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T-4723-77
Michael John Martinoff et John Michael Page (Requérants)
c.
Le S/e.m. L. M. Gossen, registraire local d'armes à feu de Vancouver, R. H. Simmonds, commis- saire de la Gendarmerie royale du Canada, et Garde B. Gardom, Procureur général de la pro vince de Colombie-Britannique (Intimés)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, le lev juin et le 20 septembre 1978.
Brefs de prérogative Mandamus Demande motivée par le refus du commissaire de la G.R.C. de délivrer un permis de port d'armes à autorisation restreinte, refus qui était appa- remment en conformité d'une déclaration de principe Unique recours possible à la date du dépôt de la demande Par la suite, une nouvelle loi prévoit un recours en appel de la décision du commissaire La nouvelle possibilité de recours constitue-t-elle une fin de non-recevoir à l'encontre de l'action en mandamus? Le commissaire a-t-il fait preuve d'objecti- vité dans sa décision? Faut-il ordonner l'enregistrement d'une arme à feu après que cette arme a été classée arme prohibée quand bien même elle n'était qu'une arme à autorisa- tion restreinte à la date du dépôt de la demande d'enregistre- ment Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18 Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 97 Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, c. 53, art. 106.4(8).
Les requérants avaient déposé le 6 décembre 1977 une requête concluant à certaines mesures de redressement prévues à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale à la suite de la décision du commissaire de la G.R.C. qui refusait, apparem- ment en conformité d'une déclaration de principe, de délivrer au requérant Martinoff un permis de port d'armes à autorisa- tion restreinte. Cette décision a été prise en application de l'article 97 du Code criminel, article qui a été abrogé et remplacé le le' janvier 1978. L'action en mandamus était à l'époque le seul recours ouvert au requérant étant donné que la loi ancienne, à la différence de la nouvelle, ne prévoyait pas de recours en appel. Les intimés soutiennent en premier lieu qu'un recours en appel de la décision du commissaire étant prévu par la loi nouvelle, il y a extinction de l'action en mandamus. Le véritable litige qui oppose le requérant Martinoff et le commis- saire porte cependant sur la question de savoir si ce dernier a fait preuve d'objectivité et d'impartialité lors de l'instruction et du rejet de la demande. Les requérants demandent en outre à la Cour d'ordonner au commissaire d'accueillir après le l er janvier 1978 leur demande d'enregistrement de certaines armes à feu qui étaient devenues à cette date des armes prohibées, mais qui étaient classées seulement armes à autorisation restreinte au dépôt de leur demande.
Arrêt: la demande est rejetée. La nouvelle loi permet de faire appel devant la justice d'une décision prise sous son régime, ce qui ne s'applique pas aux décisions prises sous le régime de l'article 97 ancien. Cela ne veut pas dire qu'elle anéantit du marne coup les autres voies de recours déjà intentées. L'applica-
tion de directives ou de principes préétablis, à l'égard des demandes de licences, permis ou autres, ou en matière de décisions judiciaires ou quasi judiciaires, n'invalide pas néces- sairement l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de décision. La condition essentielle de validité d'un tel exercice est que chaque demande ou chaque affaire soit instruite à titre de cas d'espèce. A ce prix, la décision prise n'est pas sujette au contrôle judiciaire, quand bien même, de l'avis du tribunal, elle serait fondée sur la conclusion que l'intéressé appartenait, ou n'appartenait pas, selon le cas, à une catégorie visée par ces directives ou principes préétablis. Le commissaire a instruit la demande du requérant Martinoff à titre de cas d'espèce; il n'a pas manqué à son devoir de s'acquitter légalement de ses fonctions. La Cour n'a ni le droit ni les raisons d'intervenir. Elle a appliqué le précédent Lemyre et a rejeté la demande tendant à obliger le commissaire à instruire une demande d'enregistre- ment d'une arme à feu après que cette arme à feu a été déclarée arme prohibée malgré le fait qu'elle n'était qu'une arme à autorisation restreinte à la date du dépôt de la demande d'enregistrement.
Arrêt suivi: Lemyre c. Trudel [1978] 2 C.F. 453.
DEMANDE.
AVOCATS:
Michael John Martinoff pour son propre compte.
John Michael Page pour son propre compte. W. D. Stewart pour les intimés le S/e.m. L. M. Gossen et Garde B. Gardom.
S. D. Frankel pour l'intimé R. H. Simmonds.
PROCUREURS:
Michael John Martinoff pour son propre compte.
John Michael Page pour son propre compte. W. D. Stewart, ministère du procureur géné- ral de la province de Colombie-Britannique, pour l'intimé S/e.m. L. M. Gossen.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé R. H. Simmonds.
Ce qui suit est la version française des motifs complémentaires du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Les requérants avaient déposé le 6 décembre 1977 une requête concluant à certaines mesures de redressement prévues à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale'. Quatre points litigieux distincts ont été soulevés. Deux chefs de conclusions ont fait l'objet d'un jugement
' S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
rendu le 13 décembre 1977, jugement dont les motifs [[1978] 2 C.F. 537] ont été prononcés le 9 janvier 1978. Il ne restait plus, à proprement parler, qu'un seul point litigieux à trancher et l'audition en a été remise à une date ultérieure.
Par la suite, les requérants ont demandé la permission d'ajouter à leur requête initiale une conclusion supplémentaire à l'égard de certaines armes dont il n'avait pas été fait état lors de la première audition. Plusieurs nouveaux témoigna- ges par affidavit ont été versés au dossier de part et d'autre, ainsi que des mémoires écrits. Après audition des plaidoiries, j'ai rejeté le ler juin 1978 le reste de la requête en indiquant que je ferais connaître ultérieurement les motifs par écrit. Les voici.
