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A-198-78
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
R. S. Tucker (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Ryan— Ottawa, le 13 septembre et le 19 octobre 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Convention de travail La clause relative à la rémunération des heures supplémentaires est applicable si l'indemnité payable pour le «travail supplémentaire prévu» est moins favorable que celle due en vertu de la clause d'indemnité de rappel au travail Sens de l'expression «travail supplémentaire prévu» Note manuscrite remise à l'intimé avant la fin de son poste de travail lui demandant d'accomplir un «travail supplémentaire prévu» dans la soirée même Intimé rémunéré en vertu de la clause relative aux heures supplémentaires plutôt qu'en vertu de la clause relative à la disponibilité La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a-t-elle eu tort de confirmer la sentence arbitrale selon laquelle le travail accompli par l'intimé n'était pas un «travail supplémentaire prévu»? Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 23, 91 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Convention collective signée le 30 avril 1969 entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada et relative au groupe des commis aux écritures et aux règlements (tous les employés), clauses 27, 30.01.
Il s'agit d'une demande introduite en vertu de l'article 28 en vue d'annuler une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique qui a statué sur une question de droit relative à l'interprétation par l'arbitre en chef d'une clause de la convention collective signée entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada à l'égard du groupe des commis aux écritures et aux règlements (tous les employés). L'intimé, qui était agent des douanes et dont le poste de travail se terminait à 15 h 30, fut informé par note manuscrite jointe à sa feuille de présence qu'il était inscrit pour faire du «travail supplémentaire prévu» dans la soirée de 19 h 55 à 21 h et reçut pour ce travail une indemnité d'heures supplémentaires conformément à l'article 27 de la convention collective. Il a soutenu qu'il avait droit en les circonstances à une indemnité de disponibilité et à une rémunération appro- priée en faisant valoir que le travail qu'il avait accompli n'était pas un travail supplémentaire prévu. Il a soumis le litige à l'arbitre en chef qui a conclu que le travail en question avait été accompli au titre d'un rappel au travail non prévu, accordant ainsi à l'intimé le droit d'être rémunéré conformément à la clause de disponibilité. Cette sentence arbitrale a été confirmée par la Commission. Il s'agit de déterminer essentiellement si le terme .prévu» pouvait s'appliquer au travail accompli par l'intimé.
Arrêt: la demande est accueillie. Le terme «prévu» figurant à la clause 30.01 implique la nécessité d'un délai de préavis raisonnable. Ainsi, on peut dire que le rappel au travail d'un employé est «prévu» si ce dernier en est informé suffisamment à l'avance pour être en mesure de prendre ses dispositions et modifier son emploi du temps. Par contre, le minimum garanti
prévu par la clause de disponibilité s'applique bien au rappel au travail occasionné par une situation pour laquelle préavis rai- sonnable n'a pas été ou n'a pu être donné. Il n'est pas néces- saire, aux fins d'interprétation du terme litigieux, de distinguer entre un horaire, de caractère formel et général et s'appliquant à plusieurs employés ou à plusieurs tâches, d'une part, et un avis ordinaire, pourvu que l'intéressé ait été averti raisonnable- ment à l'avance du travail supplémentaire. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a commis une erreur de droit dans la mesure elle a conclu que le terme litigieux figurant à la clause 30.01 désignait nécessairement un horaire de caractère formel et général et s'appliquait donc uniquement à un rappel au travail prévu aux termes de cet horaire.
Arrêts mentionnés: Re International Molders & Allied Workers Union, Local 49 c. Webster Manufacturing (London) Ltd. (1972) 23 L.A.C. 37; Le procureur général du Canada c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1976] 2 C.F. 163.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
W. L. Nisbet, c.r. pour le requérant. M. W. Wright, c.r. pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Pourvoi est formé en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale contre
une décision, rendue le 11 avril 1978 par la Com mission des relations de travail dans la Fonction publique, portant sur une question de droit dont elle avait été saisie par Sa Majesté conformément
à l'article 23, alors en vigueur, de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique', S.R.C. 1970, c. P-35. L'article 23 prévoyait que:
23. Lorsqu'une question de droit ou de compétence se pose à propos d'une affaire qui a été renvoyée au tribunal d'arbitrage ou à un arbitre, en conformité de la présente loi, le tribunal d'arbitrage ou l'arbitre, selon le cas, ou l'une des parties peut renvoyer la question à la Commission, pour audition ou décision conformément aux règlements établis par la Commission à ce sujet. Toutefois le renvoi d'une question de ce genre à la Commission n'aura pas pour, effet de suspendre les procédures relatives à cette matière à moins que le tribunal d'arbitrage ou
' L'article 23 a été abrogé par S.C. 1974-75-76, c. 67, art. 11, à compter du 11 octobre 1975.
l'arbitre, selon le cas, ne décide que la nature de la question justifie une suspension des procédures ou que la Commission n'en ordonne la suspension.
