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T-2278-77
Bensol Customs Brokers Limited, D. H. Grosven- or Incorporated, Neuchatel Swiss General Insur ance Company Limited (Demanderesses)
c.
Air Canada (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 8 mai; Ottawa, le 26 mai 1978.
Compétence Aéronautique Non-livraison d'un colis expédié sur un vol international à destination de Mirabel Action fondée à la fois sur la responsabilité contractuelle et délictuelle Convention internationale adoptée par un texte de loi; textes législatifs et règlements traitant de différents sujets se rapportant au transport de marchandises par air, y compris la lettre de transport aérien Est-il nécessaire que l'action soit fondée sur une loi canadienne applicable pour permettre à la Cour d'exercer sa compétence conformément à l'arrêt Quebec North Shore? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 23 Loi sur le transport aérien, S.R.C. 1970, c. C-14, art. 2 Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (Convention de Varsovie), articles 18(1),(2), 28(1), 30(3) Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3, art. 6(1) et 14(1) Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3 (R.-U.) (S.R.C. 1970, Appendice II).
Il s'agit ici d'une demande, présentée conformément à la Règle 474, de décision sur un point de droit, la compétence de la Cour à connaître de la présente action en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale. La défenderesse a reçu d'une compagnie de Londres (Angleterre) un colis en bon état à transporter à l'aérodrome de Mirabel (Québec). Le colis n'a jamais été livré à la destinataire; il a été perdu ou volé pendant qu'il était sous la garde de la défenderesse. L'action invoque le contrat de transport et allègue la négligence des employés de la défenderesse. Il s'agit de savoir s'il existe une loi canadienne applicable comme il était requis dans l'affaire Quebec North Shore.
Arrêt: la demande est accueillie et l'action est rejetée. Les autorités fédérales ont le pouvoir de conférer à la Cour fédérale compétence pour connaître des actions en indemnisation ou des recours conformes à une loi du Parlement du Canada relative au transport aérien de marchandises au pays en provenance de l'étranger. La question soulevée auprès de la Cour n'est pas de savoir si l'autorité fédérale a le droit d'adopter une telle législa- tion, ou si celle-ci a été adoptée, mais plutôt de savoir si l'action tire son origine de cette législation. Les demanderesses ne peuvent poursuivre en vertu de la seule législation. Ce que fait cette dernière, et plus spécialement ce que fait la Convention, c'est de fixer les modalités du connaissement aérien couvrant le transport international des marchandises. C'est ce connaisse- ment aérien qui constitue le contrat liant les parties, contrat en vertu duquel l'action doit être intentée. Les allégations des demanderesses visant la responsabilité délictuelle sont des matières qui relèvent de la compétence provinciale.
Arrêts appliqués: McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654; Quebec North Shore Paper Co. c. Canadien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054. Arrêt suivi: R. c. Prytula [1978] 1 C.F. 198. Arrêts examinés: Canadian Fur Co. (NA) Ltd. c. KLM Lignes aériennes royales néerlandaises [1974] 2 C.F. 944; Swiss Bank Corp. c. Air Canada [1976] 1 C.F. 30.
DEMANDE. AVOCATS:
Gerald Barry pour les demanderesses.
Jean Clerk et Michel Martineau pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
McMaster Meighen, Montréal, pour les demanderesses.
Giard, Gagnon, Clerk & Perron, Montréal, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit ici d'une demande, présentée conformément à la Règle 474 de la Cour, de décision préliminaire sur un point de droit, la compétence de la Cour à connaître de la présente action. Vers le 19 mars, la défenderesse a reçu de Ace Shipping Limited, de Londres (Angle- terre), par voie aérienne, à l'aérodrome de Mirabel (Québec), un ballot contenant 1080 peaux de vison brutes en bon état à transporter et livrer à la demanderesse Bensol. Le colis n'a jamais été livré à la destinataire; il a été perdu ou volé pendant qu'il était sous la garde de la défenderesse. L'ac- tion invoque le contrat de transport et allègue la négligence des employés de la défenderesse. Les demanderesses font valoir que la Cour est compé- tente en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10, lequel est libellé comme suit:
23. La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre- prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf dans la mesure cette compé- tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale. [C'est moi qui souligne.]
Il s'agit de savoir s'il existe une loi canadienne applicable, comme il était requis dans l'affaire Quebec North Shore Paper Company c. Canadien
Pacifique Limitée', le juge en chef Laskin s'est ainsi exprimé aux pages 1065 et 1066:
Il convient également de souligner que l'art. 101 ne traite pas de la création des tribunaux pour connaître des sujets relevant de la compétence législative fédérale, mais «pour assurer la meilleure exécution des lois du Canada». Le terme «exécution» est aussi significatif que le mot pluriel «lois». A mon avis, ils supposent tous deux l'existence d'une législation fédérale appli cable, que ce soit une loi, un règlement ou la common law, comme dans le cas de la Couronne, sur lesquels la Cour fédérale peut fonder sa compétence. L'article 23 exige que la demande de redressement soit faite en vertu de pareille loi.
