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A-43-78
Bell Canada (Appelante) (Intimée) c.
Challenge Communications Limited (Intimée) (Requérante)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Ryan— Ottawa, les 11, 12 et 24 avril 1978.
Communications Compétence Tarifs téléphoniques de Bell Canada Tarif concernant le service de radiotéléphone mobile automatique (AMTS), réservant à Bell Canada le droit de fournir le matériel uniquement en vertu d'un contrat de louage, et excluant l'option COAM, c'est-à-dire le matériel appartenant au client et entretenu par lui Allégations de discrimination injuste formulées par le fournisseur de matériel COAM Le CRTC rejette le tarif et ordonne à Bell Canada de proposer un nouveau tarif permettant l'option COAM, et de révéler les caractéristiques relatives à la fabrication du maté riel compatible avec le système AMTS Appel interjeté sur des questions de droit et de compétence Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 320, 321 Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 45(2), 46(1), 57(1), 58 et 64(2).
Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté sur des questions de droit et de compétence en vertu de l'article 64(2) de la Loi nationale sur les transports à l'encontre d'une décision et ordonnance rendues par le CRTC. Celui-ci avait rejeté certai- nes dispositions du tarif général de l'appelante concernant le service AMTS au motif qu'elles créaient une discrimination injuste ainsi qu'un avantage déraisonnable à l'appelante aux dépens de l'intimée. En outre, la décision ordonnait à l'appe- lante de soumettre des propositions en vue d'un nouveau tarif qui permettrait de nouvelles options concernant le service AMTS, et aussi de fournir les caractéristiques du matériel nécessaire à la fabrication d'appareils compatibles avec le système de Bell Canada. L'appelante, en vertu de son tarif, s'était réservée le droit exclusif de fournir du matériel AMTS et ce, uniquement en vertu d'un contrat de louage; quant aux téléphones mobiles appartenant aux clients, ils ne seraient reliés à aucun service automatique. L'intimée se spécialise dans la fourniture et l'entretien du matériel COAM. L'appelante sou- lève, en l'espèce, les six questions suivantes: (1) Le CRTC était-il mal fondé en droit à statuer que l'appelante agissait en violation des alinéas a), b), c) de l'article 321(2) de la Loi sur les chemins de fer, en stipulant dans son tarif général qu'à l'égard des AMTS, elle seule fournirait, installerait et entre- tiendrait le matériel radio? (2) Le CRTC a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa compétence en ordonnant à l'appelante de fournir les caractéristiques nécessaires à la con ception de matériel compatible avec son système? (3) Le CRTC a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa compétence en ordonant à l'appelante de présenter des proposi tions pour un nouveau tarif pour le service de radiotéléphone mobile comportant l'option COAM? (4) Le CRTC a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa compétence en ordonnant de présenter des propositions en vue d'un nouveau tarif comportant une option «vagabondage»? (5) Le CRTC a-t-il commis une erreur de droit en statuant que les alinéas a),
b), c) de l'article 321(2) de la Loi sur les chemins de fer s'appliquent aux affaires de discrimination injuste? (6) Le CRTC a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa compétence en interprétant l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer comme lui attribuant compétence en matière de concurrence entre Bell et les autres fournisseurs de matériel et d'installation téléphoniques?
Arrêt: les appels sont rejetés sauf un. La question 1 reçoit une réponse négative. Les Règlements généraux n°' 7 et 9 lorsqu'on les lit dans leur contexte, c'est-à-dire avec tous les Règlements et articles applicables de la Loi sur les chemins de fer, permettent au CRTC de s'occuper des questions de pro- priété et d'entretien du service téléphonique ainsi que des questions portant sur le raccordement du matériel COAM aux installations de l'appelante, car ce sont IA des composantes des tarifs que la compagnie Bell doit soumettre à l'approbation du CRTC. Lorsqu'on interprète les Règlements de cette manière, il n'y a pas conflit. La question 5 reçoit une réponse négative. L'article 321(2) de la Loi sur les chemins de fer interdit la discrimination envers «une personne ou une compagnie». L'ap- pelante ne peut, en vertu de la Loi, se donner à elle-même quelque préférence ou avantage indu ou déraisonnable. L'inti- mée aussi a droit à la protection de l'article 321 lorsqu'on y fait usage de l'expression «une compagnie», expression claire et sans ambiguïté. Pris dans son acception ordinaire, cet article s'appli- que à toute personne, physique ou morale, et non aux seuls clients de l'entreprise. La question 2 reçoit une réponse néga- tive. L'ordonnance du CRTC prescrivant la substitution d'un nouveau tarif permettant l'utilisation de matériel COAM dans le domaine des AMTS pourrait être contournée, et devenir inefficace si les caractéristiques étaient gardées secrètes, étant donné que le matériel COAM-AMTS doit être branché sur le système téléphonique de l'appelante. Le pouvoir de rendre cette partie de l'ordonnance relève des articles 45(2), 46(1) et 57(1) de la Loi nationale sur les transports ainsi que l'article 321(5) de la Loi sur les chemins de fer, puisque les caractéristiques techniques du branchement sont nécessairement une question reliée aux tarifs. La question 3 reçoit une réponse négative pour les mêmes motifs que ceux invoqués relativement à la question 2. La question 4 reçoit une réponse positive. La question de «vagabondage» n'était pas en litige au cours des audiences devant le CRTC. Il n'est pas nécessaire que le présent tribunal dise si en droit le CRTC détenait le pouvoir de rendre ladite partie de l'ordonnance, puisqu'on ne peut prétendre que les parties et l'intervenant aient été entendus à ce sujet. Il n'est pas nécessaire de répondre à la question 6 puisqu'elle repose sur une présomption dénuée de fondement. Il se peut que les effets de l'ordonnance soient l'égalisation de la concurrence; toutefois, cela n'invalide pas une ordonnance par ailleurs validement rendue dans l'exercice légitime de la compétence.
APPEL. AVOCATS:
E. E. Saunders, c.r. et P. J. Knowlton pour
l'appelante.