Je reproduis tout d'abord le paragraphe 4 de la requête:
[TRADUCTION] 4. que l'intimé R. H. Simmonds, commissaire de la G.R.C., délivre au requérant Michael John Martinoff un permis l'autorisant à avoir en sa possession une arme à autori- sation restreinte ailleurs que dans sa maison d'habitation ou son siège d'affaires et ce pour protéger des vies ou des biens et pour s'en servir dans le tir à la cible.
Le requérant Martinoff a fait le 31 mai 1977 une demande écrite au commissaire en vue de l'obtention d'un permis C-302, valide sur tout le territoire canadien, de port d'armes à autorisation restreinte enregistrées ou susceptibles d'être enre- gistrées à son nom:
a) pour protéger des vies ou des biens; et d) pour s'en servir dans le tir à la cible.'
Je reproduis maintenant l'article applicable du Code criminel, tel qu'il était en vigueur à l'époque:
97. (1) Un permis autorisant une personne à avoir en sa possession une arme à autorisation restreinte ailleurs que dans sa maison d'habitation ou son siège d'affaires peut être émis par
a) le commissaire ou une personne qu'il a autorisée expressé- ment, par écrit, à émettre un permis à cette fin, ou
b) le procureur général d'une province ou une personne qu'il a expressément autorisée, par écrit, à émettre un permis à cette fin,
et le permis demeure valide jusqu'à l'expiration de la période pour laquelle il est déclaré émis, à moins qu'il ne soit révoqué plus tôt.
(2) Un permis visé au paragraphe (1) ne peut être émis que lorsque la personne autorisée à l'émettre est convaincue que
2 Cf. les alinéas 97(2)a),c) et d) du Code criminel, tels qu'ils étaient en vigueur avant le le' janvier 1978.
celui qui le sollicite requiert l'arme à autorisation restreinte à laquelle la demande se rapporte
a) pour protéger des vies ou des biens,
b) pour s'en servir dans sa profession ou son occupation légitimes,
e) pour s'en servir dans le tir à la cible sous les auspices d'un club de tir approuvé aux fins du présent article par le procureur général de la province le local du club de tir est situé, ou
d) pour s'en servir dans le tir à la cible conformément aux conditions dont le permis est assorti.
(3) Un permis de transport d'une arme à autorisation res- treinte d'un endroit à un autre endroit y spécifiés peut être émis par toute personne mentionnée au paragraphe (1), à toute personne qui est requise de transporter cette arme en raison d'un changement de résidence ou pour toute autre raison de bonne foi, et demeure valide jusqu'à l'expiration de la période pour laquelle il est déclaré émis, à moins qu'il ne soit révoqué plus tôt.
(4) Un permis d'exploiter une entreprise mentionnée au paragraphe 96(2) peut être émis par toute personne mentionnée au paragraphe (1) et demeure valide jusqu'à sa révocation.
(5) Un permis de posséder une arme à feu ou des munitions ne peut être émis par un registraire local d'armes à feu, dans une province, à une personne âgée de moins de quatorze ans que si cette personne réside dans une région de cette province désignée par décret du gouverneur en conseil et si le registraire local d'armes à feu est convaincu qu'un tel permis est nécessaire pour permettre à cette personne de chasser du gibier pour la nourriture, ou pour subvenir aux besoins de sa famille.
(6) Un permis mentionné au paragraphe (5) qui est émis en faveur d'une personne résidant dans une région mentionnée dans ce paragraphe demeure valide jusqu'à la date d'expiration de la période pour laquelle il est déclaré émis ou jusqu'à la date cette personne cesse de résider dans cette région, en prenant de ces deux dates celle qui est antérieure à l'autre, à moins qu'il ne soit révoqué plus tôt.
(7) Un permis autorisant une personne âgée d'au moins quatorze ans et de moins de seize ans à posséder une arme à feu ou des munitions ou un permis aux fins mentionnées à l'alinéa 98(2)a) peut être émis et demeure valide jusqu'à l'expiration de la période pour laquelle il est déclaré émis, à moins qu'il ne soit révoqué plus tôt.
(8) Aucun permis autre qu'un permis de possession d'une arme à autorisation restreinte devant être utilisée comme l'indi- que l'alinéa (2)c) ou autre qu'un permis mentionné au paragra- phe (3), n'est valide hors de la province dans laquelle il est émis à moins qu'il ne soit émis par le commissaire ou par une personne qu'il a expressément autorisée par écrit.
(9) Chaque permis doit être en la forme prescrite par le commissaire, mais toute personne qui est autorisée à émettre un permis relatif à une arme ou à des munitions peut, quant à l'utilisation, au port ou à la possession de l'arme ou des munitions, assortir le permis des conditions raisonnables qu'il estime souhaitables pour la sécurité d'autrui.
Dans sa réponse au requérant en date du 9 juin 1977, le bureau du commissaire a demandé à
Martinoff de produire une lettre de recommanda- tion du registraire local d'armes à feu.
Selon la réponse envoyée le 13 juin 1977 par Martinoff, le registraire local d'armes à feu de Vancouver était l'intimé le S/e.m. Gossen avec lequel il se querellait déjà continuellement à propos de ses efforts visant à faire enregistrer des armes à autorisation restreinte. Voici un extrait de la réponse du requérant:
[TRADUCTION] ... en réponse à ma demande, il a fait savoir que vous pourriez correspondre directement avec lui si vous aviez quelque renseignement à lui demander.
