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A-714-75
Sabb Inc. (Appelante) (Demanderesse) c.
Shipping Ltd., Lillis Marine Agencies Ltd., les navires à moteur Gwendolen Isle et Weser Isle, leurs propriétaires et toutes personnes intéressées (Intimés) (Défendeurs)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Québec, les 12, 13 et 16 juin 1978.
Droit maritime Contrats Mandat Appel d'une décision rendue dans une action sur compte fondée sur contrat d'arrimage et services connexes Demandes de la part des compagnies intimées afin que des services soient rendus aux compagnies pour lesquelles elles agissaient à titre de manda- taires Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en statuant que les intimées avaient agi seule- ment à titre de mandataires, et en conséquence n'étaient pas tenues d'exécuter les contrats qu'elles avaient signés?
L'appelante attaque la décision de la Division de première instance qui a rejeté l'action sur compte qu'elle avait intentée contre les deux sociétés intimées. L'appelante (demanderesse) avait intenté contre les deux agences maritimes qui avaient retenu ses services, une action en réclamation pour services d'arrimage et services connexes rendus et en conséquence, elle prétendait qu'elles étaient tenues de les payer. Les deux compa- gnies intimées ont prétendu que les services qu'elles ont demandé à l'appelante ont été réclamés exclusivement en faveur et au nom du Commonwealth Carriers et(ou) son agent américain, Amerind Shipping Corp., pour qui elles agissaient à titre de mandataires, et ce, à la connaissance de l'appelante. L'argument principal de l'appelante est que le juge de première instance s'est trompé en décidant que les intimées n'avaient agi que comme mandataires, et qu'elles n'étaient pas, en consé- quence, tenues personnellement d'exécuter les contrats qu'elles avaient conclus.
Arrêt: l'appel est rejeté.
Le juge Pratte: Il n'existe aucune preuve directe que les intimées aient jamais contracté avec l'appelante, ou encore aucune preuve indirecte de l'existence de pareils contrats. La preuve révèle que, suivant l'intention de tous les intéressés, les sommes dues à l'appelante devaient, dans le cours normal des choses, lui être versées par les intimées qui devaient utiliser à cette fin partie des fonds qu'elles devaient percevoir pour le compte de la société étrangère qu'elles représentaient. Rien dans le dossier n'indique que les intimées n'étaient personnelle- ment engagées envers l'appelante à effectuer ces paiements.
Le juge Le Dain: La preuve ne permet pas de déduire que les agents maritimes intimés avaient l'intention de s'engager per- sonnellement à acquitter les frais d'acconage de l'appelante. Amerind, et non pas les agents maritimes intimés, a conclu le premier accord avec l'appelante au sujet des services d'acco- nage. Les intimés représentaient les commettants dans l'exécu- tion courante de l'accord et, dans cette mesure, on pourrait dire qu'ils ont pris part à l'élaboration et à la mise en oeuvre de
l'accord en qualité de collaborateurs. Mais aucun des intimés n'a, à quelque moment que ce soit, été partie à un contrat avec l'appelante ou ne s'est engagé personnellement envers l'appe- lante à payer ses frais d'acconage.
Distinction faite avec l'arrêt: Wolfe Stevedores (1968) Ltd. c. Joseph Salter's Son Ltd. (1970) 11 D.L.R. (3e) 476, (1971) 2 N.S.R. (2e) 269.
APPEL. AVOCATS:
Guy Vaillancourt et R. Langlois pour l'appe- lante (demanderesse).
Trevor H. Bishop pour les intimées (défende-
resses) Shipping Ltd. et Lillis Marine Agen cies Ltd.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau- dreau, Québec, pour l'appelante (demande-
resse).
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal, pour les intimées (défenderesses) Shipping
Ltd. et Lillis Marine Agencies Ltd.
Voici les motifs du jugement prononcés à l'au- dience en français par
LE JUGE PRATTE: L'appelante attaque la déci- sion de la Division de première instance [[1976] 2 C.F. 175] qui a rejeté l'action sur compte qu'elle avait intentée contre les deux sociétés intimées.'
