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T-1228-78
Coopers & Lybrand Limited, à titre de mandataire de la Banque mercantile du Canada et de séques- tre-gérant de Venus Electric Limited (Demande- resse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Gibson— Toronto, le 26 juin; Ottawa, le 11 juillet 1979.
Impôt sur le revenu Retenue d'impôt sur les salaires payés Séquestre La demanderesse, nommée séquestre conformément à une reconnaissance de dette, fit verser leur rémunération nette aux employés de la compagnie sous séquestre Le Ministre a cotisé la demanderesse comme une personne qui n'a pas remis le montant retenu aux fins d'impôt, et ce par application de l'art. 227(9),(10) Il échet d'exa- miner si la demanderesse est tenue de remettre l'impôt confor- mément à l'art. 153(1)a) Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 150(3), 153(1)a), 227(5),(9),(10), 248.
La demanderesse fit verser aux employés de Venus Electric Limited leur rémunération nette (montant brut de la rémunéra- tion moins les retenues d'impôt et les contributions au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-chômage) qui leur était due pour une période de deux semaines. La demanderesse avait été nommée séquestre-gérant par la Banque mercantile du Canada, créancière d'une obligation à charge fixe et flottante. Cette nomination était conforme à la reconnaissance de dette remise par Venus Electric Limited à la Banque, aux termes de laquelle le séquestre était autorisé à prendre possession de l'entreprise non à titre de propriétaire, mais de séquestre de l'entreprise de Venus Electric Limited, et à en poursuivre l'exploitation dans le respect des droits des tiers autres que la Banque, jusqu'au remboursement total de la créancière. Le Ministre a cotisé la demanderesse comme une personne qui n'a remis ni payé un montant retenu ou déduit comme requis par la Loi ou les Règlements, et ce par application de l'article 227(9), (10) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il échet d'examiner si la demanderesse était requise de remettre les retenues d'impôt par l'article 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel est accueilli. Il ne faut pas assimiler le séques- tre à une «liquidation, cession ou faillite» au sens de l'article 227(5) de la Loi. La demanderesse a agi comme mandataire et non comme mandant lorsque, en tant que séquestre, elle a payé ces employés. Elle n'était donc pas requise par la Loi de l'impôt sur le revenu (1) de se conformer à l'article 153(1)a) et de demander à la Banque mercantile du Canada de lui verser le montant brut des salaires dus aux employés de Venus Electric Limited pour lui permettre de procéder aux retenues requises et de les verser au titre de l'impôt auxquels ils sont assujettis; ni (2) de se conformer à l'article 227(5) si elle avait reçu le montant brut de ces salaires, parce qu'à aucun moment il n'y a eu «liquidation, cession ou faillite» de Venus Electric Limited et parce que ce paragraphe ne se rapporte pas à ce qu'était la situation au moment l'entreprise était gérée par ce séquestre à titre de mandataire. La cotisation aurait être faite contre le redevable Venus Electric Limited à laquelle l'article
153(1)a) de la Loi s'applique.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
T. A. Sweeney pour la demanderesse.
J. R. Power et P. Barnard pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Borden & Elliot, Toronto, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Postérieurement au 24 sep- tembre 1976, la demanderesse, Coopers & Lybrand Limited, fit verser aux employés de Venus Electric Limited, en paiement des salaires qui leur étaient dus pour la période de deux semai- nes terminée le 24 septembre 1976, un montant total de $190,270. Cette somme correspondait au montant net de la rémunération à eux due au 24 septembre 1976 ou, si l'on préfère, au montant brut de cette rémunération moins les montants habituellement déduits au titre de l'impôt sur le revenu, du régime de pensions du Canada et de l'assurance-chômage.
Le litige porte sur le point de savoir si la deman- deresse, Coopers & Lybrand Limited, était tenue, en vertu de l'article 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de verser au receveur général du Canada les retenues d'impôt effectuées, soit un montant de $28,499.78 (voir pièce A-9).
