Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-4359-77
In re Guy Douglas Anderson Akins et in re la Loi sur la citoyenneté
Division de première instance, le juge Addy— Vancouver, les 2 et 10 mars 1978.
Compétence Citoyenneté Appel du rejet par un juge de la citoyenneté d'une demande de citoyenneté Règle 912 de la Cour fédérale L'appel requiert une nouvelle audition Un juge de la Division de première instance de la Cour fédérale a-t-il le pouvoir discrétionnaire conféré au juge de la citoyenneté de recommander au pouvoir exécutif de prendre des mesures? Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, c. 108, art. 5(4), 13(2), (3), 14(1) Règle 912 de la Cour fédérale.
Un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté de l'appelant. On allègue que, puisque la Règle 912 relative aux appels en matière de citoyenneté prévoit qu'ils requièrent une nouvelle audition, un juge de la Division de première instance a compétence pour exercer les pouvoirs de recommandations accordés à un juge de la citoyenneté.
Arrêt: l'appel est rejeté. La compétence de la Cour se limite à un pouvoir d'examen en appel et soit à confirmer soit à annuler la décision d'un juge de la citoyenneté qui «approuve ou n'... approuve pas» une demande de citoyenneté. Aucun texte de loi n'accorde à la Division de première instance la compétence d'examiner une décision d'une cour de la citoyenneté qui s'abs- tient de recommander l'octroi de la citoyenneté. La Règle 912 de la Cour fédérale n'aide aucunement l'appelant parce que la compétence, de première instance ou d'appel, ne peut être accordée par les règles d'un tribunal et toute compétence d'appel doit être clairement accordée par un texte de loi. Elle doit nécessairement signifier que, dans la mesure il peut y avoir compétence d'appel, l'appel requiert une nouvelle audition.
Distinction faite avec l'arrêt: In re Kleifges et in re la Loi sur la citoyenneté [ 1978] 1 C.F. 734.
APPEL. AVOCATS:
G. D. Akins pour lui-même. S. D. Hanson, amicus curiae.
PROCUREURS:
G. D. Akins, Vancouver, pour lui-même. DeBou, Hanson & Co., Vancouver, amicus curiae.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE ADDY: Un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté de l'appelant au motif qu'il ne remplissait pas les exigences relati-
ves à'la durée de résidence au Canada formulées à l'article 5(1)b) de la Loi sur la citoyenneté.'
A l'audience devant moi, l'appelant n'a pas con testé la conclusion du juge de la citoyenneté sui- vant laquelle il n'avait pas résidé au Canada assez longtemps pour se conformer à la Loi. Aucun motif juridique ne justifie donc l'annulation de la décision de la Cour de la citoyenneté.
L'appelant se plaint toutefois que le juge de la citoyenneté, avant de rejeter sa demande, a exercé de façon erronée les pouvoirs de recommandation que lui accorde l'article 14(1) de la Loi, en ne recommandant pas que le pouvoir exécutif lui accorde la citoyenneté en application de l'article 5(4) de la Loi. L'article 14(1) se lit comme suit:
14. (1) Lorsqu'un juge de la citoyenneté ne peut approuver une demande en vertu du paragraphe 13(2) il doit, avant de décider de ne pas l'approuver, examiner s'il y a lieu de recom- mander l'exercice des pouvoirs discrétionnaires prévus aux paragraphes 5(3) ou (4) ou 8(2), selon le cas.
Voici le texte de l'article 5(4): 5....
(4) Pour remédier à des situations particulières et exception- nelles de détresse ou pour récompenser les services d'une valeur exceptionnelle rendus au Canada, nonobstant toute autre dispo sition de la présente loi, le gouverneur en conseil peut, à sa discrétion, ordonner au Ministre d'accorder la citoyenneté à toute personne et, lorsqu'un tel ordre est donné, le Ministre doit immédiatement accorder la citoyenneté à la personne qui y est désignée.
L'amicus curiae, pour servir la position de l'ap- pelant, a signalé que la Règle 912 de la Cour fédérale concernant les appels en matière de citoyenneté prévoit que ces appels requièrent une nouvelle audition. Il a aussi soutenu que je devais par conséquent me considérer comme étant dans la même situation que le juge de la citoyenneté et que j'aurais donc la compétence et même le devoir de recommander l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 5(4) si les faits qui m'ont été présentés le justifient.
J'ai remis le prononcé de ma décision sur la question de compétence et j'ai permis à l'appelant d'exposer tous les faits et de présenter toutes les observations concernant les points qu'il désirait
' S.C. 1974-75-76, c. 108.
soulever, notamment celui de savoir si le refus de lui accorder la citoyenneté le placerait dans une «situation particulière et exceptionnelle de détresse» ou celui de savoir si ses services étaient des «services d'une valeur exceptionnelle rendus au Canada» qu'on devrait récompenser en lui accor- dant la citoyenneté.