H. Soloway, c.r. et J. Shields pour l'intimée.
T. G. Heintzman et Peter S. Grant pour le CRTC.
Gordon F. Henderson, c.r. et Gordon E. Kaiser pour le Directeur des enquêtes et recherches, Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
PROCUREURS:
Service du contentieux de Bell Canada, Montréal, pour l'appelante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimée. McCarthy & McCarthy, Toronto, pour le CRTC.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le Directeur des enquêtes et recherches, Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté sur des questions de droit et de compé- tence en vertu de l'article 64(2) de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, et de l'autorisation d'en appeler que cette cour a accor- dée à l'appelante. Il en est appelé d'une décision et ordonnance du 23 décembre 1977 du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications cana- diennes (CRTC), 3 R.T.C. 489, (la décision Tele- com CRTC 77-16). Par cette décision, le CRTC a rejeté certaines dispositions du tarif général de l'appelante concernant le service de radiotéléphone mobile automatique (AMTS), au motif qu'elles créaient une discrimination injuste à l'encontre de l'intimée, lui causaient un préjudice ou désavan- tage indu ou déraisonnable et accordaient une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable à l'appelante aux dépens de l'intimée. Aussi la déci- sion invitait-elle l'appelante à présenter au CRTC des propositions en vue de l'instauration, pour le service de téléphone mobile, d'un nouveau tarif qui comporterait certaines caractéristiques et permet- trait certaines options concernant le service de téléphone automatique que l'on n'y trouvait pas auparavant; l'appelante devrait fournir au CRTC, à l'intimée et à toute autre personne qui en ferait la demande, un exemplaire de tout document expo- sant les caractéristiques du matériel Accès 450 et de tout autre matériel ou installation nécessaires à la conception et à la production de radiotéléphones à ultra-haute fréquence (UHF). «Accès 450» est le nom d'un nouveau matériel de radiotéléphone
mobile . introduit par l'appelante au Canada et destiné au service de radiotéléphone automatique. En sus, la décision invitait l'appelante et l'intimée à présenter au CRTC, au plus tard le 13 février 1978, un projet de calendrier pour la mise en place d'un nouveau tarif concernant les téléphones mobi les l'appelante offrirait aux clients l'option d'avoir et d'entretenir leur propre matériel de sélection automatique UHF compatible avec le système de signalisation usité en Amérique du Nord.
Les faits ne sont pas en cause dans cet appel. Le 29 avril 1977, l'appelante a produit près le CRTC quatre pages révisées de son tarif général, intitu- lées: «Service de téléphone mobile» et visant deux genres de service: le service de téléphone mobile manuel (MMTS) et le service de téléphone mobile automatique (AMTS). En ce qui concerne le ser vice de téléphone mobile pour véhicules automobi les, on trouve dans le véhicule de l'équipement dénommé «équipement radio» et du matériel fixe connu sous le nom de [TRADUCTION] «la base». L'équipement radio de l'automobile est relié par radio à la base, elle-même partie intégrante du réseau téléphonique de l'appelante. Bien qu'il existe d'autres genres de service téléphonique mobile, ainsi celui qu'utilisent les bateaux, l'espèce présente n'est concernée que par le type de service employé par les propriétaires de véhicules automo biles. L'équipement situé dans l'automobile se compose essentiellement de deux appareils: «l'ap- pareil de commande» et un émetteur-récepteur radio. L'appareil de commande comporte habituel- lement un combiné semblable à celui d'un télé- phone ordinaire pouvant être accroché à un sup port sur le corps de l'appareil, lequel se trouve généralement fixé au tableau de bord de la voiture, à portée du conducteur. L'émetteur-récepteur se trouve généralement, mais pas toujours, dans le coffre de l'automobile. L'appareil de commande permet au conducteur de la voiture d'entrer en contact avec «la base» et, naturellement, de conver- ser à l'aide du combiné. L'appareil de commande est branché sur l'émetteur-récepteur dont la tâche est généralement facilitée par une antenne extérieure.
Depuis plusieurs années déjà l'appelante, dans son tarif général, offre le service de radiotélépho-
nes mobiles manuels (MMTS) mais, et ce jusqu'au 29 avril 1977, date de dépôt des modifica tions susmentionnées, le tarif prévoyait aussi que le client pouvait fournir son propre radiotéléphone manuel, l'installer dans sa voiture et l'entretenir. Le client pouvait se le procurer chez n'importe quel fournisseur. Lorsque le client exerce ce choix, on identifie le matériel en question par le sigle «COAM» (Customer Owned and Maintained equipment—matériel appartenant au client et entretenu par lui). L'intimée vend et fournit ce matériel COAM, principalement dans la région Toronto-Hamilton mais aussi, dans une moindre mesure, ailleurs en Ontario et au Québec.
Les nouvelles pages du tarif produites par l'ap- pelante le 29 avril 1977, se réfèrent au matériel AMTS pour la première fois. Celui-ci a été conçu pour utiliser les voies UHF plutôt que les voies VHF qu'emploie le matériel MMTS. De plus le matériel AMTS permet la commande directe, c'est-à-dire la capacité de faire et de recevoir des appels dans la voiture sans l'aide d'un téléphoniste lorsque le véhicule se trouve dans la localité du domicile. Il s'agit d'une nouvelle caractéristique, le matériel MMTS exigeant que l'on communique avec le téléphoniste pour chaque appel.
Dans son projet de modification produit le 29 avril 1977, l'appelante notifie au CRTC qu'elle ne se propose pas de fournir à ses clients propriétaires de radiotéléphones mobiles ce service automatique, mais de fournir, installer et entretenir, et ce uni- quement en vertu d'un contrat de louage, toutes les unités mobiles de cette sorte. Les nouvelles pages du tarif ont été approuvées par le CRTC et devaient prendre effet le 20 juillet 1977. Aussitôt l'appelante a lancé une campagne publicitaire afin de promouvoir le louage de son matériel AMTS. En vertu du tarif modifié, l'appelante se réservait en effet le droit exclusif de fourniture du matériel AMTS et ce uniquement selon un contrat de louage. Par ailleurs, l'appelante continue toujours d'offrir le service MMTS aux mêmes conditions qu'auparavant.
