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A-525-78
E.W. Bickle Ltd. (Requérante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Urie et le juge suppléant Kelly—Vancouver, le 27 mars 1979.
Examen judiciaire Taxe de vente fédérale Exemptions Journaux Une disposition de l'annexe de la Loi prévoit qu'il appartient au Ministre seul de juger si un imprimé entre dans l'une des catégories exemptées Le Ministre a conclu que les publications en cause, étant consacrées à la publicité, n'étaient pas exemptées bien qu'elles s'accordent à la défini- tion de «journal» établie par la Cour suprême Il s'agit de savoir si l'art. 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale s'applique à la décision contestée Dans l'affirmative, il s'agit de savoir s'il y a lieu d'annuler la décision du Ministre pour cause d'erreur de droit Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28(1) Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 27, 29(1), annexe III, Partie III, art. 3.
Cette demande fondée sur l'article 28 vise l'annulation d'une décision du ministre du Revenu national, selon laquelle certai- nes publications ne sont pas des journaux exemptés de la taxe de vente fédérale comme le prévoit l'article 3 de la Partie III de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Aux termes de la dernière disposition de la Partie III, il appartient au Ministre seul de juger si quelque imprimé entre dans l'une des catégories exemptées. Il a conclu que les publications en cause n'étaient pas des journaux bien qu'elles tombent dans la définition de «journal», établie auparavant par la Cour suprême. La Cour doit conclure si l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale s'applique à la décision contestée et, dans l'affirmative, si la décision du Ministre devrait être annulée au motif qu'elle a été rendue par suite d'une erreur de droit.
Arrêt: la demande est accueillie. Bien que la décision soit de nature administrative, elle doit être soumise à un processus quasi judiciaire, car l'assujettissement à l'impôt dépend de cette décision. La loi n'accorde pas au Ministre le pouvoir, discré- tionnaire ou autre, de modifier la portée de l'exemption. En rendant sa décision sur l'application éventuelle de celle-ci, le Ministre doit examiner les faits et appliquer à la lettre la disposition prévoyant l'exemption. En l'espèce, le mot impor tant, «journal», a fait l'objet d'un jugement de la Cour suprême du Canada. Le Ministre a écarté ce jugement en invoquant le pouvoir discrétionnaire à lui conféré par la loi, et qu'il considère sans doute comme lui permettant de modifier la portée de l'exemption, qui serait autre si le point de vue de la1Cour suprême était adopté. Le Ministre a commis une erreur de droit car rien dans la loi ne lui permet de faire autre chose que «juger» si la disposition de l'article en question de la Partie III s'applique aux faits qui lui sont soumis. On ne peut dire que la décision du Ministre aurait été la même s'il avait tenu compte du sens ordinaire du mot «journal» plutôt que d'appliquer la définition arbitraire communiquée à la requérante par son Ministère.
Arrêt appliqué: R. c. Montreal Stock Exchange [1935] R.C.S. 614.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Menin W. Shepard pour la requérante. Karl Burdak pour l'intimé.
PROCUREURS:
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Cette demande, présentée en vertu de l'article 28, vise l'annulation d'une décision rendue par le ministre du Revenu national et selon laquelle certaines publications, à savoir:
a) Rapid Auto Mart Magazine,
b) The Century Gold Post,
c) Real Estate Victoria, et
d) Buy, Sell and Trade,
ne sont pas des journaux dégrevés de la taxe de vente fédérale comme le prévoit l'article 3, Partie III, annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13.
Les pièces pertinentes du dossier sont:
1. Une lettre du 2 mai 1978 envoyée par le ministère du Revenu national, à la requérante et dont certains passages se lisent comme suit: [TRADUCTION] La cotisation a été examinée par le gestion- naire de district, Bureau de la taxe d'accise du district de Victoria, et ce qui suit confirme, compte tenu de la jurispru dence, la situation fiscale existant à l'égard des publications faisant l'objet de la cotisation.
Nous avons examiné l'hebdomadaire «Buy Sell & Trade», livraison du 14 au 20 février. Comme il ne contient que des annonces, il a été décidé qu'il s'agissait d'une publication imposable.
Nous avons examiné l'hebdomadaire «Real Estate Victoria», livraison du 10 au 16 février. Comme il est composé d'an- nonces dans une proportion supérieure à 95 p. 100, il a été décidé qu'il s'agissait également d'une publication imposa- ble.
