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A-885-77
L'Institut professionnel de la Fonction publique du Canada (Requérant)
c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Heald et Urie—Ottawa, les 26 et 27 avril 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Pouvoirs de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique La Commission a jugé que les matières non sujettes à l'arbitrage ne relevaient pas de l'art. 70(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ni des interdic- tions prévues dans les autres dispositions de l'art. 70 L'art. 70(1) constitue-t-il une définition exhaustive des matières qui, sous réserve des interdictions de l'art. 70, peuvent faire l'objet d'une décision arbitrale? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 63, 67, 70(1),(2) et (4).
Cette demande fondée sur l'article 28 sollicite l'annulation d'une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique, (agissant à titre de commission arbitrale) elle a conclu que certaines matières qui lui avaient été référées pour arbitrage sortaient de sa compétence arbitrale et elle n'a statué, quant au fond, que sur d'autres matières qui lui avaient été référées. La Commission a jugé que certaines matières ne pouvaient faire l'objet d'un arbitrage parce qu'elle considérait soit qu'elles ne relevaient pas de l'article 70(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, soit qu'elles tombaient dans les matières interdites par les autres dispositions de l'article 70. Le requérant fait valoir que l'article 70(1) ne constitue pas une définition exhaustive des matières qui, sous réserve des interdictions prévues à l'article 70, peuvent faire l'objet d'«une décision arbitrale». Il prétend que tout ce qui peut faire l'objet d'une «convention collective» peut, sous
réserve des interdictions prévues à l'article 70(2) (4), faire l'objet d'une décision arbitrale. Si cela s'avérait fondé, dans la mesure la décision contestée constitue un refus d'exercice de compétence, elle reposerait sur une erreur de droit.
Arrêt: la demande est rejetée. Dans la Loi, on fait très attention de disposer: a) qu'une décision arbitrale se limite aux matières litigieuses spécifiées dans l'avis visé à l'article 63; b) que l'avis visé par l'article 63 doit se limiter aux conditions «susceptibles d'être incluses dans une décision arbitrale» et c) qu'enfin, de par l'article 70(1), «une décision arbitrale peut statuer sur» les matières qui y sont énumérées. Il ne fait aucun doute que la Loi limite expressément les décisions arbitrales aux matières visées au paragraphe 70(1). Aucune autre matière ne peut faire l'objet d'un arbitrage en vertu de la Loi même si elle est incluse dans une convention collective résultant de la volonté des parties. Cette loi ne peut recevoir aucune autre interprétation différente tenant compte des prétentions du requérant.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Muriel I. Wexler pour le requérant.
John E. McCormick pour l'intimée.
David T. Sgayias pour le sous-procureur
général du Canada.
PROCUREURS:
Le conseiller juridique de l'Institut profes- sionnel de la Fonction publique du Canada, Ottawa, pour le requérant.
Le conseiller juridique de la Commission des relations de travail dans la Fonction publi- que, Ottawa, pour l'intimée.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit en l'espèce d'une requête sur le fondement de l'article 28 demandant l'annulation d'une décision de la Corn- mission des relations de travail dans la Fonction publique, (agissant à titre de commission arbi- trale) elle a conclu, entre autres choses, que certaines matières qui lui avaient été référées pour arbitrage sortaient de sa compétence arbitrale et donc elle n'a statué, quant au fond, que sur les autres matières qui lui avaient été référées.
Pour comprendre ce qui est mis en cause par la requête fondée sur l'article 28, il est nécessaire d'avoir à l'esprit les dispositions pertinentes de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35.'
Cette loi s'intitule: «Loi concernant les relations entre employeur et employés dans la Fonction publique du Canada»; la Commission des relations de travail dans la Fonction publique est créée en vertu des articles 11 et suivants.
