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T-957-79
James Robert Stevens (Requérant)
c.
La Commission nationale des libérations condi- tionnelles (Intimée)
Division de première instance, le juge Mahoney— Toronto, le 26 février; Ottawa, le 28 février 1979.
Libération conditionnelle Le requérant, dont la libération sous surveillance obligatoire avait été suspendue, a été renvoyé en détention La Commission intimée a refusé de connaître du cas au moment elle en a été saisie, en attendant l'expiration du délai de quinze jours que prévoit le Règlement sur la libération conditionnelle de détenus Une décision de la Commission intimée, quelle qu'elle eût été, se serait soldée par la libération du requérant Il s'agit de savoir si le par. 20(1) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus doit s'interpréter comme obligeant l'intimée à laisser s'écouler quinze jours de la date du renvoi avant de se prononcer sur l'affaire Il s'agit de savoir si le par. 20(1) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus est ultra vires Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2, art. 9(1)k),o), 16 Règlement sur la libération condi- tionnelle de détenus, DORS/78-428, art. 20(1),(2).
DEMANDE. AVOCATS:
J. Fyshe pour le requérant. T. L. James pour l'intimée.
PROCUREURS:
Martin, Kainer & Fyshe, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Les présents motifs suivent le prononcé, à l'audience, de l'ordonnance récla- mée par le requérant, l'intitulé de la cause ayant, de consentement, été amendé et l'avocat des inti- més originaux, le solliciteur général du Canada et le Service national des libérations conditionnelles, ayant acquiescé, au nom de la présente intimée, à la signification et à la présentation immédiate de l'avis de requête introductif d'instance. La ques tion en litige est nouvelle et le sous-procureur général du Canada désirait la voir tranchée. Tout délai aurait rendu le débat académique.
Les dispositions suivantes de la Loi sur la libé- ration conditionnelle de détenus' sont en cause.
9. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement,
k) fixer, lorsqu'un cas est soumis à la Commission, en vertu du paragraphe 16(3), les délais dont elle dispose pour siéger et rendre sa décision;
o) prendre toutes les autres mesures nécessaires à l'applica- tion de la présente loi ou au bon fonctionnement de la Commission.
16. (1) Un membre de la Commission ou la personne que le président désigne à cette fin, en cas de violation des modalités d'une libération conditionnelle ou lorsqu'il est convaincu qu'il est souhaitable sinon nécessaire d'agir ainsi pour empêcher une telle violation ou pour protéger la société, peut, par mandat écrit signé de sa main,
a) suspendre toute libération conditionnelle aux obligations de laquelle le détenu est encore assujetti;
b) autoriser l'arrestation d'un détenu en liberté condition- nelle; et
c) renvoyer un détenu en détention jusqu'à ce que la suspen sion soit annulée ou sa liberté conditionnelle révoquée.
(2) La Commission ou la personne que le président désigne, peut, par mandat écrit, ordonner le transfèrement d'un détenu renvoyé en détention en vertu de l'alinéa (1)c), en attendant l'annulation de sa suspension ou la révocation de sa libération conditionnelle.
(3) La personne qui a signé le mandat visé au paragraphe (1), ou toute personne que le président désigne à cette fin, doit, dès que le détenu en liberté conditionnelle qui y est mentionné est renvoyé en détention, réexaminer son cas, et, dans les quatorze jours qui suivent, si la Commission ne décide pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer l'affaire devant la Commission.
(4) La Commission doit, lorsque lui est renvoyé le cas d'un détenu à liberté conditionnelle dont la libération conditionnelle a été suspendue, examiner le cas et faire effectuer toutes les enquêtes y relatives qu'elle estime nécessaires et immédiate- ment après que ces enquêtes et cet examen sont terminés, elle doit soit annuler la suspension, soit révoquer la libération conditionnelle.
(5) Un détenu qui est sous garde en vertu du présent article est censé purger sa sentence.
Il s'agit de déterminer si le paragraphe 20(1) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus 2 doit s'interpréter comme obligeant l'inti- mée à laisser s'écouler 15 jours de la date du renvoi effectué en vertu du paragraphe 16(3) de la Loi avant de décider de révoquer une libération conditionnelle et, dans l'affirmative, si le Règle- ment est intra vires.
' S.R.C. 1970, c. P-2. 2 DORS/78-428.