L'intimée se spécialise dans la fourniture du matériel COAM susmentionné. En juillet 1977, la majorité des clients utilisant le matériel MMTS étaient des usagers du système COAM.
Le 26 septembre 1977, l'intimée a produit près le CRTC une requête en contestation du tarif révisé de l'appelante, alléguant, entre autres, le caractère injustement discriminatoire de ce tarif, la création de ce fait, par l'appelante et à son profit, d'une préférence ou d'un avantage indu et, donc, infraction à l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2.
Le CRTC a instruit la demande de l'intimée du 8 au 16 novembre 1977 Ottawa. La preuve faite en l'instance a établi qu'en juillet 1977 il y avait dans la région Toronto-Hamilton 1,588 usagers du système MTS parmi lesquels on trouvait 1,264 usagers du système COAM. La preuve démontre aussi que, dans les quelques mois qui ont suivi le 25 juillet 1977, date de l'approbation du tarif révisé de Bell concernant les AMTS, cette société a acquis quelque 300 clients pour le système AMTS.
L'appelante soulève six questions de droit ou de compétence en l'espèce présente et fait valoir que chacune d'elles devrait recevoir une réponse affir mative. D'autre part, l'intimée et le Directeur des enquêtes et recherches, Direction des enquêtes sur les coalitions (qui est intervenu en l'instance devant le CRTC en vertu de l'article 27.1 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, y a participé activement et a com- paru en l'instance présente en vertu de la Règle 1313) ont tous deux fait valoir que les six questions devraient toutes recevoir une réponse négative. L'avocat du Conseil pense de même. Je vais main- tenant traiter de ces six questions:
Question 1
Le Conseil était-il mal fondé en droit à statuer que l'appelante, agissant sur le fondement des règlements 7 et 9 de ses Règlements généraux, a violé les alinéas a), b) et c) du paragraphe 321(2) de la Loi sur les chemins de fer en stipulant, à la page révisée 410 de son tarif général, qu'à l'égard des AMTS, elle fournirait, installerait et entretiendrait le matériel radio destiné aux unités mobiles automatiques et qu'elle interdirait à tout autre de le faire?
A l'appui de sa prétention, l'appelante allègue que le CRTC a commis une erreur de droit en concluant que l'appelante a contrevenu aux dispo sitions de l'article 321(2) de la Loi sur les chemins
de fer, S.R.C. 1970, c. R-2 (modifié) car, fait-elle valoir, elle agissait conformément aux Règlements 2, 7 et 9 de ses Règlements généraux, édictés à sa demande par l'un des prédécesseurs du CRTC, comme conditions auxquelles elle pourrait achemi- ner le trafic. Ces règlements étaient adoptés en application de l'article prédécesseur du paragraphe 322(3) de la Loi sur les chemins de fer. Subsé- quemment, avec l'autorisation de la Commission des transports du Canada, les Règlements ont été publiés à trois reprises dans la Gazette du Canada conformément à l'article en vigueur avant l'actuel article 62 de la Loi nationale sur les transports. Les dispositions pertinentes se lisent comme suit:
[TRADUCTION]: Règlement 2.—a) Le service et l'équipement téléphoniques offerts aux termes des Tarifs de la compagnie, lorsqu'elle les fournit, le seront d'après les clauses et conditions contenues dans
(i) les présents règlements,
(ii) tous les Tarifs applicables de la compagnie, et
(iii) la demande écrite (le cas échéant) en autant qu'elle soit compatible avec ces règlements ou lesdits tarifs,
le tout liant et la compagnie et les abonnés.
b) Tout changement dans ces règlements ou dans les Tarifs de la compagnie modifiera les obligations mutuelles de la compagnie et de ses abonnés à compter de et y compris la date de leur mise en vigueur. Un changement de tarifs est applicable à compter de et y compris la date de sa mise en vigueur nonobstant le fait que l'abonné aurait été facturé et/ou aurait payé d'avance aux tarifs précédents.
Règlement 7.—A moins de stipulations contraires dans ses tarifs ou d'une entente spéciale, la compagnie fournira et installera tous poteaux, conduits, outillage, fils, circuits, instru ments, équipement, accessoires et installations requis pour four- nir le service, et elle en sera et demeurera la propriétaire et devra payer les frais de l'entretien et des opérations ordinaires.
Règlement 9.—L'équipement et les fils de la compagnie ne doivent pas être réagencés, déconnectés, enlevés ou dérangés d'aucune façon. Aucun équipement, dispositif, circuit, ou méca- nisme non fourni par la compagnie ne peut être branché, associé physiquement, raccordé ou utilisé de façon à fonction- ner conjointement avec l'équipement ou les fils de la compagnie d'aucune façon, que ce soit physiquement, par induction, ou autrement, sauf lorsqu'il est spécifié autrement dans les Tarifs de la compagnie ou en vertu d'une entente spéciale. En cas de contravention à ce règlement, la compagnie peut corriger toute installation prohibée ou suspendre et/ou mettre fin au service, tel qu'il est prévu au Règlement 35.
Paragraphe 322(3) de la Loi sur les chemins de fer:
322. ...
(3) La Commission peut, par règlement, prescrire les moda- lités selon lesquelles tout transport peut être effectué par la compagnie.
Article 62 de la Loi nationale sur les transports:
62. Les règles, règlements, ordonnances ou décisions de la Commission, après publication durant trois semaines dans la Gazette du Canada, sur ordre ou permis de la Commission, ont le même effet, tant qu'ils sont en vigueur, que s'ils avaient été édictés par la présente loi, et tous les tribunaux doivent en reconnaître l'authenticité juridique.