L'appelante exploite une entreprise d'arrimage à Québec et à Montréal; les deux intimées, elles, sont deux agences maritimes de Montréal. Au
cours de l'été 1971, un monsieur Moore, de New York, entra en contact avec l'appelante. Il repré- sentait un armateur étranger dont les navires devaient charger et décharger dans lés ports de Québec et Montréal au cours des mois suivants et il voulait savoir à quelles conditions l'appelante pourrait fournir ses services à ces navires. Une rencontre eut finalement lieu à Montréal entre Moore et des représentants de l'appelante, et de l'intimée Lillis Marine Agencies Ltd. qui était l'agent maritime canadien de l'armateur étranger. Au terme de cette réunion, le représentant de Lillis Marine Agencies Ltd. ne joua aucun rôle
' Quelques jours avant que l'appel ne soit entendu, l'appe- lante s'est désistée de son appel contre les deux navires intimés.
actif, il fut convenu entre les autres participants que l'appelante fournirait, à compter de la fin du mois d'août, les services d'arrimage dont auraient besoin, à Québec et à Montréal, les navires de l'entreprise représentée par Moore. Il fut aussi convenu que les représentants de l'appelante et de l'intimée Lillis Marine Agencies Ltd. se rencontre- raient un peu plus tard pour déterminer la procé- dure que l'on suivrait dans la mise en oeuvre de cette entente. Cette procédure fut arrêtée et, par la suite, l'appelante fournit les services d'arrimage promis. Au début, lorsque les services de l'appe- lante étaient requis, c'était l'intimée Lillis Marine Agencies Ltd. qui l'en prévenait et lui transmettait les instructions nécessaires; à partir du 15 octobre 1971, cependant, c'est l'intimée Shipping Ltd. qui joua ce rôle car, à cette date, elle avait remplacé Lillis Marine Agencies Ltd. comme agent mari time canadien de l'armateur étranger.
C'est le solde impayé du prix des services qu'elle a ainsi rendus que l'appelante a réclamé des deux intimées qui, suivant elle, avaient retenu ses servi ces et étaient en conséquence tenues de les payer. L'appelante alléguait aussi que l'intimée Shipping Ltd. s'était engagée, à la fin du mois de janvier 1972, lui payer tout ce qui lui était alors dû. Le premier juge a rejeté l'action de l'appelante. Il a d'abord jugé que les intimées avaient contracté avec l'appelante en leur seule qualité de mandatai- res de l'armateur étranger et qu'elles n'étaient pas tenues personnellement d'exécuter les obligations résultant de ces contrats. Il a décidé, aussi, que l'appelante n'avait pas prouvé la promesse de paie- ment qu'elle invoquait contre Shipping Ltd. C'est contre ce jugement qu'est dirigé ce pourvoi.
L'avocat de l'appelante a prétendu que le pre mier juge a eu tort de dire qu'il n'était pas prouvé qu'un représentant de Shipping Ltd. ait promis, à la fin de janvier 1972, peu de temps avant le début des procédures, que sa compagnie paierait à l'ap- pelante tout le solde qui lui était alors dû. Me Langlois a soutenu que cette promesse, faite au cours d'une conversation téléphonique entre mon sieur Lachance, président de l'appelante, et un monsieur Gough, de Shipping Ltd., était prouvée par le témoignage de monsieur Lachance, bien qu'il ait été contredit par le témoignage de mon sieur Gough. Le premier juge, a dit Me Langlois, aurait ajouter foi au témoignage de Lachance
de préférence à celui de Gough parce que sa véracité était confirmée par des notes manuscrites produites à l'enquête et prises par Lachance pen dant qu'il parlait à Gough au téléphone. Cet argu ment, à mon avis, ne vaut pas. Les notes manuscri- tes de Lachance ne prouvent pas que son témoignage doive être préféré à celui de Gough parce qu'elles sont si imprécises qu'elles sont égale- ment compatibles avec l'un et l'autre témoignage. Il n'existe donc aucune raison de ne pas confirmer la décision du premier juge sur ce point.