Le 24 septembre 1976, la Banque mercantile du Canada a nommé la demanderesse séquestre- gérant de Venus Electric Limited, en vertu des pouvoirs que lui confèrent l'accord écrit relatif à une obligation garantie par une charge fixe et flottante passé avec cette dernière. Au paragraphe 4-04 de cet accord (voir pièce A-2), Venus Electric Limited autorise le séquestre à prendre possession de l'entreprise, non à titre de propriétaire mais à titre de séquestre, et à continuer son exploitation dans le respect des droits des tiers autres que la
Banque, à savoir Venus Electric Limited et ses autres créanciers (voir The Clarkson Company Limited c. La Reine'), jusqu'au remboursement complet de la Banque mercantile du Canada.
La demanderesse a donc pris possession de l'en- treprise le 24 septembre 1976 et a commencé son exploitation.
(La Cour a, plus tard, désigné la demanderesse, Coopers & Lybrand Limited, comme séquestre, mais cela n'a aucune incidence sur les questions que nous avons à trancher ici.)
Dans l'accord, la Coopers & Lybrand Limited est appelée un séquestre, mais elle est en réalité un mandataire. Le paragraphe 4-04 dudit accord est en effet ainsi libellé: [TRADUCTION] «le séquestre sera considéré, à toutes fins, comme le mandataire de la société et non comme celui de la Banque ... . La Banque pourra déléguer au séquestre tout ou partie de ses pouvoirs». Un mandataire est un commis, non un commettant. Il a des pouvoirs étendus, mais il n'est pas personnellement tenu des obligations de Venus Electric Limited en vertu de l'obligation concernée. La Banque a désigné Coo pers & Lybrand Limited pour exécuter des actes qu'elle aurait pu exécuter elle-même, à savoir con- tinuer l'exploitation de Venus Electric Limited et faire tout acte que les administrateurs et dirigeants de cette société auraient pu faire s'il n'y avait pas eu désignation d'un séquestre. (Voir D. Owen & Co. c. Cronk 2 ; The Clarkson Company Limited c. La Reine 3 ; Re Emmadart Ltd 4 ; Toronto-Domin ion Bank c. Fortins; Re International Woodwork- ers of America, Local 1-324 et Wescana Inn Ltd. 6; et Peat Marwick Limited c. Consumers' Gas Company 7 .)
' 79 DTC 5150, la page 5152.
2 (1895) 1 Q.B. 265, 64 L.J.Q.B. 288.
3 79 DTC 5150, aux pages 5152, 5153 (C.A.F.).
4 [1979] 1 All E.R. 599, la page 602 (Ch. D.).
5 (1978) 85 D.L.R. (3') 111, la page 113 (C.S.C.-B.).
6 (1978) 82 D.L.R. (3') 368, la page 373 (C.A. Man.).
7 (1978) 26 C.B.R. (N.S.) 195, la page 197 (C.S. Ont.).
La désignation, en vertu de l'accord, de Coopers & Lybrand Limited comme séquestre de Venus Electric Limited n'emportait donc pas licencie- ment des employés de cette société ou changement d'employeur à leur égard, car Venus Electric Lim ited restait l'employeur et continuait à exploiter l'entreprise. Le seul changement consistait à con- fier l'administration de la société à Coopers & Lybrand Limited.
Postérieurement au 24 septembre 1976, la Banque mercantile du Canada a versé à Coopers & Lybrand Limited des fonds avec lesquels cette, dernière a payé aux employés de la Venus Electric Limited, et au nom de celle-ci, les salaires qui leur étaient dus pour la période de deux semaines ter- minée le 24 septembre 1976.
La défenderesse prétend que:
[TRADUCTION] Le seul point litigieux est de savoir si la demanderesse était assujettie aux dispositions de l'article 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et par conséquent tenue de verser les retenues d'impôt qu'elle avait effectuées sur les salaires bruts des employés de Venus Electric Limited, ainsi qu'en font foi les livres de cette dernière, lorsqu'elle leur a versé une somme de $190,270, soit leurs salaires nets pour la période terminée le 24 septembre 1976.