Ainsi l'appelante fait valoir que le CRTC: [TRA- DUCTION] «a mal interprété le statut juridique des Règlements généraux de Bell Canada et n'a pas, à tort, interprété l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer à la lumière des Règlements 7 et 9 des Règlements généraux de Bell Canada» (factum de l'appelante, page 41). Et, de nouveau, à la page 42 de son factum, l'appelante fait valoir ce qui suit:
[TRADUCTION] 101. Le CRTC, dans sa décision, s'est fondé exclusivement sur l'article 321 pour justifier et ladite décision et ses ordonnances. Dans les passages de la décision précédem- ment cités, le CRTC semble considérer les Règlements 2, 7 et 9 des Règlements généraux de Bell Canada comme «des sujets de deuxième ordre» n'ayant pas véritablement le statut de disposi tions légales. Plutôt que d'essayer d'interpréter les Règlements 2, 7 et 9 comme des dispositions de la loi, à lire avec les autres dispositions «de fond» de la Loi sur les chemins de fer, le Conseil semble les sous-estimer.
L'article 321 de la Loi précitée se lit comme suit:
321. (1) Toutes les taxes doivent être justes et raisonnables et doivent toujours, dans des circonstances et conditions sensi- blement analogues, en ce qui concerne tout le trafic du même type suivant le même parcours, être imposées de la même façon à toutes personnes au même taux.
(2) Une compagnie ne doit pas, en ce qui concerne les taxes ou en ce qui concerne tous services ou installations fournis par elle à titre de compagnie de télégraphe ou de téléphone,
a) établir de discrimination injuste contre une personne ou une compagnie;
b) instaurer ou accorder une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable à l'égard ou en faveur d'une certaine per- sonne ou d'une certaine compagnie ou d'un certain type de trafic, à quelque point de vue que ce soit; ou
c) faire subir à une certaine personne, une certaine compa- gnie ou un certain type de trafic un désavantage ou préjudice indu ou déraisonnable, à quelque point de vue que ce soit;
et, lorsqu'il est démontré que la compagnie établit une discrimi nation ou accorde une préférence ou un avantage, il incombe à la compagnie de prouver que cette discrimination n'est pas injuste ou que cette préférence n'est pas indue et déraisonnable.
(3) La Commission peut déterminer, comme questions de fait, si le trafic se fait ou s'est fait dans des circonstances et conditions sensiblement analogues et s'il y a eu, dans quelque cas que ce soit, une discrimination injuste, ou une préférence, un avantage, un préjudice ou un désavantage indu ou déraison- nable au sens du présent article ou si, dans quelque cas que ce soit, la compagnie s'est ou non conformée aux dispositions du présent article ou de l'article 320.
(4) La Commission peut
a) suspendre ou différer l'application de tout tarif de taxes ou toute partie de celui-ci qui, à son avis, peut être contraire aux dispositions de l'article 320 ou du présent article; et
b) rejeter tout tarif de taxes ou toute partie de celui-ci qu'elle considère être contraire aux dispositions de l'article 320 ou du présent article, et sommer la compagnie d'y substituer un tarif satisfaisant pour la Commission ou pres- crire d'autres taxes en remplacement de toutes taxes ainsi rejetées.
(5) En toute autre manière non expressément prévue par le présent article, la Commission peut émettre des ordonnances au sujet de tout ce qui a trait au trafic, aux taxes et aux tarifs, ou à l'un d'eux.
(6) Dans le présent article et dans l'article 322, les expres sions «compagnie», «Loi spéciale», «taxes» et «trafic» ont la signification que leur attribue l'article 320.
La disposition applicable de l'article 320 de la Loi sur les chemins de fer se lit comme suit:
320. (1) Dans le présent article
«compagnie» signifie une compagnie de chemin de fer ou une personne autorisée à construire ou à tenir en service un chemin de fer, qui a le pouvoir de construire ou de tenir en service une ligne ou un réseau de télégraphe ou de téléphone, et d'en exiger des taxes; et comprend aussi les compagnies de télégraphe et de téléphone, et toute compagnie et toute personne, relevant de l'autorité législative du Parlement du Canada, qui ont le pouvoir de construire ou de tenir en service une ligne ou un réseau de télégraphe ou de téléphone et d'en exiger des taxes;
L'appelante fait valoir que le CRTC a, en fait, décidé que les dispositions précitées de l'article 321 prévalent sur celles des Règlements 7 et 9 des Règlements généraux de Bell Canada et qu'en statuant ainsi le CRTC était mal fondé en droit.
En dépit de l'argument fort judicieux de l'avocat de l'appelante, je ne suis nullement persuadé que cette prétention soit valable. Comme l'a dit l'avo- cat du Conseil: adopter ce point de vue aurait pour résultat d'accorder à l'appelante l'immunité à l'égard du processus d'approbation de son tarif, processus qui relève du Conseil et met en jeu l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer. Un coup d'oeil aux Règlements généraux de l'appe- lante (Dossier conjoint, pp. C101 et suivantes) montre clairement, à mon avis, qu'elle est régie au moyen de tarifs approuvés par le CRTC. L'article 1 de l'ordonnance habilitante, par exemple, décrit les Règlements généraux comme les conditions sous lesquelles l'appelante «doit fournir au public les services et l'équipement téléphoniques décrits dans les tarifs en vigueur périodiquement soumis au Conseil et approuvés par lui.» [C'est moi qui
souligne.] Le Règlement 2 des Règlements géné- raux prévoit que les services et l'équipement télé- phoniques offerts à titre de fournitures par les Tarifs de la compagnie sont sujets, entre autres, aux conditions prévues par [TRADUCTION] «(ii) tous les Tarifs applicables de la compagnie». Le Règlement 7 emploie les qualificatifs: [TRADUC- TION] «A moins de stipulations contraires dans ses tarifs ...». Le Règlement 9 emploie les termes suivants: [TRADUCTION] «sauf lorsqu'il est spécifié autrement dans les Tarifs de la compagnie ...u. [C'est moi qui souligne les citations des Règle- ments 2, 7 et 9.] Il semble clair, si l'on considère l'économie générale des Règlements que, lorsqu'il s'agit de traiter avec un client, l'appelante doit avoir un tarif et que ce tarif, pour avoir effet, doit recevoir l'approbation du Conseil. Je partage l'opi- nion de l'avocat du Conseil: le système prévu par les Règlements et Règlements généraux de Bell repose sur des tarifs approuvés. En conséquence, je suis convaincu que les Règlements et Règlements généraux adoptés en vertu de ceux-ci ne sont pas, si l'on considère ces tarifs produits par l'appelante, destinés à prévaloir sur les dispositions , fondamen- tales de la Loi sur les chemins de fer, comme par exemple son article 321, et qu'en conséquence lesdits règlements n'ont pas l'effet d'un «parapluie' qui protégerait l'appelante, la dispensant de sou- mettre ses tarifs à l'approbation du Conseil.