Les demanderesses soutiennent que la loi en ques tion est la Loi ayant pour objet de donner effet à une Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (Loi sur le transport aérien) 2 (ainsi que la Conven tion y annexée). Voici le texte de l'article 2 de cette loi:
2. (1) A compter du 1»' juillet 1947, les dispositions de la Convention énoncées dans l'annexe I, dans la mesure elles se rapportent aux droits et responsabilités des transporteurs, voya- geurs, expéditeurs, destinataires et autres personnes, et sous réserve des dispositions du présent article, ont force de loi au Canada relativement à tout transport aérien auquel s'applique la Convention, sans tenir compte de la nationalité de l'aéronef exécutant le transport.
(2) Sous réserve du présent article, les dispositions de la Convention reproduite à l'annexe I, modifiée par le Protocole énoncé à l'annexe III, dans la mesure elles se rapportent aux droits et responsabilités des transporteurs, passagers, expédi- teurs, destinataires et autres personnes, ont force de loi au Canada relativement à tout transport aérien auquel s'applique la Convention ainsi modifiée, sans tenir compte de la nationa- lité de l'aéronef exécutant ce transport.
La Convention exige que soit établie et délivrée une lettre de transport aérien. L'article 13(3) dis pose que, si le transporteur reconnaît la perte de la marchandise, le destinataire est autorisé à faire valoir vis-à-vis du transporteur les droits résultant du contrat de transport. Voici le texte de l'article 18(1) et (2):
Article 18
(1) Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés ou de marchandises lorsque l'événement qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien.
' [1977] 2 R.C.S. 1054. 2 S.R.C. 1970, c. C-14.
(2) Le transport aérien, au sens de l'alinéa précédent, com- prend la période pendant laquelle les bagages ou marchandises se trouvent sous la garde du transporteur, que ce soit dans un aérodrome ou à bord d'un aéronef ou dans un lieu quelconque en cas d'atterrissage en dehors d'un aérodrome.
L'article 28 (1) de la Convention se lit ainsi:
Article 28
(1) L'action en responsabilité devra être portée, au choix du demandeur, dans le territoire d'une des Hautes Parties Con- tractantes, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination.
L'article 30(3) est ainsi libellé:
Article 30
(3) S'il s'agit de bagages ou de marchandises, l'expéditeur aura recours contre le premier transporteur et le destinataire qui a le droit à la délivrance contre le dernier, et l'un et l'autre pourront, en outre, agir contre le transporteur ayant effectué le transport au cours duquel la destruction, la perte, l'avarie ou le retard se sont produits. Ces transporteurs seront solidairement responsables envers l'expéditeur et le destinataire.
Les demanderesses invoquent aussi, outre la sus- dite loi, la Loi sur l'aéronautique', dont le para- graphe 6(1) prévoit l'établissement de règlements visant à régir, entre autres,
6.(1)...
d) les conditions dans lesquelles les aéronefs peuvent être utilisés et mis en service;
e) les conditions dans lesquelles des marchandises, du cour- rier et des passagers peuvent être transportés en aéronef, les conditions dans lesquelles peut être accompli quelque acte dans un aéronef ou d'un aéronef, ou les conditions dans lesquelles peut être employé un aéronef;
En vertu de l'article 14(1) de la même loi, la Commission canadienne des transports peut établir des règlements
14.(1)...
i) prévoyant l'uniformité des connaissements et autres documents;
m) concernant le trafic, les taxes et les tarifs, et pourvoyant
(i) à l'annulation ou à la suspension, par la Commission, de tout tarif ou de toute taxe,
(ii) à la substitution d'un tarif ou d'une taxe satisfaisants pour la Commission, ou
(iii) à l'établissement, par la Commission, de tarifs ou taxes remplaçant des tarifs ou taxes annulés par elle;
3 S.R.C. 1970, c. A-3.
n) prescrivant de quelle façon et dans quelle mesure tout règlement concernant le trafic, les taxes ou les tarifs doit s'appliquer à un transporteur aérien autorisé par la Commis sion ou à toute personne qui exploite un service aérien international conformément à une entente ou convention internationale relative à l'aviation civile et à laquelle le Canada est partie;
Les demanderesses font valoir qu'il s'agit de lois du Canada et que le Parlement pouvait valable- ment donner compétence à la Cour fédérale pour en assurer l'application, ce qu'il a fait par l'article 23, en vertu des dispositions de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. Ce dernier article est libellé comme suit:
101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute dis position contraire énoncée dans le présent acte, lorsque l'occa- sion le requerra, adopter des mesures à l'effet de créer, mainte- nir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada, et établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administra tion des lois du Canada.