La défenderesse souligne en outre que les faits suivants ont été établis:
[TRADUCTION] En vertu de l'obligation à vue datée du 26 mars 1976, la Banque mercantile du Canada a, le 24 septembre 1976, désigné Coopers & Lybrand Limited comme séquestre- gérant de Venus Electric Limited.
Par lettre datée du 25 septembre 1976, Coopers & Lybrand Limited a avisé les employés de Venus Electric Limited qu'en conséquence de sa désignation comme séquestre-gérant de cette société, elle était désormais responsable des affaires de cette dernière et entendait continuer ses opérations.
Par lettre datée du 27 septembre 1976, Coopers & Lybrand Limited a avisé tous les créanciers:
a) qu'elle avait été désignée comme séquestre-gérant de Venus Electric Limited;
b) qu'elle prenait donc en charge la gestion des affaires de cette société;
c) qu'elle entendait continuer l'exploitation de la société.
Le montant de $190,270 mentionné au paragraphe 4 de la déclaration de la demanderesse représente le montant brut des salaires à verser par Venus Electric Limited pour la période
terminée le 24 septembre 1976 après déduction des retenues au titre de l'impôt sur le revenu, du régime de pensions du Canada et de l'assurance-chômage.
Le compte de paye de Venus Electric Limited, tenu par la Banque de Nouvelle-Écosse montre que, pour la période termi- née le 24 septembre 1976, il a été procédé aux retenues d'impôt, etc.
Pour la période du 24 septembre au 5 novembre 1976, rien n'indique que des employés de Venus Electric Limited aient été licenciés, que de nouveaux contrats de travail aient été conclus avec eux, ou que la demanderesse les ait avisés qu'ils étaient dorénavant à l'emploi de quelque autre société que Venus Electric Limited.
C'est la Banque mercantile du Canada qui a fourni les fonds nécessaires au paiement des salaires des employés de Venus Electric Limited pour la période terminée le 24 septembre 1976, et les chèques émis à cet effet par cette société ont été approuvés ou signés par Coopers & Lybrand Limited en sa qualité de séquestre-gérant.
Le montant des déductions aux fins d'impôt indiqué sur les T-4 des employés de Venus Electric Limited est égal à celui apparaissant aux livres de cette société pour la période terminée le 24 septembre 1976.
Voici quelques-uns des faits qu'allègue la défenderesse:
[TRADUCTION] ... Il faut présumer que le législateur a choisi de propos délibéré le libellé spécifique de l'art. 153 de la Loi de l'impôt sur le revenu, et en particulier l'expression «toute personne» ... .
Plus loin encore:
Le fait est que la loi va au-delà des relations entre employeur et employés; elle lie toute personne versant des salaires à un employé, y compris G. & G. Ceci est absolument clair.
(Le juge Berger, dans le jugement In re Bankruptcy of G. & G. Equipment Co. Ltd. 74 DTC 6407, à la page 6408 (C.S.C.-B.)) et ainsi cet article s'applique au séquestre-gérant qui verse des salaires ou des arriérés de salaires, puisqu'il se trouve alors, en fait et en droit, à être «... une personne qui verse un traite- ment ou un salaire du fait qu'il agit au lieu et place de la société insolvable»
(Le juge Monnin dans l'affaire Dauphin Plains Credit Union Limited c. Xyloid Industries Ltd. et al, à la page 12 d'une décision rendue par la Cour d'appel du Manitoba le 6 février 1979 et non rapportée dans les recueils).
(Il a été en outre soutenu qu'un étranger qui, sans y être personnellement tenu, paierait des salaires, n'échapperait pas aux dispositions de l'ar- ticle 153(1)a) de la Loi; en d'autres termes, la
personne qui, à titre gratuit et sur ses propres fonds, paierait des salaires nets, devrait verser au receveur général du Canada le montant correspon- dant aux retenues d'impôt calculées sur ce qu'au-
raient été les salaires bruts.)