En outre, il faut noter que les Règlements 7 et 9, sur lesquels l'appelante s'appuie, ont été adoptés en application de la Loi sur les chemins de fer. En tant que tels, ils ne peuvent servir à modifier cette loi'. En cas de conflit entre la loi et un de ses règlements d'application, on doit considérer que la loi prévaut et que le règlement doit lui être subor- donné 2 . Un coup d'oeil à l'affaire Belanger (ci-des- sus) montre clairement que, selon les cinq juges saisis, en cas de semblable conflit, les dispositions légales prévalent sur les dispositions réglementai- res dans la mesure ces dernières sont incompati bles avec les articles de la Loi. Toutefois, le juge Anglin, dans la même affaire, a ajouté qu'un tel règlement devrait, si possible, recevoir une inter
' Voir: Belanger c. Le Roi (1916) 54 R.C.S. 265, à la p. 268, le juge en chef Sir Charles Fitzpatrick.
2 Voir: Belanger c. Le Roi (1916) 54 R.C.S. 265, la page 276, feu le juge Duff (tel était alors son titre).
prétation permettant d'éviter le conflit avec la loi 3 . A mon avis, une telle interprétation est possible en l'espèce. Le Règlement 7 oblige l'appelante à four- nir, installer et entretenir son propre équipement dans la mesure nécessaire au service à fournir à ses clients; il prévoit l'exception susmentionnée soit que ces questions de propriété et d'entretien doi- vent expressément être régies par les tarifs soumis à l'approbation du Conseil. De la même manière, le Règlement 9 qui, à première vue, interdit d'ap- porter toute modification à l'équipement et aux fils de l'appelante, et qui en outre interdit à quiconque de se raccorder aux installations de celle-ci prévoit expressément que le raccordement de l'équipement COAM est une question qui doit être traitée par les tarifs soumis à l'approbation du Conseil.
Conséquemment, quoique selon moi l'affaire Belanger (ci-dessus) soit applicable à l'espèce en dépit des efforts opiniâtres de l'avocat de l'appe- lante pour l'en distinguer, le libellé des Règlements 7 et 9 prévoit expressément, à mon avis, l'examen des questions traitées dans les tarifs de l'appelante; or cet examen met en jeu l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer, vu que d'après les faits jugés établis par le Conseil, l'appelante a contrevenu aux dispositions de l'article 321(2)a),6) et c) dans la mesure l'intimée est concernée 4 .
Le procureur de l'appelante s'est appuyé sur l'affaire B.G. Linton Construction Ltd. c. C.N. 5 et, en particulier, sur les commentaires du juge Rit- chie à la page 688, à propos de certaines ordonnan- ces adoptées et publiées dans la Gazette du Canada en vertu de l'article prédécesseur de l'arti- cle 62 de la Loi nationale sur les transports. Voici ces commentaires: «qu'elles ont ensuite eu force de loi comme si elles avaient été édictées dans la Loi des chemins de fer elle-même.» A mes yeux toute- fois, l'affaire Linton (ci-dessus) ne peut aider l'ap- pelante en l'espèce car dans cette affaire, on ne
3 Voir: Belanger c. Le Roi (1916) 54 R.C.S. 265, à la page 280, le juge Anglin.
4 Il y avait preuve concluante de ces faits; notons particulière- ment que l'appelante a choisi de ne pas produire de preuve devant le Conseil.
5 [1975] 2 R.C.S. 678.
demandait pas à la Cour suprême de résoudre un conflit entre un règlement et un article de la Loi sur les chemins de fer. Ce qui y a été statué, c'est qu'une ordonnance de la Commission des trans ports du Canada avait force de loi en tant que partie intégrante de la Loi sur les chemins de fer, après publication en bonne et due forme dans la Gazette du Canada. Je ne vois pas d'incompatibi- lité entre l'affaire Linton (précitée) et l'affaire Belanger (précitée) où, comme en l'espèce pré- sente, existe une possibilité de conflit entre un règlement d'application de la Loi sur les chemins de fer et un article même de la Loi. L'avocat de l'appelante s'est aussi référé à l'affaire: The Cor poration of the City of Ottawa c. The Corpora tions of the Town of Eastview and the Village of Rockcliffe Park 6 . Cette jurisprudence, à mon avis, ne s'applique pas en l'espèce car il s'agissait alors d'un conflit entre une loi de la province de l'Onta- rio et les Special Acts de l'Assemblée législative concernant l'aqueduc de la ville d'Ottawa. Il me semble que c'est une situation tout à fait diffé- rente de l'espèce en cause, puisqu'il s'agit ici d'un conflit possible entre le règlement et un article de fond de la Loi qu'il applique. En résumé, je con- clus que les Règlements généraux nos 7 et 9 de Bell Canada, lorsqu'on les lit dans leur contexte, c'est-à-dire avec tous les règlements et articles applicables de la Loi sur les chemins de fer, permettent au Conseil de s'occuper des questions de propriété et d'entretien du service téléphonique ainsi que des questions portant sur le raccordement du matériel COAM aux installations de l'appe- lante, car ce sont des composantes des tarifs que la compagnie Bell doit soumettre à l'approbation du Conseil. Lorsqu'on interprète les Règlements de cette manière, il n'y a pas conflit. Si toutefois il devait y avoir conflit et que la question de la primauté se pose, je statuerais, en suivant la juris prudence Belanger (précitée), que l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer prévaut et que les Règlements en question deviennent inopérants. Pour les motifs ci-dessus, la première question devrait à mon avis recevoir une réponse négative.
