité ou les pou- voirs dévolus à ces fonctionnaires par le Code criminel.
c) à la demande, énoncée au troisième paragra- phe ci-dessus, d'une ordonnance de la nature du mandamus, enjoignant à l'intimé Simmonds d'étudier la demande de Martinoff visant l'enre- gistrement de son arme à feu Schmeisser. Il s'agissait encore d'une arme automatique.
Avant de donner les grandes lignes des faits et des questions en litige, voici un énoncé de quelques points procéduraux soulevés et de décisions prises au début ou au cours de l'audition.
Il s'agit d'un redressement demandé contre le procureur général de la Colombie-Britannique. On a soulevé en son nom l'objection voulant qu'en l'espèce la Cour n'ait pas compétence. J'ai accueilli cette objection et ordonné le rejet des procédures contre le procureur général, car je ne voyais aucune règle de droit fédéral (statutaire ou de droit commun) applicable qui pouvait justifier lesdites procédures amorcées devant la Cour".
On a prétendu, au nom du S/e.m. Gossen, qu'aucun redressement demandé par voie de cer- tiorari ne pouvait, d'après les faits en l'espèce, être accordé par la Division de première instance, et
" Selon moi, les principes énoncés dans: Union Oil of Canada Ltd. c. La Reine [1976] 1 C.F. 74 (C.A.F.), dont l'appel à la Cour suprême du Canada a été rejeté, [1976] 2 R.C.S. y; Canadian Javelin Ltd. c. La Reine (T.-N.) [1978] 1 C.F. 408; Quebec North Shore Paper Co. c. Canadien Pacifique Liée [1977] 2 R.C.S. 1054 et McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654, aux pages 658 et 659 s'appliquent ici.
que le recours aurait être porté en vertu de l'article 28 et devant la Division d'appel. A mon avis, si on lit honnêtement la demande dans son ensemble, en se rappelant que l'auteur des docu ments n'a pas de formation juridique, on peut voir que l'essentiel du redressement demandé est de la nature du mandamus, ou de l'injonction manda- toire. C'est ce que j'ai conclu à l'audition, et j'ai rejeté cette objection d'ordre juridictionnel.
Il y a deux autres points qui nécessiteraient des commentaires. On a déposé un affidavit, dont le déclarant était M. W. D. Stewart, pour le compte des intimés Gossen et du procureur général de la Colombie-Britannique. M. Stewart a comparu en tant qu'avocat de ces deux intimés. L'affidavit contenait quelques éléments sujets à controverse. J'ai décidé en me fondant sur un usage consacré, qu'on ne pourrait se servir de cet affidavit, à moins qu'un autre avocat vienne plaider la cause, ce qui n'a pas été fait. Je n'ai donc pas tenu compte des éléments contenus dans l'affidavit en rendant ma décision.
L'intimé Simmonds a déposé son propre affida vit, sérieusement défectueux en sa formes. Il s'agit d'une déclaration passablement longue, qui repose, non pas sur une connaissance personnelle, mais sur des renseignements et des croyances. On y retrouve, tout au long, le membre de phrase suivant:
[TRADUCTION] J'ai su et je crois que ....
Nulle part on n'énonce, comme l'exigent les règles, les sources et motifs de ces renseignements et croyances 6 . J'ajouterai que, selon moi, il n'est pas suffisant de dire simplement, par exemple: J'ai su par M. X ... et je crois vraiment que ... M. X doit être suffisamment identifié et il faut divulguer d'autres faits desquels la Cour peut conclure que M. X a probablement une connaissance de pre- mière main des faits allégués par le déclarant et que, par conséquent, le déclarant a des motifs raisonnables de croire que ces faits sont vrais.
Pour analyser de façon définitive les questions que j'ai entendues jusqu'ici, je n'ai pas eu à me servir de l'affidavit du Commissaire.
Je ne critique pas le Commissaire personnellement, car
l'affidavit a sans doute été rédigé par d'autres en son nom.
6 Voir la Règle 332(1).
Je passe maintenant aux faits principaux et au litige qui existe entre les parties. Pour commencer, il est nécessaire de résumer les dispositions appli- cables du Code criminel.
Les articles 83 à 96 énoncent diverses infrac tions relatives à l'utilisation, à la possession et au commerce des armes prohibées et des armes autorisation restreinte. Les interdictions et infrac tions les plus pertinentes en l'espèce sont énoncées aux articles 91 et 93. En vertu de l'article 91, quiconque a en sa possession une arme à autorisa- tion restreinte «pour laquelle il n'a pas de certificat d'enregistrement émis en sa faveur» est coupable d'une infraction.