Mais ce n'était là, si j'ai bien compris, qu'un argument secondaire de l'appelante dont l'argu- ment principal était que le premier juge s'était trompé en décidant que les intimées n'avaient agi en cette affaire que comme mandataires et qu'elles n'étaient pas, en conséquence, tenues personnelle- ment d'exécuter les contrats qu'elles avaient con- clus. Au cours d'une plaidoirie fort habile, Me Langlois a fait valoir plusieurs motifs lui permet- tant de conclure à la responsabilité personnelle des intimées. Il a dit que cette responsabilité découlait nécessairement du fait que les intimées n'avaient pas suffisamment révélé l'identité de leur mandant et, aussi, de ce que leur mandant était une société étrangère non autorisée à faire affaires au Québec; il a affirmé, aussi, que les circonstances ayant précédé et suivi la formation des contrats de four- niture de services démontraient que, suivant l'in- tention commune des parties, les intimées devaient être personnellement obligées envers l'appelante. Il ne me paraît pas nécessaire de rapporter cette argumentation de façon détaillée car elle me semble être fondée sur une confusion. Le problème à résoudre n'est pas celui de savoir si les intimées ont, en contractant avec l'appelante, agi exclusive- ment comme mandataires de façon à n'encourir aucune responsabilité personnelle envers l'appe- lante. Pour que pareille question se soulève, il faudrait qu'il soit établi que les intimées ont con tracté avec l'appelante. Or, c'est précisément ce point-là qu'il faut d'abord élucider. Les intimées ont-elles conclu des contrats de fourniture de servi ces avec l'appelante? C'est seulement si cette pre- mière question devait recevoir une réponse affir mative qu'il faudrait se demander si les obligations résultant de ces contrats lient les intimées personnellement.
Suivant Me Langlois, il faut dire que les inti- mées avaient contracté avec l'appelante parce que ce sont les intimées qui ont requis les services de l'appelante. Je ne puis partager cet avis. S'il est juste de dire que les intimées ont requis les services de l'appelante, c'est en ce sens seulement qu'elles ont prévenu l'appelante de l'arrivée des différents navires et lui ont indiqué, dans chaque cas, le travail à accomplir. Si pareilles «réquisitions» avaient eu lieu sans que ne soit intervenue aucune entente préalable, on devrait probablement les con- sidérer comme des offres de contracter émanant des intimées. Mais telle n'est pas la situation ici puisque, au préalable, Moore s'était entendu avec l'appelante. Dans ces circonstances, les intimées, lorsqu'elles communiquaient avec l'appelante à l'arrivée de chaque navire, ne faisaient que trans- mettre à l'appelante les renseignements dont elle avait besoin pour faire le travail qu'elle avait promis d'exécuter. A mon avis, il n'existe aucune preuve directe que les intimées aient jamais con tracté avec l'appelante. Je suis aussi d'opinion qu'il n'existe, contrairement à ce qu'on a soutenu, aucune preuve indirecte de l'existence de pareils contrats. La preuve révèle que, suivant l'intention de tous les intéressés, les sommes dues à l'appe- lante devaient, dans le cours normal des choses, lui être versées par les intimées qui devaient utiliser à cette fin partie des fonds qu'elles devaient perce- voir pour le compte de la société étrangère qu'elles représentaient. Mais on ne nous a rien indiqué dans le dossier dont on puisse déduire que les intimées s'étaient personnellement engagées envers l'appelante à effectuer ces paiements. Me Langlois a invoqué que l'appelante avait adressé ses factures aux deux intimées qui en avaient payé quelques- unes sans protester; il a fait état de ce que les intimées avaient faussement représenté à la société étrangère qu'elles représentaient que les comptes de l'appelante avaient été payés; il a, enfin, insisté sur le fait que les intimées, aux termes de leurs contrats d'agence, n'avaient pas le pouvoir de con- clure un contrat de fourniture de services pour le compte de la société étrangère qu'elles représen- taient au Canada. Cependant, ces faits, qu'on les considère isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de conclure que les intimées aient jamais contracté avec l'appelante.
Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
* *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés d l'audience par
LE JUGE LE DAIN: Je suis également d'avis de rejeter l'appel. Malgré le savant plaidoyer de Me Langlois, nous ne pouvons pas déduire de la preuve que les agents maritimes intimés, Lillis Marine Agencies Ltd. et Shipping Ltd., avaient l'intention de s'engager personnellement à acquitter les frais d'acconage de l'appelante.