Voici ce qui ressort d'une lettre en date du 16 juin 1977 du bureau du commissaire:
[TRADUCTION] ... nous avons depuis écrit à la Police de Vancouver au sujet de l'affaire qui vous concerne.
Le 19 juin 1977, le bureau du commissaire a envoyé une autre lettre au requérant pour l'infor- mer qu'il n'avait toujours pas reçu de lettre de recommandation du S/e.m. Gossen.
Le 5 août 1977, le commissaire en fonctions à l'époque a écrit en personne au requérant la lettre suivante:
[TRADUCTION] Concernant votre demande d'un permis de port d'armes à autorisation restreinte valide sur tout le terri- toire canadien, la Police municipale de Vancouver m'a informé qu'elle a transmis notre lettre au ministère du Procureur géné- ral pour solliciter son avis. Faute de réponse dans un délai raisonnable, je statuerai sans plus attendre sur votre demande.
Le requérant Martinoff a envoyé par la suite deux autres lettres au sujet du permis C-302.
L'actuel commissaire lui a écrit en personne le 22 septembre 1977 la lettre suivante:
[TRADUCTION] Après instruction de votre demande d'un permis de port d'armes 302 valide sur tout le territoire cana- dien, j'ai conclu que les raisons que vous avez invoquées ne justifient pas la délivrance d'un tel permis. Je dois, en consé- quence, refuser de délivrer ce permis.
Par lettre en date du 26 septembre 1977, le requérant Martinoff a fait savoir au commissaire qu'il comptait «interjeter appel» de cette décision (ainsi que d'autres) et lui a demandé de motiver son refus en détail.
Voici la réponse du commissaire, en date du 31 octobre 1977, ce sujet:
[TRADUCTION] Je dois également refuser de vous délivrer un permis de port d'armes C-302 valide sur tout le territoire canadien parce que, à mon avis, les raisons que vous avez invoquées ne justifient pas la délivrance d'un tel permis. A titre
documentaire, veuillez trouver ci-joint photocopie d'un commu- niqué conjoint du ministre de la Justice et du solliciteur général du Canada sur les directives concernant la délivrance des permis de port d'armes. Ces directives s'adressent aux registrai- res locaux qui instruisent les demandes selon le cas d'espèce.
Voici le texte du document cité:
MODIFICATION DES DIRECTIVES SUR LA DÉLIVRANCE DES PERMIS NÉCESSAIRES POUR LE PORT DES ARMES A FEU DE POING DANS LES RÉGIONS ÉLOIGNÉES DU NORD DU CANADA
OTTAWA, le let décembre 1976—Dans une déclaration com mune, le ministre de la Justice, M. Ron Basford, et le solliciteur général, M. Francis Fox, ont annoncé aujourd'hui la modifica tion des directives sur la délivrance des permis nécessaires pour le port des armes de poing dans les régions éloignées du Canada: les personnes qui doivent se rendre dans les régions isolées du Nord, de par leur gagne-pain, et qui, par conséquent, doivent être en mesure de se défendre contre les animaux sauvages pourront désormais obtenir plus facilement un permis de port d'une arme de point.
Comme ils font l'objet d'une autorisation restreinte, les pisto- lets sont rigoureusement réglementés au Canada. Aux termes de la Loi actuelle (article 97 du Code criminel, paragraphe 2), un permis ne peut être délivré que lorsque la personne qui le sollicite requiert une arme de point «pour protéger des vies ou pour son travail ou occupation légitime», entre autres raisons.
Les directives nouvelles sur l'application des lois régissant l'octroi des permis pour la possession des armes de poing prévoient:
—la délivrance d'un permis de port aux personnes obligées de se rendre dans les régions éloignées du nord, de manière à leur permettre de se défendre contre les animaux sauvages si:
1) de par leur travail, il leur faut affronter les bêtes sauvages plutôt que les éviter, et dans la mesure le calibre de l'arme assure une protection suffisante;
2) elles exercent le métier de trappeur autorisé, prospecteur, géologue, évaluateur des forêts, etc., dont elles tirent leurs principaux revenus, et qu'il leur faut se rendre, portant leur équipement, dans des régions éloignées pour une période de temps prolongée, dans la mesure le calibre de l'arme assure une protection suffisante.
La requête concluant à un bref de mandamus, a été déposée le 6 décembre 1977 et entendue le 13 décembre 1977. Un affidavit du commissaire, recueilli sous serment le 9 décembre 1977, a été versé au dossier. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, la Cour s'est prononcée le 13 décembre 1977 sur une partie de la requête initiale, remettant à plus tard, avec le consentement des parties, l'audi- tion des arguments concernant le paragraphe 4.
Cependant, les articles 82 106 du Code ont été abrogés le ler janvier 1978. Il n'est pas nécessaire, aux fins de statuer sur le paragraphe 4 de la requête, de reproduire intégralement la nouvelle
loi. Le genre de permis demandé par le requérant Martinoff existe toujours; le commissaire est l'une des personnes habilitées à le délivrer; les restric tions attachées à sa délivrance sont analogues à celles que prévoyaient les anciennes dispositions'. La seule différence notable en l'espèce tient à ce que les articles 97 et 99 anciens ne prévoyaient pas le pourvoi en appel d'un refus de délivrance de permis de port d'armes. Dans ce cas, le seul recours possible, et sous réserve des conditions requises, était probablement par voie de manda- mus. Sous le régime actuel, appel peut être formé devant justice (cf. le paragraphe 106.4(8)).