Le «Century 21 Gold Post», publié irrégulièrement ne con- tient que des annonces. En conséquence, il s'agit d'une publication imposable. La note «supplément publicitaire à la Comox District Free Press» imprimée au bas de la dernière page, est insuffisante pour que l'on puisse considérer cette publication comme faisant partie d'un journal.
La publication «Rapid Auto Mart Magazine», livraison du 28 février 1978, a été examinée. Ne contenant que des annonces, elle est imposable.
Les présents critères de définition d'un «journal» exempté de la taxe en vertu des dispositions de l'annexe III, Partie III, article 3 de la Loi sur la taxe d'accise sont les suivants:
Il doit s'agir d'une publication périodique
—de format semblable à celui d'un journal et constituée d'une ou de plusieurs pages numérotées;
—portant à la page frontispice un label indiquant la date de publication ainsi que l'année de la parution;
dont une partie importante est consacrée à l'éditorial, comme des nouvelles d'intérêt local ou général, quelques annonces ainsi que d'autres textes imprimés qui peuvent ou non paraître dans un journal authentique (recettes de cui sine, chroniques de mode, récits, poèmes, etc.);
—qui constitue un moyen de communication pour le public, ou qui jouit d'un certain tirage et est publiée régulièrement, d'habitude tous les jours, une ou deux fois par semaine ou une fois par mois;
et les annonces ne doivent pas occuper plus de soixante-dix pour cent de l'espace dans plus de cinquante pour cent des numéros parus.
La note supplément publicitaire du «Century 21 Gold Post» ne suffisait pas pour satisfaire aux exigences voulant que la date de publication ainsi que l'année de parution y figurent sur la page frontispice.
Les autres publications n'étant pas des suppléments d'un journal, ils ne remplissaient pas les dernières exigences susmentionnées, voulant qu'elles ne contiennent pas plus de 70 p. 100 d'annonces dans plus de 50 p. 100 des numéros parus.
Il est entendu que si vous désirez contester les décisions susmentionnées ainsi que la cotisation qui en découle, le litige devrait présentement, comme nous en avons parlé, être porté à l'attention de M. H.G. Billingsley, directeur de la région de Vancouver, B.P. 69090, Succursale postale «K», Vancouver (C.-B.).
2. Une lettre du 6 juin 1978 envoyée par les avocats de la requérante, au Ministère et qui dit notamment:
[TRADUCTION] A la suite de notre conversation téléphoni- que, je vous écris pour faire valoir nos arguments. Selon nous, un certain nombre de nos publications ne sont pas assujetties à la taxe en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Les publications en question sont: Rapid Auto Mart Maga zine, Century 21 Gold Post, Real Estate Victoria et Buy, Sell & Trade.
Nous sommes d'avis que toutes ces publications sont des journaux au sens de l'article 3, Partie III, annexe III, de la
Loi sur la taxe d'accise. En conséquence, elles devraient toutes être exemptées de la taxe.
Même s'il semble que le Ministère ait établi des critères aux fins de déterminer si une publication est un journal ou non, ces critères n'ont pas force de loi.
Il faut plutôt se référer au texte de loi ainsi qu'à la jurispru dence. A ce propos, la loi se contente d'employer le mot «journaux». Comme je n'ai pu trouver qu'un seul précédent pouvant s'appliquer au litige, je joins aux présentes, pour votre gouverne, copie de celui-ci. Vous constaterez que cette cause a été entendue par la Cour de l'Échiquier puis par la Cour suprême du Canada. Un jugement a été rendu en 1935, et je crois qu'il n'a pas été contesté. Il portait directe- ment sur l'utilisation du mot «journaux» dans la Loi sur la taxe d'accise, et lui donnait un sens extrêmement large. A mon avis, les définitions mentionnées par la Cour suprême du Canada et la Cour de l'Échiquier ont une portée assez générale pour englober les publications de ma cliente.
M. Billingsly, comme vous le savez, a attiré mon attention sur l'alinéa du dernier paragraphe de la Partie III, annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise. Cet alinéa vise à conférer au ministre du Revenu national le pouvoir exclusif de dire si un imprimé est un journal. Ledit alinéa réussit passablement bien à exclure la compétence de la Commission du tarif conformément à la Loi sur la taxe d'accise. En conséquence, il n'existe aucun autre appel de la décision rendue sur ce fondement par le Ministre, si ce n'est l'appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. J'inclus sous pli une copie de cet article.