Les services de l'appelante ont été retenus pour de l'acconage à Montréal, en août 1971, par Ame- rind Shipping Corporation, compagnie américaine agissant en qualité d'agent général d'une compa- gnie de navigation qui a eu d'abord la raison sociale «Caribbean Container Line» et qui l'a chan gée pour «Commonwealth Carriers». On ne connaît pas l'identité et le statut des commettants de Ame- rind, mais il semble qu'il s'agisse de compagnies de navigation soumises à l'influence dominante des propriétaires de Isbrandtsen. L'appelante connais- sait ces derniers de réputation au moment de la conclusion de l'accord avec Amerind. Malgré un échange de correspondance, il s'agit avant tout d'une convention verbale conclue entre Harry N. Moore, au nom de Amerind, et Kenneth J. Monks, au nom de l'appelante. Voici un passage de la déposition de Monks à propos d'une réunion tenue à Montréal, le 11 août 1971:
[TRADUCTION] ... après une visite des installations, M. Moore a discuté avec le capitaine Unger et ils sont venus me dire: êtes-vous prêts à recevoir les navires de Isbrandtsen ici à Montréal? J'ai répondu: oui, monsieur. Ils ont dit: aux tarifs que vous avez mentionnés? J'ai dit: oui. Il a ajouté: notre premier navire sera ici à telle ou telle date, vers la fin du mois d'août. J'ai dit: très bien ...
Edward Brennan a assisté à cette réunion pour le compte de Lillis Marine. Il est cependant impos sible de conclure de la preuve que Lillis Marine a été partie au contrat conclu avec l'appelante pour les services d'acconage de cette dernière. A cette époque, Lillis Marine était liée par un contrat d'agence avec Cargo Carriers Limited, qui diri- geait apparemment Caribbean Container Line, mais elle était soumise à l'autorité de l'agent géné- ral Amerind. Cette dernière considérait en fait Lillis Marine comme un sous-agent.
Les détails quotidiens de l'activité au terminus de l'appelante, ainsi que les questions de documen-
tation, ont été réglés entre Lillis Marine et l'appe- lante, mais Lillis Marine n'a pas pris part à la fixation des tarifs de l'appelante pour l'acconage. D'après les dépositions, ce n'est qu'en décembre 1971 que l'appelante a abordé avec Amerind ou les agences maritimes intimées la question de savoir qui allait la payer. L'appelante a présenté ses factures d'abord à Lillis Marine, puis à Shipping Ltd. quand cette dernière a remplacé Lillis Marine en qualité d'agent local vers le milieu d'octobre parce que, selon les témoins des deux parties, il était d'usage de présenter les factures d'acconage aux agents maritimes locaux.
Voici la déposition de Monks sur ce point:
[TRADUCTION] ... selon la façon normale de procéder, les factures étaient envoyées aux agents ou à l'agent général qui disposent habituellement de fonds nécessaires pour le paiement des dépenses.
Le capitaine Lillis, au nom de Lillis Marine, et Fred McCaffrey, au nom de Shipping Ltd., ont convenu qu'il était d'usage d'envoyer les factures d'acconage aux agents maritimes à Montréal. Ceux-ci les transmettaient à leurs commettants pour approbation. Voici la déposition de McCaf- frey sur ce point:
[TRADUCTION] De façon générale, l'acconier envoie ses factu- res au bureau de l'agent de la compagnie. Notre bureau vérifie l'exactitude de ces factures, en particulier en ce qui concerne les heures supplémentaires, ou d'autres choses de cette nature, puis nous transmettons les documents, les factures à l'agent général de la compagnie aux États-Unis, s'il y a lieu, ou directement aux représentants de la compagnie pour approba tion. C'est l'usage quand vous représentez une compagnie qui a un agent aux États-Unis. Parfois, quand il représente une compagnie domiciliée en Europe, l'agent peut payer les factures sans en référer à son commettant, mais c'est l'exception et non la règle. Dans le cas de Commonwealth Carriers, nous avions l'ordre de renvoyer tous les documents relatifs à l'acconage et documents connexes à Amerind Shipping Corporation à New York pour approbation et décision.
D'après les dépositions, l'agent maritime n'avait pas coutume de s'engager personnellement à payer les frais d'acconage. L'avocat de l'appelante a insisté sur le fait que cette dernière avait envoyé ses factures à Lillis Marine et à Shipping Ltd. plutôt qu'à ses commettants et que les agents ne se sont pas récriés. De plus, le tampon «payé» avait été apposé sur les factures par les agents, ces factures avaient été incluses dans les «états des dépenses» soumis par les agents à leurs commet-
tants et enfin Shipping Ltd. avait versé environ $76,000 l'appelante sans approbation préalable par Amerind. Bien que j'aie été tout d'abord forte- ment incité à conclure que Shipping Ltd. s'était reconnue implicitement une responsabilité envers l'appelante, je pense que les faits ne permettent pas d'étayer cette conclusion.
