Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1356-74
Osborn Refrigeration Sales and Service Inc. (Demanderesse)
c.
Le navire Atlantean I, ses propriétaires, ses arma- teurs et toute autre personne ayant des intérêts dans ledit navire (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, les 14 et 15 février; Ottawa, le 26 mars 1979.
Droit maritime Action résultant d'une ordonnance rendue sur requête visant aux mesures relatives à la preuve des réclamations faites dans le cadre d'un litige complexe et inhabituel portant sur la propriété du navire Les réclama- tions dépassent le produit de la vente du navire Principes déterminant le rang de priorité des créanciers Établisse- ment des réclamations et du rang de priorité Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 43(3), 59 Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, art. 38, 43 Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52, art. 34 Règle 1010 de la Cour fédérale.
Cette action résulte d'une ordonnance prescrivant certaines mesures relatives à la preuve des réclamations dont la Cour a été saisie dans le cadre d'un litige portant sur la propriété du navire Atlantean 1 et sur les réclamations déposées contre lui. Il a été ordonné aux réclamants qui avaient fait opposition d'indi- quer la nature et le montant de leur réclamation ainsi que son rang de priorité dans la répartition du produit de la vente. L'acquéreur du navire, Caron, qui l'a acheté dans une vente judiciaire, a subi des frais pour prendre possession du navire, en raison de complications contentieuses, des frais de justice y afférents, des mesures prises par le commandant du navire en vertu d'une apparence de droit découlant d'un jugement de la Cour des petites créances, et des dépenses de conservation du navire normalement supportées par le prévôt. La G.R.C. et la Garde côtière réclament le remboursement des dépenses subies pour la poursuite du navire et sa livraison au prévôt. Bien que la réclamation de la G.R.C. porte au premier chef sur les salaires et heures supplémentaires de ses agents, sur leur logement et leur nourriture, et sur la location d'avions, elle recouvre égale- ment l'achat du mazout pour le navire et sa vidange en prévision de l'hiver. La Garde côtière réclame l'intégralité des dépenses subies pour ramener le navire, dont les dépenses en mazout, en lubrifiants et en provisions pour l'Atlantean I. Ontario Sandblasting Company réclame le remboursement des approvisionnements nécessaires, en l'occurrence le décapage et la peinture du navire en 1973. Port Colborne Warehousing Limited et d'autres ont obtenu un jugement portant rembourse- ment des approvisionnements nécessaires; la saisie du navire, effectuée après la constitution de l'hypothèque de la Security National Bank, avait été ordonnée bien avant. Ni Port Col- borne Warehousing Limited, qui subissait des frais de publica tion de sa requête visant à la vente du navire, ni le juge ne savaient que la vente du navire avait déjà été autorisée. La réclamation des pilotes se rapporte aux services effectivement rendus comme aux occasions le navire a appareillé sans
pilote et il était quand même légalement tenu aux droits de pilotage. Enfin, la Security National Bank réclame le paiement d'une hypothèque maritime de premier rang.
Arrêt: la Cour conclut à la validité de la plupart des réclama- tions et en détermine le rang de priorité. La propriété est acquise à l'acquéreur dès que la vente a été validée par la Cour; les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada ne font que prévoir les formalités nécessaires pour achever la transmission du titre de propriété. Dans l'intervalle entre l'ap- probation de la Cour et la signature de l'acte de vente par le prévôt, l'acquéreur est propriétaire sous condition suspensive. Les réclamations nées après cette date sont des réclamations contre le navire et non contre les deniers consignés sauf, en l'espèce, les frais subis pour la conservation du navire. Il faut s'en tenir à l'ordonnance initiale de vente. On ne peut certes pas écarter les règles fondamentales relatives à l'ordre de préfé- rence, mais il existe des précédents où, dans des cas d'espèce, il a fallu tenir compte des considérations d'équité. L'affaire en instance requiert l'application de certains principes d'équité dans la distribution des deniers très limités par rapport aux réclamations. Les frais du prévôt auront la première priorité. Ils comprennent non seulement les sommes que le prévôt a débour- sées, mais encore celles déboursées par les autres parties en son nom, avec ou sans son autorisation expresse, pour conserver le navire entre la date de son adjudication et celle de sa remise à l'acquéreur. Ni la G.R.C. ni la Garde côtière ne peuvent, dans l'accomplissement de leurs devoirs conformément à une ordon- nance judiciaire, réclamer un remboursement, avec les deniers consignés, des frais qu'elles ont subis à cet égard. Les dépenses faites pour le mazout, pour les approvisionnements et pour la vidange du navire sont cependant des dépenses faites pour sa conservation et doivent être incluses dans les frais du prévôt. Les dépens subis par les avocats de l'acquéreur devant la Cour pour prendre possession du navire sont admissibles pour les mêmes considérations exceptionnelles d'équité. Port Colborne Warehousing Limited aura droit aux dépens taxés ainsi qu'aux frais découlant de l'ordonnance qu'elle a obtenue de la Cour. La réclamation des pilotes pour services rendus est un privilège maritime, mais celle pour services non rendus n'est qu'un privilège légal contre le navire et non contre les deniers consi gnés. Le reliquat des deniers consignés sera distribué à la Security National Bank, créancière hypothécaire. La réclama- tion de l'Ontario Sandblasting et le reste de la réclamation de Port Colborne Warehousing Limited sont réglés par l'article 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale.
REQUÊTE. AVOCATS:
La demanderesse n'était pas représentée. Les défendeurs n'étaient pas représentés. Ian E. Harris pour la réclamante Port Col- borne Warehousing Limited.
Richard Gaudreau pour les réclamants Paul- Émile Caron et Langlois, Drouin, Roy, Fré- chette & Gaudreau.
Claude Joyal pour les réclamantes la Gendar- merie royale du Canada et la Garde côtière canadienne.
Sean J. Harrington pour la réclamante Secu rity National Bank.
Pierre H. Cadieux pour la réclamante Onta- rio Sandblasting Company.
Michel Bourgeois pour la réclamante l'Admi- nistration de pilotage des Laurentides.
PROCUREURS:
Chauvin, Marier & Baudry, Montréal, pour la demanderesse.
Cerini, Jamieson, Salmon, Findlay, Watson, Souaid & Harris, Montréal, pour la récla- mante Port Colborne Warehousing Limited. Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau- dreau, Montréal, pour les réclamants Paul- Émile Caron et Langlois, Drouin, Roy, Fré- chette & Gaudreau.
Le sous-procureur général du Canada pour les réclamantes la Gendarmerie royale du Canada et la Garde côtière canadienne. McMaster, Meighen, Montréal, pour la récla- mante Security National Bank.
Asselin & Cadieux, Montréal, pour la récla- mante Ontario Sandblasting Company. Guy P. Major, Montréal, pour la réclamante l'Administration de pilotage des Laurentides.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette action résulte d'une ordonnance rendue le 25 janvier 1977 par le juge Raymond G. Decary sur la requête de Paul-Émile Caron, qui prescrit certaines mesures relatives à la preuve des réclamations dont la Cour est saisie dans le cadre d'un litige extraordinairement com- plexe et inhabituel portant sur la propriété du navire Atlantean I et sur les réclamations déposées contre lui. Aux termes de cette ordonnance, les réclamants qui ont fait opposition peuvent, avec la permission de la Cour, intervenir conformément à la Règle 1010 des Règles de la Cour dans les 30 jours de la signification de l'ordonnance, en indi- quant sur leur demande d'intervention la nature et le montant de leur réclamation ainsi que son rang de priorité dans la répartition du produit de la vente. Ces interventions doivent être signifiées dans les 10 jours à tous les autres opposants; elles peuvent être contestées au cours d'une audience commune dont la tenue doit être demandée con- jointement dans les 60 jours. Malgré de nombreux
retards, des demandes d'intervention ont finale- ment été déposées au nom de la Security National Bank, du procureur général du Canada en tant que représentant de la Garde côtière canadienne et de la Gendarmerie royale du Canada, de Port Col- borne Warehousing Limited, de Paul-Émile Caron, de l'étude d'avocats Langlois, Drouin, Roy, Fréchette et Gaudreau qui représente ce dernier dans cette affaire, de l'Administration de pilotage des Laurentides et de l'Ontario Sandblasting Company.