L'avocat du commissaire invoque les alinéas 36c) et d) de la Loi d'interprétation 4 pour conclure au rejet de la requête pour «vice de procédure». Je reproduis ici, non seulement les alinéas en ques tion, mais aussi les alinéas 35b),c) et e):
35. Lorsqu'un texte législatif est abrogé en tout ou en partie, l'abrogation
b) n'atteint ni l'application antérieure du texte législatif ainsi abrogé ni une chose dûment faite ou subie sous son régime;
c) n'a pas d'effet sur quelque droit, privilège, obligation ou responsabilité acquis, né, naissant ou encouru sous le régime du texte législatif ainsi abrogé;
e) n'a pas d'effet sur une enquête, une procédure judiciaire ou un recours concernant de semblables droit, privilège, obligation, responsabilité, peine, confiscation ou punition;
et une enquête, une procédure judiciaire ou un recours prévu à l'alinéa e) peut être commencé, continué ou mis à exécution, et la peine, la confiscation ou la punition peut être infligée comme si le texte législatif n'avait pas été ainsi abrogé.
36. Lorsqu'un texte législatif (au présent article appelé «texte antérieur») est abrogé et qu'un autre texte législatif (au présent article appelé «nouveau texte») y est substitué,
c) toutes les procédures prises aux termes du texte antérieur sont reprises et continuées aux termes et en conformité du nouveau texte, dans la mesure la chose peut se faire conformément à ce dernier;
d) la procédure établie par le nouveau texte doit être suivie, autant qu'elle peut y être adaptée, dans le recouvrement ou l'imposition des peines et confiscations encourues et pour faire valoir des droits existant ou naissant aux termes du texte antérieur, ou dans toute procédure concernant des choses survenues avant l'abrogation;
3 Cf. l'art. 106.2 de la Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, c. 53.
4 S.R.C. 1970, c. I-23.
Selon cet argument, l'application des alinéas 36c) et d) en l'espèce anéantit l'action intentée par le requérant Martinoff en vue d'un bref de man- damus contre une décision prise sous le régime de l'ancienne loi. Un pourvoi en appel étant devenu possible avec la nouvelle loi, il ne saurait être question de donner suite à l'action en mandamus, qui ne serait pas «en conformité du nouveau texte». En d'autres termes, il y a extinction de l'action en mandamus intentée en décembre 1977 contre les refus prononcés par le commissaire en septembre et en octobre de la même année.
Je ne saurais souscrire à un tel argument.
Il faut interpréter les alinéas applicables des articles 35 et 36 en regard. En décembre 1977, le requérant Martinoff ne disposait pas d'un recours prévu par la loi écrite. La common law, cependant, connaissait les brefs de prérogative, dont le man- damus, et ces recours sont prévus à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. La nouvelle loi permet de faire appel devant la justice d'une décision prise sous son régime, ce qui ne s'applique pas aux décisions prises sous le régime de l'article 97 ancien. Cela ne veut pas dire qu'elle anéantit du même coup les autres voies de recours déjà intentées.
Si je ne me trompe, l'avocat du commissaire s'est fondé sur la décision du juge Marceau dans Lemyre c. Trudel 5 il était question d'une demande de permis de port et d'enregistrement d'une certaine arme. La demande avait été faite sous le régime de l'«ancienne» réglementation des armes à feu, mais lorsqu'elle parvint au commis- saire, la nouvelle réglementation a remplacé l'an- cienne et l'arme dont il était question n'était plus une arme à autorisation restreinte, mais une arme prohibée. Le bref de mandamus n'a pas été accordé.
Le cas Lemyre est tout à fait distinct du cas présent. Le juge Marceau a conclu à l'irrecevabi- lité de la requête de mandamus simplement parce que les intimés n'avaient plus le pouvoir légal de délivrer le permis et le certificat en question.
Je statuerai donc au fond sur la requête en instance.
5 [1978] 2 C.F. 453.
Les conditions classiques d'une requête en man- damus sont bien connues 6 . Si elles étaient appli- quées en l'espèce, il faudrait que le commissaire ait une obligation, susceptible d'exécution forcée légale, de délivrer le permis; qu'il ne soit pas investi du pouvoir discrétionnaire de délivrer ou de refuser un permis, qu'il y ait une sommation expresse d'exécuter cette obligation, suivie d'un refus (exprès ou tacite). Quoi qu'il en soit, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de décider s'il y a lieu, selon les circonstances, d'accorder ou de refuser le bref de mandamus.
Le véritable litige qui oppose le requérant Mar- tinoff au commissaire me semble être la question de savoir si ce dernier a fait preuve d'objectivité et d'impartialité lors de l'instruction et du rejet de la demande. Voici un passage, extrait de la page 9 du mémoire soumis au nom du commissaire:
[TRADUCTION] Il n'est pas dans notre propos de soutenir que le commissaire a le pouvoir discrétionnaire de délivrer ou de refuser arbitrairement un tel permis. Théoriquement, nous pourrions même admettre qu'il est tenu de le délivrer si la demande du requérant était justifiée. Par contre nous sommes d'avis qu'il appartient au commissaire de juger si la demande est «justifiée» ou non et que, dans la mesure il instruit la demande du requérant comme un cas d'espèce auquel il appli- que des principes raisonnables et conformes à la loi régissant la délivrance de ces permis, l'exercice de ce pouvoir discrétion- naire du commissaire ne peut être entravé par un bref de prérogative.
J'ajouterais ceci.