De plus, toujours selon la défenderesse:
[TRADUCTION] La désignation, faite le 24 septembre 1976, d'un séquestre-gérant en vertu des dispositions de l'obligation à vue a eu pour effet
... [de suspendre] les pouvoirs des administrateurs à l'égard de tout bien pour lequel le séquestre a été désigné, dans la mesure nécessaire pour permettre à celui-ci de remplir ses obligations ... .
(le juge Brightman dans Re Emmadart Limited [1979] 1 All E.R. 599, à la page 602 (Ch. D.))
Le séquestre-gérant devait alors:
[TRADUCTION] (1) gérer toutes les affaires de la société; (2) et continuer les opérations de celle-ci.
Voir: Obligation à vue de Venus Electric Limited, datée du 26 mars 1976, dans le recueil de documents de la défenderesse, pages 3 à 13;
Lettre de la Banque mercantile du Canada à Coopers & Lybrand Limited, datée du 24 septembre 1976, dans le recueil de documents de la défenderesse, à la page 25;
Lettre de Coopers & Lybrand Limited aux employés de Venus Electric Limited, datée du 25 septembre 1976, dans le recueil de documents de la défenderesse, â la page 62;
Lettre de Coopers & Lybrand Limited à tous les créan- ciers, datée du 27 septembre 1976, dans le recueil de documents de la défenderesse, à la page 26.
Ainsi le séquestre-gérant
[TRADUCTION] ... dirigeait toutes les affaires de la société ...
(le juge Cross dans Lawson c. Hosemaster Machine Co., Ltd. [1965] 3 All E.R. 401, à la page 410 (Ch. D.))
... pendant la période allant de la désignation du séquestre- gérant en vertu de l'obligation à vue, le 24 septembre 1976, à la nomination par la Cour le 5 novembre 1976, et compte tenu des circonstances de l'espèce et du fait que rien ne prouve que le séquestre-gérant ait conclu de nouveaux contrats de travail ou licencié les employés de la société, les contrats de travail entre Venus Electric Limited et ses employés ont continué d'avoir effet.
En conséquence, j'interprète la loi comme signifiant qu'à la différence d'une désignation faite en vertu d'une ordonnance du tribunal, la désignation, faite par les titulaires de l'obliga- tion, d'un séquestre-gérant comme mandataire de la société ne constitue pas nécessairement une résiliation des contrats de travail antérieurement conclus et encore en vigueur entre la société et ses employés. Dans trois circonstances, il faut apporter des réserves à cet énoncé.
(le juge Lawson dans Griffiths c. Secretary of State for Social Services [1973] 3 All E.R. 1184, la page 1198 (Q.B.D.))
Voici les trois circonstances dans lesquelles il faut, selon ce juge, faire des réserves:
1. Lorsque la désignation du séquestre-gérant a été faite à la suite de la vente de l'entreprise;
2. Lorsque, aussitôt ou peu de temps après sa désignation, le séquestre a conclu avec un employé donné, un nouvel accord incompatible avec la continuation du contrat de travail antérieur;
3. Lorsque les obligations du séquestre-gérant sont incompa tibles avec la continuation du travail d'un employé donné.
Nous ne sommes ici en présence d'aucun de ces trois cas.
Voir aussi: Re Foster Clark Ltd's Indenture Trusts [1966] 1 All E.R. 43, la page 48 (Ch. D.)
Re Mack Trucks (Britain) Ltd. [1967] 1 All E.R. 977, la page 982 (Ch. D.)
... Le 5 novembre 1976, la Cour a désigné un séquestre-gérant:
1. Cette désignation a eu pour effet la continuation de l'exploi- tation de la société sous la direction du séquestre-gérant. Un séquestre-gérant n'est pas un cessionnaire, mais une personne désignée pour garder aussi bien les biens matériels de l'entre- prise que son achalandage, un percepteur et un gardien avec des pouvoirs plus ou moins étendus pour utiliser ces biens et en disposer, et gérer les affaires de l'entreprise. La désigna- tion d'un séquestre-gérant pour l'administration de l'actif d'une société n'entraîne pas la dissolution de celle-ci.
