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A-68-78
Margaret Allen (Requérante)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant Maguire—Calgary, le 19 juin; Ottawa, le 11 juillet 1978.
Examen judiciaire Immigration Expulsion La requérante a obtenu en 1965 le statut d'immigrante reçue et avait l'intention de s'établir de façon permanente au Canada, mais a été incluse dans l'ordonnance d'expulsion rendue contre son époux A son retour au Canada, elle a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion au motif qu'elle n'était pas en posses sion d'un visa d'immigrant Selon l'interprétation de l'en- quêteur spécial, l'art. 4(7) (concernant la perte de domicile par suite d'une ordonnance d'expulsion) s'applique aux autres personnes incluses dans cette ordonnance d'expulsion Cette interprétation est-elle exacte? Si elle se révèle inexacte, alors il faut conclure à l'acquisition par la requérante d'un domicile et à l'inapplication de la seconde ordonnance d'ex- pulsion Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952, c. 325, art. 4(7), 37(1) Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 18(1)e)(ix) Règlement sur l'immigration, Partie I, DORS/ 62-36 dans sa forme modifiée par DORS/72-443, art. 28(1).
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Doug Graham pour la requérante. R. Neil Dunne pour l'intimé.
PROCUREURS:
Macleod Dixon, Calgary, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: J'estime que la décision de l'enquêteur spécial, fondée sur son interprétation de l'article 4(7) de la Loi sur l'immigration,
S.R.C. 1952, c. 325', et sur l'application de cet article aux faits de l'espèce, était mal fondée en droit. En effet, dans la présente affaire, l'ordon- nance d'expulsion de 1967 n'avait pas été rendue contre la personne même de la requérante à titre principal, mais contre son époux et elle avait été incluse dans les effets de l'ordonnance conformé- ment à l'article 37(1) 2 de la Loi. Selon l'interpré- tation de l'enquêteur spécial, les dispositions de l'article 4(7) (précité) s'appliquent non seulement à la personne contre qui l'ordonnance d'expulsion est rendue, mais à toutes les autres personnes incluses dans cette ordonnance. Compte tenu des faits de l'espèce, cette interprétation est décisive lorsqu'il s'agit de déterminer si la requérante a acquis ou non un domicile canadien. Cette dernière ainsi que son époux ont obtenu le statut d'immi- grants reçus au Canada en 1965. En 1967, une ordonnance d'expulsion était rendue contre l'époux. La requérante, conformément à l'article 34(1), a été incluse dans cette ordonnance et ren- voyée au Royaume-Uni avec son époux. Ils y sont demeurés jusqu'en 1977, année de leur retour au Canada. En vertu de l'article 18 (1)e) (ix) 3 , une seconde ordonnance d'expulsion a été rendue contre le mari. La requérante a également fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion distincte au motif qu'elle n'était pas en possession d'un visa d'immigrant valable et non périmé, comme le sti- pule l'article 28 (1) du Règlement. En l'espèce, il est clair, net et non contredit que la requérante, après son arrivée au Canada en 1965, a eu la
' L'article 4(7) de la Loi sur l'immigration de 1952, se lit comme suit dans sa forme modifiée:
4. ...
(7) Toute période pendant laquelle une personne a son lieu de domicile au Canada, qui est plus courte que la période requise pour l'acquisition d'un domicile canadien et qu'une personne pourrait autrement compter en vue d'acquérir le domicile canadien, est perdue dès qu'une ordonnance d'ex- pulsion est rendue contre elle, sauf si un appel d'une telle ordonnance est admis.
2 L'article 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1952, tel qu'il était en 1967, se lit comme suit:
37. (1) Lorsqu'une ordonnance d'expulsion est rendue contre le chef d'une famille, tous les membres à charge de la famille peuvent être inclus dans l'ordonnance et expulsés sous son régime.