Quant à la question de compétence, il est évi- dent que le droit d'interjeter appel de toute déci- sion d'un juge de la citoyenneté rendue en applica tion de l'article 13 découle de l'article 13(5) dont voici un extrait:
13....
(5) Le Ministre et le requérant peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté rendue aux termes du paragraphe (2)....
Le paragraphe (2) mentionné à l'article 13(5) ci-dessus se lit comme suit:
13....
(2) Aussitôt après avoir statué sur une demande visée au paragraphe (1) conformément à ce paragraphe, mais sous réserve de l'article 14, le juge de la citoyenneté l'approuve ou ne l'approuve pas conformément à sa décision, en avertit le Minis- tre et lui en donne les motifs. [C'est moi qui souligne.]
Ces articles montrent donc clairement que la compétence de cette cour se limite à un pouvoir d'examen en appel et soit à confirmer soit à annu- ler la décision d'un juge de la citoyenneté qui «approuve ou n'. .. approuve pas» une demande de citoyenneté. Aucune disposition de la Loi sur la citoyenneté de la Loi sur la Cour fédérale ou de toute autre loi sur ce sujet n'accorde à la Division de première instance de la Cour fédérale la compé- tence d'examiner une décision d'une cour de la citoyenneté qui s'abstient de recommander au gou- verneur en conseil ou au ministre d'accorder, pour des motifs particuliers, la citoyenneté à un requé- rant. Les dispositions de la Règle 912 suivant lesquelles le présent appel requiert une nouvelle audition n'aident aucunement l'appelant parce que la compétence, de première instance ou d'appel, ne peut être accordée par les règles d'un tribunal et toute compétence d'appel doit être clairement accordée par un texte de loi. La Règle doit néces- sairement signifier que, dans la mesure il peut y avoir compétence d'appel, l'appel requiert une nou- velle audition.
Sur ce point, l'amicus curiae a porté à mon attention la décision récente de mon collègue le juge Walsh dans In re Kleifges et in re la Loi sur la citoyenneté [1978] 1 C.F. 734. Les motifs et le jugement sont en date du 31 janvier 1978. Au dernier paragraphe de ses motifs, le savant juge indique qu'il aurait apparemment exercé cette compétence lorsqu'il dit la page 742]:
Je suis d'avis que dans le cas d'un requérant qui ferait de toute évidence un excellent citoyen, les dispositions de la Loi devraient être interprétées libéralement, plutôt que d'une façon étroite et restrictive, de sorte qu'il soit possible de lui accorder la citoyenneté; j'estime donc que, dans la présente affaire, même si je n'avais pas conclu que l'appel devait être accueilli et la citoyenneté accordée à l'appelant, j'aurais de toute façon recommandé l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par l'article 5(4) de la Loi.
Cette déclaration est évidemment un obiter dictum car, en fait, l'appel a été accueilli et la demande de citoyenneté accordée. Il n'y aurait donc absolument aucune raison de faire une recommandation qui ne peut être faite que si la demande de citoyenneté est refusée.
De fait, avant d'exprimer une opinion sur la question de savoir si on aurait pu faire une recom- mandation, le savant juge a dit la page 7411:
Il résulte de cette conclusion qu'il n'est pas nécessaire d'étu- dier la seconde question, celle de savoir si le juge de la citoyenneté aurait recommander au Ministre d'appliquer l'article 5(4) de la Loi, mais il me parait souhaitable de faire quelques observations sur ce point, vu qu'on pourrait soulever une question semblable dans d'autres affaires.
De plus, une lecture de la décision rendue dans l'affaire Kleifges révèle que la question de compé- tence dans ce domaine n'a à aucun moment été soulevée ni examinée.
Pour ces motifs, je conclus que je n'ai pas compétence pour recommander au pouvoir exécu- tif d'exercer les pouvoirs prévus à l'article 5(4). C'est avec un certain regret que j'arrive à cette conclusion car, après avoir entendu les observa tions que l'appelant a présentées lui-même avec éloquence, celui-ci ayant comparu pour son propre compte, et compte tenu de ces déclarations sur la nature de son travail et les résultats qu'il aurait obtenus dans la région de Sharel en Afrique occi- dentale relativement à un projet approuvé par l'ACDI, il n'aurait pas été impossible que j'exa-
mine l'opportunité de faire une recommandation fondée sur les services rendus qui représentaient une valeur exceptionnelle pour le Canada. Je dois toutefois signaler que l'appelant m'a dit n'avoir jamais exposé ces faits au juge de la citoyenneté à la première audience.
L'appel est donc rejeté.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.