Pour voir accueillir leurs allégations, les demande- resses doivent établir que l'action met en cause l'aéronautique au sens de l'article 23, ou des ouvrages et entreprises s'étendant au-delà des limi- tes d'une province. Bien entendu, l'aéronautique n'a pas été évoquée en tant que telle par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, mais l'ar- ticle 92(10)a) cite des travaux et entreprises et donne compétence exclusive aux provinces, sauf pour les
92.(10)...
a. Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province;
Deux jugements de mon collègue le juge Addy, tous deux rendus il est vrai avant la décision Quebec North Shore (précitée), ont traité de la compétence de la Cour fédérale à connaître d'un litige relatif au transport aérien international à destination du Canada. Les deux jugements con- cluent à l'incompétence. Dans la première de ces affaires, Canadian Fur Company (NA) Ltd. c. KLM Lignes aériennes royales néerlandaises", une partie considérable de la plaidoirie semble avoir été consacrée à tenter d'établir que les mots «navi- gation ou ... marine marchande» figurant à l'arti- cle 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale dési- gnaient aussi la navigation aérienne. Cette
4 [1974] 2 C.F. 944.
allégation a été rejetée catégoriquement, l'argu- ment voulant que ces mots, utilisés par l'article 91(10) de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni- que, 1867, désignent aussi la navigation et le trans port par air, ayant été jugée absurde. Toutefois, la seconde plaidoirie était fondée sur l'emploi du mot «aéronautique» dans l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale et examinait la question de savoir si le sens devait en être étendu jusqu'à comprendre une action intentée pour la perte de marchandises, perte attribuable à la négligence du transporteur. On a évoqué les décisions Johannesson c. La municipalité rurale de West St. Pau1 5 , Okanagan Helicopters Ltd. c. Canadien Pacifique Limitée 6 , In re la réglementation et le contrôle de l'aéro- nautique du Canada' et Le procureur général du Canada c. Le procureur général de l'Ontario 8 , ainsi que diverses définitions du terme «aéronauti- que». Le juge Addy déclare à la page 952:
Je ne peux trouver nulle part le mot «aéronautique» utilisé pour décrire, même indirectement, un corps de lois, de règles ou de jurisprudence régissant le droit d'un citoyen à présenter une demande à l'encontre d'un transporteur aérien en raison d'une négligence ou conformément à un contrat de transport. Avant de donner à un mot dans une loi une signification qu'il n'a pas dans un dictionnaire et qui n'est pas d'un usage courant, il doit exister une raison extrêmement valable et impérative de le faire, beaucoup plus impérative que celle qui serait nécessaire pour restreindre le sens d'un mot. Aucune raison de cet ordre n'a été avancée pour justifier qu'il faudrait donner au mot un sens plus large, excepté pour faire remarquer que l'article 14(1)i) de la Loi sur l'aéronautique confère à la Commission le pouvoir, entre autres, d'établir des règlements prévoyant l'uni- formité des connaissements et autres documents. Le simple fait que dans la Loi sur l'aéronautique ce pouvoir d'établir des règlements relatifs aux connaissements figure parmi les nom- breux objets de la Loi qui ont tous rapport au contrôle de la navigation aérienne et des aéroports en général, ne constitue certainement pas des motifs suffisants pour interpréter le mot «aéronautique», tel qu'il est utilisé à l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, comme englobant la compétence pour examiner des demandes entre sujets découlant d'un connaissement aérien.
et encore à la page 953:
Le Parlement peut fort bien accorder un redressement ou créer un droit mais la Cour fédérale du Canada ne peut pas, par cette seule disposition, être compétente si d'autres tribu- naux dans le pays possèdent la compétence nécessaire pour trancher la question (voir l'article 25 de la Loi sur la Cour fédérale) et il ne fait aucun doute que la Cour supérieure du Québec a compétence en l'espèce.
5 [1952] 1 R.C.S. 292.
6 [1974] 1 C.F. 465.
7 [1932] A.C. 54.
8 [1937] 1 D.L.R. 673 et [1937] A.C. 326, à la page 351.
Dans le jugement Swiss Bank Corporation c. Air Canada 9 , il arrive à la même conclusion quant au sens du mot «aéronautique». Il déclare à la page 34:
Enfin, on a soutenu que la Cour fédérale était compétente en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, aux motifs que le droit d'action se fonde sur une loi du Parlement du Canada, c'est-à-dire la Loi sur le transport aérien et, plus précisément l'article 30 de la Convention de Varsovie consti- tuant l'annexe I de la Loi, et qu'un tel transport constitue des: «... ouvrages ou entreprises ... s'étendant au-delà des limites d'une province ...». Le droit de demander réparation à Air Canada peut bien se fonder sur l'article 30 de l'annexe I de la Loi sur le transport aérien, mais je n'hésite pas à conclure que le transport de fret aérien ne constitue pas un ouvrage ou une entreprise de la Couronne; c'est un ouvrage et une entreprise d'Air Canada, compagnie créée par la Couronne. [C'est moi qui souligne.]