La Partie II (les articles 26 et suivants) porte sur la négociation et les conventions collectives. 2 Les articles 27 et suivants prévoient l'accréditation d'agents négociateurs pour certaines unités d'em-
' Ces dispositions pertinentes sont énoncées en annexe.
z Une convention collective c'est, par définition, un accord conclu entre l'employeur, Sa Majesté, et un agent négociateur, accord «qui renferme des dispositions concernant des conditions d'emploi et d'autres conditions connexes».
ployés habiles à négocier collectivement. L'article 36(1) dispose que l'agent négociateur d'une unité de négociation doit en pratique choisir entre:
a) l'arbitrage, et
b) la conciliation
comme mode de règlement de tout conflit. L'arti- cle 50 prévoit un processus de négociation collec tive pour la conclusion de conventions collectives.
La Partie III (les articles 59 et suivants) prévoit un mode de solution des différends lorsque les parties n'ont pu parvenir à conclure une conven tion collective. Lorsque, en vertu de l'article 36, c'est l'arbitrage qui est choisi, ce sont les articles 63 à 76 qui doivent être appliqués à la solution du différend. Les articles 60 et 61 prévoient la consti tution d'une commission d'arbitrage.
L'article 63 dispose qu'au cas les parties n'auraient pu parvenir à un accord sur l'une des conditions d'emploi «susceptibles d'être incluses dans une décision arbitrale», l'une ou l'autre partie peut demander l'arbitrage «au sujet de cette condi tion d'emploi». L'article 67 dispose que «Sous réserve de l'article 70», les points litigieux spéci- fiés, entre autres, «dans l'avis prévu par l'article 63»' constitue «le mandat de la Commission en ce qui concerne la demande d'arbitrage» et oblige la Commission à «rendre une décision arbitrale en l'espèce». L'article 70(1) dispose que «Sous réserve du présent article» une sentence arbitrale «peut statuer sur les taux de traitement, les heures de travail, les droits à des congés, les normes discipli- naires et autres conditions d'emploi qui s'y ratta- chent directement». Les paragraphes suivants de l'article 70 interdisent de traiter certaines matières dans une décision arbitrale. L'article 74 prévoit que «Le traitement, les heures de travail, le droit à des congés, les normes disciplinaires et les autres conditions d'emploi immédiatement connexes, sur lesquels portent une décision arbitrale», doivent, sous réserve des affectations de crédits nécessaires, être appliqués dans un délai précis.
Voilà qui résume ce qui me paraît être les dispositions pertinentes de cette loi.
La Commission, dans la décision contestée, a jugé que certaines matières ne pouvaient faire
3 L'article 64 prévoit une notification par la partie adverse mais ceci n'est pas pertinent en l'espèce.
l'objet d'un arbitrage, parce qu'elle considérait soit qu'elles ne relevaient pas de l'article 70(1) soit qu'elles tombaient dans les matières interdites par les autres dispositions de l'article 70.
La position du requérant est en fait la suivante, du moins comme je la comprends: l'article 70(1) ne constitue pas une définition exhaustive des matières qui, sous réserve des interdictions prévues à l'article 70, peuvent faire l'objet d'«une décision arbitrale». Il prétend que tout ce qui peut faire l'objet d'une «convention collective» peut, sous réserve des interdictions prévues aux paragraphes (2) à (4) de l'article 70, faire l'objet d'une décision arbitrale. Si cela s'avérait fondé, dans la mesure la décision contestée constitue un refus d'exercice de compétence à l'égard de certaines conditions d'emploi, sur le fondement qu'elles ne se retrou- vent pas dans les matières spécifiquement décrites à l'article 70(1), cette décision reposerait sur une erreur de droit.
Ce n'est pas le sens que je donne aux termes de la Loi. On y fait très attention de disposer:
a) qu'une décision arbitrale se limite aux matiè- res litigieuses spécifiées dans l'avis visé à l'arti- cle 63 4 (article 67),
b) que l'avis visé par l'article 63 doit se limiter aux conditions «susceptibles d'être incluses dans une décision arbitrale» [mis en italiques par mes soins], et
c) qu'enfin, de par l'article 70(1), «une décision arbitrale peut statuer sur» les matières qui y sont énumérées [mis en italiques par mes soins].