Vous constaterez qu'il s'applique nonobstant les dispositions de toute autre loi, même de la Loi sur la taxe d'accise. Bien qu'il soit loisible au Ministère de considérer la conclusion tirée en l'instance par le Ministre comme une décision administrative sans fondement judiciaire ou quasi judiciaire, la disposition de la Loi sur la taxe d'accise dit en fait qu'il appartient au Ministre seul de «juger» et sa décision impli- que l'interprétation d'un texte de loi qui porte sur les droits de nombreux contribuables. Les tribunaux tendent à consi- dérer les décisions administratives comme liées à l'intérêt et à la commodité du public. Ils ne voient pas d'un œil favora ble les décisions sans appel rendues par les fonctionnaires publics, même les ministres de la Couronne.
Si je comprends bien, vous me dites que le Ministre n'a pas encore rendu de décision dans cette affaire. S'il y prononce une décision contraire à l'avis que j'ai exprimé, je m'attends à ce que ma cliente me donne instructions d'interjeter appel de la décision en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, et je suis d'avis que ce tribunal confirmera mon interprétation de la loi.
3. Une lettre du 6 juillet 1978 envoyée par les avocats de la requérante et qui confirme la position déjà soutenue en ajoutant ceci:
[TRADUCTION] En fin de compte, je confirme qu'une déci- sion officielle de la part du Ministre sera nécessaire seule- ment à l'égard de ce qui suit:
1. Le numéro du Real Estate Victoria du 3 au 9 février 1978.
2. Le numéro de Rapid Auto Mart Magazine dont la date d'expiration est le 28 février 1978.
3. Le numéro 16, volume 3 de Buy, Sell & Trade portant les dates du 18 au 24 avril.
4. Le numéro 21 de Century 21 Gold Post.
Nous acceptons la décision que le Ministre rendra sur chacun de ces numéros, et nous la considérerons comme englobant toutes les livraisons de ces publications, et ce, jusqu'à ce jour. Cependant, si j'ai bien compris, le Ministre et ses fonctionnaires seront liés jusqu'à ce jour, en ce qui concerne toutes les livraisons de ces publications, par la décision d'une commission ou d'une cour, rendue à l'égard des quatre publications choisies. Enfin, si j'ai bien saisi, nous acceptons aussi d'être liés par une telle décision rendue à l'égard de toutes les livraisons de ces publications qui circu- lent encore aujourd'hui.
4. Une lettre du 24 août 1978, envoyée par les avocats de la requérante, au ministre du Revenu national et portant ce qui suit:
[TRADUCTION] Conformément aux instructions de M. I. Ferguson, chef régional des services administratifs à Van- couver, je vous adresse dans cette caisse tous les exemplaires supplémentaires des publications dont dispose ma cliente, E.W. Bickle Ltd.
Je présume que Messieurs Ferguson et Hugh Anderson M.P., vous ont fourni tous les autres documents nécessaires pour que vous puissiez rendre une décision.
Nous vous demandons de statuer que les publications ci- incluses sont des journaux aux fins de l'exemption prévue par l'article 3, Partie III de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Notre demande se fonde sur la définition du mot journal, laquelle est énoncée dans l'arrêt: Le Roi c. Montreal Stock Exchange and Exchange Printing Co. (1 DTC 288 et 307).
5. Une lettre du 28 septembre 1978 envoyée par le Ministre aux avocats de la requérante et dont voici quelques extraits:
[TRADUCTION] Merci pour votre lettre du 24 août 1978 concernant l'application de la taxe de vente fédérale aux publications suivantes: «Rapid Auto Mart Magazine», «The Century Gold Post», «Real Estate Victoria» et «Buy, Sell & Trade» lesquelles sont publiées par E.W. Bickle Ltd., de Courtenay (C.-B.).
J'ai examiné ces publications et trouvé qu'elles sont avant tout des prospectus publicitaires. Les publications de ce genre ne jouissent pas du régime d'exemption accordé aux journaux, et je ne puis que confirmer les décisions antérieu- res les assujettissant à la taxe de vente.
J'ai pris note de votre référence à l'arrêt «Le Roi c. Montreal Stock Exchange and Exchange Printing Co.»; et je dois vous informer qu'au cours des années, d'autres personnes l'ont communiqué à notre Ministère. Après en avoir parlé à notre conseiller juridique, nous sommes d'avis qu'il ne s'agit pas d'un précédent, et qu'il n'interdit pas au ministre du Revenu national d'exercer le pouvoir discrétionnaire à lui conféré par la Loi sur la taxe d'accise.