L'administration des preuves a été grandement facilitée par un long exposé conjoint des faits portant la signature des avocats de toutes ces parties et relatant l'historique du litige ainsi que les divers jugements s'y rapportant. Des preuves additionnelles relatives au montant de certaines réclamations ont été admises, avec la permission de la Cour, sous la forme de pièces produites à l'audience. Selon les renseignements fournis par le greffe, les deniers à répartir consignés à la Cour
s'élevaient au 31 janvier 1979 $36,986.76, soit $28,500 représentant le produit de la vente, plus les intérêts, moins la somme de $760.62 déjà versée au prévôt en exécution d'une ordonnance en date du 13 juin 1977 rendue par la Cour. Il ressort de l'affidavit du prévôt, joint à sa demande de paiement privilégié, que cette somme se rapportait à une première vente, celle du 15 janvier 1975, dont la validation avait été reportée par une ordon- nance rendue par la Cour suite à l'intervention de la Security National Bank. Une seconde vente, validée par la Cour, a eu lieu le 18 février 1975, produisant la somme susmentionnée de $28,500. Selon l'avocat de la Security National Bank, cel- le-ci a payé elle-même les frais encourus par le prévôt relativement à cette seconde vente de sorte que ce dernier ne possède pas de créance directe à faire valoir par voie d'intervention. Toutefois, dans la mesure ces frais sont privilégiés, on peut considérer que les sommes ainsi déboursées par la Security National Bank pour défrayer le prévôt constituaient un prêt ou étaient assorties de subrogation.
Il y a lieu d'exposer brièvement les réclamations des divers intervenants et les principaux motifs de contestation invoqués par les autres intervenants à l'égard de chacune d'elles avant de déterminer leur validité ou leur rang, car il est évident que seule-
ment quelques-unes d'entre elles pourront être acquittées avec le produit de la vente et que cer- tains des réclamants ne seront même pas admis à concourir à la répartition.
La réclamation de Paul-Emile Caron, l'acquéreur
Le navire a été adjugé par ordonnance en date du 20 février 1975 M. Caron après une vente judiciaire tenue le 18 février. Le lendemain du jugement de validation de cette vente, la compa- gnie Vitrai Compania Naviera S.A. a formé appel contre ce jugement. Cet appel a été rejeté le 23 octobre 1975 par la Cour d'appel fédérale. M. Caron s'est ensuite rendu à Québec pour prendre possession du navire qui y était mouillé. Il en a été empêché par un certain commandant Erb qui a prétendu avoir acheté, au nom de ladite compa- gnie, le navire pour la somme de $251 au cours d'une vente publique tenue le 30 novembre 1974 à la suite d'un jugement rendu par défaut le 30 août 1974 par la Cour des petites créances de la pro vince de Québec. Le navire défendeur était sous saisie relativement à la présente affaire depuis le 1" avril 1974.
Par voie de bref de saisie avant jugement, la Vitrai a intenté une action devant la Cour supé- rieure du Québec pour obtenir la possession immé- diate du navire, tandis que Caron, l'acquéreur, a présenté, devant cette cour, d'abord une requête en vue d'annuler cette saisie et ensuite un moyen préliminaire pour cause de litispendance. Le 10 juillet 1975, la Cour supérieure du Québec a rejeté la requête en annulation de la saisie avant juge- ment déposée par Caron et a déclaré recevable la demande de Vitrai pour l'obtention de la posses sion du navire. Le 9 octobre 1975, elle a rejeté le moyen préliminaire soulevé par Caron. Ce n'est que le 8 octobre 1976 que la Cour d'appel du Québec a donné gain de cause à Caron. Entre- temps, le litige qui a finalement eu pour effet de réaffirmer le droit de propriété de ce dernier, droit qui lui avait été adjugé par cette cour le 20 février 1975, lui a fait subir des frais de justice s'élevant, de l'aveu même des partis, à $15,000.
Le fait que le prévôt n'ait pas immédiatement établi et remis à Caron un acte de vente après le jugement rendu le 20 février 1975 par cette cour n'a rien de surprenant puisque ce jugement n'en
donnait pas précisément l'ordre. Au contraire, il a été soigneusement rédigé en prévision des difficul- tés que pourrait rencontrer l'acquéreur à la prise de possession. En fait, voici ce qui est énoncé dans l'ordonnance de validation de la vente:
[TRADUCTION] L'offre de $28,500 faite par Paul-Emile Caron est approuvée et le navire Atlantean I, maintenant baptisé l'Answer Panama, lui est adjugé quitte de toute dette, hypothè- que, redevance portuaire et douanière et autre charge. En validant cette vente, la Cour ne peut garantir ni l'éviction des personnes se trouvant à bord du navire, ni l'état de ce dernier, mais l'acquéreur peut, à ses frais, entamer toute procédure légale visant à prendre possession immédiate du navire.
Il n'est pas non plus surprenant que, malgré toutes les démarches de M. Caron, ni la police portuaire de Québec, ni la Sûreté provinciale, ni le détache- ment de la G.R.C. n'étaient disposés à intervenir pour lui permettre de prendre possession du navire; de plus, les agents privés de sécurité qu'il a enga- gés n'étaient pas autorisés à porter des armes à l'intérieur du port. C'est ainsi que le commandant Erb, de bonne foi ou non, mais au moins avec une apparence de droit étant donné que Vitrai était le soi-disant propriétaire du navire en vertu de l'ac- quisition faite à la suite du jugement de la Cour des petites créances (jugement rendu alors que le navire était déjà sous saisie par autorisation de cette cour), a pu appareiller et ce, en violation de nombreux règlements portuaires et règlements sur la marine marchande et au mépris du jugement de cette cour.
Le jugement du 24 janvier 1975 donnant autori- sation pour annoncer la revente disposait expressé- ment que le prévôt devait garder la possession du navire et assurer sa conservation et que les deniers qui lui seraient avancés à cette fin par la Security National Bank ou par des tiers leur seraient rem- boursés par prélèvement sur le produit de la vente.
Après le départ du commandant Erb avec le navire, la Cour a donné ordre à la Garde côtière et à la G.R.C. de poursuivre le navire et de le rame- ner à Québec. Cet ordre sera étudié plus en détail quand viendra le moment d'examiner leurs récla- mations. Par la suite, il a fallu cependant modifier cet ordre pour autoriser la Garde côtière à amener le navire à Sept-Îles quand il s'est révélé impossi ble de le ramener à Québec en raison de l'état du
navire et en raison de l'innavigabilité du fleuve en hiver.
Une ordonnance du 6 mars 1975 a de nouveau confié au prévôt la garde du navire à Sept-Îles en l'autorisant à engager du personnel pour assurer l'entretien de celui-ci et des gardiens pour empê- cher toute appropriation non autorisée par une ordonnance de la Cour. Elle a en outre ordonné au prévôt, au cas la question de la propriété du navire serait définitivement tranchée en faveur de M. Caron, de délivrer à ce dernier un acte de vente dans les meilleurs délais.
Ce n'est qu'après le rejet, le 23 octobre 1975, par la Cour d'appel fédérale de l'appel interjeté contre le jugement du 20 février 1975 validant la vente, qu'une ordonnance a été rendue le 17 novembre 1975 pour enjoindre au prévôt de procé- der à la vente du navire à Caron. C'est ainsi que l'acte de vente a été dûment établi le 24 novembre 1975. Par ordonnance du 17 mars 1975, la Gen- darmerie royale du Canada et la Garde côtière ont été autorisées à confier la garde du navire, qui se trouvait alors à Sept-Îles, soit au prévôt soit à M. Caron, et ont cessé dès lors d'assumer toute autre responsabilité, vu qu'elles avaient déjà pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la bonne con servation du navire et qu'elles n'avaient pu le confier au prévôt qui refusait de l'accepter sans une garantie du paiement de ses frais. Vitrai avait auparavant été ordonné de déposer un cautionne- ment de $20,000 pour garantir le remboursement de ces frais mais elle ne l'a pas fait. Une autre ordonnance a été rendue le même jour à la demande de M. Caron, selon laquelle le navire devait lui être confié pour qu'il l'amène, à son choix, soit à Québec soit à Louiseville, au cas Vitral ne fournirait pas les $20,000 en question dans les 24 heures. Cette ordonnance prévoyait en outre que la question du remboursement des frais encourus par M. Caron serait tranchée ultérieure- ment.
En conséquence de ces diverses ordonnances et des difficultés qu'il a rencontrées, M. Caron réclame dans son intervention la somme de $41,739.86 titre de frais encourus pour conserver le navire à Sept-Îles, pour l'amener à Québec et l'y garder, et pour l'amener, par la suite, dans ses chantiers navals à Louiseville. Il soutient que ces
frais auraient normalement été subis par le prévôt et qu'ils ont été autorisés par la Cour lorsqu'elle lui a permis de prendre possession provisoire du navire à Sept-Îles pour l'amener à Québec il avait été vendu et il aurait être livré. Quant au déplacement subséquent du navire de Québec à Louiseville, il souligne que cette mesure a, en fait, réduit les frais, car il aurait été beaucoup plus coûteux de maintenir à bord un équipage réduit à Sept-Îles et à Québec et de payer des droits de quaiage etc., que de mouiller le navire dans ses propres chantiers navals à Louiseville de tels débours n'étaient pas nécessaires. Tous ces frais ont été subis avant le transfert à Caron de la propriété du navire par acte de vente en date du 17 novembre 1975. Il soutient par conséquent que ces frais doivent lui être remboursés en priorité à même les deniers consignés.
