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A-364-78
Paul L'Anglais Inc. et J.P.L. Productions Inc. (Requérantes)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail (Intimé)
et
Le Syndicat canadien de la Fonction publique, le procureur général de la province de Québec et le procureur général du Canada (Mis-en-cause)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Pratte et Le Dain—Montréal, le 15 mars 1979.
Examen judiciaire Relations du travail Le Conseil canadien des relations du travail a déclaré que les requérantes étaient des entreprises fédérales soumises à sa juridiction Il s'agit de savoir s'il faut rejeter la demande fondée sur l'art. 28 attendu que la décision attaquée n'est pas une décision au sens de l'art. 28 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 2, 108, 120.1, 133.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Guy Dufort et André Comtois pour les requérantes.
George A. Allison, c.r. pour l'intimé.
Richard Cleary pour le mis-en-cause Syndicat canadien de la Fonction publique.
Louis Crête et Henri Brun pour le mis-en- cause procureur général de la province de Québec.
Jacques Ouellet pour le mis-en-cause procu- reur général du Canada.
PROCUREURS:
Johnston, Heenan & Blaikie, Montréal, pour les requérantes.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac - Kell & Clermont, Montréal, pour l'intimé.
Trudel, Nadeau, Létourneau, Lesage & Cleary, Montréal, pour le mis-en-cause Syn- dicat canadien de la Fonction publique.
Bilodeau, Flynn & Roy, Montréal, pour le mis-en-cause procureur général de la province de Québec.
Le sous-procureur général du Canada pour le mis-en-cause procureur général du Canada.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro- noncés en français à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Cette requête, présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, est dirigée contre une décision du Conseil canadien des relations du travail déclarant que les requérantes sont des entreprises fédérales tombant sous la juridiction du Conseil.
Le 3 juin 1977, le Syndicat canadien de la Fonction publique présentait au Conseil une requête en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1,' dans le but de faire déclarer que les deux sociétés qui sont requé- rantes devant cette cour constituaient, avec la société Télé-Métropole Inc., un employeur unique et une entreprise fédérale unique.
Comme les deux sociétés requérantes préten- daient qu'elles n'étaient pas, vu la nature de leurs activités, des entreprises fédérales au sens des arti cles 2, 108 et 133 du Code, 2 une audition eut lieu devant le Conseil au cours de laquelle les parties eurent l'occasion de soumettre leurs preuves et argumentations sur cette question. Au terme de cette audition le Conseil prononça la décision atta- quée dont le dernier paragraphe se lit R1979] 1979] 2
1 L'article 133 se lit comme suit:
133. Lorsque le Conseil est d'avis que des entreprises fédérales associées ou connexes sont exploitées par deux employeurs ou plus qui assument en commun le contrôle ou la direction, il peut, après avoir donné aux employeurs la possibilité raisonnable de présenter des observations, décla- rer, par ordonnance, qu'à toutes fins de la présente Partie ces employeurs ainsi que les entreprises exploitées par eux que l'ordonnance spécifie, constituent respectivement un employeur unique et une entreprise fédérale unique.
2 Les articles 2 et 108 se lisent en partie comme suit: 2. Dans la présente loi
«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» ou «entreprise fédérale» signifie tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant au pouvoir législatif du Parlement du Canada, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui précède:
J) toute station de radiodiffusion;
108. La présente Partie s'applique aux employés dans le cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux organisa tions patronales groupant ces patrons et aux syndicats grou- pant ces employés.
Can. L.R.B.R. 332, la page 341] comme suit:
Nous concluons donc que Télé-Métropole Inc., Paul L'An- glais Inc. et J.P.L. Productions Inc. sont des entreprises fédéra- les, et que leurs employés effectuent du travail qui tombe sous la juridiction du Code canadien du travail. Dans les circons- tances, le Conseil poursuivra son enquête pour déterminer s'il y a lieu d'appliquer l'article 133 aux trois compagnies fédérales en question.
L'avocat du Syndicat canadien de la Fonction publique a soutenu que la requête des requérantes devait être rejetée parce que la décision attaquée n'était pas une véritable décision au sens de l'arti- cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale et il a invoqué, au soutien de son argument, la décision de cette cour dans l'affaire B.C. Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F. 1194.
Comme nous l'avons dit à l'audience, nous croyons cet argument bien fondé.
Dans l'affaire B.C. Packers Ltd. (supra), nous avons décidé que «l'affirmation ou l'opinion du Conseil quant à sa compétence ne constitue pas une `décision' au sens de l'article 28». Dans la présente affaire, le Conseil, en affirmant que les requérantes étaient des entreprises fédérales, s'est prononcé sur sa propre compétence parce qu'il n'a fait autre chose que de dire que les deux requéran- tes étaient des entreprises à l'égard desquelles le Conseil pouvait exercer le pouvoir que lui confère l'article 133. En exprimant ses conclusions sur ce point, le Conseil n'a pas prononcé une décision au sens de l'article 28 parce que, comme nous l'avons dit dans l'arrêt B.C. Packers Ltd., la Loi ne lui confère pas le pouvoir de décider de sa propre compétence.
Contrairement à ce qu'ont soutenu les avocats des requérantes, l'article 133 ne confère pas au Conseil le pouvoir de décider quelles entreprises sont des entreprises fédérales sujettes à la juridic- tion du Conseil. Cet article accorde seulement au Conseil le pouvoir de décider quelles entreprises fédérales doivent être déclarées être des employeurs uniques.
Le principal argument des requérantes sur ce point, cependant, était fondé sur l'article 120.1 du Code canadien du travail, une disposition nouvelle
en vigueur depuis le ler juin 1978 qui aurait eu pour conséquence, suivant les requérantes, d'enle- ver toute autorité à l'arrêt B.C. Packers Ltd.
Ce nouvel article 120.1 se lit comme suit:
120.1 (1) Lorsque, pour statuer de façon définitive sur une demande ou une plainte, le Conseil doit juger deux ou plusieurs points litigieux qui en découlent, il peut, s'il est convaincu pouvoir le faire sans porter atteinte aux droits d'aucune des parties aux procédures, rendre une décision tranchant seule- ment un ou quelques-uns des points litigieux et remettre à plus tard sa décision sur les autres points.
(2) Toute décision mentionnée au paragraphe (1) est défini- tive, à moins que le Conseil n'en stipule autrement.
(3) Au présent article, le mot «décision» comprend une ordonnance, une détermination et une déclaration.
En déterminant que les requérantes étaient des entreprises fédérales soumises à sa juridiction, le Conseil aurait tout simplement, a-t-on soutenu, exercé le pouvoir nouveau que lui confère l'article 120.1 et sa décision ou détermination devrait, sui- vant le texte de l'article 120.1(2), être tenue pour définitive.
Cet argument doit, à notre avis, être rejeté.
Suivant l'article 120.1, le Conseil, lorsqu'il est saisi d'une demande ou d'une plainte, peut, au lieu de la décider d'un seul coup en y faisant droit ou en la rejetant, la décider par étapes en tranchant l'un après l'autre chacun des points litigieux. Cet article concerne seulement la façon dont le Conseil peut juger les questions qui relèvent de sa compé- tence et il n'a pas pour effet de lui accorder le pouvoir qu'il ne possédait pas auparavant de se prononcer sur sa propre compétence.
Pour ces motifs, la requête sera rejetée.
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