Il ne fait aucun doute, à mon avis, que la loi limite expressément les décisions arbitrales aux matières visées à l'article 70(1). Je suis donc d'opinion qu'aucune autre matière ne peut faire l'objet d'un arbitrage en vertu de la Loi même si elle est incluse dans une convention collective résultant de la volonté des parties.
4 Pour les fins de l'espèce, j'ignore la notification prévue à l'article 64. Il me semble que la présence, dans l'article 63(1), de la périphrase «susceptible d'être incluse dans une décision arbitrale» ne saurait être réconciliée avec le point de vue voulant qu'il soit possible de faire porter un arbitrage sur toute condition qui, d'un commun accord, pourrait être stipulée dans une «convention collective».
Compte tenu des dispositions claires auxquelles je viens de référer, je suis loin d'être convaincu que cette loi puisse recevoir quelque interprétation dif- férente en fonction des prétentions du requérant, prétentions fondées sur:
a) l'argument voulant que l'article 70(3) ne prenne effet que si l'article 70(1) reçoit l'inter- prétation que le requérant voudrait qu'on lui donne et,
b) la comparaison entre l'objet d'un arbitrage en vertu de la Loi et l'objet d'une conciliation et d'une grève, toujours en vertu de la Loi.
De toute façon, je ne suis pas convaincu que ces arguments obligent, même si la chose n'est pas claire, à interpréter l'article 70(1) dans le sens suggéré par le requérant.
Pour ces motifs, je suis d'avis que c'est à bon droit que la Commission, dans la décision contes- tée en l'espèce, s'est fondée pour agir sur le point de vue voulant que l'article 70(1) n'offre [TRA- DUCTION] «qu'un champ limité de points litigieux arbitrables» et en conséquence la requête sur le fondement de l'article 28 devrait être rejetée.
APPENDICE
S.R.C. 1970, c. P-35 (modifié)
Loi concernant les relations entre employeur et employés dans la Fonction publique du Canada
1. La présente loi peut être citée sous le titre: Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.
2. Dans la présente loi,
«convention collective» désigne une convention écrite, conclue en vertu de la présente loi entre l'employeur, d'une part, et un agent négociateur, d'autre part, qui renferme des disposi tions concernant des conditions d'emploi et d'autres questions connexes;
«employeur» désigne Sa Majesté du chef du Canada représentée,
a) dans le cas de tout élément de la fonction publique du Canada que spécifie la Partie I de l'annexe I, par le conseil du Trésor, et
b) dans le cas de tout élément de la fonction publique du Canada que spécifie la Partie II de l'annexe I, par l'em- ployeur distinct qui est en cause;
«méthode de règlement des différends» désigne l'une ou l'autre des façons suivantes de procéder pour régler un différend, savoir:
a) le renvoi du différend à l'arbitrage, ou
b) son renvoi à un bureau de conciliation;
PARTIE I
COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
11. (1) Est instituée une Commission, appelée Commission des relations de travail dans la Fonction publique, composée d'un Président, d'un vice-président, de trois présidents sup pléants au moins et d'autant de membres à temps plein ou partiel que le gouverneur en conseil estime nécessaires pour permettre à la Commission de s'acquitter de ses fonctions.
PARTIE II
NÉGOCIATIONS COLLECTIVES ET CONVENTIONS COLLECTIVES
36. (1) Sous réserve du paragraphe 37(2), tout agent négo- ciateur pour une unité de négociation doit, de la manière qui peut être prescrite, spécifier laquelle des deux méthodes de règlement décrites à la définition de «méthode de règlement de différend» dans l'article 2 il faut suivre pour régler tout diffé- rend auquel il peut être partie relativement à cette unité de négociation.