A l'audience, son avocat, Me Gaudreau, a modi- fié cette réclamation pour y inclure une créance supplémentaire de $15,000 titre de frais de jus tice facturés à son client et acquittés par celui-ci pour obtenir des tribunaux québécois la confirma tion judiciaire de son droit de propriété.
La réclamation de Port Colborne Warehousing Limited
Par suite d'une omission involontaire, le mon- tant de la réclamation de cette intervenante n'a pas été indiqué dans les plaidoiries. A l'audience, les parties ont toutefois convenu que sa réclama- tion, qui résulte d'un jugement rendu par le juge Addy le 18 novembre 1974 l'issue d'une action en paiement des approvisionnements nécessaires (no du greffe: T-5440-73) intentée par Port Col- borne Warehousing Limited contre l'Atlantean I et contre ceux ayant un intérêt dans ledit navire, se chiffre à $3,700 plus les dépens. Au sujet de cette réclamation, la situation est inhabituelle en ce qu'une assignation in rem avait été signifiée au navire par affichage au grand mât avant l'intro- duction, le 1er avril 1974, de l'action en instance par Osborn Refrigeration Sales and Service Inc. Auparavant, la saisie du navire, ordonnée avant la constitution de l'hypothèque de la Security Na tional Bank, n'avait été effectuée, pour une raison inconnue, que le 23 mars 1974. Aux termes de l'ordonnance du juge Addy, la vente du navire ne pouvait être ordonnée que sur demande formulée par voie de requête à présenter au plus tard le 16
décembre 1974 et signifiée à la Security National Bank, et après la publication de deux avis dans La Presse et dans The Gazette, le premier au plus tard le 25 novembre et le second entre le 6 et le 10 décembre 1974. Malgré cela, après autorisation accordée le 28 novembre 1974, le navire a été vendu une première fois le 15 janvier 1975 dans l'action en instance, laquelle vente n'a pas été validée par la Cour, et une deuxième fois le 20 février 1975 à M. Caron à un prix plus élevé. Il est évident qu'à la date du jugement et de l'ordon- nance du juge Addy, ni Port Colborne ni la Cour ne savaient que la vente du navire avait déjà été autorisée dans l'action en instance. Des pièces justifiant les frais de la publication de ces avis, au montant de $221.30, ont été produites.
La réclamation de l'Ontario Sandblasting Com pany
Cette réclamation, dont le montant n'a pas été mentionné dans l'exposé conjoint des faits, a fait l'objet d'une intervention au cours de laquelle l'on a produit un état de frais se chiffrant à $4,840.50 pour le décapage et la peinture du navire en novembre et en décembre 1973. Ces travaux peu- vent être assimilés à des approvisionnements néces- saires aux fins de la répartition des deniers, bien qu'aucune action en paiement de ces frais n'ait été intentée en l'espèce.
La réclamation de la Gendarmerie royale du Canada et de la Garde côtière
La réclamation de la Gendarmerie royale du Canada, qui a reçu l'ordre, par mandat du 24 février 1975, d'intercepter le navire et de l'amener au port de Québec, d'en expulser le commandant Erb et son équipage et de le livrer au prévôt, s'élève à $18,825.58 pour la période allant du 28 février au 6 mars, date à laquelle le navire a été livré à Sept-Îles. Il ressort des détails donnés à l'audience que cette réclamation consiste essentiel- lement en des frais occasionnés par les salaires, les heures supplémentaires, la nourriture et le loge- ment des agents, par la location d'avions, etc., ainsi que par l'achat de $239 de mazout pour le navire. Pour la période allant du 6 mars 1975, date de la livraison du navire à Sept-Îles, jusqu'au 19 mars 1975, date à laquelle M. Caron a pris possession du navire en vertu de l'ordonnance du 17 mars 1975 par suite du refus du prévôt de ce faire en
l'absence de cautionnement, la réclamation de la G.R.C. s'élève à $38,241.52. Cette fois encore, elle comprend les salaires, les heures supplémentaires, la nourriture et le logement des agents, ainsi que deux dépenses occasionnées par le navire lui- même, l'une pour l'achat de $356.85 de mazout supplémentaire et l'autre, au montant de $5,368.43, pour faire vidanger tout son système hydraulique en prévision de l'hiver. Pour cela, la police a engager des mécaniciens à Sept-Îles.
La Garde côtière réclame $97,390 pour les ser vices qu'elle a rendus du 28 février au 6 mars en exécution de l'ordonnance du 24 février 1975 pro- noncée par la Cour. Cette réclamation porte sur le nombre de jours nécessaires pour intercepter le navire et l'amener à Sept-Îles, soit presque 10 jours, et comprend la consommation de carburant par le navire de la Garde côtière pendant cette période, les salaires et la nourriture des officiers et membres de l'équipage, y compris les repas servis aux agents de la G.R.C., aux journalistes et à l'équipage du navire Atlantean I lui-même, les frais d'utilisation des hélicoptères et le prix du carburant qu'ils ont consommé, etc., et comprend en outre l'achat pour l' Atlantean I de $1,106 de mazout, de $832 de lubrifiant et de $235 de provisions.
Tout en admettant que les frais subis par le prévôt doivent venir au premier rang, l'avocat de la Couronne soutient que tous les frais subis avant le 19 mars, date à laquelle l'acquéreur Caron a pris possession du navire, auraient être subis et réclamés par le prévôt étant donné que c'était lui qui était légalement en possession du navire entre la date de son adjudication et celle de sa remise à M. Caron, et que le navire restait toujours sous saisie jusqu'à la signature de l'acte de vente, signa ture qui n'est intervenue que le 17 novembre 1975 après que l'on eut statué sur les appels.
Il y a lieu de remarquer ici que l'ordonnance prescrivant à la G.R.C. et à la Garde côtière d'intercepter le navire, tout en étant l'unique moyen pratique d'empêcher le commandant Erb et son équipage de le conduire illégalement dans les eaux internationales en dehors de la compétence de la Cour, n'était pas strictement conforme aux dis positions de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10. Quoique la question de son
application n'ait pas été débattue au moment l'ordonnance a été rendue, l'article 59 de cette loi porte que:
59. Les services ou l'assistance concernant la conduite des auditions de la Cour, la sécurité de ses membres, de ses locaux et de son personnel, ou l'exécution de ses ordonnances et jugements qui peuvent, compte tenu des conditions du moment, être jugés nécessaires, sont fournis, à la demande du juge en chef, par la Gendarmerie royale du Canada ou tout autre corps policier que le gouverneur en conseil peut désigner.
Comme l'ordonnance n'a pas été rendue par le juge en chef et que la Garde côtière n'est pas un corps policier, l'ordonnance n'était pas conforme à cet article. On a invoqué, en l'espèce, un précédent britannique, celui de l'affaire Glasbrook Brothers, Limited c. Glamorgan County Council'. Ce précé- dent n'est pas particulièrement approprié puisqu'il y est question non pas d'une ordonnance judiciaire adressée aux autorités policières ou militaires mais d'une entente intervenue entre la police et les propriétaires d'une mine de charbon en vue de protéger les biens de ces derniers pendant un con- flit de travail. Il a été jugé que la police, bien qu'obligée de fournir gratuitement une protection suffisante aux personnes et aux biens, pouvait exiger paiement lorsque, dans des circonstances particulières et à la demande d'une personne, elle avait fourni une forme spéciale de protection qui dépassait le cadre de ses obligations envers le public. En l'espèce, en quittant illégalement la ville de Québec, le navire a enfreint non seulement les termes expresses d'un jugement de cette cour mais également le règlement portuaire et les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada 2 . Il a quitté le port avec un équipement et un équipage insuffisant, sans avoir obtenu la permission ni des autorités portuaires ni des autorités douanières. Par la suite, le commandant Erb a été déclaré coupable sous plusieurs chefs d'accusation et con- damné, après appel, à une amende de $5,000 ou, à défaut de paiement, à une peine de prison. Toute- fois, puisqu'il se trouve en ce moment hors la compétence de la Cour, cette amende ne peut être perçue. Par conséquent, on peut considérer que la Garde côtière a collaboré à l'exécution des lois du Canada dans un cas la G.R.C. ne pouvait agir puisqu'elle n'avait ni les moyens ni la compétence
' [1925] A.C. 270.