Dans Moss Steamship Company Limited c. Whinney [1912] A.C. 254 la page 260, la Chambre des Lords a analysé les effets de la désignation d'un séquestre-gérant, et le comte de Halsbury s'est ainsi exprimé:
[Lors de la désignation d'un séquestre-gérant], les pouvoirs de direction de l'entreprise sont transférés des administra- teurs de la société au séquestre-gérant; celui-ci est substi- tué à la société, qui devient inhabile à conclure des con- trats de son propre chef et à exercer quelque pouvoir sur ses biens.
Lord Atkinson s'est exprimé à la page 263:
La désignation d'un séquestre-gérant des biens de la société n'entraîne pas la dissolution de celle-ci, pas plus que la prise de possession, par le créancier hypothécaire, des biens hypothéqués et entre les mains des locataires, n'en- traîne la dissolution du débiteur hypothécaire. Les deux continuent d'exister mais la société est remplacée par le séquestre-gérant dans l'exploitation de l'entreprise, elle perd tout pouvoir de conclure des contrats relatifs à celle-ci ou de mettre en gage ou aliéner ses biens. Tous ses pouvoirs sont suspendus.
Voir aussi: Parsons c. The Sovereign Bank of Canada [1913] A.C. 160, aux pages 167 et 168
La désignation par la Cour n'entraîne pas nécessairement la résiliation des contrats de travail. Seules les circonstances permettront à chaque fois de déterminer s'il y a eu résiliation de ces contrats, licenciement d'employés ou conclusion de nou- veaux accords. Cette question complexe n'a pas été soulevée dans la présente affaire, mais elle a été récemment examinée par la Cour d'appel du Manitoba dans Re International Wood- workers of America, Local 1-324 and Wescana Inn Ltd. (1977) 82 D.L.R. (3') 368. La majorité de cette Cour a en effet analysé cet aspect du rôle du séquestre-gérant. Au nom de la majorité, le juge O'Sullivan s'est ainsi prononcé à la page 373:
Je suis convaincu qu'en aucune manière la Cour n'est dans la situation d'employeur par rapport à ceux qui travaillent à Wescana Inn. Comme nul ne peut être qualifié d'employé s'il n'a d'employeur, l'employeur en l'espèce est soit Wescana Inn Ltd., soit Clarkson.
Je crois que la fonction du séquestre-gérant désigné par la Cour a été décrite avec précision dans Falconbridge on Mortgages, 4' éd. (1977) pages 759 et 760, paragraphe 36.5:
La personne désignée comme séquestre-gérant d'une société par la Cour n'est pas un mandataire de cette société. La société ne la nomme pas et ne peut ni la destituer ni lui donner de directives. Seule la Cour peut la destituer, lui donner des directives relativement à l'ex- ploitation de l'entreprise ou intervenir en cas de mauvaise gestion de l'entreprise. Comme aucune relation de com- mettant à commis ne peut exister entre le séquestre et la Cour, il faut évidemment en conclure que, dans l'exécu- tion de sa mission, il agit librement, et non comme un mandataire. Il n'a pas de mandant ... .
Quant à la question de savoir si Wescana Inn Ltd. ou Clarkson est l'employeur, je conviens qu'ellè n'a pas été complètement résolue. D'un côté, on peut lire dans Penning- ton's Company Law, 2' éd. (1967), à la page 411:
En cas de nomination d'un séquestre par la Cour ... tous les contrats de travail ... sont résiliés, exactement comme si la compagnie avait cessé ses activités. Le fait que le séquestre continue provisoirement les opérations n'est pas pertinent, car il n'agit pas à titre de mandataire de la compagnie, et ceux des employés qui continuent à travailler avec lui le font en vertu de nouveaux contrats de travail conclus avec lui.