Bien que les accords d'agence régissant les acti- vités des intimées aient prévu le paiement des dépenses locales au moyen du fret ou d'autres fonds avancés par les commettants, des témoins cités par Lillis Marine et par Shipping Ltd. ont déclaré qu'ils avaient reçu l'ordre de faire parvenir les factures d'acconage à leurs commettants pour approbation et qu'ils n'étaient pas autorisés à les acquitter sans avoir obtenu ladite approbation. Selon eux, puisque les accords d'acconage princi- paux avaient été conclus par Amerind et qu'ils n'étaient pas certains des tarifs convenus, ils n'étaient pas en mesure d'approuver les factures. Vu l'ensemble des faits, il n'y a pas lieu de mettre en doute ces dépositions et ces dernières ne déno- tent sûrement pas une intention de s'engager per- sonnellement à payer les frais d'acconage. Les frais précités qu'a soulignés l'appelante ne peuvent, à mon sens, ébranler la logique de cette conclusion. Comme on a reconnu qu'il était d'usage de sou- mettre les factures d'acconage aux agents mariti- mes locaux pour éviter aux acconiers le souci de faire affaire avec les commettants, je pense qu'il ne faut attacher aucune importance particulière au fait que les factures étaient envoyées aux agents sans passer par les commettants. Il est étrange en effet que les agents aient apposé sur les factures de l'appelante la mention «payé», bien que ces derniè- res n'aient pas été effectivement acquittées, mais cette façon de procéder permettait apparemment de les inclure dans l'état des dépenses à titre de «récépissés», conformément aux termes du contrat d'agence. Ainsi, si je comprends bien, le compte courant entre les agents et leurs commettants devait comporter une provision pour le paiement des factures une fois approuvées. Il ne me semble pas qu'il s'agisse d'une circonstance permettant de conclure que les agents se sont engagés person- nellement à faire ce paiement à l'appelante. En fait, Shipping Ltd. a reçu de ses commettants l'ordre de remettre l'excédent du fret et elle l'a fait jusqu'à ce que le solde de son compte avec ces
derniers soit insuffisant pour payer toutes les fac- tures d'acconage en souffrance de l'appelante. Les commettants contrôlaient le paiement de ces frais ce qui écartait toute admission de responsabilité personnelle par les agents. Je ne pense pas que le versement à l'appelante, par Shipping Ltd., d'une somme d'environ $76,000 tirée de l'excédent du fret sur son compte engageait en quoi que ce soit la responsabilité de cette compagnie. C'était simple- ment une mesure destinée à tirer d'embarras l'ap- pelante au moyen de fonds dont disposait l'agent. Ronald Gough, vérificateur de Shipping Ltd., a admis que ce versement n'avait pas été approuvé au préalable, mais ce fait ne permet pas de con- clure que la compagnie s'était engagée. Le verse- ment a été fait avec l'excédent du fret perçu au nom des commettants et non pas avec des fonds propres de Shipping Ltd.
Les dépositions ne concordent pas sur la ques tion de la promesse de payer le solde en souffrance que Gough aurait faite pour le compte de Shipping Ltd. et je ne connais aucun motif de contester la décision du juge de première instance selon laquelle cette promesse n'a jamais été faite.
Les avocats ont cité plusieurs affaires mais aucune n'est tout à fait applicable au point liti- gieux en l'espèce. Amerind, et non pas les agents maritimes intimés, a conclu le premier accord avec l'appelante au sujet des services d'acconage. Les intimés représentaient les commettants dans l'exé- cution courante de l'accord et, dans cette mesure, on pourrait dire qu'ils ont pris part à l'élaboration et à la mise en oeuvre de l'accord en qualité de collaborateurs. Mais aucun des intimés n'a, à quel- que moment que ce soit, été partie à un contrat avec l'appelante ou ne s'est engagé personnelle- ment envers l'appelante à payer ses frais d'acco- nage. En cela, la présente affaire est distincte, par exemple, de l'affaire Wolfe Stevedores (1968) Limited c. Joseph Salter's Sons Ltd. (1970) 11 D.L.R. (3e) 476; (1971) 2 N.S.R. (2°) 269, il a été statué que les agents maritimes s'étaient enga- gés expressément à payer des services qu'ils avaient commandés.
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LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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