Comme on l'a signalé dans la plaidoirie prononcée devant moi, ce passage n'est peut-être pas entière- ment exact, compte tenu du libellé de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale (précitée) car la virgule placée après le mot procédures semble indiquer que la compétence est attribuée entre autres «en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédu- res», et que la même limitation ne s'applique pas au mot «aéronautique» qui est pris en lui-même.
Dans le jugement de première instance Cana- dien Pacifique Ltée c. Quebec North Shore Paper Company 10 , qui porte sur le transport ferroviaire et maritime et non sur le transport aérien, le juge Addy n'a plus limité le sens des mots «ouvrages et entreprises» dans l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale aux ouvrages et entreprises de la Cou- ronne, comme il le déclare à la page 410:
Les termes «... ouvrages et entreprises ... s'étendant au-delà des limites d'une province ...» à l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale reproduisent l'expression utilisée au paragraphe 92(10)a) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique; si, en vertu de ce dernier article, le Parlement a compétence dans l'affaire présente, il est donc évident qu'il convient de considé- rer cette compétence comme conférée à la Cour fédérale par le Parlement, puisque ce dernier a repris les termes exacts sur lesquels est fondé son pouvoir législatif.
Cela a été confirmé par le jugement de la Cour d'appel dans la susdite affaire", le juge Le Dain a déclaré à la page 652:
9 [1976] 1 C.F. 30.
10 [1976] 1 C.F. 405. " [1976] 1 C.F. 646.
Il est raisonnable de conclure que l'article 23 prévoit que, lorsque le Parlement a compétence pour légiférer relativement à une matière parce qu'elle tombe dans les catégories de sujets énumérées à l'article 92(10)a) de l'Acte de l'A.N.B.—»Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre province ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province»--cette cour a compétence pour examiner une demande de redressement se rapportant à cette matière.
La Cour suprême a infirmé ces jugements au motif qu'il existait une loi fédérale applicable con- fiée à l'administration de la Cour fédérale. L'arrêt de la Cour suprême [[1977] 2 R.C.S. 1054] a interprété l'article 23 de concert avec l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, lequel autorise la création de la Cour fédé- rale. Rendant le jugement de la Cour suprême, le juge en chef Laskin s'est ainsi exprimé à la page 1058:
En l'espèce, le redressement réclamé ne l'est pas en vertu d'une loi du Parlement du Canada. La question de la compé- tence de la Cour fédérale tourne donc autour des termes .ou autrement* employés à l'art. 23 et cela, indépendamment de la question subsidiaire de savoir si la demande se rattache à une matière relevant de la catégorie de sujets énumérés dans la dernière partie de l'art. 23. Selon l'argument des intimées, retenu en première instance et en appel par la Cour fédérale, la compétence judiciaire en vertu de l'art. 101 recouvre le même domaine que la compétence législative en vertu de l'art. 91*. Par conséquent, l'art. 23 doit être interprété de façon à donner compétence à la Cour fédérale dans les domaines énumérés à la fin de l'article et ce, même en l'absence de législation sur ces sujets, si le Parlement a le pouvoir de légiférer à leur égard. On affirme en outre, à l'appui de ce point, qu'il existe une législa- tion applicable régissant les demandes de redressement, jusqu'à ce que le Parlement légifère, et que c'est la législation provin- ciale qui doit, pro tanto, être considérée comme de la législation fédérale. Cette prétention suppose l'incorporation de l'ensemble de la législation provinciale ou son adoption par renvoi afin d'alimenter la compétence de la Cour fédérale en vertu de l'art. 23.
Il a cité la décision Consolidated Distilleries Limited c. Consolidated Exporters Corporation Ltd. 12 , ainsi que celle du Conseil privé Consolidat-
* Comme en l'espèce il n'est pas douteux qu'il ne pouvait s'agir de navigation et bâtiments ou navires, qui relèvent de la Cour fédérale en vertu de l'article 91(10) de l'Acte de l'Améri- que du Nord britannique, 1867, c'est en vertu de l'article 92(10)a) précité que la compétence est contestée, mais le même raisonnement s'appliquerait.
12 [ 1930] R.C.S. 531.
ed Distilleries Limited c. Le Roi 13 qui infirmait l'arrêt rendu par la Cour suprême dans cette affaire 14 . A la page 1060, le juge en chef Laskin cite la décision rendue par le juge Duff dans la seconde affaire Consolidated Distilleries Limited soumise à la Cour suprême, ce dernier a déclaré:
[TRADUCTION] Il me semble évident que le Parlement du Canada, en vertu des pouvoirs que lui confère l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, peut accorder à la Cour de l'Échiquier la compétence pour juger des actions comme celles-ci. Je ne doute pas qu'interprétée correctement, l'expression «la meilleure exécution des lois du Canada) com- prend notamment l'exécution d'une obligation contractée con- formément aux dispositions d'une loi de ce Parlement ou d'un règlement ayant force de loi.