50. Si un avis de négocier collectivement a été donné, l'agent négociateur et les fonctionnaires désignés pour représenter l'employeur doivent, sans retard et en tout cas dans les vingt jours qui suivent celui l'avis a été donné ou dans tel délai supplémentaire dont peuvent convenir les parties, se rencontrer, entamer de bonne foi des négociations collectives et s'efforcer, dans la mesure du possible, de conclure une convention collective.
56. ...
(2) Aucune convention collective ne doit prévoir, directe- ment ou indirectement, la modification ou la suppression d'une condition d'emploi existante ni l'établissement d'une nouvelle condition d'emploi
a) dont la modification ou la suppression ou dont l'établisse- ment, selon le cas, exigerait ou aurait pour effet d'exiger l'adoption ou la modification de quelque loi par le Parlement, sauf aux fins d'affecter les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre, ou
b) qui a été ou peut être, selon le cas, établie en conformité d'une loi spécifiée à l'annexe III.
PARTIE III
DISPOSITIONS APPLICABLES AU RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
59. Dans le cas l'employeur et l'agent négociateur d'une unité de négociation ont négocié collectivement de bonne foi en
vue de conclure une convention collective mais n'y sont pas parvenus,
a) si la méthode de règlement d'un différend applicable à l'unité de négociation est le renvoi à l'arbitrage, les articles 63 76 s'appliquent au règlement du différend; et
b) si la méthode de règlement d'un différend applicable à l'unité de négociation est le renvoi à un bureau de concilia tion, les articles 77 à 89 s'appliquent au règlement du différend.
63. (1) Lorsque les parties à une convention collective ont négocié collectivement de bonne foi en vue de conclure une convention collective, mais n'ont pu arriver à un accord sur l'une des conditions d'emploi des employés de l'unité de négo- ciation en cause susceptibles d'être incluses dans une décision arbitrale, chacune des parties peut, au moyen d'un avis écrit adressé au secrétaire de la Commission
a) en tout temps, quand aucune convention collective n'a été conclue entre les parties et qu'aucune demande d'arbitrage n'a été présentée par l'une ou l'autre des parties depuis le commencement de la négociation, ou
b) au plus tard sept jours après que les parties ont conclu une convention collective, dans tout autre cas,
demander l'arbitrage au sujet de cette condition d'emploi.
67. (1) Sous réserve de l'article 70, les questions qui font l'objet d'un différend, spécifiées dans l'avis prévu par l'article 63 et dans tout avis prévu par l'article 64, constituent le mandat de la Commission en ce qui concerne la demande d'arbitrage. La Commission doit, après examen des questions qui font l'objet du différend ainsi que de toute autre question qu'elle estime nécessairement liée à la solution des questions soulevées par le différend, rendre une décision arbitrale en l'espèce.
70. (1) Sous réserve du présent article, une décision arbi- trale peut statuer sur les taux de traitement, les heures de travail, les droits à des congés, les normes disciplinaires et autres conditions d'emploi qui s'y rattachent directement.
(2) Le paragraphe 56(2) s'applique, mutatis mutandis, en ce qui concerne une décision arbitrale.
(3) Une décision arbitrale ne doit statuer ni sur les normes, procédures et méthodes régissant la nomination, l'appréciation, l'avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en dispo- nibilité ou le renvoi des employés ni sur une condition d'emploi qui n'a pas fait l'objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l'arbitrage à leur sujet.
(4) Une décision arbitrale ne doit statuer que sur les condi tions d'emploi des employés dans une unité de négociation relativement à laquelle la demande d'arbitrage a été faite.
74. Le traitement, les heures de travail, le droit à des congés, les normes disciplinaires et les autres conditions d'emploi immé- diatement connexes, sur lesquels porte une décision arbitrale doivent, sous réserve de l'affectation, par le Parlement ou en vertu de son autorité, des crédits dont l'employeur peut avoir besoin à ces fins, être appliqués par les parties dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date à partir de laquelle
la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long que la Commission juge raisonnable d'accorder sur demande de l'une des parties.
* * *
LE JUGE HEALD y a souscrit.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
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