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A-473-78
Canadian Air Traffic Control Association (Requérante)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges Pratte et Le Dain—Ottawa, les 23 et 26 janvier 1979.
Examen judiciaire Fonction publique Relations du travail Procédure de règlement des griefs Interprétation par la C.R.T.F.P. d'articles de la convention collective concer- nant la procédure de règlement des griefs Demande visant à faire annuler la décision de la Commission Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 98 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Articles 5.01, 5.02, 5.05, 5.06, 5.07, 5.08 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et la Canadian Air Traffic Control Association pour la période du ler janvier au 31 décembre 1978.
Il s'agit d'une demande introduite en vertu de l'article 28 visant à faire annuler une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique. La requérante a produit un renvoi devant la Commission aux termes duquel elle sollicitait l'exécution d'une obligation découlant d'une conven tion collective, savoir «désigner comme représentant de la direc tion autorisé à répondre au premier palier de la procédure de règlement des griefs, une personne autre que le supérieur immédiat d'un employé avec qui ce dernier doit tenter de trouver une solution». La Commission a conclu que la désigna- tion par un employeur du supérieur immédiat : d'un employé comme le représentant de direction habilité à rendre une déci- sion au premier palier de la procédure de règlement des griefs n'était pas contraire à la convention collective.
Arrêt: la demande est rejetée. Les dispositions de la conven tion collective laissent sous-entendre que les personnes qui ont l'autorité pour rendre des décisions aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs doivent être des personnes distinctes et que la personne chargée de rendre la décision au deuxième et troisième paliers doit être un supérieur hiérarchi- que de la personne autorisée à rendre une décision au palier inférieur. Il ne découle pas nécessairement de la formule géné- rale de règlement des griefs que le supérieur immédiat avec qui l'employé doit discuter de sa «plainte» afin de trouver une solution ne puisse être la personne autorisée à rendre une décision en tant que représentant de la direction au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Cette exigence ne peut être tirée du fait que la convention collective, tout en prévoyant que l'employé doit présenter son grief à son supérieur immédiat chaque palier de la procédure de règlement des griefs, ne comporte aucune disposition expresse pour le cas le représentant de la direction est également le supérieur immé- diat au premier palier.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Catherine H. MacLean pour la requérante. W. L. Nisbet, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour la requérante. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit ici d'une demande introduite en vertu de l'article 28 et visant à faire annuler [TRADUCTION] «une déci- sion de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique rendue par J. F. W. Weatherill, arbitre et membre de la Commission».
Le 29 mars 1978, en vertu de l'article 98 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35', la requérante produisait un renvoi aux termes duquel elle nom- mait le Conseil du Trésor «employeur» et sollicitait l'exécution d'une obligation découlant d'une con vention collective et décrite comme suit:
[TRADUCTION] 3. «désigner comme représentant de la direction autorisé à répondre au premier palier de la procédure de règlement des griefs, une personne autre que le supérieur immédiat d'un employé avec qui ce dernier doit tenter de trouver une solution. (Articles 5.05 et 5.06.)
Le défaut d'exécuter cette obligation est décrit dans le renvoi comme suit:
' L'article 98 se lit comme suit:
98. (1) Lorsque l'employeur et un agent négociateur ont signé une convention collective ou sont liés par une décision arbitrale et
a) que l'employeur ou l'agent négociateur cherche à faire exécuter une obligation qu'on prétend découler de la con vention collective ou de la décision arbitrale, et
b) que l'obligation, s'il en est, n'est pas une obligation dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief d'un employé de l'unité de négociation visée par la convention collective ou la décision arbitrale,
l'employeur ou l'agent négociateur peut, de la manière pres- crite, renvoyer l'affaire à la Commission qui doit l'entendre et décider si l'obligation alléguée existe et, dans l'affirmative, s'il y a eu inobservation ou inexécution.