Question 5
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit en statuant que les alinéas a), b) et c) du paragra- phe 321(2) de la Loi sur les chemins de fer
6 [1941] R.C.S. 448, à la page 461.
s'appliquent aux affaires de discrimination injuste, de préférences ou d'avantages indus ou déraisonnables et de préjudices ou désavantages indus ou déraisonnables découlant des agisse- ments de Bell Canada, quand les parties préten- dument lésées par ces agissements fournissent au public du matériel destiné au service télépho- nique mobile, concurrençant ainsi Bell Canada, et ne sont lésées qu'en leur qualité de fournisseurs?
Ici l'appelante fait valoir que le Parlement avait pour intention, en adoptant les articles 320(1) et 321(2) (ci-dessus), de ne pas permettre à une compagnie de téléphone comme l'appelante de dis- criminer injustement ses propres clients; l'article 321(2) est «orienté vers le client», c'est-à-dire qu'il requiert que tout usager d'une société de télécom- munication reçoive un traitement équitable et con- forme aux règles énoncées audit article; il ne s'ap- pliquerait donc qu'aux clients et non aux concurrents de l'appelante.
Je ne crois pas que l'article 321(2) doive rece- voir une interprétation si restrictive. L'article 321 interdit la discrimination envers «une personne ou une compagnie». Son paragraphe (6) dispose que, dans l'article, le mot «compagnie» aura le sens que lui assigne l'article 320. L'article 320(1) précité définit le mot «compagnie» de façon à ce que puissent y être assimilées, entre autres, les compa- gnies téléphoniques ainsi que toute personne physi que ou morale relevant de l'autorité législative du Parlement du Canada, et ayant pouvoir de cons- truire ou d'exploiter un système ou une ligne télé- phonique et de percevoir des frais pour ce faire. En conséquence, il est clair que le mot «compagnie» utilisé à l'article 321(2)b) vise l'appelante même. Il s'ensuit qu'elle ne peut se donner à elle-même quelque préférence ou avantage indu ou déraison- nable. En outre, l'article 28 de la Loi d'interpréta- tion, S.R.C. 1970, c. I-23, dispose qu'une corpora tion doit être assimilée à une «personne». Il s'ensuit que manifestement l'intimée aussi a droit à la protection de l'article 321 lorsqu'on y fait usage de l'expression «une compagnie», expression claire et sans ambiguïté. Je suis d'accord avec l'avocat du directeur; si l'article 321 (2)a) ne visait que les clients, il aurait été beaucoup plus approprié d'uti- liser le mot «parmi» ou «entre» plutôt que le mot «contre». Si l'on donne à l'article 321 son acception ordinaire (et on ne nous a indiqué ni doctrine ni
jurisprudence en sens contraire) il me semble qu'il s'applique à toute personne, physique ou morale, et non aux seuls clients de l'entreprise. J'en conclus donc que la question 5 doit recevoir une réponse négative.
Question 2
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné que Bell Canada fasse signifier, à lui, à l'intimée et à toute autre partie qui en ferait la demande, copie des caractéristiques techniques du matériel accès 450 et des appareils nécessaires à la con ception et à la production de matériel pouvant être intégré au service de téléphone mobile UHF?
L'appelante fait valoir que la compétence attri- buée au CRTC par la Loi sur les chemins de fer est liée au contenu de cette loi. Elle fait valoir en outre que nulle part on n'y trouve le pouvoir, supposément attribué au CRTC, de lui ordonner de fournir à des tiers les renseignements et carac- téristiques techniques du genre de celles dont on s'occupe ici. Lorsque dans son ordonnance le Con- seil vise ces caractéristiques, il ne s'agit pas de la véritable conception du matériel Accès 450 de l'appelante, mais seulement des normes minimales permettant de raccorder le matériel COAM au système AMTS de l'appelante de façon à permet- tre les communications téléphoniques.
Le Conseil, après avoir statué, 3 R.T.C. 489, à la page 502, que les pages révisées du tarif de l'appelante contreviennent à l'article 321(2) de la Loi sur les chemins de fer, donne, à la page 502, les motifs de cette ordonnance contestée ici. Les voici:
Le Conseil n'a pas l'intention de remplacer le tarif rebuté par un autre tarif pour l'instant. Il entend plutôt maintenir les tarifs actuels en vigueur jusqu'au dépôt d'un nouveau tarif relatif au service de radiotéléphones qui, tout au moins, assurerait la disponibilité de l'option COAM pour l'ensemble du service de radiotéléphones ainsi que l'égalité d'accès au réseau téléphoni- que commuté.
Toutefois, il est clair que le simple fait de déposer un tarif révisé conforme à ces critères, n'éliminera pas la situation désavantageuse créée par les pages révisées du tarif. Le tarif précédant fut en vigueur pour une période d'environ trois mois, au cours de laquelle Bell Canada a eu un accès exclusif au marché de l'AMTS. Au cours de la même période, Bell a loué environ 200 radiotéléphones automatiques tandis qu'au 20 juil-
let 1977, elle n'avait loué que 324 appareils manuels dans la région de Toronto-Hamilton, ce qui était le résultat de plusieurs années de concurrence sur le marché des radiotéléphones manuels mobiles.
La date d'entrée en vigueur du tarif substitué doit donc être retardée jusqu'à ce que le client puisse acheter des radiotélé- phones automatiques en choisissant l'option COAM. Pour ce faire, il faudra donner aux fabricants et aux fournisseurs futurs du matériel COAM le droit d'examiner les caractéristiques des systèmes de radiotéléphones automatiques ainsi que suffisam- ment de temps pour leur permettre de concevoir et de produire du matériel compatible. A cet égard, le Conseil prend note des observations de MM. Francis et Deering qui ont affirmé qu'il leur faudrait environ quatre mois pour adapter leur équipement au système AMTS. Par contre, le Conseil croit qu'il est impor tant de voir à ce que le service AMTS reprenne aussitôt que possible. Durant la période de transition, il serait acceptable de mettre l'équipement que Martin Marietta et Motorola fournis- sent actuellement en exclusivité à Bell Canada; à la disposition des fournisseurs du matériel COAM et à des conditions raisonnables.