Dans la décision du Conseil privé, lord Russell of Killowen, étudiant l'article 30d) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier qui donne compétence à cette cour [TRADUCTION] «dans toutes autres actions et poursuites d'ordre civil, en common law ou en equity, dans lesquelles la Couronne est demande- resse ou requérante», a déclaré à la page 521:
[TRADUCTION] On a avancé qu'interprété de façon littérale, sans aucune restriction, cet alinéa autoriserait la Couronne à poursuivre devant la Cour de l'Échiquier et à soumettre à la compétence de la Cour les défendeurs dans toute cause d'ac- tion, et qu'une telle disposition serait ultra vires du Parlement du Canada parce qu'elle ne relèverait pas des pouvoirs conférés par l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Toutefois, leurs Seigneuries estiment que, vu son contexte, on ne peut considérer l'al. d) comme exempt de toutes restrictions. Elles pensent qu'étant donné les dispositions des trois alinéas précédents, les actions et poursuites envisagées à l'al. d) se limitent à des actions portant sur des matières ressortissant au pouvoir législatif du Dominion. Interprété de cette façon, l'ali- néa en question ne serait pas ultra vires, et il semble à leurs Seigneuries que les présentes actions entrent dans son domaine d'application.
Commentant cette déclaration, le juge en chef Laskin s'est ainsi prononcé à la page 1063 de l'affaire Quebec North Shore:
Je ne considère pas que sa déclaration selon laquelle [TRADUC- TION] «les actions ... envisagées à l'al. d) se limitent à des actions portant sur des matières ressortissant au pouvoir législa- tif du Dominion) fasse plus qu'exprimer une restriction quant à l'étendue des domaines à l'égard desquels la Couronne du chef du Canada peut intenter une action comme demanderesse devant la Cour de l'Échiquier. La Couronne devrait de toute façon fonder son action sur une loi qui serait fédérale aux termes de cette restriction.
13 [1933] A.C. 508.
14 [1932] R.C.S. 419.
Plus loin à la même page, il déclare, commentant la décision du juge Addy:
Le juge Addy n'a pas étudié l'effet de l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sur l'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale. Il semble avoir présumé qu'il avait compétence si l'entreprise prévue dans l'accord relevait du pouvoir législatif fédéral. Comme je l'ai déjà souligné, il lui fallait d'abord conclure que la demande de redressement était faite «en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement».
Statuant en appel dans cette affaire, le juge Le Dain avait dit à la page 653:
Dans la mesure le droit civil du Québec s'applique à une matière tombant sous la compétence législative fédérale à l'égard d'une entreprise extra-provinciale aux termes de l'arti- cle 92(10)a) de l'Acte de l'A.N.B., il fait partie des lois du Canada au sens de l'article 101 de l'Acte de l'A.N.B., car le Parlement du Canada pourrait l'édicter, le modifier ou l'abro- ger. En d'autres termes, le Parlement peut légiférer en matière de contrats dans les domaines relevant de sa compétence à l'égard de ces entreprises.
Le juge en chef Laskin déclare aux pages 1064 et 1065 de l'arrêt de la Cour suprême, après avoir cité le passage ci-dessus:
Je ne partage pas son opinion selon laquelle «dans la mesure le droit civil du Québec s'applique à une matière tombant sous la compétence législative fédérale ... il fait partie des lois du Canada au sens de l'art. 101 de l'Acte de l'A.N.B., car le Parlement du Canada pourrait l'édicter, le modifier ou l'abro- ger». Je ne vois pas comment des lois provinciales peuvent être modifiées ou abrogées par le Parlement, même si elles portent sur un domaine relevant de la compétence fédérale, à moins d'être auparavant adoptées ou promulguées en tant que lois fédérales. A mon avis, il serait tautologique de dire à propos de l'expression «ou autrement» que du seul fait que les lois du Québec s'appliquent à la présente demande de redressement, comme ce serait manifestement le cas si l'action était portée devant la Cour supérieure du Québec, ces lois font partie des lois du Canada, sans même avoir été promulguées comme lois fédérales ni adoptées par renvoi.
Le savant juge en chef à la page 1065, renvoie cependant à l'affaire Johannesson c. West St. Paul 15 entre autres, et déclare à ce propos que «La législation provinciale ne peut entrer en conflit avec l'intégrité des entreprises relevant de la com- pétence réglementaire fédérale». Dans le jugement Johannesson, le juge en chef Rinfret, étudiant la décision du Conseil privé dans l'affaire de l'Aéronautique 16 , a déclaré à la page 303:
15 [1952] 1 R.C.S. 292.