Les armes à autorisation restreinte sont définies au paragraphe 82(1):
82. ...
«arme à autorisation restreinte» désigne
a) toute arme à feu conçue, modifiée ou destinée aux fins de viser et de tirer à l'aide d'une seule main,
b) toute arme à feu qui est susceptible de tirer rapidement plusieurs balles pendant la durée d'une pression sur la gâchette,
c) toute arme à feu qui mesure moins de vingt-six pouces de longueur ou qui est conçue ou adaptée pour tirer lorsqu'elle est réduite à une longueur de moins de vingt-six pouces par repliement, emboîtement ou autrement, ou
d) n'importe quelle arme qui n'est ni un fusil ni une carabine d'un genre utilisé habituellement au Canada pour la chasse ou le sport, et qui est, par décret du gouverneur en conseil, déclarée être une arme à autorisation restreinte.
Les trois armes mentionnées précédemment (la MAC-10, la PMC M-2 et la Schmeisser) tombent toutes sous le coup de l'alinéa b).
L'article 97 prévoit l'émission de permis autori- sant une personne à avoir en sa possession une arme à autorisation restreinte ailleurs que dans sa maison d'habitation ou son siège d'affaires. Un permis ne peut être émis, en vertu du paragraphe 97(1), que si la personne qui le demande réussit convaincre celle qui l'émet qu'elle requiert l'arme à autorisation restreinte pour une ou des fins limi- tées (voir le paragraphe 97(2)). Ces permis peu- vent être émis par le commissaire de la G.R.C. ou une personne autorisée par écrit par celui-ci émettre un permis, de même que par le procureur général d'une province ou une personne autorisée par lui à émettre un permis.
Le législateur a évidemment prévu que le déten- teur d'un permis en vertu de l'article 97 ne commet pas d'infraction à l'article 93.
L'article 98 de cette législation traite de l'enre- gistrement et des certificats d'enregistrement d'ar- mes à feu, et dispose que le commissaire de la G.R.C. doit tenir un registre de ces certificats. Les demandes en sont faites à un «registraire local d'armes à feu». Ce terme signifie (paragraphe 82(1)):
... une personne nommée par écrit par le Commissaire ou par le procureur général en qualité de registraire local d'armes à feu.
On n'explique pas la signification du mot «local». Il appert que la personne nommée Registraire local n'est pas nécessairement la même que celle autori- sée à émettre des permis en vertu de l'article 97. D'autre part, rien ne s'oppose à cette double nomi nation d'une même personne.
Les devoirs du Registraire local et du Commis- saire, sur réception d'une demande d'enregistre- ment, sont les suivants:
98. (1) Le commissaire doit faire tenir un registre l'on doit noter chaque certificat d'enregistrement d'arme à feu émis en vertu du présent article.
(2) Une demande de certificat d'enregistrement doit être en une forme prescrite par le commissaire et doit être faite à un registraire local d'armes à feu qui doit, sur réception de la demande,
a) émettre un permis en vertu de l'article 97 autorisant l'auteur de la demande à transporter l'arme pour la lui remettre aux fins d'examen; et
b) s'il est convaincu que l'arme porte un numéro de série suffisant pour la distinguer des autres armes à autorisation restreinte, ou, dans le cas d'une arme qui, à son avis, a principalement une utilité ou une valeur d'antiquité, que la description de l'arme faite dans la demande est exacte, viser la demande et
(i) en envoyer une copie au commissaire,
(ii) en délivrer une copie à l'auteur de la demande, et
(iii) en conserver une copie.
(3) Lorsqu'un registraire local d'a-, feu a connaissance
de quelque matière qui peut rendre - ble, pour la sécurité
d'autrui, que l'auteur de la demande e soit pas en possession d'une arme à autorisation restreinte, il _loi faire rapport à cette matière au commissaire.
(4) Sur réception d'une demande de cc_tificat d'enregistre- ment visée par un registraire local d'armes à feu, le commis- saire doit, sous réserve de l'article 99, enregistrer l'arme à autorisation restreinte décrite dans la demande et émettre un certificat d'enregistrement d'armes à feu pour cette arme en faveur de l'auteur de la demande en la forme que le commis-
safre peut prescrire et sous réserve des conditions qu'il estime nécessaires pour permettre que les renseignements contenus dans le registre mentionné au paragraphe (1) soient constam- ment tenus à jour.