A mon avis, le commissaire n'a pas le pouvoir absolu ou arbitraire de délivrer ou de refuser un permis. Si un requérant satisfait aux conditions prévues au paragraphe 97(2), le commissaire est tenu à l'obligation, susceptible d'exécution forcée, de lui délivrer le permis. Le traité de S. A. de Smith (op.cit.) énonce, à la page 485, les principes généraux en la matière:
[TRADUCTION] A l'égard des requêtes en mandamus visant à forcer l'accomplissement convenable de fonctions caractérisées par un pouvoir discrétionnaire, (par exemple, dans le domaine des permis), les cours n'ont pas suivi une pratique constante. En cas de demandes fondées sur le fait que l'autorité compétente a commis, avant d'exercer son pouvoir discrétionnaire, des erreurs de droit ou de fait dans ses conclusions, les juges se sont, en général, refusés à intervenir à moins qu'à leur avis,
6 S. A. de Smith, Judicial Review of Administrative Action (3' éd.) 1973, pp. 481 505. Halsbury's Laws of England (4' éd.), vol. 1, par. 89 91 et 120 126. Karavos c. Toronto and Gillies [1948] 3 D.L.R. 294, précédent suivi par Wright c. Ville de Burlington (1959) 17 D.L.R. (2') 537.
l'erreur ne porte sur la compétence ou ne constitue un déni de justice—les conclusions entachées d'erreurs de droit ou de fait n'invalident pas nécessairement l'exercice d'un pouvoir discré- tionnaire—mais, dans certains cas, ils ont statué que des erreurs manifestes de droit ou de fait peuvent être assimilées à un déni de justice et qu'elles justifiaient en conséquence l'octroi d'un bref de mandamus. Par contre, le mandamus a souvent servi de recours contre les abus du pouvoir discrétionnaire lui-même. Bien que les tribunaux se soient déclarés, à maintes reprises, incompétents pour contrôler, sauf en appel, la sagesse ou le caractère raisonnable de l'exercice des pouvoirs discré- tionnaires, ils ont quand même appliqué depuis longtemps des critères jurisprudentiels dans l'appréciation des pouvoirs discré- tionnaires exercés «à titre judiciaire», et c'est ainsi que, très tôt, le mandamus a été reconnu comme un recours propre à redres- ser certaines formes d'abus de pouvoir discrétionnaire. A la différence de l'»obligation» d'appliquer correctement la loi aux faits, l'obligation de respecter ces principes fondamentaux dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire est susceptible, sauf preuve contraire, d'exécution forcée par mandamus. Ainsi, lorsqu'une autorité investie d'un pouvoir discrétionnaire le con- çoit ou l'applique mal en l'exerçant soit dans un but illégitime, soit d'une manière capricieuse, soit en se fondant sur des considérations n'ayant aucun rapport avec l'affaire, soit en ignorant les considérations pertinentes, on peut dire qu'elle a failli complètement à son devoir d'exercer son pouvoir discré- tionnaire ou sa compétence ou encore qu'elle n'a pas entendu et jugé selon la loi et, de ce fait, un bref de mandamus peut être décerné pour l'obliger à s'acquitter de ses fonctions conformé- ment à la loi.
A la vérité, le litige porte sur la question de savoir quels facteurs ont régi la décision du commissaire.
J'ai mentionné plus haut qu'un affidavit du commissaire, daté du 6 décembre 1977, et que je désignerai par premier affidavit, a été versé au dossier. J'ai indiqué, dans les motifs du 9 janvier 1978, [[1978] 2 C.F. 537] qu'il était entaché d'un grave vice de forme. J'ai déclaré dans ces motifs la page 542]:
Pour analyser de façon définitive les questions que j'ai enten- dues jusqu'ici, je n'ai pas eu à me servir de l'affidavit du Commissaire.
Par la suite, le commissaire a déposé un second affidavit daté du 8 février 1978.
Le commissaire a affirmé, dans l'un comme dans l'autre de ces documents, que ni lui, ni ses prédécesseurs, ni aucun de leurs représentants n'avaient jusqu'alors délivré de permis pour le transport ou la détention d'armes à autorisation restreinte, à l'intérieur d'une province (ailleurs que dans une maison d'habitation ou un siège d'affai- res). Un permis de ce genre s'appelle permis C-301. Au contraire, de tels permis ont été délivrés
dans les territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Les deux affidavits indiquent en outre que le pro- cureur général de la Colombie-Britannique a délé- gué le pouvoir de délivrer ces permis pour toutes armes à autorisation restreinte à l'exception des armes automatiques.
Selon ces deux affidavits, seuls les commissaires en fonctions à l'époque ont délivré des permis valides sur tout le territoire canadien (c'est-à-dire le genre de permis demandé par le requérant Mar- tinoff). Ce genre de permis s'appelle un permis C-302.
Voici le texte du paragraphe 10 du premier affidavit:
[TRADUCTION] 10. J'ai été informé, aux termes de renseigne- ments que je tiens pour véridiques:
a) qu'un accord, ci-joint à titre d'annexe «D», a été conclu entre le gouvernement du Canada et celui de la province de la Colombie-Britannique en vue de faire assurer par la Gendarmerie royale du Canada les services provinciaux de police en Colombie-Britannique, aux termes duquel le com mandant des services provinciaux de police serait placé sous les ordres du procureur général pour ce qui est de l'adminis- tration de la justice dans la province; et
b) que le commissaire en fonctions et les agents de la Gendarmerie postés en Colombie-Britannique, selon une vieille pratique encore en vigueur, ont toujours appliqué les directives et les principes établis par le procureur général de cette province pour ce qui est de l'enregistrement des armes à feu et de la délivrance des permis mentionnés au paragraphe 5 ci-dessus et valides sur le territoire d'une province, dans la mesure ces directives et principes ne sont pas contraires à la loi; et
j'ai conclu qu'il est souhaitable, dans l'intérêt du public et de la bonne administration de la justice dans la province de Colom- bie-Britannique, de continuer à respecter cet accord et cette pratique.