3 L'article 18(1)e)(ix) [S.R.C. 1970, c. I-2] se lit comme suit: 18. (1) ...
(ix) revient au Canada ou y demeure contrairement à la présente loi après qu'une ordonnance d'expulsion a été rendue contre elle ou autrement, ou
ferme intention de s'établir de façon permanente en ce pays; qu'en 1967, elle a été tenue de quitter le pays pour le seul motif qu'une ordonnance d'ex- pulsion avait été rendue contre son époux; qu'elle n'a pu demeurer au Canada à cause de cette ordonnance d'expulsion et pour cette unique raison; qu'elle a toujours eu l'intention de faire du Canada sa résidence permanente et qu'à son retour au pays, en 1977, elle avait la ferme intention d'acquérir le statut de résidente permanente. Par conséquent, si les dispositions de l'article 4(7) (précité) ne s'appliquent pas à la requérante, on doit conclure qu'elle a fait l'acquisition d'un domi cile canadien et qu'en conséquence, elle ne peut être expulsée au motif qu'elle n'était pas en posses sion d'un visa d'immigrant valable et non périmé, comme le stipule l'article 28(1) du Règlement sur l'immigration, DORS/62-36 dans sa forme modi- fiée par DORS/72-443 4 , puisque l'article 28(1) du Règlement ne s'applique pas aux immigrants reçus.
Au cours de l'audition tenue dans le cadre de cette demande introduite en vertu de l'article 28, l'avocat du Ministre a admis que l'enquêteur spé- cial avait commis une erreur en concluant que l'article 4(7) s'appliquait à la requérante; mais il a néanmoins fait valoir la validité de ladite ordon- nance d'expulsion rendue contre elle. Si je com- prends bien, il fonde sa prétention sur un certain nombre de définitions contenues dans la Loi sur l'immigration de 1952. Il se réfère en premier lieu au terme «réception» défini par l'article 2 de la Loi: «l'admission légale d'un immigrant au Canada aux fins de résidence permanente». Il passe ensuite à l'expression «résident permanent», définie à l'arti- cle 2cff) du Règlement sur l'immigration, Partie I: «cff) `résident permanent' signifie un immigrant qui a été admis légalement aux fins de la résidence permanente en vertu de la Loi et qui a conservé son lieu de domicile au Canada depuis cette admis sion;». L'avocat se reporte ensuite à l'expression
' L'article du Règlement en question se lit comme suit:
28. (1) Tout immigrant qui cherche à être reçu au Canada, y compris un immigrant qui signale certains faits conformément au paragraphe (3) de l'article 7 de la Loi, devra être en possession d'un visa d'immigrant valable et non périmé qui lui aura été délivré par un préposé aux visas et portant un numéro de série qui a été inscrit par ledit préposé dans un registre prescrit par le Ministre à cette fin, et, à moins qu'il ne soit en possession d'un tel visa, il n'obtiendra pas la réception au Canada.
«lieu de domicile» définie à l'article 2 de la Loi comme «d'endroit une personne a son logis, ou dans lequel elle réside, ou auquel elle retourne comme à sa demeure permanente et ne signifie pas un endroit elle séjourne pour une fin spéciale ou temporaire seulement;». L'avocat du Ministre fait valoir que vu ces définitions, la requérante en cause a perdu son statut d'immigrante reçue parce que sa «demeure permanente» de 1967 à 1977 était au Royaume-Uni; que la raison de son départ du Canada importe peu; qu'en définitive elle a quitté le Canada et est demeurée hors du Canada pour une période de dix ans environ, ayant ainsi perdu son statut d'immigrante reçue au Canada. Compte tenu des faits non contestés de la présente affaire, je ne peux faire droit à cette prétention. Une thèse semblable ne tient pas compte de la dernière partie de la définition de l'expression «lieu de domicile» précitée: «... ne signifie pas un endroit elle séjourne pour une fin spéciale ou temporaire seule- ment;» elle omet également de tenir compte de l'article 4(3) de la Loi: «(3) Une personne perd son domicile canadien en résidant volontairement hors du Canada dans l'intention d'établir son logis per manent hors du Canada et non pour une simple fin spéciale ou temporaire ...». [C'est moi qui souli- gne.] La requérante en cause n'a pas résidé volon- tairement hors du Canada. Elle y a été obligée et son absence du Canada s'explique par des circons- tances temporaires, indépendantes de sa volonté. Ainsi, à mon avis, cette absence temporaire ne lui a pas fait perdre son statut d'immigrante reçue.
Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la demande présentée sous l'autorité de l'article 28 et d'annuler l'ordonnance d'expulsion rendue contre la requérante.
* * *
LE JUGE URIE: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MAGUIRE: J'y souscris.
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