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T-1806-78
In re la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi de 1971 sur l'assu- rance-chômage et in re Constant Beaudry
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, le 11 septembre; Ottawa, le 15 septem- bre 1978.
Pratique Compétence et portée des pouvoirs réglementai- res Opposition à ce que la Cour déclare définitive une ordonnance provisoire grevant l'immeuble d'une charge Procédures d'exécution prises conformément à la Règle 2400 Cette règle excède- t-elle la portée des pouvoirs réglemen- taires que confère l'art. 46 de la Loi sur la Cour fédérale, étant donné qu'elle a pour objet la création d'un privilège? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, art. 46, 56(1)— Règle 2400 de la Cour fédérale.
DEMANDE. AVOCATS:
Suzanne Marcoux-Paquette pour la deman-
deresse.
Michel Nault pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Gagné, Gagné & Nault, Montréal, pour le défendeur.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE MARCEAU: L'intimé s'oppose ici à ce que soit déclarée définitive l'ordonnance provisoire de constitution de charge immobilière, prononcée par cette cour le 7 juin dernier, affectant un immeuble qui lui appartient à l'exécution du juge- ment qui existe contre lui par suite de l'enregistre- ment par le ministre du Revenu national d'un certificat attestant d'une dette dont il était redeva- ble envers Sa Majesté la Reine aux droits du Canada (Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, c. 63, art. 223(2)).
L'opposition de l'intimé, formulée par écrit sur autorisation spéciale de la Cour, ne saurait s'ap- puyer sur une prétention plus décisive. Celle-ci est à l'effet que la Règle 2400, l'une des règles et ordonnances de cette cour sur l'autorité de laquelle les présentes procédures d'exécution ont été inten- tées, serait nulle parce que ultra vires des pouvoirs
réglementaires que l'article 46 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, a attribué aux juges de la Cour en vue de l'établisse- ment de ces règles de pratique et ordonnances générales. La Règle serait ultra vires, si j'ai bien compris, parce que, vu son objet qui est la «créa- tion d'un privilège», elle dépasserait le domaine d'application de l'article 46 qui vise strictement la procédure relative au mode d'exercice des droits.
A mon sens, cette prétention de l'intimé repose sur une pure équivoque, qui résulte en partie de l'utilisation peu heureuse dans des documents de la Cour du terme «privilège» mais que l'analyse du texte mis en cause permet aisément de dissiper. La Règle 2400 n'a pas pour objet ni pour effet de créer un privilège au sens strict le terme est utilisé en droit québécois.' Ses dispositions, il est vrai, ont, dans le contexte juridique québécois, un caractère exceptionnel, mais leur portée n'en est pas pour autant difficile à saisir. Elles se rappro- chent de celles du Code civil relatives à l'hypothè- que judiciaire (articles 2034 et suiv. et article 2121 du Code civil). Une requête sous la Règle 2400 participe, à mon avis, à la fois d'un enregistrement d'hypothèque judiciaire et d'une action hypothé- caire qui se limiterait à des conclusions en déclara- tion d'hypothèque. «Une charge constituée par une ordonnance en vertu du paragraphe (1) rendue définitive en vertu de cette Règle a le même effet que s'il s'agissait d'une charge valide accordée en réalité par le débiteur, et la personne créancière aux termes du jugement en faveur de laquelle elle est accordée possède les mêmes recours pour la faire valoir.» La Règle a pour objet et pour effet la création d'une charge sur l'immeuble du débiteur en vertu d'un jugement, affectant ledit immeuble à l'exécution éventuelle de ce jugement. Il s'agit donc d'une simple mesure d'exécution d'un juge- ment, mesure qui est moins draconienne qu'une exécution pure et simple et à laquelle peut faire appel le créancier de n'importe quel jugement en espèces émanant de la Cour, s'il est disposé à attendre la réalisation effective du droit qui lui a été judiciairement reconnu.
' L'article 1983 du Code civil de la province de Québec contient une définition claire d'un privilège: «Le privilège est le droit qu'a un créancier d'être préféré à d'autres créanciers suivant la cause de sa créance. Il résulte de la loi et est indivisible de sa nature.»
Ces précisions étant faites, il ne me reste plus, pour répondre à la contestation de l'intimé, qu'à citer quelques textes de la Loi sur la Cour fédérale qui attestent de façon claire du pouvoir conféré aux juges, sous réserve de l'approbation du gouver- neur en conseil, d'édicter des règles relatives au mode d'exécution des jugements de la Cour.
46. (1) Sous réserve de l'approbation du gouverneur en con- seil, et, en outre, du paragraphe (4), les juges de la Cour peuvent, quand il y a lieu, établir des règles et ordonnances générales qui ne sont incompatibles ni avec la présente loi ni avec aucune autre loi du Parlement du Canada,
b) pour la bonne application de la présente loi et la réalisa- tion de ses objets et de l'intention du législateur;
i) traitant de toute autre question dont la réglementation par une règle ou les Règles est implicitement prévue par une disposition de la présente loi.
(2) Les règles et ordonnances établies en vertu du présent article peuvent couvrir des questions de pratique et de procé- dure ou autres, soulevées lors de procédures faites en vertu d'une loi, qui ne sont pas prévues dans cette loi ou toute autre loi, et qu'il est jugé nécessaire de réglementer pour permettre de bien appliquer ladite loi et de mieux en réaliser les objets.
56. (1) En sus de tous brefs d'exécution ou autres que les Règles prescrivent pour l'exécution des jugements ou ordonnan- ces de la Cour, celle-ci peut décerner des brefs visant la personne ou les biens d'une partie et ayant la même teneur et le même effet que ceux qui peuvent être décernés par l'une quelconque des cours supérieures de la province dans laquelle un jugement ou une ordonnance doivent être exécutés; et lorsque le droit de cette province exige, pour l'émission d'un bref, une ordonnance d'un juge, un juge de la Cour peut rendre une ordonnance semblable en ce qui concerne un tel bref lorsque la Cour doit en décerner un.
La contestation de l'intimé n'a donc aucun fon- dement et la requête de Sa Majesté la Reine pour l'émission de l'ordonnance définitive doit être agréée. Sera en conséquence émise une ordonnance définitive de constitution de charge sur l'immeuble décrit dans l'ordonnance provisoire du 7 juin 1978.
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