(Cette lettre du Ministre constitue une décision qui est contestée par la présente demande présen- tée en vertu de l'article 28.)
L'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise impose une taxe de vente sur les marchandises produites, fabriquées ou importées au Canada, et l'article 29(1) en accorde l'exemption pour ce qui est des articles mentionnés à l'annexe III de ladite loi. L'article 3 de la Partie III, annexe III, men- tionne entre autre les «journaux». A la fin de la Partie III on peut lire la phrase suivante:
Il appartient au Ministre seul de juger si quelque imprimé entre dans l'une quelconque des catégories énumérées aux articles 1, 3, 5, et 8 de la présente Partie.
Dans Le Roi c. Montreal Stock Exchange [1935] R.C.S. 614, la question s'est posée de la portée que pouvait avoir le mot «journaux» de l'annexe III, et ce, au moment les mots cités ne figuraient pas dans la Partie III. Ce litige est par suite d'une action en réclamation de la taxe de vente dont la défenderesse demandait à être exemptée; les motifs pertinents du jugement rendu par la Cour suprême du Canada sont ainsi libellés [aux pages 615 à 617]:
[TRADUCTION] Pendant plusieurs années la Bourse de Mont- réal et plus tard l'Exchange Printing Company a imprimé vers midi, chaque jour ladite Bourse tenait séance, un feuillet sur lequel figuraient les opérations boursières qui y avaient été effectuées le matin. Un rapport semblable figuraient ses opérations boursières pour le reste de la journée était aussi imprimé. Les opérations boursières du marché hors-cote de Montréal étaient publiées de la même façon. Chaque semaine on imprimait «deux analyses comparées»,- l'une portant sur les opérations admises à la cote, l'autre ayant trait aux opérations hors-cote.
Ces rapports contenaient de temps à autre des avis de dividendes, d'assemblées annuelles et de perte de certificats; ils établissaient la liaison avec les compagnies dont les actions étaient cotées à la Bourse. Les publications hebdomadaires, en sus des résumés relatifs aux activités commerciales de la semaine contenaient un tableau comparatif des activités com- merciales de la semaine en question et de celles qui avaient eu lieu dans la semaine correspondante de l'année précédente.
Les membres de la Bourse étaient les principaux utilisateurs de ces rapports pour lesquels ils versaient une cotisation en fonction d'une échelle mobile. Cependant, des exemplaires des rapports, étaient échangés avec d'autres institutions semblables situées au Canada et aux États-Unis. Quelques exemplaires étaient vendus à des profanes et selon le témoignage du secrétaire-trésorier intérimaire de la Bourse, le public pouvait s'abonner à ces rapports.
En l'espèce, le mot en discussion n'est défini dans aucun texte de loi portant sur la même matière, et on ne peut que lui
attribuer son sens général. Le Webster's New International Dictionary fournit une définition du mot «journal» qui est exprimée en termes correspondants dans d'autres dictionnaires faisant autorité. La voici:
une publication imprimée à intervalles réguliers *** consa- crée à la communication de nouvelles *** et d'autres affaires d'intérêt public.
Les rapports en question réunissent ces éléments; le simple fait qu'une publication particulière s'adresse uniquement à une partie du public ne limite pas l'expression en question aux publications religieuses ou amicales. Les rapports en question contiennent non seulement un relevé des opérations du marché coté et hors-cote de la Bourse, mais aussi des renseignements pour ceux qui sont intéressés à ces opérations; les autres articles paraissant de temps à autre consistaient à fournir «des nouvel- les, de nouveaux renseignements et aussi à communiquer des événements récents» (voir le Concise Oxford Dictionary pour la définition du mot «nouvelles»).
Étant d'avis que les publications constituent des journaux aux fins de la Loi spéciale des revenus de guerre, les intimés se sont placés dans le cadre d'une disposition d'exemption fiscale.
La première question à examiner en ce qui concerne cette demande présentée en vertu de l'article 28, est de savoir si l'article 28(1) de la Loi
sur la Cour fédérale' s'applique à la décision contestée.