2 S.R.C. 1970, c. S-9.
technique pour intercepter un navire en fuite, en plein hiver, au milieu des glaces flottantes du golfe du Saint-Laurent, et pour le ramener dans un port canadien sûr. Bien que cette réclamation ne puisse manifestement être considérée comme une récla- mation pour sauvetage puisque le navire n'avait pas été abandonné et n'avait demandé aucune aide, et bien qu'elle résulte de l'exécution d'une ordonnance judiciaire, il convient quand même de souligner les dispositions de l'article 531 de la Loi sur la marine marchande du Canada selon les- quelles les frais de sauvetage et les articles utilisés aux fins de ce sauvetage ne sont pas indemnisables, sous réserve de certaines formalités spéciales, lors- que le sauvetage a été effectué par des navires de Sa Majesté.
En état de cause, je conclus que ni la G.R.C. ni la Garde côtière canadienne ne possède de récla- mations à faire valoir sur le produit de la vente en ce qui concerne les frais qu'elles ont subis en exécutant, dans le cadre de leurs attributions, une ordonnance de la Cour. Cependant, il y a lieu peut-être de faire une distinction en ce qui con- cerne le mazout et les approvisionnements fournis au navire et les travaux de vidange destinés à le protéger pendant qu'il était en mouillage à Sept- Iles, c'est-à-dire des frais manifestement encourus pour la conservation du navire. Sans une quantité suffisante de mazout, celui-ci serait allé à la dérive et à sa perte au milieu des glaces flottantes. Il est certain que si l'eau n'avait pas été vidangée et le navire préparé pour passer l'hiver dans le port à Sept-Îles, des dommages incalculables auraient été causés. Ces frais appartiennent donc également à la catégorie des frais de protection et de conserva tion du navire. La question de savoir si ces frais peuvent être validement réclamés sur les deniers consignés sera traitée plus loin.
La réclamation des pilotes
Quoique cette réclamation ne s'élève qu'à $1,471.19, l'avocat des pilotes a longuement et habilement soutenu le principe de son rang. A l'exception de la somme de $157.84 se rapportant aux 23 et 24 février 1975, les autres sommes réclamées se rapportent toutes à une période anté- rieure à la vente. En fait, à part une autre excep tion, elles se rapportent à différentes dates de 1974 antérieures à l'introduction de la présente action. Trois de ces sommes, à savoir $139.68 pour le 30
janvier 1974, $483.12 pour le 9 février 1974 et $157.84 pour les 23 et 24 février 1975, ne se rapportent pas à des services rendus, mais aux occasions l'Atlantean I a appareillé sans avoir un pilote à bord et des droits de pilotage lui ont quand même été imposés en vertu des dispositions de l'article 34 de la Loi sur le pilotage 3 .
L'avocat des pilotes soutient que cette réclama- tion équivaut à un privilège maritime. A la diffé- rence de la Loi sur le Conseil des ports nationaux 4 qui a créé dans son article 17(4) un privilège sur le navire et sur le produit de toute vente, ce privilège ayant priorité sur toutes les autres réclamations à la seule exception des réclamations pour gages de marin en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, la Loi sur le pilotage ne prévoit pas expressément de privilège pour les droits de pilo- tage. Une telle disposition n'était pas nécessaire, soutient-il, parce qu'il était déjà bien établi à l'époque par la jurisprudence que les réclamations de cette nature jouissaient d'un privilège maritime. Il invoque une ancienne loi britannique datant de 1765 en vertu de laquelle un pilote, à la différence du capitaine, était assimilé à un marin et pouvait intenter une action en paiement contre le navire devant la Cour d'Amirauté en jouissant du même rang que les marins à l'égard de leurs gages. En ce qui concerne l'ancienne jurisprudence canadienne en la matière, la Cour de Vice-Amirauté du Bas Canada, dans l'affaire The Premier, Heard 5 , a statué que les droits de pilotage jouissaient d'un privilège sur le navire et d'un droit de suite. La loi britannique dite The Merchant Shipping Act, 1854, 17-18 Vict., c. 104, ayant cessé d'assimiler les pilotes au marin, l'on peut alors se demander si ce privilège était du même coup aboli. Selon l'avo- cat, il ne l'a pas été, même après l'adoption en 1913 de la loi britannique dite Pilotage Act, 1913, 2-3 Geo. V, c. 31. On peut lire dans un jugement rendu en 1921, celui de l'«Athena» 6 , à la page 483:
[TRADUCTION] M. le juge HILL a statué que le solde des deniers, après consignation de £15,000à la Cour en attendant l'issue de l'action née de la collision et après paiement des frais et droits du prévôt et du privilège de possesseur de la compa- gnie de chemins de fer (y compris les droits des pilotes de quai et des bâteliers) serait distribué comme suit: les frais subis par
3 S.C. 1970-71-72, c. 52.
° S.R.C. 1970, c. N-8.
(1856) 6 L.C.R. 493.
6 (1921) 8 LI. L. Rep. 482.
la St. Vincent Company jusqu'à la date de la saisie et les frais subis par les avocats Mann, George & Co. jusqu'à la date de l'ordonnance d'évaluation et de vente inclusivement; les gages des membres de l'équipage, plus intérêts et dépenses; les salai- res et les débours du capitaine, plus dépenses; et enfin les créanciers hypothécaires. Le désintéressement éventuel des créances hypothécaires dépendait de l'issue de l'action née de la collision. Le prévôt a été autorisé à verser immédiatement aux membres de l'équipage un acompte de £1000. Le paiement des dépenses ne pouvait être effectué qu'après leur taxation. [C'est moi qui souligne.]
Dans la cause The Ambatielos. The Cephalonia', après avoir fait le point sur la jurisprudence et la législation britannique, l'on a conclu que l'action en paiement des droits de pilotage pouvait être intentée non seulement par voie de recours som- maire prévu à l'article 49 de la Pilotage Act, 1913, mais également devant la Haute Cour d'Amirauté et devant son successeur, la Division d'Amirauté de la Haute Cour de Justice, celles-ci ayant tou- jours été compétentes pour connaître une action in rem en matière de droits de pilotage. Voici ce qu'a déclaré le juge Hill à la page 306:
[TRADUCTION] J'estime qu'un pilote qui réclame ses droits de pilotage possède un droit réel qu'il peut faire valoir devant la Cour. En général, il n'aura pas intérêt à saisir la Cour lorsqu'il dispose par ailleurs d'un recours sommaire, car il n'aura proba- blement pas droit à ses dépens s'il choisit une procédure coûteuse de préférence à une procédure moins coûteuse. Toute- fois, il vaut peut-être mieux en saisir cette cour si le navire est déjà saisi et surtout s'il est étranger. En l'espèce, j'estime que c'était indiqué. J'accorde donc jugement au demandeur avec dépens. Je ne dis pas que les droits de pilotage jouissent d'un privilège maritime. Ce n'est pas parce que la Haute Cour d'Amirauté est compétente en première instance en matière de droits de pilotage qu'un privilège maritime existe nécessaire- ment en faveur de ces droits: cf les jugements de LORD BRAMWELL et de LORD FITZGERALD dans l'affaire The Hen- rich Bjorn (Northcote c. Henrich Bjorn (Owners) The Henrich Bjorn (1886), 11 App. Cas. 270; 55 L.J.P. 8; 55 L.T. 66, 2 T.L.R. 498; 6 Asp.M.L.C. 1, H.L.; 41 Digest 942, 8333). Il vaudrait mieux que je ne me prononce pas en faveur d'un privilège maritime en l'absence de créanciers hypothécaires. Toutefois, à cause de l'insignifiance des sommes réclamées, les créanciers hypothécaires et les propriétaires conviendront pro- bablement que le produit éventuel de la vente des navires devrait servir à exécuter ces jugements.
L'article 3 de l'Acte de l'Amirauté, 1891, S.C. 1891, c. 29, disposait que la Cour de l'Échiquier du Canada était une cour coloniale d'Amirauté et que sa compétence à l'intérieur du Canada était, à ce titre, identique à celle que détenait à l'époque, la Haute Cour d'Angleterre en vertu de la Loi dite The Colonial Courts of Admiralty Act, 1890,
7 [1923] All E.R. 303.
