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A-576-78
Le surintendant Norman D. Inkster de la Gendar- merie royale du Canada (Appelant)
c.
William Patrick Radey (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie, Ryan et Le Dain— Ottawa, les 11 et 12 avril 1979.
Brefs de prérogative Prohibition Appel contre une ordonnance rendue par la Division de première instance inter- disant la poursuite d'un procès tenu en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada Prohibition accordée au motif que la procédure en cause est interdite par l'art. 721(2) du Code criminel Il s'agit de savoir si l'art. 721(2) est applicable aux procédures intentées en vertu de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada dans le cadre d'un procès relatif à une infraction ressortissant au service Dans l'affirmative, il s'agit de savoir si cet article rend incom- pétent l'officier qui préside le procès au point de justifier une ordonnance de prohibition Appel accueilli Code crimi- nel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 721(2) Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 3, 27.
APPEL. AVOCATS:
Luther P. Chambers et Duff Friesen pour l'appelant.
William B. Gill, c.r. pour l'intimé. PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Gill Cook, Calgary, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
L>ÿ JUGE LE DAIN: Il s'agit de l'appel d'une ordonnance rendue par la Division de première instance interdisant au surintendant Norman D. Inkster de la Gendarmerie royale du Canada, de poursuivre le procès de l'intimé William Patrick Radey en vertu des dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, sur des accusations d'infraction majeure res- sortissant au service.
L'ordonnance de prohibition a été délivrée sur le fondement du paragraphe 721(2) du Code crimi- nel, S.R.C. 1970, c. C-34, qui est ainsi libellé:
721... .
(2) Aucune procédure ne doit être intentée plus de six mois après que l'objet des procédures a pris naissance.
On s'attaque à l'ordonnance en alléguant, d'une part, que le paragraphe 721(2) n'est pas applicable aux procédures intentées en vertu de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada dans le cadre d'un procès relatif à une infraction ressor- tissant au service et, d'autre part, qu'advenant que ce paragraphe soit malgré tout applicable, il ne rend pas incompétent l'officier qui préside au procès au point de justifier une ordonnance de prohibition.
Le 11 septembre 1978, l'intimé, un caporal dans la Gendarmerie royale du Canada, a été accusé d'infractions ressortissant au service commises le 24 mars 1977 et entre le 6 mai et le 2 juin 1977. Le procès a commencé le 5 octobre 1978 devant un tribunal du service composé du surintendant Ink- ster. Dès le début des procédures, une requête a été introduite au nom de l'intimé pour demander le rejet des accusations en raison de l'incompétence de l'officier présidant au procès. Sur rejet de cette requête, l'intimé a demandé à la Cour fédérale un bref de prohibition qui lui a été délivré sous la forme de l'ordonnance faisant l'objet du présent appel.
Pour déterminer si le paragraphe 721(2) du Code criminel est applicable aux procédures insti- tuées contre l'intimé en vertu de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, il faut examiner si l'article 27 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23 est applicable aux présentes procédures. En voici le libellé:
27. (1) Quand un texte législatif crée une infraction,
a) l'infraction est réputée un acte criminel si le texte législa- tif décrète que le contrevenant peut être poursuivi pour l'infraction au moyen d'un acte d'accusation;
b) l'infraction est réputée une infraction pour laquelle le contrevenant est punissable sur déclaration sommaire de culpabilité si rien dans le contexte n'indique que l'infraction est un acte criminel; et
c) si l'infraction est une infraction pour laquelle le contreve- nant peut être poursuivi au moyen d'un acte d'accusation ou pour laquelle il est punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, nul n'est réputé avoir été déclaré coupable d'un acte criminel pour l'unique raison qu'il a été déclaré coupable de l'infraction sur déclaration sommaire de culpabilité.
(2) Toutes les dispositions du Code criminel relatives aux actes criminels s'appliquent aux actes criminels créés par un texte législatif, et toutes les dispositions du Code criminel relatives aux infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité s'appliquent à toutes les autres infractions créées par un texte législatif, sauf dans la mesure ce dernier en décide autrement.