D'un autre côté, L.C.B. Gower s'est ainsi prononcé dans Modern Company Law, 3' éd. (1969), à la page 437 et à la note 74 en bas de page:
La désignation d'un séquestre n'entraîne pas nécessaire- ment la résiliation des contrats de travail avec la société, tout au moins lorsqu'il s'agit d'un séquestre non désigné par un tribunal ... .
... le séquestre désigné par justice peut être dans une situation différente. Il se peut même, mais cela n'est pas absolument certain, qu'une telle désignation emporte rési- liation de tous les contrats de travail et qu'une nouvelle embauche ne soit pas considérée comme un emploi inin- terrompu avec la société.
Les références citées par les avocats des parties étant insuffisantes, je ne me prononcerais sur ce problème que si la solution du litige l'exigeait.
Coopers & Lybrand Limited allègue que le montant de $190,270 versé aux employés ne cons- tituait pas «un traitement, un salaire ou autre rémunération à un cadre ou employé» au sens de l'article 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 modifié par l'article 1, c. 63, S.C. 1970-71-72; qu'avec les fonds versés par la Banque mercantile du Canada, elle a sim- plement financé la société Venus Electric Limited pour permettre à celle-ci d'honorer ses engage ments et qu'elle n'était donc pas tenue de faire des retenues d'impôt; que le versement par elle du montant de $190,270 n'a aucune relation avec une «liquidation, cession ou faillite» de Venus Electric Limited, au sens de l'article 227(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu. (Voir le juge Osier dans Royal Trust Co. c. Montez Apparel Industries Ltd. 8 [TRADUCTION] «la mise sous séquestre n'est pas une liquidation ... ou une faillite».)
L'article 153(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu est ainsi rédigé:
153. (1) Toute personne qui verse
a) un traitement, un salaire ou autre rémunération à un cadre ou employé,
à une date quelconque dans une année d'imposition, doit en déduire la somme qui peut être prescrite ou retenir cette somme, et elle doit, à la date qui peut être fixée, remettre cette somme au receveur général du Canada à valoir sur l'impôt du bénéficiaire pour l'année en vertu de la présente Partie.
L'article 150(3) est ainsi conçu:
150... .
(3) Tous syndics de faillite, cessionnaires, liquidateurs, cura- teurs, séquestres, syndics ou committees et tous agents ou autres personnes qui administrent, gèrent, liquident ou contrô- lent les biens, les affaires, la succession ou le revenu d'une personne ou s'occupent autrement des biens, des affaires, de la succession ou du revenu d'une personne qui n'a pas produit de déclaration pour une année d'imposition, en vertu du présent article, doivent produire une déclaration, en la forme prescrite, du revenu de cette personne pour l'année.
Le terme «personne» est ainsi défini à l'article 248:
8 (1972) 26 D.L.R. (3e) 405; infirmé 27 D.L.R. (3c) 551.
248....
«personne» ou tout mot ou expression désignant une personne, comprend tout corps constitué et politique, les héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs ou autres repré- sentants légaux de cette personne, selon la loi de la partie du Canada visée par le contexte;
A mon avis, on ne peut résoudre le présent litige par interprétation et application pures et simples de l'article 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Au contraire, dans l'application de cet article et d'autres dispositions de la Loi aux cir- constances de l'espèce, on constate que [TRADUC- TION] «par avis de cotisation daté du ler décembre 1976 et portant le numéro 389649, le ministre du Revenu national a cotisé la demanderesse pour un montant de $21,403.33 au titre de l'impôt fédéral, et de $7,096.45 au titre de l'impôt provincial, avec des pénalités et intérêts y afférents pour défaut de versement du montant prescrit au receveur général du Canada pour les retenues d'impôt concernant les employés payés, en vertu des articles 153(1), 227(9) et 227(10) de la Loi de l'impôt sur le revenu.»