53-54 Vict., c. 27 (Imp.). L'article 18 de la Loi d'amirauté, 1934, S.C. 1934, c. 31, disposait que la Cour d'Amirauté avait la même compétence en matière d'amirauté sur les personnes, matières et choses que celle qui était reconnue à l'époque à la Haute Cour de Justice d'Angleterre par la loi ou autrement, et qu'elle pouvait l'exercer de la même manière et dans la même mesure que la Haute Cour. L'article 22(2) de la Loi sur la Cour fédé- rale donne à cette cour la compétence en matière de demandes de pilotage.
Dans la cause (non publiée) Rochlin et le navire «Evie W», ses propriétaires et le produit de sa vente, défendeurs, et Israel Discount Bank Lim ited (no du greffe de la Cour de l'Échiquier: 1327, en date du 27 janvier 1970), je dis ceci à la page 4 à propos d'une réclamation de $630.21 présentée à l'Administration de pilotage du ministère des Transports:
Le 27 mars 1968, le juge suppléant A. I. Smith ordonnait le versement de $630.21 au ministre des Transports, à prélever sur le produit de la vente du navire défendeur «nonobstant toute opposition produite en l'espèce».
Bien que ne pouvant citer un seul précédent cana- dien qui reconnaisse expressément le privilège maritime des droits de pilotage, l'avocat des pilotes conclut que ce privilège existait en droit britanni- que et qu'il a de ce fait été intégré au droit canadien. C'est pourquoi il demande un jugement déclarant que ces réclamations jouissent d'un pri- vilège maritime de premier rang, avec dépens.
L'avocat de M. Caron fait valoir que la jurispru dence britannique citée se rapporte au pilotage non obligatoire tandis qu'aux termes de la Loi sur le pilotage, le pilotage est obligatoire au Canada. Il allègue en outre que les pilotes tiennent leurs droits de la Loi qui ne prévoit pas expressément de privilège maritime. Je ne vois pas pourquoi il faut distinguer entre le pilotage aux termes d'un con- trat conclu avec le capitaine ou les propriétaires, comme c'est le cas en Angleterre, et le pilotage obligatoire imposé par la Loi sur le pilotage, comme c'est le cas au Canada. Comme on l'a souligné dans les débats, l'emploi de pilotes est également obligatoire en plusieurs régions de la Grande-Bretagne. Les diverses administrations de pilotage prévues par la Loi sur le pilotage au Canada s'occupent simplement d'affecter les pilo-
tes aux navires et de percevoir en leur nom les droits de pilotage facturés par elles, en l'espèce l'Administration de pilotage des Laurentides. Cette différence dans les manières de procéder ne devrait affecter ni les droits des pilotes d'exiger le paiement des droits de pilotage ni l'ordre de prio- rité de leurs réclamations, et si la jurisprudence britannique reconnaît au pilote un privilège mari time à l'égard des droits de pilotage, il semble que ces réclamations doivent jouir de la même priorité au Canada malgré le silence de la Loi sur le pilotage. Je crois cependant qu'il faut distinguer les droits de pilotage qui ne se rapportent pas à des services rendus, mais qui sont imposés par la Loi sur le pilotage et qui jouissent d'un privilège légal plutôt que d'un privilège maritime.
La réclamation de la Security National Bank, créancière hypothécaire
La réclamation de la Security National Bank résulte d'un jugement in rem prononcé le 14 avril 1975 contre l'Atlantean I (no du greffe: T-4420-74) au montant de $614,560.79 plus inté- rêts et dépens. Il s'agit d'une hypothèque maritime qui doit, de l'avis des parties, être considérée comme une hypothèque maritime de premier rang en vertu du droit maritime canadien. La réclama- tion a pour origine une hypothèque de $530,000 constituée le 28 février 1974 sur l'Atlantean I. Apparemment, ce n'est qu'au 29 avril 1974 que l'hypothèque a été officialisée au Panama l'At- lantean I était enregistré. Selon l'avocat de la Banque, l'ordre de collocation doit être le suivant: d'abord les frais subis par le prévôt et ensuite les frais subis par les parties pour réaliser la vente du navire. La Banque ayant avancé $417.65 au prévôt en vue de la seconde vente et déboursé en outre $225 pour insérer une annonce dans le Journal of Commerce, soit au total $642.55, ni Osborn ni Port Colborne, soutient-il, ne doivent recevoir le remboursement de leurs frais étant donné que c'était la Banque qui fut l'élément dynamique dans la vente du navire.
A ce sujet, il convient de mentionner qu'Osborn Refrigeration Sales and Service Inc. n'a plus aucun droit sur le produit de la vente du navire. Peu de temps après avoir introduit son action, la demanderesse, dans le but d'empêcher la vente prévue pour le 20 février 1975, a déposé un avis de désistement. Étant donné les intérêts qu'avaient les
nombreuses autres parties, y compris la Security National Bank, dans le produit de la vente, la Cour, par jugement daté du 20 février 1975, ne lui a pas permis de se désister. Quoique le dossier ne le révèle pas, on peut présumer que c'est Vitrai qui a elle-même désintéressé la demanderesse.
Selon l'avocat de la Banque, viennent ensuite les privilèges possessoires, inexistants en l'espèce, suivis des privilèges maritimes dont il met en doute la validité de celui de l'administration de pilotage. Vient ensuite la créance hypothécaire de la Banque, suivie des privilèges légaux in rem des fournisseurs des approvisionnements nécessaires. Cet ordre de collocation aurait pour effet d'exclure la Port Colborne Warehousing Limited et l'Onta- rio Sandblasting Company étant donné qu'il ne resterait alors plus rien pour les désintéresser.
En ce qui concerne la réclamation de la Port Colborne Warehousing Limited et de son rang par rapport à celle du créancier hypothécaire, la ques tion de savoir si son privilège date du jour cette action in rem a été introduite ou bien du jour la saisie a été effectuée, c'est-à-dire malheureuse- ment beaucoup plus tard, a été longuement débat- tue. L'action a été introduite le 27 décembre 1973 et signifiée au navire le lendemain. La saisie n'a été ordonnée que le 15 janvier 1974 et signifiée que le 23 mars. L'hypothèque de la Security National Bank était datée du 28 février 1974, mais n'a été officialisée au Panama le navire était enregistré que le 29 avril 1974.
Dans l'affaire «Monte Ulia» (Owners) c. The «Banco» 8 , lord Denning, Maître des rôles, a tenu les propos suivants la page 53):
[TRADUCTION] Dans une action in rem, la question de compé- tence est soulevée non pas à l'émission du bref, mais au moment de sa signification au navire et à celui de l'exécution de l'ordonnance de saisie. La raison en est que l'action in rem vise la chose elle-même et ne produit ses effets qu'à partir de la saisie de la chose. [C'est moi qui souligne.]
A la page 51, il a déclaré, à propos des privilèges maritimes, qu'ils subsistaient même après la vente du navire à un acquéreur de bonne foi de sorte que le navire pouvait toujours être saisi (voir The Bold Buccleugh (1851) 7 Moo. P.C. 267). Il a ensuite ajouté:
[TRADUCTION] Par la suite, le droit de saisie a été étendu pour garantir non seulement un privilège maritime mais également le
8 [1971] 1 Lloyd's Rep. 49.
paiement des approvisionnements nécessaires (voir The Hein- rich Bjorn, (1885) 10 P.D. 44). Toutefois, ce droit de saisie ne vaut que contre les navires auxquels les approvisionnements nécessaires ont été fournis.
Une autre affaire a été citée, celle du The «Cellâ» 9 , dans laquelle il a été statué que: [TRA- DUCTION] «L'action in rem intentée en vertu de l'Admiralty Court Act de 1861, en l'absence de privilèges maritimes, confère au demandeur un droit sur la chose à compter de la date de sa saisie et transforme dès lors sa créance en une créance privilégiée».
Dans l'affaire The «Monica S.» 10 , voici ce qui a été statué aux pages 121 et 122:
[TRADUCTION] En étudiant ce passage et les autres passages analogues dans les jugements subséquents, il importe, à mon avis, de ne pas oublier de distinguer entre le droit de saisir un navire pour garantir le paiement d'une créance et l'exercice de ce droit par l'exécution de la saisie. C'est la saisie elle-même qui donne au créancier la garantie qu'il recherche, mais pour pouvoir acquérir le droit de saisie, il lui faut au préalable intenter une action in rem. [C'est moi qui souligne.]