(2) La Commission doit entendre et trancher l'affaire qui lui est ainsi renvoyée en conformité du paragraphe (1) comme s'il s'agissait d'un grief, et le paragraphe 95(2) ainsi que les articles 96 et 97 s'appliquent à son audition et à la décision à rendre en l'espèce.
[TRADUCTION] 4. a) En vertu de l'article 5.05 de la convention collective, tout employé qui fait une plainte doit tenter de trouver une solution en discutant avec son supérieur immédiat.
b) En vertu de l'article 5.06 de la convention collective, l'em- ployé présente son grief à son supérieur immédiat qui en expédie une copie au représentant de la direction habilité à rendre une décision au premier palier.
c) Par conséquent, l'employeur est tenu de désigner comme représentant de la direction habilité à rendre une décision à ce stade de la procédure de règlement des griefs, une personne autre que le supérieur immédiat de l'employé.
d) L'employeur a omis de respecter cette obligation
i) en désignant la même personne comme fonctionnaire chargé de s'occuper des plaintes et comme représentant de la direction chargé de répondre à un grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs et ce, pour des périodes de temps variées; ...
ii) en proposant à l'agent négociateur que ... les chefs de modules, qui sont les supérieurs immédiats des employés au sens de l'article 5.05 de la convention collective, soient désignés comme représentants de la direction autorisés à répondre au premier palier de la procédure de règlement des griefs.
La question soulevée dans le renvoi découle d'une convention collective conclue entre la requé- rante et le Conseil du Trésor pour l'année 1978. Alors que les parties ont cité d'autres dispositions de la convention collective, j'estime que la Cour doit trancher la question selon les dispositions suivantes:
5.01 Les plaintes ou les griefs formulés par l'employé seront réglés selon la procédure établie dans le présent article.
5.02 Définitions
b) Supérieur immédiat—Le «supérieur immédiat» est la per- sonne désignée par le Ministère pour s'occuper des plaintes des employés sur les lieux de travail et pour recevoir et communiquer les griefs écrits au palier approprié de la procédure.
c) Représentant de la direction—Le «représentant de la direction» est l'agent désigné par l'employeur comme repré- sentant autorisé dont la décision constitue un palier de la procédure de règlement des griefs.
5.05 Procédure
Plaintes—Tout employé qui fait une plainte doit tenter de
trouver une solution en discutant avec son supérieur immédiat.
5.06 Premier palier
L'employé peut présenter un grief par écrit à son supérieur immédiat dans le délai de vingt-cing (25) jours prescrit à la clause 5.03 ci-dessus. Le supérieur immédiat contresigne la formule et y indique l'heure et la date de réception. Une copie tenant lieu d'accusé de réception est retournée à l'employé; une autre copie est adressée au représentant de la direction habilité à rendre une décision au premier palier. Ce dernier rend sa
décision le plus tôt possible dans les quinze (15) jours suivant la date de réception du grief. La décision est rendue par écrit et une copie est remise à l'employé par l'intermédiaire de son supérieur immédiat.
5.07 Deuxième palier
Si la décision rendue au premier palier n'est pas jugée satisfaisante par l'employé, celui-ci peut, au plus tard le dixième (10e) jour qui suit la date à laquelle il est avisé de la décision rendue au premier palier, ou si aucune décision n'est rendue, au plus tard le quinzième (15e) jour qui suit le dernier jour du délai au cours duquel une décision aurait lui être signifiée, soumettre son grief au supérieur immédiat qui doit le contresigner en y indiquant l'heure et la date auxquelles il l'a reçu. Une copie tenant lieu d'accusé de réception doit être retournée à l'employé et une autre copié doit être adressée au représentant de la direction habilité à rendre une décision au deuxième palier. Ce représentant est tenu de rendre une déci- sion dans le plus bref délai et au plus tard le quinzième (159 jour qui suit la date de la présentation du grief. La décision est signifiée par écrit et la copie de l'employé est transmise à ce dernier par l'intermédiaire de son supérieur immédiat.