La question de droit en cause se rapportait à l'interprétation donnée par l'arbitre en chef, M. Edward B. Joliffe, c.r., d'une clause de la conven tion collective signée le 30 avril 1969 par le Con- seil du Trésor et par l'Alliance de la Fonction publique du Canada à l'égard du groupe des commis aux écritures et aux règlements (tous les employés). L'arbitre en chef était saisi de cette affaire par l'intimé, le sieur Tucker, conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique 2 .
Les faits à l'origine du grief formé par le sieur Tucker sont récapitulés pour l'arbitre en chef dans un mémoire convenu entre les avocats à cette instance, comme suit:
1. Il est agent principal des douanes à l'aéroport d'Edmonton et il travaille par équipe.
2. Le 24 ou le 25 juillet 1969, il a été avisé par écrit, au moyen d'un avis joint à sa feuille de présence, que le 27 juillet à
20 h 10 il devait faire «des heures supplémentaires prévues.»
3. Le 27 juillet, son horaire normal de travail était de 7 h 30 à 15 h 30 (poste de 8 heures avec pause d'une demi-heure pour le déjeuner) et, conformément à l'avis qui lui avait été donné le 24 ou le 25 juillet, il a fait ensuite ce même soir de 19 h 55 à
21 h les prétendues heures supplémentaires prévues à l'avance; il a reçu la rémunération des heures supplémentaires prévue à l'article 27.
En motivant sa sentence, l'arbitre en chef, après avoir rappelé les faits admis d'accord-parties, a ajouté:
Selon le grief présenté par M. Tucker le 12 août 1969, il a fait ses heures supplémentaires le 27 juillet de 19 h 55 21 h à l'aéroport international d'Edmonton, et il affirme que de ce fait il avait acquis le droit à l'indemnité de disponibilité et à la rémunération applicable prévues à l'article 32 de la convention collective. Dans toutes ses répliques au grief l'employeur sou- tient qu'on avait «prévu» que M. Tucker devait se présenter au travail pour faire des heures supplémentaires qui devaient être exécutées à un moment précis en rapport avec le vol 853 d'Air
2 Voici un extrait de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique:
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive- ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le concerne, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, ...
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
Canada. Dans la réplique au deuxième palier il a été expressé- ment déclaré que l'avis écrit avait été transmis à M. Tucker le 25 juillet.
On a produit une copie de l'avis, copie certifiée conforme par la signature des avocats. Il s'agit tout simplement d'une note manuscrite non datée, écrite à la plume ou au crayon sur une feuille de papier ordinaire et libellée comme il suit:
«Heures supplémentaires prévues 27 juillet
AIR CANADA/853 Heure prévue de l'arrivée: 20 h 10 R. Tucker»
L'arbitre a conclu que, de toute évidence, l'arti- cle 32, intitulé «INDEMNITÉ DE DISPONIBILITÉ», de la convention collective n'était pas applicable en l'espèce. Cette conclusion n'est pas en cause dans le présent litige.
Le sieur Tucker a fait valoir au premier chef qu'il avait droit à une «INDEMNITÉ DE RAPPEL AU TRAVAIL» prévue à l'article 30 de la convention collective, qui porte:
ARTICLE 30
INDEMNITÉ DE RAPPEL AU TRAVAIL
30.01 Lorsqu'un employé est rappelé à un lieu de travail pour accomplir un travail spécifique et qu'un tel rappel n'a pas été prévu, il a droit à la plus élevée des rémunérations suivantes:
a) une rémunération équivalant à quatre (4) heures de son traitement à taux simple, ou
b) une rémunération au taux supplémentaire applicable dans ce cas,
à condition que la période supplémentaire en cause ne suive pas immédiatement sa période normale de travail.
30.02 Quand l'employé rappelé pour travailler en temps sup- plémentaire, dans les conditions énoncées à la clause 30.01, doit utiliser un moyen de transport autre que le transport en commun ordinaire, il recevra une indemnité maximum de trois dollars ($3) par jour tant pour l'aller que pour le retour, pour:
a) une allocation de parcours en milles au taux normalement versé par l'Employeur quand l'employé utilise son automobile personnelle, ou
b) le remboursement des débours occasionnés par l'utilisa- tion d'autres moyens de transport commercial.