20. (1) Lorsque, dans le cas d'un détenu sous juridiction fédérale,
a) la libération conditionnelle qui lui a été accordée a été suspendue,
b) le détenu est sous garde, et
c) son cas a été soumis à la Commission conformément au paragraphe 16(3) de la loi,
celle-ci ne peut révoquer la libération conditionnelle que quinze jours après avoir été saisie de l'affaire.
(2) Lorsque le cas d'un détenu a été soumis à la Commission conformément au paragraphe 16(3) de la loi et que le détenu a fait une demande d'audition en vue de l'examen de son cas pendant la période visée au paragraphe (I), la Commission doit
a) tenir l'audition dés que possible après avoir reçu la demande; et
b) informer le détenu de la date de l'audition au moins quatorze jours avant l'audition.
Le requérant avait été libéré sous surveillance obligatoire en mars 1978. Le 31 janvier 1979, il fut trouvé coupable d'un vol de moins de $200. Le même jour, sa libération sous surveillance obliga- toire fut suspendue et il fut renvoyé en détention en vertu de l'article 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus. Son cas a été référé à l'intimée en vertu du paragraghe 16(3) le 12 février. Celle-ci a refusé d'agir en vertu du para- graphe 16(4) avant l'expiration des quinze jours prévus au paragraphe 20(1) du Règlement. Le requérant a renoncé à l'audition à laquelle il avait droit en vertu du paragraphe 20(2) du Règlement.
Le requérant, dans le jargon du milieu, est un «turnaround». Si l'intimée annule la suspension de sa libération sous surveillance obligatoire, il retrouvera, bien sûr, sa liberté. Si, d'autre part, elle révoque sa libération, un nouveau calcul de sa sentence en vertu de l'article 20 de la Loi démon- trera qu'il a servi toute sa sentence, vu la réduction de peine méritée à son crédit en mars 1978. Quelle que soit la décision prise par l'intimée, le requérant sera libéré. En attendant, il demeure incarcéré jusqu'à l'expiration des 15 jours prévus au para- graphe 20(1) du Règlement, qui, selon l'intimée, doivent s'écouler avant qu'elle ne puisse décider dans un sens ou dans l'autre.
Le Règlement est rédigé en termes obligatoires. L'interprétation que l'intimée en donne est la seule raisonnable.
Le Règlement ne tombe pas sous l'empire du pouvoir délégué par l'alinéa 9(1)k) de la Loi. Un règlement qui dispose qu'aucune décision ne doit être prise pendant un certain temps n'en est pas un prescrivant le délai dans lequel une décision doit être prise. Tout au contraire.
Selon moi, l'interprétation selon laquelle le para- graphe 20(1) du Règlement tire son origine du pouvoir général de réglementation délégué par l'alinéa 9(1)o) est irrecevable. Ce règlement ne traite pas d'«autres mesures» mais bien d'un sujet qui peut être réglementé en vertu de l'alinéa 9(1)k). Puisque le pouvoir d'édicter des règlements «nécessaires ... au bon fonctionnement» de la Commission est général, il ne peut s'interpréter comme autorisant la mise en place d'un règlement qui a l'effet contraire d'un autre dont la mise en place est spécifiquement autorisée.
Enfin, le Règlement est incompatible avec la Loi. Le paragraphe 16(4) de celle-ci exige que l'intimée examine le cas qui lui est renvoyé, qu'elle fasse effectuer toutes les enquêtes qu'elle estime nécessaires et qu'elle prenne, «immédiatement après», une décision. Il se peut fort bien que dans plusieurs, sinon la plupart, des cas, quinze jours doivent s'écouler avant que ne soient complétés l'examen et l'enquête requis. D'autres cas pour- raient nécessiter plus de temps encore. Cependant, dans les cas moins de temps est requis, un règlement qui prévoit que la décision doit être retardée ne peut pas s'appliquer à l'encontre d'une disposition de la Loi, qui prévoit expressément que la décision doit être rendue immédiatement.
Selon moi, le paragraphe 20(1) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus est ultra vires du pouvoir réglementaire délégué au gouverneur en conseil et est de plus ultra vires parce que contraire à une disposition expresse de la Loi. Le requérant avait donc droit à un bref de mandamus ordonnant à l'intimée, dès que l'exa- men de son cas et les enquêtes y relatives seraient complétés, soit d'annuler la suspension de sa libé- ration sous surveillance obligatoire, soit de révo- quer sa libération.
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