Les «permis mentionnés au paragraphe sont des permis C-301 limités au transport ou à la détention d'armes à l'intérieur d'une province.
Pour mieux comprendre ce paragraphe de l'affi- davit, il est nécessaire de rappeler certains faits qui sont maintenant dépassés. Le requérant Martinoff avait demandé au S/e.m. Gossen un permis C-301 afin de transporter certaines armes à autorisation restreinte du poste de police de Vancouver jusque chez lui, d'une part, et de transporter certaines autres de l'établissement d'un armurier de Van- couver jusqu'au bureau du S/e.m. Gossen aux fins d'inspection, d'autre part. De son côté, le requé-
rant Page avait demandé un permis du même genre afin de transporter une arme à autorisation restreinte de chez Martinoff jusqu'au bureau du S/e.m. Gossen. Ce dernier avait refusé de délivrer les permis demandés parce qu'à son avis les armes en question étaient des armes automatiques, pour lesquelles les pouvoirs que lui déléguait le procu- reur général ne lui permettaient ni de délivrer des permis C-301 ni d'instruire les demandes d'enre- gistrement '.
Selon le premier affidavit, le refus du commis- saire de délivrer les permis C-301 était motivé comme suit:
[TRADUCTION] ... ce serait contraire à la fois aux dispositions pertinentes du Code criminel et aux directives et principes établis par le procureur général de la Colombie-Britannique et mentionnés aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus, et de ce fait, une violation de l'accord mentionné au paragraphe 10 ci-dessus, si je délivrais ces permis; en conséquence, j'ai exercé le pouvoir discrétionnaire que je tiens en ma qualité de commissaire de l'alinéa (1)a) et du paragraphe (3) de l'article 97 du Code criminel pour refuser de les délivrer ....
J'ai mentionné dans les motifs antérieurs ces directives et principes établis par le procureur général, à savoir l'interdiction faite aux registrai- res désignés de délivrer des permis ou d'instruire des demandes d'enregistrement, concernant certai- nes armes à autorisation restreinte, dont les armes automatiques.
Il ressortirait d'une interprétation littérale de la déclaration citée ci-dessus que le commissaire se refusait à délivrer un permis C-302 valide en Colombie-Britannique en déférence aux principes et aux voeux émis par le procureur général de cette province.
Le second affidavit ne mentionne plus ni les principes et directives du procureur général de la Colombie-Britannique ni l'accord de coopération policière. (Cf. le paragraphe 10 du premier affida vit, reproduit ci-dessus.)
En ce qui concerne les permis C-302, voici ce que dit le premier affidavit:
[TRADUCTION] 7. J'ai été informé aux termes de renseigne- ments que je tiens pour véridiques que les permis pour la détention d'une arme à autorisation restreinte sur tout le territoire canadien sont rigoureusement réglementés et qu'en dehors des buts visés à l'alinéa (2)c) et au paragraphe (3) de
7 Dans les motifs que j'ai déjà prononcés, j'ai statué que la restriction imposée par le procureur général était inadmissible.
l'article 97 du Code criminel, ils ne peuvent être délivrés que dans certains cas précis aux personnes qui font le commerce légitime des armes à autorisation restreinte ou que leur travail ou profession légitimes obligent à voyager dans les contrées sauvages et éloignées du Nord et, de ce fait, à se servir d'une arme à feu pour se défendre contre les animaux sauvages, sous réserve des conditions suivantes:
si, de par son travail, l'intéressé doit affronter les bêtes sauvages plutôt que les éviter, et dans la mesure le calibre de l'arme assure une protection suffisante;
si l'intéressé est autorisé à exercer le métier de trappeur, de prospecteur, de géologue, d'estimateur de bois, etc., dont il tire ses principaux revenus, et qu'il lui faut se rendre, muni de son équipement, dans des régions éloignées pour une période prolongée, dans la mesure le calibre de l'arme assure une protection suffisante.
Dans le second affidavit, cette déclaration revêt la forme suivante:
[TRADUCTION] 7. J'ai posé pour principe qu'à présent les permis de détention d'arme à autorisation restreinte sur tout le territoire canadien doivent être rigoureusement réglementés et qu'en dehors des buts visés à l'alinéa (2)c) et au paragraphe (3) de l'article 97 ancien du Code criminel (aujourd'hui l'alinéa (2)c) et le paragraphe (3) de l'article 106.2 nouveau), ils ne peuvent être délivrés que dans certains cas précis aux personnes qui font le commerce légitime d'armes à autorisation restreinte ou que leur travail ou profession légitimes obligent à voyager dans les contrées sauvages et éloignées du Nord et, de ce fait, à se servir d'une arme à feu pour se défendre contre les animaux sauvages, sous réserve des conditions suivantes:
(i) si, de par son travail, l'intéressé doit affronter les bêtes sauvages plutôt que les éviter, et dans la mesure le calibre de l'arme assure une protection suffisante;
(ii) si l'intéressé est autorisé à exercer le métier de trappeur, de prospecteur, de géologue, d'estimateur de bois, etc., dont il tire ses principaux revenus, et qu'il lui faut se rendre, muni de son équipement, dans des régions éloignées pour une période prolongée, dans la mesure le calibre de l'arme assure une protection suffisante.