En d'autres termes, le Ministre a cotisé Coopers & Lybrand Limited comme une personne qui n'a pas remis ni payé un montant déduit ou retenu, comme l'exige la présente Loi ou ses Règlements d'application en vertu de l'article 227(9) et (10) de la Loi de l'impôt sur le revenu dont voici le libellé:
227... .
(9) Toute personne qui n'a pas remis ni payé
a) un montant déduit ou retenu, comme l'exige la présente loi ou un règlement, ou
est passible d'une pénalité de 10% de ce montant ou de $10, le montant le plus élevé des deux étant à retenir, en sus du montant lui-même, avec l'intérêt de ce montant au taux annuel prescrit aux fins du paragraphe (8).
(10) Le Ministre peut cotiser toute personne à l'égard de tout montant payable par elle en vertu de la Partie XIII, du présent article ou de l'article 235, et, lors de l'expédition à cette personne, par le Ministre, d'un avis de cotisation, les sections I et J de la Partie I sont applicables mutatis mutandis.
Ainsi, le Ministre a cotisé Coopers & Lybrand Limited parce qu'il a décidé qu'il y avait un mon- tant «payable par elle» en vertu du «présent arti cle», c'est-à-dire l'article 227 de la Loi de l'impôt sur le revenu relatif aux retenues d'impôt.
L'article 227(5) de cette Loi énumère certaines des personnes ainsi tenues de retenir et de payer l'impôt en vertu de l'article 227. Ce paragraphe parle de «liquidation, cession ou faillite». Aucune autre disposition de l'article 227 ne fait mention des obligations du séquestre. Mais il faut mettre en parallèle les termes utilisés dans l'article 227(5) et ceux de l'article 150(3), lequel fait état des «syn- dics de faillite, cessionnaires, liquidateurs, cura- teurs, séquestres, syndics ou committees et tous agents ou autres personnes qui administrent, gèrent, liquident ou contrôlent les biens, les affai- res, la succession ou le revenu d'une personne ou s'occupent autrement des biens, des affaires ....» [Le soulignement est ajouté.]
A mon avis, il ne faut pas assimiler la mise sous séquestre à une «liquidation, cession ou faillite» au sens de l'article 227(5) de la Loi.
En l'espèce, à mon avis, Coopers & Lybrand Limited a agi comme mandataire et non comme mandant lorsqu'elle a, en tant que séquestre, payé aux employés de Venus Electric Limited les salai- res qui leur étaient dus, et elle n'était pas tenue, en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, (1) de se conformer à l'article 153(1)a) de la Loi et de demander à la Banque mercantile du Canada de lui verser le montant brut des salaires dus aux employés de Venus Electric Limited pour lui permettre de procéder aux retenues requises et de les verser au receveur général du Canada, au titre de l'impôt dont ces employés étaient passibles pour cette partie de l'année, en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu; et (2) de se conformer à l'article 227(5) si elle avait reçu le montant brut de ces salaires dus aux employés de Venus Electric Limited, parce qu'à aucun moment il n'y a eu «liquidation, cession ou faillite» de Venus Electric Limited et parce que ce paragraphe ne se rapporte pas à ce qu'était la situation au moment l'entreprise était gérée par ce séquestre à titre de mandataire.
Il n'y avait donc pas lieu de cotiser Coopers & Lybrand Limited en vertu de l'article 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nulle part la Loi ne requiert d'un mandataire, tel qu'en l'espèce un séquestre désigné par contrat, ayant à verser «un
traitement, un salaire ou autre rémunération à un cadre ou [autre] employé» au moment de sa désignation par contrat, qu'il demande le verse- ment de montants bruts pour qu'il puisse se con- former aux dispositions de l'article 153(1)a) ou à celles de l'article 227 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
En l'espèce, la cotisation aurait être faite contre le redevable, soit la société Venus Electric Limited qui est et a toujours été la «personne» à laquelle l'article 153(1)a) de la Loi est applicable.
L'appel est accueilli avec dépens.
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