En outre, on peut lire, à la page 130 du recueil:
[TRADUCTION] S'attaquant au principe selon lequel les effets légaux d'une action in rem commencent à courir à compter de la date d'émission du bref et non de la date de signification ou de la date de la saisie, l'avocat de Tankoil soutient que de grandes difficultés en résulteraient dans la pratique. Selon lui, l'acquéreur d'un navire court le risque de découvrir que ce dernier était déjà, à son insu, lourdement grevé. Son argument ne m'impressionne pas. L'acquéreur doit toujours tenir compte de l'existence possible de privilèges maritimes; de plus, la plupart, sinon la totalité des créances qui, en Angleterre, ne donnent droit qu'à une action in rem, donnent droit à de tels privilèges sous le régime de beaucoup de lois étrangères. Par ailleurs, alors qu'il n'existe aucun moyen de savoir quels sont les privilèges maritimes qui grèvent déjà un navire, il est du moins possible, en consultant le registre de l'amirauté, de savoir quels ont été les brefs qui ont été émis à l'encontre de ce navire. Dans la pratique, l'acquéreur exige du vendeur une garantie contre toute créance privilégiée née avant la vente et cette garantie lui procure une protection adéquate sauf en cas d'in- solvabilité du vendeur.
Dans l'arrêt The «Heinrich BOrn» ", cité par le juge Noël (par la suite juge en chef adjoint) dans
Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le «Corner» 12
à la page 22, lord Watson a déclaré (aux pages 276 et 277): [TRADUCTION] «... nous apprenons que la Cour d'Amirauté, suivant une pratique
9 6 Asp.M.C. 293; (1888-90) 13 P.D. 82.
10 [1967] 2 Lloyd's Rep. 113.
Northcote c. BjOrn (1886) 15 H. of L. 270.
12 [1970] R.C.E. 12.
récente, accorde également ce recours aux créan- ciers du propriétaire du navire pour des créances maritimes non privilégiées; dans ce cas, la saisie judiciaire confère au créancier un privilège légal sur la chose appartenant à son débiteur et ce, à compter de la date de la saisie». Ce passage est mis en italique dans le jugement du juge Noël. Toutefois, ce même lord Watson a aussi déclaré à la page 278, (citation également mise en italique par le juge Noël) que: [TRADUCTION] «Il ressort nécessairement, semble-t-il, de l'argument de l'ap- pelant que le créancier, qui ne serait qu'un créan- cier chirographaire si son recours était porté devant une autre juridiction, devient en vertu de la Loi un créancier privilégié lorsqu'il introduit une action devant la Cour d'Amirauté.» Il semble donc que dans ce jugement de lord Watson, les expres sions «date de la saisie» et «lorsqu'il introduit une action» soient toutes deux employées pour désigner la date à laquelle le privilège prend effet.
Le juge Noël a également souligné la page 26] que dans l'arrêt The «Cella» (précité), l'on se
reportait, à la page 85, la déclaration faite par lord Bramwell dans l'affaire The «Heinrich BOrn», selon laquelle la réclamation devenait pri- vilégiée [TRADUCTION] «à compter de l'introduc- tion de cette action in rem». On peut lire cepen- dant dans l'arrêt The «Cella», à la page 87:
[TRADUCTION] ... malgré l'absence de tout privilège maritime, le navire est, à compter du moment de sa saisie, placé sous séquestre judiciaire pour garantir le paiement, par l'adjudica- teur éventuel, la créance du réclamant.
Ici aussi il y a confusion entre la date de l'intro- duction de l'action et la date de la saisie lorsqu'il s'agit de déterminer la date à compter de laquelle le privilège prend effet.
Le juge Noël mentionne en outre, à la page 26, l'affaire Foong Tai Co. c. Buchleister & Co." dans laquelle il fut déclaré qu'une réclamation pour approvisionnements nécessaires ne donne aucun droit contre le navire [TRADUCTION] «jus- qu'au moment l'action est prise.» Dans l'affaire Comeau's Sea Foods 14 , on peut lire à la page 559, à propos de la distinction entre un privilège mari time et un privilège légal:
13 [1908] A.2, 458.
14 [1971] C.F. 556.
Le privilège légal ne court qu'à partir du jour de la saisie-arrêt et dépend des réclamations déjà existantes sur la chose ... [On cite à l'appui l'arrêt The «Cella»].
Cependant, le savant juge déclare à la page 560:
Le privilège légal existe lorsqu'une poursuite est intentée pour le faire valoir.
Invoquant l'ouvrage de Mayers 15 qui déclare à la page 71 que la préférence de l'hypothèque ne joue que si celle-ci a été inscrite avant l'introduc- tion de l'action, c'est-à-dire avant que la Cour n'en soit saisie, l'avocat de Port Colborne soutient que l'inscription d'une hypothèque ne rend pas un pri- vilège légal caduc. Cependant, on peut lire à la page 211 de cet ouvrage que ce qui importe c'est la date de la saisie du navire et non la date de l'introduction de l'action. A la page 57 du même ouvrage, Mayers dit qu'un privilège légal prend effet à compter de la date de l'introduction de l'action. Port Colborne soutient que sa réclamation jouit d'un privilège légal.
La jurisprudence et la doctrine susmentionnées ne traitent que de l'effet d'une action in rem en paiement des approvisionnements nécessaires et non de la question précise de savoir si le privilège du créancier en question prend effet à compter de la date de l'introduction de l'action in rem ou de la date de la saisie du navire.
Heureusement, ce n'est pas souvent que la saisie du navire suit de si loin l'introduction de l'action in rem.
Devant l'indécision de la jurisprudence et de la doctrine, je suis d'avis qu'un privilège légal sur un navire prend effet, non pas à compter de la date de l'introduction et de la signification de l'action, mais plutôt à compter de la date de l'exécution de la saisie lorsque celle-ci vient après l'autre.
En dehors de la question de savoir à quelle date le privilège prend effet, il est évident que la créance du fournisseur des approvisionnements nécessaires ne devient pas pour autant une créance privilégiée.
Voici la conclusion du juge Noël dans l'affaire Le «Corner» (précitée), aux pages 30 et 32:
Cette action in rem, cependant, ne donne aucun privilège ou lien ou préférence quelconque et le réclamant d'approvisionne- ments nécessaires me paraît être dans la même situation qu'un
15 Mayers, Admiralty Law and Practice in Canada.
créancier chirographaire ordinaire. S'il est créancier exécutant, il aura droit à ses frais d'action mais sa créance ne prendra rang que suivant l'ordre des priorités fixées par la loi. Lui donner, en effet par suite du simple fait qu'il possède un simple droit d'action in rem, un droit et privilège particulier qui priverait les autres créanciers du même débiteur d'exercer leurs créances contre les biens saisis, surtout après que la corporation propriétaire de ces biens ait fait une proposition en vertu de la Loi sur la faillite, me paraît inacceptable et fondé sur aucun texte légal ni décision judiciaire. Il y aurait là, en effet, un accroc sérieux au principe qui veut que les biens d'un débiteur soient le gage commun de ses créanciers.
En ce qui concerne la réclamation de l'Ontario Sandblasting, l'avocat de la Security National Bank soutient qu'elle s'est éteinte le 27 février 1974, date à laquelle le navire a été vendu par ses anciens propriétaires, les établissements Fournier, à l'Atlantean Corporation, puisque cette créance afférente à la fourniture des approvisionnements nécessaires était née en 1973 (voir l'arrêt Westcan Stevedoring Ltd. c. L'«Armar» [1973] C.F. 1232, dans lequel le juge Collier a statué que le récla- mant ne peut faire valoir ses droits dans une action in rem intentée contre le navire qu'après avoir établi la responsabilité civile de celui-ci et de son propriétaire). Le même argument est opposé à la Port Colborne Warehousing Limited, dont la créance est également née avant la vente du navire à l'Atlantean Corporation, et bien qu'elle ait été la première à intenter une action, cela ne lui accorde pas le privilège maritime du fournisseur des appro- visionnements nécessaires, mais lui donne peut-être un droit de préférence pour ce qui est des dépens vu les circonstances particulières de cette affaire.
A mon avis, cette question est nettement tran- chée par l'article 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale qui prévoit que:
43....
(3) Nonobstant le paragraphe (2), la compétence conférée à la Cour par l'article 22 ne peut être exercée en matière réelle relativement à une demande dont il est fait mention aux alinéas 22(2)e), .1), g), h), i), k), m), n), p) ou r) à moins que, au moment l'action est intentée, le navire, l'aéronef ou les autres biens qui font l'objet de l'action n'aient pour propriétaire en equity celui qui en était propriétaire en equity au moment la cause d'action a pris naissance.
L'alinéa m) de l'article 22(2) se rapporte aux créances des fournisseurs des approvisionnements nécessaires.
Il faut trancher l'importante question de savoir si c'est l'adjudication qui transfère la propriété ou
si c'est l'acte de vente qui, en l'espèce, n'a été établi que plusieurs mois après que la plupart des dépenses, dont le remboursement est réclamé, ont été engagées et que les appels ont été jugés. Cepen- dant, certaines de ces dépenses ont été faites pour la protection et la conservation du navire. A ce sujet, la jurisprudence est assez divisée à cause de l'emploi quelque peu ambigu du terme «vente» dans les deux contextes. Il y a lieu d'examiner quelques précédents.