La différence entre les deux versions est subtile. Le premier affidavit ne parle pas de principe, tandis que, dans le second, la déposition du com- missaire a trait à un principe précis, en vigueur en février 1978. Ce principe ne diffère pas des prati- ques antérieures régissant la délivrance, probable- ment par d'autres, des permis C-302.
Il y a lieu de noter que le commissaire Sim- monds n'est entré en fonctions que le l er septembre 1977 et que la demande de permis C-302 formulée par Martinoff était peut-être sa première affaire en la matière. Ce que j'ai appelé «pratique» anté- rieure et ce que l'actuel commissaire a qualifié de «principe» sont la reproduction quasi textuelle des directives, publiées le l er décembre 1976, du minis- tre de la Justice et du solliciteur général.
Toutefois, en ce qui concerne le paragraphe 4 de
la requête en instance, les deux affidavits déclarent (je cite ici le second affidavit):
[TRADUCTION] d) en ce qui concerne la question visée au paragraphe 4 de la requête en instance, j'ai conclu à la lumière des documents fournis par le requérant Michael John Marti- noff que ce dernier n'appartenait à aucune des catégories mentionnées au paragraphe 7 ci-dessus et j'ai, en conséquence, exercé le pouvoir discrétionnaire que je tiens en ma qualité de commissaire de la Gendarmerie royale du Canada du paragra- phe 97(8) ancien du Code criminel pour refuser de délivrer au sieur Michael John Martinoff un permis C-302 de détention d'armes à autorisation restreinte sur tout le territoire canadien.
En étudiant les mémoires et en écoutant les plaidoiries, je me suis tout d'abord attaché à éta- blir si le commissaire, avant de prendre sa déci- sion, avait considéré, à titre de cas d'espèce, la demande du requérant Martinoff et les faits y afférents ou si, au contraire, il avait par routine appliqué, tel quel sans se soucier des faits de l'espèce, comme c'était le cas dans Lloyd c. Super intendent of Motor Vehicles 8 un principe général antérieurement établi par ses prédécesseurs et par deux ministres de la Couronne.
L'application de directives ou de principes préé- tablis, à l'égard des demandes de licences, permis ou autres, ou en matière de décisions judiciaires ou quasi judiciaires, n'invalide pas nécessairement l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de décision. A mon avis, la condition essentielle de validité d'un tel exercice est que chaque demande ou chaque affaire soit instruite à titre de cas d'espèce. A ce prix, la décision prise n'est pas sujette au contrôle judiciaire, quand bien même, de l'avis du tribunal, elle serait fondée sur la conclusion que l'intéressé appartenait, ou n'appartenait pas, selon le cas, à une catégorie visée par ces directives ou principes préétablis 9 .
Je suis convaincu que le commissaire a instruit la demande du requérant Martinoff à titre de cas d'espèce et qu'il a conclu que ce dernier n'avait pas établi, à sa satisfaction, qu'il avait besoin, à travers le territoire canadien, d'armes à autorisation res- treinte pour sa propre protection ou pour le tir à la cible. Le commissaire n'a pas manqué à son devoir
8 [1971] 3 W.W.R. 619.
9 Cf. Lloyd c. Superintendent of Motor Vehicles, supra, aux pp. 626 et 627 (C.A.C: B.). Re Cruikshank (1976) 64 D.L.R. (3e) 420, à la p. 424 (C.S.C.-B.). Re Purdy (1975) 20 C.C.C. (2e) 247 (C.S.T.N.-O.).
de s'acquitter légalement de ses fonctions. Il a effectivement instruit la demande et pris sa déci- sion comme l'exigent ses fonctions. Sa décision n'était pas favorable au requérant, mais la Cour n'a ni le droit ni les raisons d'intervenir.
Je refuse donc de rendre l'ordonnance demandée au paragraphe 4 de la requête.
Il me reste à juger le paragraphe 5 de la requête, paragraphe qui a été ajouté en février 1978 avec le consentement des parties et qui porte:
[TRADUCTION] 5. que l'intimé R. H. Simmonds, commissaire de la GRC, accueille la demande de John Michael Page tendant à faire enregistrer son arme à feu Winchester M-2, 1133659, et celles de Michael John Martinoff tendant à faire enregistrer ses trois armes à feu Voere American 180, A004866, Plainfield M-2, 793-A, et Harrington & Richard- son Reising M-50, 2136, comme si ces demandes étaient parvenues à son bureau à Ottawa, avant le 1" janvier 1978.
Pour mieux comprendre le paragraphe ci-dessus, il me faut rappeler certains faits.
Le requérant Page avait déposé le 29 juillet 1977, sous le régime de l'«ancienne» réglementa- tion des armes à feu, une demande d'enregistre- ment de son Winchester M-2. Le S/e.m. Gossen refusa le 13 septembre 1977 d'instruire cette demande pour le motif que les pouvoirs à lui délégués par le procureur général de la Colombie- Britannique ne l'autorisaient pas à instruire les demandes d'enregistrement d'armes automatiques. A cause de ma décision du 13 décembre 1977 en faveur du requérant Martinoff, le procureur géné- ral de la Colombie-Britannique a donné l'ordre au S/e.m. Gossen d'instruire une demande du requé- rant Page visant l'enregistrement du Winchester M-2. Ce dernier refit une demande datée du 20 ou du 21 décembre 1977 et le S/e.m. Gossen l'expé- dia par la poste le 22 décembre 1977 au commis- saire. Pour une raison quelconque, la demande ne parvint à destination que le 3 janvier 1978.