A mon avis, il était raisonnable et logique pour le Conseil d'aborder la question comme il l'a fait. Ayant constaté qu'il y avait discrimination au sens de l'article 321(2), il était en son pouvoir de rejeter le tarif révisé de l'appelante comme il l'a fait et d'exiger que lui soit substitué un nouveau tarif qui le satisfasse. Ce pouvoir implique, à mon avis, celui d'exiger que le nouveau tarif permette l'utili- sation de matériel COAM dans le domaine des AMTS. Étant donné que ce matériel doit être branché sur le système téléphonique de l'appe- lante, tant le Conseil que ceux qui désirent fournir du matériel COAM-AMTS doivent connaître les caractéristiques générales permettant de se raccor- der au système AMTS de l'appelante. Si l'on permettait à l'appelante de garder secrètes ces caractéristiques, il y aurait moyen alors de tourner l'ordonnance du Conseil appliquant l'article 321 et de la rendre inefficace.
Examinant maintenant la question de compé- tence que lui accorde la loi, il me semble que le Conseil était amplement habilité à rendre cette partie de l'ordonnance par les articles 45(2), 46(1) et 57(1) de la Loi nationale sur les transports' et
7 45. ...
(2) La Commission peut ordonner et prescrire à toute com- pagnie ou personne de faire immédiatement, ou dans tel délai ou à telle époque qu'elle fixe, et de telle manière qu'elle prescrit, en tant qu'il n'y a rien d'incompatible avec la Loi sur les chemins de fer, toute action ou chose que cette compagnie
(Suite à la page suivante)
en outre, tout particulièrement, par l'article 321(5) de la Loi sur les chemins de fer (ci-dessus) vu que les caractéristiques techniques du branchement sont nécessairement une question reliée aux tarifs. Ces caractéristiques sont aussi, par définition, reliées au trafic' vu qu'elles sont conçues pour permettre la communication des messages à partir du matériel COAM au moyen du réseau téléphoni- que de l'appelante. En conséquence, et pour les motifs ci-dessus, je répondrais par la négative à la question 2.
Question 3
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné à Bell Canada de lui présenter un projet de calen- drier de mise en oeuvre du nouveau tarif MTS (service de radiotéléphone mobile) devant com- porter l'option COAM (customer owned and maintained—matériel appartenant au client et entretenu par lui)?
(Suite de la page précédente)
ou personne est, ou peut être, tenue de faire sous le régime de la Loi sur les chemins de fer ou de la loi spéciale. La Commission peut aussi défendre l'accomplissement ou la continuation de toute action ou chose contraire à la Loi sur les chemins de fer ou à la loi spéciale; et elle a, aux fins de la Loi sur les chemins de fer, pleine juridiction pour entendre et juger toute question tant de droit que de fait.
46. (1) La Commission peut rendre des ordonnances ou établir des règlements
a) à l'égard de toute affaire, action ou chose que la Loi sur les chemins de fer ou la loi spéciale autorise, prescrit ou défend;
b) en termes généraux, pour assurer l'exécution de la Loi sur les chemins de fer; et
c) pour exercer toute juridiction qui lui est conférée par toute autre loi du Parlement du Canada.
57. (1) La Commission peut, dans toute ordonnance, pres- crire que cette ordonnance ou l'une de ses parties ou disposi tions, entrera en vigueur à une date ultérieure ou lorsque surviendront des éventualités, des événements ou des circons- tances spécifiées dans cette ordonnance, ou lors de l'accomplis- sement, au gré de la Commission ou d'une personne désignée par la Commission, des conditions qu'elle impose à quelque partie intéressée; et elle peut prescrire que la totalité ou quelque partie de cette ordonnance soit exécutoire durant une période déterminée, ou jusqu'à ce que se produise un événement spécifié.
8 L'extrait pertinent de l'article 320(12) se lit comme suit: 320. (12) ...
«transport» ou «trafic» signifie la transmission de messages télégraphiques et téléphoniques, et les autres opérations se rattachant à cette transmission.
Comme pour la question 2, l'appelante fait ici valoir que le CRTC a outrepassé sa compétence et que, par cette portion de l'ordonnance, «il s'est départi de son rôle de régulateur prévu par la Loi sur les chemins de fer et a tenté de dire à Bell Canada comment elle devrait gérer ses affaires.» Il me semble, toutefois, que la plupart des commen- taires faits dans le cas de la question 2 s'appli- quent ici. Vu qu'en vertu de l'article 321 le Conseil détient le pouvoir d'éliminer la discrimination dans les tarifs et qu'une condition nécessaire à cette élimination implique un système AMTS compor- tant l'option COAM, le Conseil doit détenir le pouvoir connexe qui en découle de rendre, sur le fondement de l'article 321(5), cette portion de l'ordonnance contestée par la question 3. Étant donné que l'appelante a offert le service, le Conseil détient le pouvoir et a le devoir de s'assurer qu'il soit offert sur une base non discriminatoire. Les pouvoirs expressément énoncés à l'article 321(5) de la Loi sur les chemins de fer mis à part, il me semble que les compétences générales prévues aux articles 45(2), 46(1), 57(1) (ci-dessus) et à l'arti- cle 58 9 de la Loi nationale sur les transports attribuaient au Conseil des pouvoirs largement suffisants pour rendre cette partie de l'ordonnance, même en l'absence de l'article 321(5) de la Loi sur les chemins de fer. Je répondrais donc à la ques tion 3 par la négative.
Question 4
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné à Bell Canada de lui présenter un projet de calen- drier pour la mise en œuvre d'un nouveau tarif MTS qui comporterait une option «vagabon- dage» pour matériel de radiotéléphone mobile UHF automatique (commande directe) COAM ainsi qu'un service de réseau qui soit compatible avec le système de signalisation nord américain?