5.08 Troisième palier
Si la décision rendue au deuxième palier, n'est pas jugée satisfaisante par l'employé, celui-ci peut au plus tard le dixième (10e) jour qui suit la date de réception de la décision rendue au deuxième palier, ou si aucune décision n'est rendue au plus tard le quinzième (15e) jour qui suit le dernier jour du délai au cours duquel une décision aurait lui être signifiée, soumettre le grief par écrit à son supérieur immédiat qui doit le contresigner et y indiquer l'heure et la date auxquelles il l'a reçu. Un exemplaire tenant lieu d'accusé de réception doit être retourné à l'employé; un autre exemplaire doit être adressé au sous- ministre ou à son représentant habilité à rendre une décision au troisième palier. Le sous-ministre ou son représentant délégué doit rendre sa décision aussitôt que possible et au plus tard le vingtième (20e) jour qui suit la présentation du grief. La décision doit être signifiée par écrit et l'exemplaire de l'employé est transmis à ce dernier par l'intermédiaire du supérieur immédiat. La décision rendue par le sous-ministre ou son représentant au palier final de la procédure de règlement des griefs est sans appel et obligatoire pour l'employé, à moins qu'il ne s'agisse d'un grief pouvant être soumis à l'arbitrage.
Il faut noter qu'à l'article 2 de la Loi, le terme «grief» désigne «une plainte écrite, présentée ... par un employé ...». [Mis en italiques par mes soins.]
Aux termes de la décision de M. Weatherill, la désignation par un employeur du supérieur immé- diat d'un employé comme le représentant de direc tion habilité à rendre une décision au premier palier de la procédure de règlement des griefs (article 5.06) n'est pas contraire à la convention collective. La présente demande introduite en vertu de l'article 28 vise à faire annuler cette décision.
Les passages pertinents des motifs de M. Wea- therill se lisent comme suit:
Selon le premier argument, il est sous-entendu à l'article 5 de la convention collective que deux personnes distinctes doivent remplir les deux fonctions distinctes de représentant de la direction et de supérieur immédiat. Cette exigence est supposée se manifester de plusieurs façons. D'abord, si l'on compare les clauses 5.02 b) et 5.02 c), on constate que le «supérieur immédiat» se définit comme «la personne désignée—» et le «représentant de la direction» comme «l'agent désigné—». Il semble donc que des catégories différentes de personnes sont envisagées.
Si l'on peut dire que l'usage de termes distinctifs sert à souligner les différences de fonctions entre les deux rôles qui nous intéressent, il n'est pas dit qu'il soit possible ou non (ou même avantageux ou non) que ces deux rôles soient joués par la même personne.
On a ensuite fait valoir qu'une étude des rôles que doivent jouer ces personnes dans la procédure de règlement des griefs, mettrait en évidence le besoin de les assigner à des personnes distinctes. Ainsi il est prévu à la clause 5.06 qu'un grief peut être présenté au supérieur immédiat qui, après l'avoir contresi- gné, doit l'adresser au représentant de la direction. Ce dernier doit rendre une décision par écrit et en remettre une copie à l'employé par l'intermédiaire de son supérieur immédiat. Il est clair que deux rôles différents sont envisagés, le supérieur immédiat agissant comme intermédiaire entre l'employé s'esti- mant lésé et celui qui prend la décision. Il n'est toutefois pas contradictoire, selon la convention collective, que ces deux rôles distincts soient remplis par la même personne. Un tel accom- modement ne violerait aucune disposition de la convention collective: il faut toutefois satisfaire aux exigences des deux rôles distincts.