Dans l'arrêt The Hon. John Augustus Chas- teauneuf c. Capeyron 16 , fondé essentiellement sur l'interprétation des articles applicables de la loi britannique dite The Merchant Shipping Act, 1854, l'on a statué, d'une part, que la vente judi- ciaire d'un navire britannique non accompagnée du transfert de la propriété par un acte de vente ne conférait pas aux acquéreurs le droit d'obliger le registrateur visé à la The Merchant Shipping Act,
1854, les inscrire à titre de propriétaires et à rayer toutes les inscriptions hypothécaires relatives audit navire et, d'autre part, que le registrateur était en droit de refuser leur requête. On peut lire à la page 135 du recueil:
[TRADUCTION] Conformément à l'opinion exprimée par leurs Seigneuries, on peut dire que le shérif transfère la pro- priété d'un navire vendu en exécution d'un jugement en établis- sant un acte de vente. De l'avis de leurs Seigneuries, la pro- priété d'un navire vendu par ordonnance de la Haute Cour d'Amirauté dans une action in rem passe à l'acquéreur dès la conclusion de la vente, mais, dans la pratique, l'acquéreur doit se procurer un acte de vente établi par le prévôt ou par le commissaire pour pouvoir se faire inscrire conformément à la Merchant Shipping Act, 1854.
La Loi sur la marine marchande du Canada (pré- citée) contient des dispositions à peu près analo gues dans ses articles 38 et 43 dont voici le texte:
38. (1) Un navire immatriculé ou une part dans ledit navire (lorsqu'il en est disposé au profit d'une personne qualifiée pour être propriétaire d'un navire britannique) doit être transférée par acte de vente.
(2) L'acte de vente doit contenir la description du navire portée au certificat du visiteur, ou toute autre description suffisante pour établir l'identité du navire à la satisfaction du registrateur; il doit être fait dans la forme prescrite par le gouverneur en conseil et doit être signé par le cédant en présence d'un ou de plusieurs témoins, et attesté par ces derniers.
43. Lorsqu'une cour, soit en vertu des articles précédents, soit autrement, ordonne la vente d'un navire ou d'une part dans
16 (1881-82) 7 App. Cas. 127.
le navire, l'ordonnance de la cour doit contenir une déclaration attribuant à une personne, désignée par la cour, le droit de transférer ledit navire ou ladite part; dès lors ladite personne a le droit de transférer le navire ou la part de la même façon et dans la même mesure que si elle en était le propriétaire enregistré; et tout registrateur doit se conformer à la requête de la personne ainsi désignée, relativement à un transfert de cette sorte, dans la même mesure que si ladite personne était le propriétaire enregistré.
Cependant, ni la Règle 1007 des Règles de la Cour ni les formules y énoncées n'imposent expres- sément au prévôt l'obligation de signer un acte de vente et, en l'espèce, ce n'est que le 17 novembre 1975 que ce dernier a reçu l'ordre de signer ce document. A mon avis, il faut considérer ces dispo sitions de la Loi sur la marine marchande du Canada comme des formalités nécessaires pour achever la transmission du titre de propriété et pour faire dûment inscrire le nom du nouveau propriétaire, tandis que la propriété elle-même est acquise à l'acquéreur dès que la vente a été validée par la Cour, soit en l'espèce, le 20 février. Dans l'intervalle entre cette date et la signature de l'acte de vente par le prévôt, l'acquéreur est un proprié- taire assujetti à une condition suspensive. Il ressort que les réclamations nées après cette date (sauf peut-être, en l'espèce, les frais subis par le prévôt ou en son nom pour la conservation du navire, du moins jusqu'à sa remise à l'acquéreur, c'est-à-dire, en l'espèce, bien avant l'acte de vente) sont des réclamations à l'égard du navire et non à l'égard des deniers consignés. Nous y reviendrons plus loin.
Il ne faut pas oublier qu'une distinction nette doit être faite entre les réclamations à l'égard des deniers consignés et celles qui n'existent qu'à l'égard du navire. L'ordonnance du 20 février 1975 adjugeant le navire à M. Caron déclarait que le navire était franc et quitte de toute dette, hypothè- que, redevance portuaire et douanière et autre charge, mais que la Cour ne garantissait ni l'évic- tion des personnes se trouvant à bord du navire ni l'état de ce dernier, l'acquéreur pouvant toutefois entamer toute poursuite légale en vue d'en prendre possession immédiate. De plus, l'acquéreur était autorisé à recouvrer les dépens taxables de sa requête.
L'ordonnance du 24 janvier 1975 autorisant la vente contenait les conditions suivantes:
[TRADUCTION] f) Tous les frais afférents à la vente et aux annonces publicitaires seront considérés comme des frais et
dépens de cette action et primeront toutes les autres réclama- tions à l'exception de celles nées de la vente précédente;
g) Les frais de conservation et, le cas échéant, de déplacement du navire, ainsi que les frais subis depuis sa saisie, seront considérés comme des frais et dépens de cette action et vien- dront, dans la distribution, immédiatement après les frais et dépens visés au paragraphe précédent; [c'est moi qui souligne]
h) La Cour autorise M. A. S. Wilson ou M. A. J. Landriau à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer la conservation du navire et ce, dans l'intérêt de tous les intéressés et les frais et dépens ainsi encourus auront le même rang, lors de la distribution, que les frais et dépens visés au paragraphe précédent; [c'est moi qui souligne]
i) Les frais qui ont été avancés au prévôt par la demanderesse ou par ses avocats relativement à la première vente, ou par la Security National Bank ou par ses avocats relativement à la deuxième vente seront remboursés auxdites parties par le prévôt dès qu'il aura été payé par prélèvement sur le produit de la deuxième vente;
j) Tous les frais et dépens subis dans l'exécution de la présente ordonnance seront payés par prélèvement sur le produit de la vente à titre de dépens privilégiés de cette action. [C'est moi qui souligne.]
L'ordonnance ajoute que:
[TRADUCTION] La Security National Bank est tenue d'assumer envers le prévôt, la responsabilité de tous les frais qu'il devra encourir et de tous les droits qui lui seront dus relativement à cette seconde publicité et vente du navire et à sa conservation dans l'intervalle, sous réserve de son droit de réclamer le remboursement de ces frais ou droits lors de la distribution du produit de la vente.
Les dispositions de cette ordonnance sortent peut-être un peu de l'ordinaire qui consisterait à décharger le prévôt, à compter de la date de la validation de la vente, de sa responsabilité par la remise immédiate de la chose à l'acquéreur suivie peu après par l'établissement d'un acte de vente. En effet, ces dispositions sous-entendent que le prévôt aurait à subir directement ou indirectement les frais supplémentaires afférents à l'exécution de l'ordonnance. Puisque cette ordonnance constitue un jugement exécutoire de la Cour, je ne pense pas que l'ordonnance du 20 février 1975 (précitée), qui a validé la vente à M. Caron en prévoyant que la Cour ne pouvait garantir ni l'éviction des person- nes se trouvant à bord ni l'état du navire, ait pour effet de la modifier ou de relever le prévôt de toute responsabilité jusqu'à ce que la possession effective du navire puisse être donnée à M. Caron dans les circonstances inhabituelles de cette affaire. Il y a en outre l'ordonnance du 6 mars 1975 (précitée)
qui a réaffirmé que le navire était confié à la garde du prévôt à Sept-Iles et qui a autorisé ce dernier à engager le personnel nécessaire pour assurer l'en- tretien du navire et, au besoin, à engager des gardiens pour empêcher toute appropriation non autorisée de celui-ci. Je n'ai pas l'intention de trancher la difficile question de savoir qui est responsable, dans des circonstances normales, de la conservation et de la protection du navire entre la date de son adjudication et celle de sa remise à l'acquéreur, mais j'estime qu'en l'espèce, il faut s'en tenir aux dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 1975 même si cela donne lieu à des créan- ces supplémentaires à réclamer sur les deniers consignés, alors que ces frais devraient normale- ment être soit supportés par l'acquéreur lui-même, soit réclamés au navire ou au responsable des actes illégaux qui les ont engendrés.
Ni la Loi sur la Cour fédérale ni les Règles de cette cour ne prévoient d'ordre de collocation. Toutefois, cette question a été remarquablement analysée par le juge suppléant Keirstead dans l'ar- rêt Comeau's Sea Foods Limited c. The «Frank and Troy» (précité) après avoir distingué entre les privilèges maritimes, possessoires et légaux, il a donné, à la page 560, l'ordre de préférence suivant:
(i) les frais de mobilisation du capital consécutif à la vente de la chose ...;
(ii) les privilèges maritimes;
(iii) les privilèges possessoires;
(iv) les hypothèques;
(v) les privilèges légaux.