Le paragraphe 99(4) prévoit que le Commis- saire peut refuser d'émettre un certificat d'enregis- trement:
... lorsqu'il a connaissance de quelque chose qui peut rendre souhaitable, pour la sécurité d'autrui, que l'auteur de la demande ne possède pas d'arme à autorisation restreinte.'
Le législateur a également prévu, il fallait s'y attendre, que le détenteur d'un certificat d'enregis- trement émis conformément à l'article 98 ne commet pas d'infraction à l'article 91.
Selon moi, le législateur entendait:
a) que des certificats pourraient être obtenus, conformément à l'article 98,
b) que des registraires locaux d'armes à feu seraient nommés pour étudier et instruire les demandes de certificats d'enregistrement, et
c) qu'il n'y aurait pas de restrictions ou d'empê- chements imposés à ces registraires, dans l'exé- cution de leurs fonctions, comme l'énonce l'ali- néa 98(2)b), à l'égard de certaines ou de toutes les armes décrites dans la définition des armes à autorisation restreinte au paragraphe 82(1). Autrement dit, le législateur n'a pas entendu donner au Commissaire, au procureur général ou aux personnes qu'ils ont désignées à cette fin, le pouvoir de refuser d'étudier, par exemple, les demandes d'enregistrement d'armes automati- ques.
C'est réellement le fond du litige en l'espèce.
Le Commissaire n'a jamais nommé de regis- traire local d'armes à feu. Depuis 1969, le procu- reur général de la Colombie-Britannique a nommé, de temps à autre, des registraires locaux d'armes à feu (paragraphe 82(1)) et des émetteurs de permis (article 97). Quant aux restrictions qu'il imposait à leurs pouvoirs et fonctions avant le 18 août 1977, cela n'est pas clair d'après les éléments de preuve
' Ces mots sont identiques en substance à ceux du paragra- phe 98(3).
admissibles qui m'ont été soumis, mais je soup- çonne cependant que l'intimé Gossen 8 n'était pas habilité à traiter les demandes concernant les armes automatiques.
Par souci de chronologie, je passe maintenant aux démarches de Martinoff pour faire enregistrer les trois armes susmentionnées. Le 20 mai 1977, il a rempli une formule C.300 pour faire enregistrer la Schmeisser. C'est le caporal L. C. Malkoski, du détachement de la G.R.C. de Richmond (C.-B.), qui a reçu la demande. On ne peut expliquer le retard considérable mis à traiter celle-ci et à en faire parvenir copie au Commissaire (voir le sous- alinéa 98(2)b)(1)). Ce dernier a commencé à exa miner ladite demande en septembre ou octobre 1977.
Le 29 juin 1977, Martinoff a écrit ce qui suit au sujet de la MAC-10 et de la PMC M-2 (extraits):
[TRADUCTION] Le Registraire local d'armes à feu
Sûreté municipale de Vancouver
312, Main Street
Vancouver (C.-B.)
V6A 2T2
Monsieur,
JE VOUS AVISE QUE, par la présente, je fais une demande d'enregistrement des armes à autorisation restreinte suivantes:
P.S.: Je suis au courant de votre politique au sujet de l'enregis- trement des armes à feu de ce type. Veuillez quand même garder cet avis, car il pourrait servir dans un litige éventuel.
Le 18 août 1977, le procureur général a écrit à la Sûreté municipale de Vancouver et à la G.R.C. Il a révoqué toutes les nominations antérieures de registraires locaux d'armes à feu et d'émetteurs de permis des membres de ces deux corps et il en a nommé tous les membres 9 registraires locaux d'ar- mes à feu. Tous les membres ont aussi été autori- sés à émettre des permis [TRADUCTION] «en vertu des paragraphes 97(3) et 97(4) du Code criminel» 10 . Seuls certains officiers de la G.R.C. spécialement désignés ont été autorisés à émettre les permis plus généraux prévus aux paragraphes 97(1) et (2).
8 Le S/e.m. Gossen était et est toujours membre de la Sûreté municipale de Vancouver.
9 Dans le cas de la G.R.C., les nominations ne s'appliquent qu'aux membres postés en Colombie-Britannique.
10 Les privilèges rattachés aux permis accordés en vertu de ces deux paragraphes sont très limités.
Toutes ces nominations et autorisations conte- naient une exception ou restriction importante:
[TRADUCTION] Ces nominations ne s'appliquent à aucune arme à feu susceptible de tirer rapidement plusieurs balles pendant la durée d'une pression sur la gâchette, ni à aucune arme à feu conçue ou adaptée pour tirer lorsqu'elle est réduite à une longueur de moins de vingt-six pouces par repliement, emboîte- ment ou autrement.