(3) Dans une commission, une proclamation, un mandat ou autre document relatif au droit criminel ou à la procédure en matière criminelle
a) la mention d'une infraction pour laquelle le contrevenant peut être poursuivi au moyen d'un acte d'accusation doit s'interpréter comme une mention d'un acte criminel; et
b) la mention de toute autre infraction doit s'interpréter comme une mention d'une infraction pour laquelle le contre- venant est punissable sur déclaration sommaire de culpabi- lité.
Et voici le libellé de l'article 3 de la Loi d'interprétation:
3. (1) A moins qu'une intention contraire n'apparaisse, cha- cune des dispositions de la présente loi s'étend et s'applique à tout texte législatif, que celui-ci soit édicté avant ou après l'entrée en vigueur de la présente loi.
(2) Les dispositions de la présente loi s'appliquent à sa propre interprétation.
(3) Rien dans la présente loi n'exclut l'application, à un texte législatif, d'une règle d'interprétation qui s'y applique et qui n'est pas incompatible avec la présente loi.
A notre avis, la question consiste à déterminer si les dispositions de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada donnent à enten- dre que l'article 27 de la Loi d'interprétation ne s'applique pas aux infractions prévues dans cette partie.
Sous l'intitulé «Discipline», la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada contient, dans ses articles 25 45, des dispositions relatives à la définition, au procès et aux peines applicables à des infractions qualifiées d'infractions majeures et d'infractions mineures ressortissant au service. Évidemment, les infractions majeures ressortissant au service, spécifiées dans l'article 25 de la Loi, se rapportent à la discipline. De façon générale, il ne s'agit pas d'infractions punissables en vertu du Code criminel ou d'autres lois pénales, quoique, dans certains cas, elles peuvent donner lieu à des poursuites en vertu du droit pénal. Il en est de même de l'article 26 qui déclare coupable d'une infraction mineure ressortissant au service tout membre qui viole un ordre permanent du Commis- saire ou quelque règlement établi sous le régime de la Partie I. La Partie II contient des dispositions spéciales relatives aux arrêts, à la détention, aux enquêtes et accusations, au procès devant un tribu nal du service présidé par un officier de la Gendar- merie, aux peines et finalement aux appels devant le Commissaire, lequel rend sa décision sur recom- mandation de la Commission de révision. Se réfé-
rant aux dispositions des articles 30 et 31 de l'ancienne Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1952, c. 241, définissant les infractions ainsi que les procédures et les peines y afférentes, le juge Rand s'est ainsi exprimé dans l'arrêt La Reine c. White [1956] R.C.S. 154, la page 159: [TRADUCTION] «Le Parlement a prévu les contraventions à la discipline punissables et a doté la Gendarmerie de tribunaux pour en connaî- tre, et il n'a pas besoin d'expliciter davantage pour faire comprendre le but de ces dispositions. Un code semblable doit avant tout être considéré comme le seul moyen d'atteindre ce but spécial.» Ce commentaire s'applique avec une vigueur encore plus grande, si possible, aux dispositions de la Partie II de la présente loi, lesquelles sont plus précises et détaillées relativement aux procédures, aux procès et au droit d'appel. Le pouvoir de gestion ou d'administration concernant la disci pline revêt, certes, un caractère de plus en plus judiciaire, mais à notre avis les «infractions» fai- sant l'objet de ce code disciplinaire très spécial ne sont pas de celles envisagées à l'article 27 de la Loi d'interprétation, lesquelles sont des infractions de caractère public faisant l'objet de procès devant les tribunaux ordinaires de compétence pénale. Nous sommes donc d'avis que l'article 27 n'est pas appli cable aux dispositions de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, et qu'en consé- quence le paragraphe 721(2) du Code criminel ne leur est pas applicable.
Nous sommes d'avis d'accueillir l'appel et d'an- nuler l'ordonnance de la Division de première ins tance, mais nous ne rendons aucune ordonnance relative aux dépens.
* * *
LE JUGE URIE: J'y souscris.
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LE JUGE RYAN: J'y souscris.
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