16 [ 1932] A.C. 54.
[TRADUCTION] ... il ne fait aucun doute pour moi que le caractère véritable de la décision du Comité judiciaire est que le domaine des transports aériens entre tout entier dans la compétence du Parlement du Dominion.
La conclusion du juge en chef Laskin quant à la compétence dévolue par l'article 23, figure à la page 1065 il dit:
Il y a compétence en vertu de l'art. 23 si la demande de redressement relève du droit fédéral existant et non autrement.
La défenderesse ne conteste pas la constitution- nalité de la Loi sur l'aéronautique ou de la Loi sur le transport aérien (ci-après appelée c. C-14), mais elle soutient que l'action ne découle pas de la loi ou de la Convention annexée au c. C-14. Elle soutient que l'adoption de règlements visant à l'uniformité des connaissements, taxes et tarifs, ainsi que le droit de fixer les «modalités» du transport aérien des marchandises, doivent être distingués du con- trat lui-même. La Convention internationale adop- tée par le Canada et qui fait l'objet du c. C-14 prévoit des conditions minimales et, bien qu'on admette que seul le gouvernement fédéral pourra la ratifier, on fait valoir que cela ne donne pas compétence relativement aux contrats pouvant donner lieu à procès devant les tribunaux provin- ciaux. On a cité l'article 2 du connaissement, dont voici le libellé:
[TRADUCTION] 2. a) le transport objet des présentes est soumis aux règles de responsabilité établies par la Convention, à moins qu'il ne constitue pas un atransport international» au sens de celle-ci (pour la définition du susdit terme, voir les tarifs et conditions de transport à la charge du transporteur);
b) sauf toute disposition contraire de ce qui précède, le transport objet des présentes et les autres services dont s'acquitte chaque transporteur sont soumis
(i) aux lois applicables (dont les lois nationales mettant en oeuvre la Convention), aux règlements, ordres et directives du gouvernement,
(ii) aux dispositions des présentes,
(iii) aux tarifs, règles, modalités de transport, règlements et horaire applicables (sauf les heures d'arrivée et de départ) du transporteur, considérés comme partie inté- grante des présentes et qui peuvent être vérifiés à l'un quelconque de ses bureaux et aux aérodromes il exploite des services réguliers.
c) aux fins de la Convention, les arrêts convenus (qui peu- vent être modifiés par le transporteur en cas de nécessité) sont les arrêts prévus à l'horaire du voyage, et ne compren- nent pas le lieu de départ ni le lieu d'arrivée indiqués aux présentes ou dans les horaires établis par le transporteur
d) dans le cas de transport régi par la Convention, l'expédi- teur reconnaît avoir été mis en mesure de faire une déclara- tion spéciale de la valeur des marchandises à la livraison; il
indique aussi que la somme figurant sur le connaissement aérien sous la rubrique .Valeur déclarée par l'expéditeur et le destinataire aux fins du transport», si elle excède deux cent cinquante francs-or français (constitués chacun par 65 1 / 2 milligrammes d'or au titre de 900 millièmes de fin) ou leur équivalent par kilogramme, constituera la susdite déclaration spéciale de valeur.
On a donné à entendre que les lois applicables pouvaient être celles de la province de livraison, ici le Québec, en matière d'actions pour négligence ou manquement au contrat. En l'espèce, il n'y a pas de preuve établissant l'endroit la perte s'est produite; il n'est pas établi non plus qu'elle se soit produite au cours du transit; dans un cas comme dans l'autre, le transporteur serait responsable en vertu de l'article 18(2) de la Convention (préci- tée). Toutefois, la défenderesse fait valoir que c'est seulement une condition du contrat, et non le contrat lui-même, lequel contient d'autres condi tions, par exemple celle exigeant de donner avis de la perte dans les 120 jours à compter de la date d'émission de la lettre de transport aérien. Cette dernière condition ne figure pas dans la Conven tion. On a cité aussi dans la plaidoirie l'article 2(5) du c. C-14, dont voici le texte:
2. ...
(5) Toute responsabilité, imposée par l'Article 17 de l'an- nexe I à un transporteur relativement à la mort d'un voyageur, doit être substituée à la responsabilité du transporteur prévue par toute loi en vigueur au Canada, relativement à la mort de ce voyageur. Les dispositions énoncées à l'annexe II sont exécu- toires dans le cas des personnes par qui et pour le compte desquelles réparation peut être obtenue à l'égard de la respon- sabilité ainsi imposée, et relativement à la manière d'obtenir cette réparation.
On a souligné qu'il n'existait pas de disposition analogue relativement à la perte de marchandises transportées par un transporteur.