Si le sieur Tucker était dans le vrai, il aurait droit, pour le travail accompli à la suite du rappel, à une rémunération équivalant à quatre heures au moins de son traitement à taux simple, car ce montant est supérieur à celui qu'il aurait touché au taux applicable aux heures supplémentaires il avait effectivement travaillé. A l'inverse, il n'aurait pas droit au minimum garanti si son rappel était «prévu». Il s'agit donc de savoir si le terme «prévu»
pouvait s'appliquer au travail qu'il a accompli à la suite de la convocation qui lui avait été notifiée de la manière indiquée.
L'arbitre avait conclu que le travail accompli par le sieur Tucker faisait suite à un rappel non prévu et qu'en conséquence, l'intéressé avait droit à la garantie des quatre heures de traitement à taux simple. Sa conclusion était fondée sur une analyse méticuleuse des diverses clauses de la con vention en matière d'horaire, en particulier celles figurant aux articles 26 (Heures de travail), 27 (Heures supplémentaires), 28 (Traitement), 30 (Indemnité de rappel au travail) et 32 (Indemnité de disponibilité). Je vois, à la lecture des motifs de sa sentence, qu'il a conclu à la suite de son analyse que la «convocation» ad hoc et peu formaliste signifiée au sieur Tucker n'avait rien à voir avec un «horaire» et que le travail accompli par celui-ci dans la soirée du 27 juillet 1969 ne pouvait être considéré comme un travail accompli à la suite d'un rappel «prévu», étant donné qu'en l'espèce, le rappel n'avait pas été fait au moyen d'un docu ment formellement prévu à cette fin ou d'un docu ment utilisable dans d'autres cas de rappel.
La question de droit dont la Commission des relations de travail dans la Fonction publique a été saisie était formulée comme suit:
[TRADUCTION] L'arbitre en chef a-t-il commis une erreur de droit en concluant que le plaignant pouvait se prévaloir de la clause 30.01 de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada à l'égard du groupe des commis aux écritures et aux règlements, code: 503/4/69, et notamment en se référant aux articles 26 et 27 de cette convention pour interpréter le terme «prévu» figurant à la clause 30.01?
La Commission a statué 3 :
[TRADUCTION] ... que l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit en concluant à ce qui suit:
a) la convention collective ne prévoit pas le «travail supplé- mentaire prévu à l'avance»; peu importe que la convocation du sieur Tucker soit intitulée: «travail supplémentaire prévu»;
b) le sieur Tucker a été rappelé au travail;
c) le rappel n'avait pas été prévu à l'avance, au sens du terme «prévu» figurant dans la convention collective (voir le paragraphe 21 ci-dessus);
d) le sieur Tucker avait donc droit à la rémunération visée à l'article 30.01a), c'est-à-dire à une rémunération équivalant à quatre heures de son traitement à taux simple.
3 La décision n'était pas unanime.
Voici un extrait du paragraphe 21 des motifs de la décision majoritaire:
[TRADUCTION] ... Se fondant sur cette analyse, l'arbitre en chef conclut que le terme «prévu» employé dans la convention collective s'applique à un arrangement de portée générale et «ne vise nullement une mesure ad hoc à l'égard des heures supplé- mentaires d'un seul employé, avec ou sans préavis.»
Cette conclusion de l'arbitre en chef rappelle celle de l'arbitre Perry Meyer dans l'affaire A. Yvon Paul (no du greffe: 166-2- 406) il est démontré qu'un rythme de travail qui se répète pendant un certain temps, en l'occurrence mois après mois, constitue un horaire prévu. Dans ce cas, un rappel peut être prévu à l'avance si un employé est désigné comme étant suscep tible d'être rappelé pour faire des heures supplémentaires pen dant certains week-ends. Si l'employeur avait affiché un rôle spécifiant, par exemple, que l'employé s'estimant lésé devait se présenter au travail tous les mercredis soir (ou un mercredi soir sur deux) en dehors de son poste habituel pour accueillir un vol déterminé, cela aurait constitué un rappel prévu implicitement visé à l'article 30.01 de la convention collective. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
Le requérant ne nie pas que l'intimé ait été rappelé au travail. Il soutient essentiellement, si je ne me trompe, que le terme ambigu figurant à la clause 30.01 pouvait s'appliquer au travail supplé- mentaire accompli par M. Tucker à la suite de la convocation qui lui avait été notifiée, c'est-à-dire qu'un rappel «prévu» pouvait s'entendre également du rappel d'un employé, par voie de préavis écrit, en vue d'accomplir un travail déterminé.
