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T-1397-77
Les Nations Unies et l'Organisation pour l'ali- mentation et l'agriculture des Nations Unies (Demanderesses)
c.
Atlantic Seaways Corporation et Unimarine SA. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Gibson Toronto, le 19 décembre 1977; Ottawa, le 18 janvier 1978.
Compétence Requête visant le rejet de l'action in perso- nam contre les défenderesses, parties au contrat, concernant des avaries à la cargaison La clause de compétence du connaissement reconnaît la loi canadienne comme la seule loi applicable et donne compétence à la Cour fédérale Le connaissement porte sur le transport international de mar- chandises entre un port des États-Unis et un port étranger Le contrat ne concerne pas le Canada et le transport des marchandises ne passe pas par les eaux canadiennes La Cour fédérale a-t-elle compétence?
DEMANDE. AVOCATS:
N. Frawley pour la demanderesse.
A. J. Stone, c.r., pour la défenderesse
Unimarine.
J. Morin pour la défenderesse Atlantic Sea
ways Corp.
PROCUREURS:
McMillan, Binch, Toronto, pour la demande- resse.
McTaggart, Potts, Stone & Herridge, Toronto, pour la défenderesse Unimarine. Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour la défenderesse Atlantic Seaways Corp.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Cette requête demande le rejet de l'action in personam contre les défenderes- ses, parties au contrat, concernant des avaries à la cargaison de marchandises transportées du port de la Nouvelle-Orléans (États-Unis d'Amérique) au port de Hoderdah (République Arabe) situé sur le golfe persique.
Le connaissement porte sur le transport interna tional de marchandises entre un port des États-
Unis et un port étranger. Le contrat conclu entre les parties ne concerne pas le Canada et le trans port de ces marchandises n'est pas passé par les eaux canadiennes. Le seul point concernant le Canada est celle de la clause de compétence qui se trouve dans le connaissement cité ci-après.
La United States Carriage of Goods by Sea Act, de 1936, s'appliquerait si les demanderesses avaient intenté leur poursuite devant un tribunal américain. Cependant, dans cette affaire, la diffi culté est que si elles avaient poursuivi aux États- Unis, les demanderesses auraient agi en dehors des
délais.
Le connaissement renferme deux dispositions contradictoires:
[TRADUCTION] 1. Clause Paramount. ... Lorsqu'il est déli- vré pour le transport international de marchandises par mer au départ ou à destination de ports des États-Unis d'Amérique, le présent connaissement prendra son effet sous réserve des dispo sitions de la Carriage of Goods by Sea Act des États-Unis approuvée le 16 avril 1936. Toutefois, si cette loi ne s'applique pas et que le transporteur soit tenu responsable par la loi ou autrement de la cargaison, cette responsabilité sera régie et limitée par les paragraphes 3(5), (6) et (7), 4(2), (5) et (6) sauf l'alinéa 4(2)q), et l'article 7 de la COGSA, qui sont incorporés à la présente clause. Le transporteur continue de bénéficier des exonérations, immunités et limitations de responsabilité accor- dées par les articles 4281 et 4287 modifiés des statuts révisés des É.-U., et des dispositions législatives créant ou autorisant des exonérations ou limitations de la responsabilité du transpor- teur, lesquelles sont incorporées à la présente clause.
Si l'une des dispositions, exonérations et conditions de ce connaissement est incompatible avec toute législation incorpo- rée par la présente clause, cette disposition, exonération et condition est nulle dans cette mesure mais pas davantage.
2. Loi applicable et compétence. Le contrat dont fait foi le présent connaissement est régi par la loi canadienne, et les litiges seront réglés par la Cour fédérale du Canada à l'exclu- sion de tout autre tribunal.
Si je comprends bien le droit américain applica ble à une affaire comme celle-ci, si une requête comme celle qui nous occupe était présentée devant un tribunal américain en vue de faire reconnaître l'incompétence de ce tribunal à cause d'une pareille clause attributive de compétence, le tribunal américain prononcerait la nullité de cette clause et se déclarerait compétent.
De même, si en 1910 une action comme celle-ci avait été entamée au Canada en vertu d'un con-
naissement concernant une disposition du même genre prétendant accorder compétence à une cour d'amirauté américaine, cette clause aurait été déclarée nulle et non avenue en raison de l'article 5 de la Loi du transport des marchandises par eau, S.C. 1910, c. 61, dont voici le texte:
5. Tout connaissement, ou document semblable énumérant les marchandises, et relatif au transport de marchandises d'un endroit du Canada à tout endroit en dehors du Canada doit contenir une clause à l'effet que le transport est soumis à toutes les dispositions de la présente loi, et à toutes les exemptions de responsabilité y contenues, et toute stipulation ou convention tendant à éluder ou diminuer la compétence d'une cour quel- conque du Canada ayant juridiction au port de chargement en Canada relativement au connaissement ou document, est illé- gale, nulle, sans valeur et de nul effet.
La Loi canadienne de 1936 [Loi du transport des marchandises par eau, 1936, S.C. 1936, c. 49] n'a repris aucune disposition semblable à l'article 5 de la Loi de 1910. Mais de nos jours, un tribunal canadien conclurait probablement encore à la nul- lité d'une pareille clause dans ces circonstances.
En l'espèce, la réclamation est présentée sous le régime de la Carriage of Goods by Sea Act des Etats-Unis et est régie par cette même loi; elle n'est donc pas faite en vertu du «droit maritime canadien ou d'une autre loi du Canada». Par con- séquent, l'existence et la validité du «droit mari time canadien ou d'une autre loi du Canada» ne sont pas en cause ici.
Par conséquent, la requête doit être tranchée par l'application du droit ordinaire en l'espèce, à savoir, les parties ne peuvent, de consentement, attribuer à un tribunal une compétence qui n'exis- te pas.
Par conséquent, la requête est accueillie et l'ac- tion est rejetée avec dépens.
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