A cette date, la nouvelle loi était déjà en vigueur et le Winchester M-2 n'était plus une arme à autorisation restreinte. A compter du 1e' janvier 1978, il était devenu une arme prohibée.
Dans son second affidavit, le commissaire affirme que s'il avait reçu la demande en question avant le ler janvier, il aurait enregistré l'arme et délivré le certificat d'enregistrement; étant donné l'ambiguïté de la nouvelle loi, il a demandé un avis
juridique sur la question et, dans l'attente de la réponse, se refusait à prendre une décision.
Lorsque la Cour reprit en juin l'audition de la requête en instance, un jugement avait été rendu dans l'affaire Lemyre et il devint alors apparent que le commissaire n'accueillerait pas la demande d'enregistrement pour les mêmes motifs que ceux qui ont été prononcés par le juge Marceau.
Voyons maintenant les demandes du requérant Martinoff tendant à faire enregistrer le Voere American 180, le Plainfield M-2 et le Harrington & Richardson Reising M-50.
Dans sa requête initiale, le requérant Martinoff concluait à une ordonnance enjoignant au S/e.m. Gossen d'instruire ses demandes d'enregistrement d'un MAC-10 et d'un PMCM-2, demandes qui
avaient été déposées initialement le 29 juin 1977. J'ai ordonné le 13 décembre 1977 ° au S/e.m. Gossen d'instruire ces demandes, mais à cette époque, l'armurier de Montréal qui était le four- nisseur du requérant Martinoff ne pouvait lui livrer les armes en question. Il fut alors convenu que le S/e.m. Gossen instruirait les demandes d'enregistrement d'armes destinées à remplacer les armes en question. C'est ainsi que fut déposée la demande portant sur les trois armes mentionnées au paragraphe 5. La demande portant sur le Voere fut présentée au S/e.m. Gossen le 27 décembre 1977.
Je cite le passage suivant de l'affidavit en date du 17 février 1978 du requérant Martinoff.
[TRADUCTION] 4. que le S/e.m. Gossen m'a fait savoir, lors du dépôt de ma demande d'enregistrement de mon arme à feu Voere American 180, qu'il avait reçu l'ordre du commissaire de la GRC de lui transmettre immédiatement par des moyens électroniques les demandes d'enregistrement d'armes automati- ques, qu'à cette fin il pouvait utiliser les appareils électroniques de la GRC à Vancouver, qu'il décidait cependant de transmet- tre les demandes en question par la voie postale plutôt que par les moyens électroniques, et que peu lui importait si ces deman- des arrivaient à destination après le lei janvier.
Par voie d'affidavit, le S/e.m. Gossen réfute l'affirmation selon laquelle il ne voulait recourir qu'à la transmission postale. Des affidavits de MM. Hough, Backus et Cropper et un autre affi davit du requérant Martinoff ont été versés au dossier pour confirmer ce qu'a déclaré ce dernier dans le passage cité ci-dessus.
Aucun de ces affidavits n'a fait l'objet d'un contre-interrogatoire par qui que ce soit et je ne formule aucune conclusion quant à la question de savoir lequel est conforme à la vérité.
La demande concernant l'enregistrement du Voere, postée le 28 décembre 1977 par le S/e.m. Gossen ne parvint au bureau du commissaire qu'a- près le ler janvier 1978.
Les demandes concernant l'enregistrement du Plainfield M-2 et du Harrington & Richardson Reising M-50 furent déposées au bureau du S/e.m. Gossen dans l'après-midi du vendredi 30 décembre 1977. Les trois jours suivants étaient des jours fériés et c'est seulement le 3 janvier 1978, que ce dernier envoya ces demandes au commis- saire par la poste.
Comme dans le cas des armes appartenant au requérant Page, ces trois armes étaient classées armes à autorisation restreinte jusqu'au ler janvier 1978, date à laquelle elles sont devenues armes prohibées.
Le requérant Martinoff a remarquablement bien plaidé contre l'application du précédent Lemyre. Plusieurs de ses arguments n'avaient peut-être pas été soumis au juge Marceau qui avait à trancher une question épineuse. Les opinions peuvent être partagées à ce sujet. Le Z ef juin 1978 je me suis proposé de suivre le précédent Lemyre, je ne reviendrai pas sur ma déclaration. A mon avis, il est souhaitable de veiller à l'uniformité des déci- sions et de traiter sur le même pied les citoyens touchés par la loi en vigueur à compter du ler janvier 1978.
Par conséquent, aux fins de la requête en ins tance, je souscris aux principes énoncés dans la décision du juge Marceau et rejette le paragraphe 5 de cette requête.
J'ai recommandé le 1 er juin 1978 au requérant Martinoff d'interjeter appel de ma décision con- cernant le paragraphe 5 de sa requête afin d'obte- nir l'avis des juridictions supérieures. Je crois qu'un appel a été déposé dans l'affaire Lemyre. Je réitère mon invitation aux requérants Martinoff et Page de se pourvoir en appel. Il est possible que tous ces appels soient entendus en même temps. Je n'en sais rien. Quoi qu'il en soit, je conseille aux
requérants, s'ils s'y décident, de se pourvoir en appel dans le délai requis pour sauvegarder leurs droits au cas où, pour une raison quelconque, il y a désistement ou péremption dans l'appel Lemyre.
Les dépens ne seront pas adjugés pour l'ensem- ble de la requête.
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