De toute évidence, il y a eu en l'espèce, rappel au travail, bien que l'avis de rappel n'ait été signi- fié au sieur Tucker que par une note jointe à sa feuille de présence, et que l'intéressé fût, de ce fait, au courant du rappel avant de quitter son lieu de travail. A mon avis, l'article 30 entend par «rappel» l'ordre donné à un employé de retourner faire un travail en dehors de son poste habituel à la condi tion que cette période de travail supplémentaire ne précède pas immédiatement ni ne prolonge son poste habituel. Ainsi, on ne peut pas parler de «rappel au travail» lorsqu'un employé reste ou vient à son lieu de travail pour faire des heures supplé- mentaires immédiatement après le poste qu'il vient de terminer ou avant celui qu'il va commencer. Le but de la clause 30.01 semblerait être (sous réserve de l'exception litigieuse) de garantir à l'employé obligé de faire un déplacement supplémentaire jusqu'à son lieu de travail, une rémunération équi- valant à quatre heures au moins de son traitement
à taux simple et ce, afin non seulement de le rémunérer pour le temps de travail effectif, mais encore de le dédommager des inconvénients tenant au bouleversement de ses heures de loisir. La clause 30.02 prévoit le remboursement des frais de transport pour un tel déplacement. Il se peut égale- ment que cette garantie serve à décourager des rappels au travail lorsqu'il s'agit d'accomplir des tâches de courte durée.'
Nonobstant les raisons profondes du minimum garanti, les parties à la convention ont toutefois prévu une exception: la garantie ne s'applique pas si le rappel a été «prévu».
Le sens de cette exception est obscur. Je com- prends que l'arbitre et la Commission aient cher- ché dans les autres clauses de la convention les indications qui les auraient aidés à interpréter la clause 30.01, et bien entendu, aucune règle de droit ne s'oppose à cette recherche. Toutefois, je ne vois franchement pas l'utilité particulière d'une analyse textuelle approfondie des termes tels que «horaire», «avis» et «prévu» figurant dans d'autres clauses qui visent des buts entièrement différents. En fait, j'estime que ce genre d'analyse conduirait plutôt à une interprétation plutôt artificielle du terme litigieux.
A mon avis, l'inapplicabilité du minimum garanti en cas de rappels «prévus» vise essentielle- ment à distinguer entre les rappels qu'on peut raisonnablement prévoir et pour lesquels un préa- vis est possible et indiqué d'une part, et ceux qui sont imprévisibles et dont il serait impossible d'avi- ser à l'avance, d'autre part. Cette distinction se justifierait par le fait que l'inconvénient causé à l'employé par le bouleversement de ses heures de loisir serait amorti si celui-ci pouvait le prévoir et planifier en conséquence. Le terme «prévu» figu- rant à la clause 30.01 implique la nécessité d'un délai de préavis raisonnable. Ainsi, on peut dire que le rappel au travail d'un employé est «prévu» si ce dernier en est informé suffisamment à l'avance pour être en mesure de prendre ses dispositions et modifier son emploi du temps de manière à consi- dérer sans peine son travail à l'heure indiquée
^ Je me suis inspiré de l'analyse faite par la majorité du Conseil d'arbitrage dans les motifs de sa décision Re Interna tional Molders & Allied Workers Union, Local 49 c. Webster Manufacturing (London) Ltd. (1972) 23 L.A.C. 37, propos du sens de la clause «Indemnité de rappel au travail».
comme un travail prévu, tout comme il aurait considéré une visite médicale comme «prévue» s'il avait pris rendez-vous avec son médecin.
Par contre, le minimum garanti s'applique bien au rappel au travail occasionné par une situation d'urgence ou par un événement imprévu, et dont préavis raisonnable n'a pas été ou n'a pu être donné. Un tel rappel au travail ne saurait consti- tuer un rappel au travail «prévu». En toute défé- rence, je ne vois ni la nécessité ni l'utilité, aux fins d'interprétation du terme litigieux, de distinguer entre un horaire, de caractère formel et général et s'appliquant à plusieurs employés ou à plusieurs tâches, d'une part, et un avis ordinaire, pourvu que l'intéressé ait été averti raisonnablement à l'avance du travail supplémentaire. Même un rappel figu- rant sur un document de caractère formel et géné- ral, peut causer aux intéressés des inconvénients et des frais supplémentaires; or, l'interprétation donnée par la Commission du terme litigieux pour- rait avoir pour effet d'exclure de la garantie un tel rappel en dépit des inconvénients et des frais sup- plémentaires qu'il peut occasionner.