Par l'effet de cette restriction, si elle est valide, nul ne peut obtenir, en Colombie-Britannique, un permis en vertu de l'article 97 ou un certificat d'enregistrement d'armes à feu en ce qui concerne deux des quatre types d'armes à autorisation res- treinte dont il est question au Code, tandis que les citoyens d'autres provinces le procureur général n'a pas spécifié de telles «exceptions» peuvent, s'ils satisfont aux exigences de la loi, obtenir ces permis et certificats. Ils ne commettent donc pas d'infrac- tion criminelle, en vertu de l'article 91 ou de l'article 93, s'ils ont en leur possession, dans leur maison d'habitation ou ailleurs, une arme à autori- sation restreinte, telle qu'une arme à feu automatique.
L'intimé Gossen, à qui les demandes concernant la MAC-10 et la PMC M-2 ont été adressées, a refusé de leur donner suite aux motifs qu'il n'était pas autorisé à émettre des permis ou à viser des demandes de certificats d'enregistrement relative- ment à ce type d'armes à autorisation restreinte. Quant au Commissaire, il refusait de faire le nécessaire avant de recevoir une copie «visée» de la demande, conformément au paragraphe 98(4).
Selon Martinoff, le résultat a été que, bien sûr, personne n'a rien fait. Cet état de choses a accéléré le dépôt de la présente demande et la survenance de quelques-uns des autres litiges dont j'ai parlé.
Si je comprends bien, lorsqu'un procureur géné- ral décide de nommer un registraire local d'armes à feu, ou d'autoriser certaines personnes à émettre des permis, il ne peut choisir les armes à autorisa- tion restreinte qui seront du ressort de ces person- nes. Le législateur n'a pas doté les procureurs généraux d'un tel pouvoir discrétionnaire qu'ils pourraient exercer arbitrairement. Ils ne peuvent, en empêchant les personnes qu'ils ont nommées de traiter les demandes qui concernent certains types d'armes, renverser la loi du Canada ou la rendre inopérante. Il importe peu qu'ils agissent pour des motifs probablement louables et, aux yeux de
beaucoup, dans le meilleur, intérêt des résidents d'une province en particulier; les procureurs géné- raux sont, eux aussi, soumis aux lois valides et applicables qui relèvent de la compétence fédérale.
On a prétendu que, puisque les provinces ont le pouvoir de légiférer en matière d'administration de la justice, le procureur général étant l'autorité provinciale chargée de cette responsabilité peut, en administrant la justice, procéder à des nominations et autdrisations restreintes comme celles qui ont eu lieu en l'occurrence. Selon moi, cet argument ne tient pas compte des réalités de notre État fédéral, avec ses compétences législatives divisées, et de l'expression, énoncée par le législateur, de la volonté du peuple canadien dans son ensemble. Du point de vue pratique, ce qu'on a essayé de faire ici, c'est de rendre nulle une loi fédérale valide- ment édictée. Selon moi, le procureur général qui décide de nommer des registraires d'armes à feu ou des émetteurs de permis ne peut, sous le pré- texte de donner raison aux opinions d'un groupe de personnes en particulier, retirer les privilèges, les droits et les défenses contre une accusation crimi- nelle, dont d'autres personnes peuvent jouir, ail- leurs au Canada, et que tous les Canadiens peu- vent avoir le droit d'invoquer. A mon avis, la tentative de restreindre les pouvoirs et les fonctions d'un registraire local n'est pas admissible.
A la fin des plaidoiries, j'ai ordonné qu'un bref de mandamus soit émis contre l'intimé Gossen pour lui enjoindre d'étudier les demandes de Mar- tinoff visant à faire enregistrer la MAC-10 et la PMC M-2, sans égard à la supposée restriction de sa nomination l'empêchant de traiter les demandes qui concernent les armes dites automatiques.