A cet égard, l'appelante fait valoir qu'en rendant l'ordonnance visant l'option «vagabondage», le CRTC n'a pas indiqué dans ses motifs le fonde-
9 58. Sur toute requête présentée à la Commission, cette dernière peut rendre une ordonnance accordant cette requête en totalité ou en partie seulement, ou accorder un redressement plus étendu ou tout autre redressement de griefs, en sus ou au lieu de celui qui a été demandé, selon que la chose lui parait juste et convenable, aussi amplement à tous égards que si la requête eût été faite pour obtenir ce redressement partiel, différent ou plus étendu.
ment de sa compétence. Elle fait valoir en outre qu'à l'égard de cette option en particulier, le CRTC n'a pas établi, ni même allégué, l'existence d'une discrimination injuste au sens de l'article 321(2) et que, dans le cas du «vagabondage», il y a absence totale de preuve du prérequis nécessaire, c.-à-d. de l'existence d'une discrimination injusti- fiée. Quoique ni l'intimée ni les intervenants ne concèdent l'absence de preuve concernant l'option «vagabondage», ils reconnaissent que le Conseil n'a nullement conclu à l'existence d'une discrimination envers les usagers AMTS qui auraient, en voyage à l'extérieur des zones desservies par le Bell, désiré faire usage de leur matériel. Les commentaires du Conseil sur le «vagabondage» se trouvent à la page 503 et se lisent comme suit:
Une des allégations de la requérante voulait que les actes de l'intimée constituent un genre de, discrimination contre les usagers du AMTS qui désirent utiliser leur matériel au cours de voyages aux États-Unis (»roaming»). Même si le Conseil a décidé qu'il n'était pas nécessaire de porter un jugement à cet égard, il a étudié les documents qui s'appliquent à cette ques tion de «vagabondage» étant donné qu'elle influera sur l'avenir du service de radiotéléphones au Canada. Même s'il est vrai que certaines régions des États-Unis ne permettent pas aux usagers des autres régions d'avoir accès à leurs installations à cadran, le Conseil estime qu'en principe toutes les installations MTS introduites sur le marché doivent être compatibles avec le système de signalisation utilisé en Amérique du Nord. En conséquence, le Conseil ordonne que l'intimée indu dans l'offre de tarif MTS qu'elle doit soumettre en vertu de l'alinéa (a) ci-dessus, une offre de matériel et de service de réseau en option pour le radiotéléphone mobile automatique cadran) COAM sur la fréquence UHF, offre qui serait compatible avec le système de signalisation en vigueur en Amérique du Nord.
A mon avis, l'une des difficultés de la position prise par l'intimée et les intervenants quant à cette question, c'est qu'elle n'était pas en litige lors des audiences devant le CRTC, n'ayant pas été invo- quée par les parties auparavant. Un coup d'oeil au libellé de la requête de l'intimée (pages B3 et B4 du dossier conjoint) montre clairement que celle-ci n'a pas demandé réparation à l'égard de l'option vagabondage; l'appelante n'a pas non plus soulevé la question dans les pièces qu'elle a produites en réplique. De même, on n'a pas laissé entendre au tribunal que l'intervenant aurait soulevé la ques tion antérieurement aux audiences. Il semble que quelques-uns des témoins aient parlé de l'option lors de l'instruction. Le fait demeure toutefois que l'option vagabondage ne faisait pas partie à stricte- ment parler de la contestation pour laquelle les parties comparaissaient à l'audience. Il n'est donc
pas, à mon avis, nécessaire que le présent tribunal dise si en droit le Conseil détenait le pouvoir, sur le fondement de l'article 321(5) ou de l'article 5 de la Loi spéciale concernant la société Bell [S.C. 1967-68, c. 48, art. 6], de rendre ladite partie de l'ordonnance, puisqu'on ne peut prétendre que les parties et l'intervenant aient été entendus à ce sujet. Je crois donc que c'est à tort que le CRTC a rendu une ordonnance à cet égard et en consé- quence je répondrais à cette question par l'affirmative.
Question 6
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence lorsqu'il a interprété l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer comme lui attribuant compétence en matière d'égalisation de la concurrence entre Bell Canada et les autres fournisseurs de matériel et d'installation téléphoniques?
Sur ce point, je suis en désaccord avec ceux qui présument que, dans sa décision, le CRTC s'est servi des pouvoirs que lui attribuent l'article 321 pour égaliser la concurrence que se font l'appe- lante et les autres fournisseurs d'installations et de matériel téléphoniques. A mon avis, la décision du CRTC a consisté à dire que les pages révisées du tarif de l'appelante contrevenaient à l'article 321(2) et que pour ce motif, elles devaient être rejetées. En statuant ainsi, le CRTC n'outrepassait nullement la compétence que lui attribue l'article 321. Il se peut que l'un des effets de cette ordon- nance soit l'égalisation de la concurrence. Toute- fois cela n'invalide pas une ordonnance par ailleurs validement rendue dans l'exercice légitime de la compétence que la loi attribue au CRTC. En conséquence, je propose de ne pas répondre à la question 6 vu qu'à mon avis elle repose sur une présomption dénuée de fondement.
Je rejetterais en conséquence l'appel pour ce qui est des différentes ordonnances rendues par le CRTC et énoncées aux pages 503, 505, 506 et 507 [3 R.T.C. 489], mais non pour l'ordonnance 2 apparaissant à la page 503. Dans celle-ci, je sup- primerais les mots suivants à la page 503: «et l'option 'Roaming' (vagabondage) tel qu'élaboré au paragraphe b) ci-dessous.» L'article 52c)(i) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, autorise le présent tribunal à réviser les ordonnances du CRTC 10 .
Quant aux dépens, vu qu'aucune raison spéciale de les accorder n'a été établie, je ne rends aucune ordonnance à leur égard ".
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris aussi. ' 0 52.
e) dans le cas d'un appel qui n'est pas un appel d'une décision de la Division de première instance,
(i) rejeter l'appel ou rendre la décision qui aurait être rendue, ou
(ii) à sa discrétion, renvoyer la question pour jugement conformément aux directives qu'elle estime appropriées; et,
" Règle 1312. Il n'y aura pas de dépens entre parties à un appel interjeté sous le régime du présent Chapitre, à moins que la Cour, à sa discrétion, ne l'ordonne pour une raison spéciale.
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