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A-219-78
Saint John Shipbuilding & Dry Dock Co. Ltd.
(Appelante) (Demanderesse)
c.
Kingsland Maritime Corp., Scandinavian Conti nental Line A.B., le navire Scol Eminent, ses propriétaires et affréteurs et tous ceux y ayant intérêt et Logistec Corporation et le Conseil des ports nationaux et la Reine du chef du Canada (Intimés) (Défendeurs)
et
Logistec Corporation (Intimée) (Tierce partie)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge suppléant Kelly—Toronto, le 9 novembre 1978.
Pratique Appel d'une décision en matière d'admissibilité des preuves administrées au cours de l'instruction Nul jugement n'a été rendu dans ce procès La Cour est-elle compétente pour entendre l'appel? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 27 Règle 337 de la Cour fédérale.
L'appelante interjette appel d'une ordonnance rendue sur le siège de la Division de première instance, au cours d'un long procès, refusant par d'admettre une lettre comme preuve. Le juge de première instance, une fois que les parties eurent administré leurs preuves, a ajourné le procès pour qu'elles puissent déposer leurs conclusions écrites avant une certaine date. Le présent appel ainsi que d'autres appels formés contre la décision du juge de première instance ont été interjetés avant cette date. Nulle conclusion n'a été déposée et nul jugement n'a été rendu dans cette action. La Cour s'est interrogée sur la question de savoir si elle était compétente pour connaître d'un appel dont l'objet était indéniablement une décision en matière d'admissibilité des preuves, et non une ordonnance ou un jugement.
Arrêt: l'appel est rejeté. La décision en cause ayant été prise en cours de procédure, il n'y a pas eu jugement avant procès sur une question de droit. Le juge de première instance n'a pro- noncé ou rendu ni jugement ni ordonnance qui, en l'état présent de la cause, eut justifié la compétence de la Cour pour entendre un appel en la matière. Quand bien même un juge aurait à consigner sur papier ses décisions sur des questions qui se font jour au cours du procès, de telles décisions ne constitueraient pas des motifs d'appel. Les décisions que prend un juge de première instance au cours d'un procès, qu'il les consigne par écrit ou non et qu'il les signe ou non, ne peuvent faire l'objet d'un appel tant qu'il n'a pas prononcé son jugement sur les questions litigieuses telles qu'elles figurent aux conclusions des parties.
APPEL.
AVOCATS:
D. L. D. Beard, c.r. et W. R. Chapman pour l'appelante.
C. G. McCormick pour l'intimée Scandina- vian Continental Line A.B.
T. L. McGloan, c.r. pour les intimés Kings- land Maritime Corp. et le navire Scol Eminent.
Duff Friesen pour les intimés le Conseil des ports nationaux et la Reine du chef du Canada.
R. Langlois et R. Gaudreau pour l'intimée (tierce partie) Logistec Corporation.
PROCUREURS:
Du Vernet, Beard & Winter, Toronto, pour
l'appelante.
Stewart, MacKeen & Covert, Halifax, pour
l'intimée Scandinavian Continental Line A.B.
Gilbert, McGloan, Gillis & Jones, Saint-Jean, pour les intimés Kingsland Maritime Corp. et le navire Scol Eminent.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés le Conseil des ports nationaux et la Reine du chef du Canada.
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau- dreau, Montréal, pour l'intimée (tierce partie) Logistec Corporation.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Dans son avis d'appel, l'appe- lante indique qu'elle [TRADUCTION] «interjette appel de l'ordonnance rendue sur le siège, le ven- dredi 21 avril 1978 Saint-Jean (Nouveau-Bruns- wick) par le juge Dubé, de la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada, qui n'a pas accueilli à titre de pièce du dossier, une lettre adressée le 18 juin 1975 par l'intimée Logistec Corporation au capitaine Leiv A. Jakobsen, prési- dent de la Shipping Aid International Limited (en l'occurrence, l'agent de l'intimée Scandinavian Continental Line A.B.) et ce, au cours du contre- interrogatoire, effectué par l'avocat de l'appelante, dudit capitaine Leiv A. Jakobsen, témoin de la défenderesse Scandinavian Continental Line A.B.»
A l'ouverture de l'audition de la présente espèce, la Cour s'est interrogée sur la question de savoir si
elle était compétente pour connaître d'un appel dont l'objet était indéniablement une décision en matière d'admissibilité des preuves, et non une ordonnance ou un jugement. Cette décision avait été prise par le juge de première instance vers la fin d'un procès interminable et manifestement ardu. Il appert que, une fois les preuves adminis- trées par les parties, le savant juge de première instance avait ajourné le procès pour que les par ties puissent déposer leurs conclusions écrites avant une certaine date. Le présent appel ainsi que d'autres appels formés contre la décision du juge de première instance ont été interjetés avant cette date et, autant que nous sachions, nulle conclusion n'a été déposée et, bien entendu, nul jugement n'a été rendu dans cette action.