Les demanderesses prétendent au contraire que leurs droits à l'encontre du transporteur découlent de la loi seule. Elles s'appuient entre autres sur les articles 13(3) et 18(1) de la Convention (précitée). On doit le noter cependant, les droits que le desti- nataire est habilité à faire valoir à l'encontre du transporteur sont «les droits résultant du contrat de transport». On pourrait renvoyer à l'affaire de l'Aéronautique (précitée) le Conseil privé a déclaré à la page 77:
[TRADUCTION] Les articles de la Convention embrassent, en réalité, presque toutes les questions imaginables concernant la navigation aérienne et, à notre sens, le Parlement du Dominion a non seulement le droit mais encore l'obligation de légiférer et
d'adopter des règlements pour assurer l'exécution convenable de la Convention. En ce qui regarde quelques-uns de ces sujets, il semble manifeste que le Dominion peut légiférer en vertu, par exemple, du paragraphe 2 de l'art. 91, la réglementation des échanges et du commerce, et du paragraphe 5, les services postaux, mais pour posséder la compétence nécessaire à l'exécu- tion des devoirs que la Convention lui impose, le Dominion n'a pas à réunir les pouvoirs que lui assigne l'article 91, quand l'article 132* lui confère le plein pouvoir législatif nécessaire à cette fin.
En résumé, considérant: a) le texte de l'art. 132; b) les dispositions de la Convention qui embrassent presque toutes les questions imaginables ayant trait à la navigation aérienne; et c) le fait que le Parlement canadien est investi de pouvoirs législa- tifs supplémentaires relativement à la navigation aérienne en vertu des paragraphes 2, 5 et 7 de l'art. 91, il semblerait donc qu'en substance l'entier domaine de la législation qui porte sur l'aéronautique appartient au Dominion. Une faible partie de ce domaine peut, selon les termes précis de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, n'être pas dévolue au Dominion, mais elle n'est pas non plus dévolue en termes précis aux provinces. Quant à cette faible partie, la chambre est d'opinion qu'elle revient au Dominion, en vertu de ses pouvoirs de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada. De plus, leurs Seigneuries sont sensibles au fait que les sujets de l'aéronautique et de l'exécution des obligations du Canada, contractées en vertu de l'art. 132 sont des matières d'un intérêt et d'une importance nationaux; et que l'aéronautique est une matière qui a atteint des dimensions telles qu'elle affecte le corps politique du Dominion.
Il est incontestable par conséquent que le con- trôle de l'aéronautique incombe aux autorités fédé- rales et que la Loi sur le transport aérien, c. C-14 comme la Loi sur l'aéronautique, relèvent toutes deux de la compétence desdites autorités; et l'in- corporation dans la Loi première nommée des règles d'uniformité prescrites par la Convention de Varsovie relativement au transport aérien interna tional, ainsi que les règlements édictés en vertu de la Loi sur l'aéronautique, sont infra vires et partie intégrante de la législation canadienne. Le fonde- ment de la conclusion de la Cour suprême dans l'affaire Quebec North Shore, selon laquelle la Cour fédérale était incompétente pour connaître du contrat à cause de l'absence de loi fédérale applicable, cette conclusion en conséquence n'est pas applicable à la présente action.
En outre, la défenderesse ne conteste pas sérieu- sement que les services fournis par Air Canada en
* On renvoie ici à l'article 132 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, dort voici le libellé:
132. Le parlement et le gouvernement du Canada auront tous les pouvoirs nécessaires pour remplir envers les pays étrangers, comme portion de l'empire Britannique, les obliga tions du Canada ou d'aucune de ses provinces, naissant de traités conclus entre l'empire et ces pays étrangers.
matière de transport de passagers et de marchan- dises depuis l'étranger jusqu'au Canada consti tuent des «travaux et entreprises» au sens de l'arti- cle 92(10)a) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. A ce propos, on pourrait ren- voyer à la décision Israel Winner, faisant affaire sous la raison sociale MacKenzie Coach Lines c. S.M.T. (Eastern) Limited ", le juge Kerwin se réfère à la décision du Conseil privé dans l'affaire In re la réglementation et le contrôle de la radio- communication au Canada 18 , et il déclare à la page 315:
[TRADUCTION] Une (entreprise» n'est pas une chose maté- rielle, mais une organisation dans laquelle, cela va de soi, on utilise des choses matérielles.
Dans le cadre de cette large définition du mot «entreprise», un contrat de transport est une entreprise.
Donc, que ce soit en vertu de la rubrique «aéro- nautique» ou de la rubrique «travaux et entreprises reliant la province à ... d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province», les autorités fédérales ont le pouvoir de conférer à la Cour fédérale, comme elles l'ont fait par l'article 23 de la loi constitutive de celle-ci, compétence pour connaître des actions en indemnisation ou des recours conformes à une loi du Parlement du Canada relative au transport aérien de marchandi- ses au pays en provenance de l'étranger. Il s'ensuit, peut-on dire, qu'aucune des provinces canadiennes n'a le droit de légiférer en matière de trafic aérien international ou interprovincial.