Je dois faire des commentaires sur une autre question touchant l'intimé Gossen. Les présentes procédures ont commencé le 6 décembre 1977. Le 13 décembre 1977, le S/e.m. Gossen a fait une déclaration sous serment, à laquelle il a joint une lettre écrite par lui, le 12 décembre, au Commis- saire. On m'a dit que cette lettre avait été rédigée et envoyée à la suite d'un avis juridique. Elle est censée constituer un rapport en vertu du paragra- phe 98(3). Le rapport fait état d'une inquiétude quant au vol d'armes automatiques et semi-auto- matiques, et à la possibilité qu'elles soient utilisées par des criminels en puissance. On y évoque trois
cas survenus depuis 1972. Nulle part dans le rap port on ne dit expressément qu'il n'est pas souhai- table que Martinoff (ale requérant») soit en posses sion d'une arme à autorisation restreinte.
Je trouve difficile à comprendre que l'intimé Gossen ait été amené à déposer, le 12 décembre 1977, un rapport en vertu du paragraphe 98(3) ayant trait aux armes automatiques en général, alors qu'il était convaincu de n'avoir pas le pouvoir de «viser» les demandes de cette nature (alinéa 98(2)b)). Le Registraire local de la Colombie-Bri- tannique ne peut l'emporter sur les deux plans. Il doit étudier une demande en particulier et, s'il a connaissance «... de quelque chose [etc.] ... », il doit, en même temps, en faire rapport. Il ne peut refuser d'étudier la demande tout en faisant rap port à ce sujet. Sa fonction, qui consiste à faire un rapport, ne peut être que corrélative de celle qui consiste à viser une demande. Il me semble que c'est la seule conclusion logique que l'on peut tirer des paragraphes 98(3), 98(4), 99(4) et 99(5), lus de concert. L'avocat de l'intimé Gossen a soutenu que la démarche entreprise par son client était justifiée par l'arrêt Walker c. Gagnon". Je ne suis pas de cet avis. Cette cause dispose simplement qu'on ne peut obliger celui qui demande un certifi- cat d'enregistrement d'armes à feu à laisser pren- dre ses empreintes digitales.
Pour en terminer avec cette question, je suggère qu'il était inopportun de faire écrire ladite lettre au Commissaire par le S/e.m. Gossen, alors que l'étendue des fonctions et pouvoirs de ce dernier (Gossen) était en litige devant la Cour.
Je passe maintenant à la partie de la demande qui concerne la Schmeisser. L'avocat du Commis- saire a admis franchement que la Cour avait le pouvoir d'émettre, si elle le jugeait bon, une ordon- nance de la nature du mandamus contre le Commissaire' 2 . Mais on a affirmé que ce dernier n'avait pas eu encore le temps d'étudier la demande de Martinoff. Je ne puis partager cette opinion. La demande a été faite le 20 mai 1977, et
" [1976] 2 C.F. 155, aux pages 159 et 160, les motifs du juge Walsh.
' 2 I1 a été admis devant moi que le S/e.m. Gossen et le Commissaire étaient visés par l'expression «office, ... commis sion ou ... autre tribunal fédéral» figurant à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
le temps qu'elle a pris pour parvenir au Commis- saire n'a pas été expliqué de façon satisfaisante. Selon moi, il aurait été souhaitable et équitable que le Commissaire en vienne à une décision avant que toute partie de la nouvelle législation devienne applicable. C'est pourquoi j'ai ordonné qu'un mandamus soit émis pour enjoindre au Commis- saire de statuer sur la demande le 22 décembre 1977 au plus tard.
Reste maintenant la question du redressement demandé subsidiairement, soit que le procureur général de la Colombie-Britannique ou le Commis- saire nomme un registraire local et un «émetteur de permis», sans aucune restriction quant à la nature des demandes sur lesquelles ils pourront se prononcer. Ayant décidé que je n'avais pas compé- tence à l'égard du procureur général de la Colom- bie-Britannique, la demande ne concerne donc plus que le Commissaire.
J'ai rejeté la demande en ce qui concerne le Commissaire, car je ne suis pas convaincu qu'en l'espèce le recours mandatoire sollicité contre lui soit ouvert. De toute façon, le mandamus est un recours discrétionnaire. Dans la présente affaire, le procureur général de la Colombie-Britannique a, pendant plusieurs années, nommé des registraires locaux et autorisé certaines personnes à émettre des permis, bien qu'il y eût des restrictions dans les deux cas. Selon moi, il ne convient pas de deman- der au Commissaire d'exercer des pouvoirs dans un domaine qui est traditionnellement celui des procureurs généraux.
Comme je l'ai dit au début de ces motifs, les autres questions énoncées dans l'avis introductif d'instance ont été ajournées sine die.
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