Le texte de loi qui donne à la Cour compétence pour entendre un appel formé contre une décision de la Division de première instance est l'article 27 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, qui porte:
27. (1) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel fédérale,
a) d'un jugement final,
b) d'un jugement sur une question de droit rendu avant l'instruction, ou
c) d'un jugement interlocutoire,
de la Division de première instance.
(2) Un appel interjeté en vertu du présent article est formé par le dépôt d'un avis d'appel au greffe de la Cour,
a) dans le cas d'un jugement interlocutoire, dans les dix jours, et
b) dans le cas de tout autre jugement, dans les trente jours (les mois de juillet et août devant être exclus pour le calcul de ce délai),
à compter du prononcé du jugement dont il est fait appel ou dans le délai supplémentaire que la Division de première ins tance peut, soit avant, soit après l'expiration de ces dix ou trente jours, selon le cas, fixer ou accorder.
(3) Une copie certifiée conforme de l'avis d'appel doit être immédiatement signifiée à toutes les parties directement inté- ressées dans l'appel et la preuve de cette signification doit être déposée au greffe de la Cour.
(4) Aux fins du présent article, un jugement final comprend notamment un jugement qui statue sur le fond au sujet d'un droit, à l'exception d'un point litigieux laissé à la décision ultérieure d'un arbitre qui doit statuer en conformité du jugement.
La procédure régissant le prononcé d'un juge- ment par l'une ou l'autre division de la Cour est prévue aux paragraphes (1) et (2) de la Règle 337, comme suit:
Règle 337. (1) La Cour pourra rendre une décision sur toute question qui a fait l'objet d'une audition
a) en rendant un jugement à l'audience avant que l'audition ne soit terminée, ou
b) après avoir réservé son jugement en attendant la fin de l'audition, en déposant le document nécessaire au greffe,
de la manière prévue au paragraphe (2).
(2) Lorsque la Cour est arrivée à une décision sur le juge- ment à prononcer, elle doit, en plus de donner, le cas échéant, les motifs de son jugement,
a) prononcer le jugement (Formule 14) dans un document distinct signé par le juge présidant, ou
b) à la fin des motifs du jugement, s'il en est, et sinon par déclaration spéciale de sa conclusion, déclaration qui peut être faite oralement à l'audience ou par document déposé au greffe, indiquer que l'une des parties (habituellement la partie gagnante) peut préparer un projet de jugement appro- prié pour donner effet à la décision de la Cour et demander que ce jugement soit prononcé (requête qui sera habituelle- ment faite en vertu de la Règle 324).
L'avocat de l'appelante n'a pas pu cependant identifier au dossier un seul document distinct signé par le juge présidant.
Il est constant qu'aucun «jugement final» au sens de l'article 27 n'a été prononcé. Il n'y a eu aucun jugement interlocutoire non plus. Il va sans dire que, la décision en cause ayant été prise en cours de procédure, il n'y a pas eu jugement avant procès sur une question de droit. Ce que le savant juge de première instance a fait, comme en sont requis les juges de première instance dans presque tous les procès, c'était de se prononcer sur l'admissibilité ou l'inadmissibilité de certaines preuves qu'une partie se proposait de produire. Il ressort de la transcription du procès qu'après l'exposé fait par les avocats, il a statué verbalement que la lettre en cause n'était pas admissible et le procès s'est pour- suivi, au moins en ce qui concernait l'administra- tion des preuves. Il n'a prononcé ou rendu ni jugement ni ordonnance qui, en l'état présent de la cause, eut justifié la compétence de la Cour pour entendre un appel en la matière. Une fois le juge- ment final prononcé, sa décision pourrait consti- tuer un motif d'appel mais, en soi, elle ne saurait être attaquée en appel avant même qu'un tel juge- ment ne fût rendu.
L'absence d'un jugement écrit, rendu et pro- noncé conformément à la Loi sur la Cour fédérale et aux Règles de la Cour est certes un motif de cassation mais, quand bien même un juge aurait à consigner sur papier ses décisions sur des questions
qui se font jour au cours du procès, de telles décisions ne constitueraient pas, à notre avis, des motifs d'appel. Le juge de première instance est seul maître du déroulement de la procédure au procès qu'il préside, une fois ce procès ouvert. Les décisions qu'il prend au cours de ce procès, qu'il les consigne par écrit ou non et qu'il les signe ou non, ne peuvent faire l'objet d'un appel tant qu'il n'a pas prononcé son jugement sur les questions liti- gieuses telles qu'elles figurent aux conclusions des parties.
Par ces motifs, l'appel sera rejeté, l'appelante étant tenue de payer leurs dépens à toutes les parties représentées par avocats à l'audition de la présente espèce, à l'exclusion de Scandinavian Continental Line A.B. qui n'a pas conclu aux dépens, ces dépens étant limités aux dépens taxés auxquels les parties eussent eu droit si elles avaient eu gain de cause dans une fin de non-recevoir.
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