Bien que la décision en cause ait été rendue en vertu d'une disposition de la loi selon laquelle il appartient au Ministre «seul de juger» si les publi
cations en question répondent à la définition du mot «journaux», l'emploi du mot «juger» n'a pas pour effet d'attribuer à la décision un caractère judiciaire pour la différencier d'une décision de nature administrative. En fait, la disposition con-
fère au Ministre responsable de l'administration de
I Voici le libellé de l'article 28(1):
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
la Loi, le pouvoir exclusif de décider, dans l'exer- cice de cette administration, quels sont les articles qui tombent dans le champ d'application de cette disposition d'exemption fiscale. Toutefois, bien que la décision soit, à mon avis, de nature administra tive, elle doit être soumise à un processus quasi judiciaire, car l'assujettissement à l'impôt dépend de cette décision. 2 En conséquence je suis d'avis, depuis l'adoption de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, une telle décision peut être révisée en vertu de l'article 28(1) de ladite loi, que la décision eût pu ou non être contestée avant cette adoption pour avoir été fondée sur une fausse conception de la portée juridique de l'exemption.
L'autre question à examiner est celle de savoir si la décision du Ministre devrait être annulée au motif qu'elle a été rendue par suite d'une erreur de droit.
En résumé, si j'ai bien compris, les «journaux» sont exemptés depuis fort longtemps de la taxe de vente en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et tout récemment, il appartenait au Ministre seul de «juger» si une publication particulière tombait dans le champ d'application de l'exemption. Cependant si je comprends bien la loi, le Ministre n'a pas le pouvoir, discrétionnaire ou autre, de modifier la portée de ladite exemption. En rendant sa décision sur l'application éventuelle de celle-ci, le Ministre doit, selon moi, examiner les faits et appliquer à la lettre la disposition prévoyant l'exemption. En l'es- pèce, le mot important, «journal», -a fait l'objet d'un jugement de la Cour suprême du Canada. Le Ministre a écarté ce jugement en invoquant le pouvoir discrétionnaire à lui conféré par la loi, et qu'il considère sans doute comme lui permettant de modifier la portée de l'exemption, qui serait autre si le point de vue de la Cour suprême était adopté. Je suis d'avis que ce faisant, le Ministre a
2 I s'agit du pouvoir de décider si un objet est ou n'est pas exempté en vertu d'articles précis de la Loi, et ce n'est pas une décision qui [TRADUCTION] «fait ... partie de la définition de l'arrêt prévu». A distinguer d'avec l'affaire K. c. Noxzema Chemical Company of Canada Limited [1942] R.C.S. 178 par le juge Kerwin à la page 186. Je reconnais qu'il est souvent difficile de statuer sur la question de savoir si une obligation implicite est imposée à une personne jouissant du pouvoir, conféré par la loi, de prendre une décision et de donner à ceux qui en font l'objet, la possibilité d'être entendus. Mais j'estime difficile de trouver un cas une personne n'aurait pas le droit d'être entendue avant la détermination de ses obligations statu- taires, en l'absence d'une disposition expresse d'effet contraire.
commis une erreur de droit. Je ne vois rien dans la loi qui lui permette de faire autre chose que «juger» si la disposition de l'article en question de la Partie III s'applique aux faits qui lui sont soumis.
En outre, on ne peut dire, à mon avis, que la décision rendue par le Ministre aurait été la même s'il avait tenu compte du sens ordinaire du mot «journal» plutôt que d'appliquer, comme il semble l'avoir fait, la définition arbitraire déjà communi quée à la requérante par son Ministère. Même si je reconnais que les avis peuvent être différents, lors- que je lis les publications faisant l'objet de la décision contestée en tenant compte du jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Montreal Stock Exchange, je constate qu'il est possible de conclure qu'elles constituent des «journaux», même si elles contiennent exclusivement ou quasi exclusi- vement des annonces. Comme je les conçois, elles ne sont pas de simples «prospectus publicitaires», l'on ferait de la réclame pour celui qui les distribue. Elles contiennent au contraire des ren- seignements, «des nouvelles» de ce qui est disponi- ble dans des secteurs commerciaux particuliers, même si ces renseignements sont communiqués par voie d'annonces communiquées par les tiers qui ont des choses à vendre.
Je suis d'avis d'accueillir la demande présentée en vertu de l'article 28, d'annuler la décision men- tionnée aux présentes et de renvoyer l'affaire pour nouvel examen fondé sur l'application de la loi aux faits de l'espèce.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY y a souscrit.
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