Cependant cela ne répond pas entièrement à la question soulevée sur la compétence de la Cour pour connaître de la présente action. Il ne s'agit pas ici du droit des autorités fédérales d'adopter la susdite législation, ou du fait que cette législation ait été adoptée, mais du point de savoir si l'action tire son origine de cette législation. Je ne souscris pas à l'allégation des demanderesses voulant qu'el- les puissent poursuivre en vertu de la seule législa- tion. Ce que fait cette dernière, et plus spéciale- ment ce que fait la Convention, c'est de fixer les modalités du connaissement aérien couvrant le transport international des marchandises. C'est ce connaissement aérien qui constitue le contrat liant les parties, contrat en vertu duquel l'action doit
17 [1951] R.C.S. 887.
18 [1932] A.C. 304.
être intentée. Les demanderesses poursuivent en vertu du contrat, mais elles allèguent en outre certaines actions ou omissions de la défenderesse, de ses préposés ou de ses représentants, actions ou omissions qui auraient visé à causer un dommage, ou auraient découlé de la négligence commise bien qu'on sache qu'un dommage en résulterait. Ces allégations ont été présumément soulevées pour tenter d'éviter la limitation de la clause de la Convention relative à la responsabilité, figurant dans le connaissement aérien. Ce sont des matières qui relèvent de la compétence provinciale.
On peut renvoyer à ce propos à l'affaire La Reine c. Prytula 19 , dont, je crois, il a été interjeté appel. Mon collègue le juge Cattanach y traite d'une action intentée par la Couronne en recouvre- ment de sommes dues en vertu de la Loi cana- dienne sur les prêts aux étudiants 20 . La Couronne était subrogée aux droits de la banque qui avait consenti le prêt et elle avait, en vertu des disposi tions de l'article 21 du Règlement adopté confor- mément à la loi susdite, le pouvoir d'intenter une action comme l'aurait fait la banque. Après étude de la conclusion formulée par la Cour suprême dans l'affaire McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine 21 , le juge Cattanach a déclaré aux pages 203 et 204 relativement à ladite loi et aux- dits règlements:
Je ne mets nullement en doute le fait que cette loi-là est une loi fédérale; ce que je n'accepte pas, c'est la prétention voulant que l'action soit engagée sur le «fondement» de cette loi au sens le juge en chef emploie ce terme dans l'affaire McNamara.
Il est vrai que le Ministre est subrogé dans les droits de la banque en cas de prêt non remboursé dont il doit indemniser celle-ci mais cette subrogation ne donne pas au Ministre des droits différents de ceux dont jouissait la banque.
La déclaration montre clairement que la demanderesse fonde son action sur l'inexécution de l'accord contracté par la banque et l'étudiante, accord pour l'exécution duquel la demanderesse est subrogée.
Il ne suffit pas que la responsabilité découle d'une loi et de ses règlements d'application.
Certes, la Loi autorise la banque à prêter aux étudiants, prévoit les modalités du prêt, dont le remboursement est garanti par le Ministre qui, s'il dédommage la banque d'une perte quelconque, est alors subrogé dans les droits de celle-ci; mais la Loi, en elle-même, n'impose aucune responsabilité et il n'en existe aucune si l'on excepte celle de l'emprunteur, laquelle découle non de la Loi, mais de son obligation contractuelle de
19 [1978] 1 C.F. 198.
S.R.C. 1970, c. S-17. 21 [1977] 2 R.C.S. 654.
rembourser le prêt. La responsabilité est fondée sur l'accord et l'action sur la violation dudit accord, non sur une disposition de la loi comme c'est le cas pour la Loi de l'impôt sur le revenu, la législation en matière de douanes et d'accise et d'autres lois fédérales semblables.
On peut ajouter que tout article d'une loi doit se lire dans le contexte des autres articles, et non pas isolément. L'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale porte sur la demande de redressement faite «en vertu d'une loi du Parlement du Canada». L'article 25 est libellé comme suit:
25. La Division de première instance a compétence en pre- mière instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu du droit du Canada si aucun tribunal constitué, établi ou maintenu en vertu de l'un des Actes de l'Amérique du Nord britannique, 1867 à 1965 n'a compétence relativement à cette demande ou ce redressement. [C'est moi qui souligne.]
En l'espèce présente, je suis d'avis que la Cour supérieure de la province de Québec a compétence pour connaître du litige en cause dans cette action pour manquement au contrat de transport et pour préjudice subi; toutefois la Cour supérieure devra ce faisant appliquer les dispositions de la Conven tion de Varsovie incorporées au droit fédéral.
Pour les motifs susmentionnés je conclus que la Cour fédérale est incompétente pour connaître de la présente action et je rejette celle-ci avec dépens.
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