Il a été encore soutenu que la procédure de règlement des griefs, avec ses quatre paliers (y compris celui de la plainte), serait grandement modifiée si la personne qui s'occupe du grief au stade de la plainte était la même au premier palier. Suppri- mer une étape de la procédure de règlement des griefs revien- drait, a-t-on soutenu, à modifier complètement la procédure. Le fait que l'employeur désigne la même personne comme supé- rieur immédiat et représentant de la direction n'a cependant pas cet effet, à mon avis. La procédure de règlement des griefs compte effectivement quatre paliers. Le premier est celui de la «plainte», l'on tente de trouver une solution à un problème en discutant avec son supérieur immédiat. C'est certainement une étape importante de la procédure de règlement des griefs. Elle ne peut être évitée (sauf peut-être dans le cas d'entente expresse entre les parties). La nécessité de chercher à trouver une solution à l'étape de la plainte est clairement exprimée, et je ne doute pas de l'importance de ce palier. Je ne considère toutefois pas que ce que l'employeur a fait en désignant—dans certains cas—la même personne comme supérieur immédiat et représen- tant de la direction pour un groupe d'employés, a cet effet. Rien n'empêche un représentant de la direction de s'occuper conve- nablement d'un grief au premier palier, même si la même
personne n'a pu résoudre la question quand elle lui a été présentée comme plainte. De plus, son aptitude à tenter de trouver une solution au niveau de la plainte n'est pas nécessai- rement affectée par le fait qu'il peut, si la question lui est présentée comme grief, avoir à prendre une décision à titre de représentant de la direction. Rien ne l'empêche à ce titre ou à l'autre de se conformer aux dispositions de la convention collec tive relatives à la procédure de règlement des plaintes et des griefs, et il n'y a pas modification de la procédure pour autant.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit l'avocat de l'employeur, notamment quand il a affirmé que l'article 5 de la convention colléctive n'établit pas de critères restrictifs quant à savoir qui peut être nommé supérieur immédiat ou représentant de la direction et, plus particulièrement, que rien n'empêche l'em- ployeur de nommer comme représentant de la direction le supérieur immédiat des employés concernés.
Je suis d'accord avec la conclusion de M. Wea- therill et, de façon générale, avec son raisonne- ment. Je suis d'avis que les dispositions précitées de la convention collective laissent sous-entendre que les personnes qui ont l'autorité pour rendre des décisions aux trois paliers de la procédure de règle- ment des «griefs» (articles 5.06, 5.07 et 5.08) doi- vent être des personnes distinctes et que la per- sonne chargée de rendre la décision au deuxième et troisième paliers doit être un supérieur hiérarchi- que de la personne autorisée à rendre une décision au palier inférieur. A mon avis, toutefois, il ne découle pas nécessairement de la formule générale de règlement des griefs que le supérieur immédiat avec qui l'employé doit discuter de sa «plainte» afin de trouver une solution (article 5.05) ne puisse être la personne autorisée à rendre une décision en tant que représentant de la direction au premier palier de la procédure de règlement des «griefs». Puisque cette exigence n'a pas été formulée et que la formule générale ne la sous-entend pas nécessaire- ment, on ne peut, à mon avis, la tirer du fait que la convention collective, tout en prévoyant que l'em- ployé doit présenter son grief à son supérieur immédiat à chaque palier de la procédure de règle- ment des «griefs», ne comporte aucune disposition expresse pour le cas le représentant de la direc tion est également le supérieur immédiat au pre mier palier. La convention collective aurait pu prévoir que dans un cas semblable, le supérieur immédiat devrait retenir le grief et que dans les autres cas, il devrait l'«adresser» au représentant de la direction; que, toujours dans le cas en cause, copie de la décision serait envoyée directement à l'employé; et que dans les autres cas, la copie serait
«transmise ... par l'intermédiaire de son supérieur immédiat». Une telle précision aurait conféré au texte plus d'élégance mais, à mon avis, le défaut de prévoir dans l'aspect purement procédural d'une disposition comme l'article 5.06, que le supérieur immédiat puisse être en même temps le représen- tant de la direction ne peut entraîner, du moins en ce qui concerne une convention collective, un retentissement de fond aussi sérieux que le fait valoir la requérante.
Pour les motifs précités, je suis d'avis de rejeter la demande introduite en vertu de l'article 28.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
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