A mon avis, la Commission des relations de travail dans la Fonction publique a commis une erreur de droit dans la mesure elle a conclu que le terme litigieux figurant à la clause 30.01 dési- gnait nécessairement un horaire de caractère formel et général et s'appliquait donc uniquement à un rappel au travail prévu aux termes de cet horaire. J'accueille par conséquent l'appel et annule la décision de la Commission. Je renvoie la cause devant la Commission en lui enjoignant de répondre à la question de droit qui lui a été soumise de la manière suivante: elle doit statuer que l'arbitre a commis une erreur de droit en concluant que le sieur Tucker peut se prévaloir de la clause 30.01 de la convention collective, car il a interprété le terme litigieux de façon à ne l'appli- quer qu'à un rappel au travail ordonné dans le cadre d'un horaire caractérisé par une certaine généralité et formalité, et non au rappel dont a été l'objet le sieur Tucker.
Je dois cependant ajouter que la question de savoir si un rappel est «prévu> ou non devrait être une question de fait et non de droit. Il s'ensuit donc qu'en l'espèce, une fois l'erreur de droit rectifiée, il appartiendra à l'arbitre, et non à la
Commission, de statuer si le rappel au travail du sieur Tucker était vraiment un rappel «prévu». J'ordonne par conséquent à la Commission de renvoyer le grief devant l'arbitre pour que celui-ci statue sur la question de savoir si le rappel du sieur Tucker tombait sous le coup du terme litigieux figurant à la clause 30.01 et pouvait être ainsi exclu de la garantie qui y est prévues.
Avant de terminer, je tiens à faire observer que l'avocat de l'intimé a invoqué plusieurs arrêts dans lesquels il a été statué qu'une sentence arbitrale fondée sur l'interprétation d'une convention collec tive et assujettie au contrôle judiciaire n'est pas viciée par une erreur de droit si la sentence est tant soit peu défendable sur le plan de la logique 6 . Cet avocat soutient que ces précédents sont applicables en l'espèce. Je remarque d'autre part que l'avocat du requérant, si je ne me trompe, n'aurait pas contesté l'applicabilité de ces précédents dans l'hy- pothèse je conclurais que l'interprétation faite est défendable sur le plan de la logique. Cepen- dant, eu égard à sa compétence prévue à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour a clairement fait savoir qu'elle ne saurait se laisser influencer par un tel acquiescement.
Bien que, en toute déférence, je ne souscrive pas, pour les raisons susmentionnées, à l'interprétation donnée par la Commission du terme litigieux figu- rant à la clause 30.01 de la convention collective, j'ai fait remarquer plus haut que le sens de ce terme était obscur. Il ne s'ensuit toutefois pas que la jurisprudence invoquée par l'intimé doit s'appli- quer. D'ailleurs, elle demeurerait inapplicable même s'il était statué que l'interprétation donnée par la Commission, quoique erronée, n'était pas déraisonnable. Il ne s'agit pas pour la Cour de
5 Cf. Le procureur général du Canada c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1976] 2 C.F. 163, aux pp. 167 et 168.
6 Cf. notamment les arrêts suivants de la Cour d'appel de l'Ontario: Re Canadian Westinghouse Co. Ltd. c. Local 164 Draftsmen's Association of Ontario (1962) 30 D.L.R. (2e) 673; Regina c. Weatherill, Ex parte Falconbridge Nickel Mines Ltd. (1969) 10 D.L.R. (3 e ) 533; et Re United Glass and Ceramic Workers of North America (AFL-CIO-CLC), Local 246 c. Dominion Glass Co. Ltd. (1974) 40 D.L.R. (3') 496. Cf. également International Association of Machinists and Aero space Workers, Flin Flon Lodge No. 1848 c. Hudson Bay Mining and Smelting Co., Limited [1968] R.C.S. 113.
réviser en l'espèce, la décision d'un arbitre 7 , mais celle de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique à l'égard d'un point de droit qui lui a été renvoyé. Il appartenait à cette commission d'apprécier si l'interprétation donnée par l'arbitre de la convention collective était judi- cieuse et non pas si elle était défendable. Et il appartient à la Cour, qui a droit de contrôle sur la décision de la Commission en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, de déterminer si cette décision n'était entachée d'aucune erreur de droit.
* *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
En conséquence, je ne vois pas l'utilité de statuer sur l'applicabilité des précédents invoqués dans l'hypothèse d'un tel contrôle.
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