Il a ensuite ajouté:
La date à laquelle un bien est grevé d'un privilège est essentielle pour déterminer cet ordre. Un privilège maritime grève un bien à la survenance de l'événement qui lui a donné naissance. Un privilège possessoire existe lorsque le réclamant obtient la possession du bien. Le privilège légal existe lors- qu'une poursuite est intentée pour le faire valoir.
En ce qui concerne la doctrine, McGuffie ", aux pages 742 et 743, donne le premier rang aux droits et frais du prévôt, ajoutant que [TRADUCTION] «les autres créances privilégiées se contenteront du reliquat des deniers; subsidiairement lorsque ces droits et frais ont été payés par un demandeur saisissant en exécution de son engagement, ce der-
" British Shipping Laws, volume 1.
nier pourra les recouvrer à titre de dépens». Il place au deuxième rang: [TRADUCTION] «Les dépens du demandeur saisissant jusqu'à la date de la saisie et y compris les frais de saisie et les frais subséquents relatifs à l'évaluation et à la vente, que ces frais aient été encourus soit par ce deman- deur ou, si l'ordonnance d'évaluation et de vente résulte d'une autre action, par le demandeur dans cette autre action. Ces réclamations ont alors pré- férence sur toutes les autres, même sur celles qui se rapportent aux dépens.» Viennent ensuite les privilèges possessoires, suivis des réclamations d'indemnité de sauvetage, de dommages-intérêts, des gages du capitaine et de l'équipage, c'est-à-dire des réclamations qui n'ont aucune pertinence en l'espèce. Il dit ensuite que les hypothèques sont classées en fonction de leur date d'inscription et priment les approvisionnements nécessaires, sauf lorsque le navire est déjà saisi par le fournisseur de ces approvisionnements nécessaires à la date de la constitution de l'hypothèque. Il souligne que les hypothèques ne priment pas les privilèges mariti- mes. Il place au dernier rang la créance du fournis- seur des approvisionnements nécessaires, sauf dans le cas d'un navire saisi dans le cadre d'une action en paiement des approvisionnements nécessaires, elle prime alors les hypothèques constituées après cette saisie ainsi que, dans des conditions semblables, les saisies-exécutions effectuées par un shérif. Toutefois, comme je l'ai indiqué précédem- ment, les deux réclamants pour les approvisionne- ments nécessaires, soit la Port Colborne Warehousing Limited et l'Ontario Sandblasting Company, ne peuvent prétendre, en l'espèce, à un privilège légal étant donné qu'après la naissance de leur réclamation, la propriété du navire a été transmise par vente de messieurs Fournier à l'At- lantean Corporation.
On ne peut certes pas écarter les règles fonda- mentales relatives à l'ordre de préférence, mais il existe des précédents où, dans des cas d'espèce, il a fallu tenir compte des considérations d'équité. Dans le jugement non publié que j'ai rendu dans l'affaire du navire «Evie (précitée), il était question d'une réclamation relative à la fourniture du carburant nécessaire au navire alors que ce dernier était sous saisie et pas encore vendu, j'ai eu l'occasion de déclarer la page 38):
Si le prévôt avait commandé ledit carburant et si on lui avait présenté la réclamation, il aurait pu l'inclure à bon droit dans
les dépenses encourues pour saisir et vendre le navire. Il semble- rait qu'on a continué les livraisons de carburant après la saisie et qu'elles étaient essentielles à la conservation du navire vu l'hiver rigoureux qui sévissait à ce moment-là, ce qui assurait la conservation de la garantie du créancier hypothécaire. Tel que le déclare Halsbury's Laws of England, deuxième édition, volume 30, page 955, la question de la priorité d'un privilège sur un autre s'appuie sur «le principe qu'il faut rendre justice à chaque partie dans les circonstances particulières de chaque cas et non sur l'application d'une règle rigide». Je donnerais donc priorité à la réclamation de Golden Eagle Canada Ltd. sur l'hypothèque.
Ce passage a été mentionné par le juge Noël dans un autre jugement non publié qu'il a rendu le 22 janvier 1971 dans l'affaire Canadian Vickers Limited c. L'«Atlantean (ex Clara Clausen), du greffe 1741. Le juge Noël a cependant fait la distinction entre les deux causes en déclarant à la page 2 de son jugement:
Il y a cependant une différence avec la présente affaire, dans laquelle, bien que de l'électricité et de la vapeur aient été fournies au navire Clara Clausen après sa saisie par la Cana- dian Vickers Limited, ces fournitures ont été faites à la suite d'une transaction commerciale aux termes de laquelle, comme je l'ai souligné dans mes précédents motifs, «La Canadian Vickers ayant invité le navire à pénétrer dans son chantier naval, elle était disposée à subvenir à ses besoins jusqu'à ce que les propriétaires du navire eussent obtenu les fonds nécessaires pour le réparer». A mon avis, il n'y a donc aucune raison de faire passer la réclamation de Vickers avant toutes celles de ceux qui ont assuré l'approvisionnement du navire.
Dans un précédent jugement non publié qu'il avait rendu le 16 octobre 1970 dans l'affaire Canadian Vickers Limited c. L'«Atlantean I», du greffe 1741, le juge Noël avait déclaré à la page 5 de son jugement:
[TRADUCTION] C'est indiscutablement par la seule diligence de Vickers que le navire a pu être vendu. Elle doit donc être assimilée, en ce qui concerne ses frais et dépens, à un créancier exécutant et bénéficier du droit de préférence.
Le juge Collier, dans un jugement non publié qu'il a rendu le 26 mai 1978 dans l'affaire Hawker Siddeley Canada Ltd. c. Le «St. Ninian», du greffe T-3785-72, a déclaré ceci à la page 16 de son jugement:
Il ressort de la preuve administrée que toutes les parties intéressées (Hawker Siddeley, la banque et Atlantique) ont souscrit à l'ordre du prévôt de confier le navire aux chantiers navals de la demanderesse qui se chargerait de sa conservation. J'ai déjà résumé l'essentiel des directives et des desiderata émis par M. Phillips au nom des propriétaires. Il est admis que la banque a toujours été au courant de ce qui se passait. Les extraits de la correspondance échangée entre les avocats (extraits que j'ai cités) montrent que les parties, y compris
North Sydney, savaient toutes que Hawker Siddeley avait la garde du navire et en assurait la conservation, et qu'elles étaient toutes satisfaites de cet arrangement.
Il a ensuite ajouté:
A mon avis, tous étaient d'accord pour que la demanderesse assure dans l'intérêt commun la conservation raisonnablement nécessaire du navire.
Dans l'affaire International Marine Banking Co. Limited c. Le «Dora» 18 , le juge Collier, après avoir, aux pages 517 et 518, mentionné l'arrêt «Evie en l'approuvant, a appliqué le même raisonnement à l'affaire dont il était saisi la page 518):
Le navire avait besoin du carburant et devait l'utiliser. La source logique d'approvisionnement était celle qui se trouvait déjà à bord. Si la question lui avait été soumise, le prévôt aurait sans doute formellement permis l'utilisation du carburant et le paiement à l'ayant droit. Il aurait alors inclus ce montant dans son compte et ses frais.
Je conclus donc que la valeur raisonnable du mazout con- sommé par le Dora entre le 20 septembre 1976 et le 28 octobre 1976 a, sur les produits de la vente, un privilège de même rang que les dépenses du prévôt.
Si jamais il y a un cas auquel il faut appliquer certains principes d'équité dans la distribution des deniers très limités provenant du produit de la vente à une masse considérable de créanciers, c'est bien celui-ci.
Appliquant ces principes aux diverses réclama- tions en cause, j'établis comme suit l'ordre de distribution des deniers:
1. Les frais du prévôt
Ces frais comprennent non seulement les sommes que le prévôt a déboursées, mais égale- ment celles déboursées par les autres parties en son nom, avec ou sans son autorisation expresse, pour conserver le navire, entre la date de son adjudica tion et celle de sa remise à l'acquéreur, M. Caron, à Sept-Îles le 19 mars 1975 par suite de l'ordon- nance du 17 mars 1975 émise par cette cour. Il fallait assurer la sécurité et la protection du navire dans l'intérêt commun de tous les créanciers. Voici les diverses créances catégorisées sous cette rubrique:
18 [1977] 2 C.F. 513.
a) La Security National Bank s'est engagée à payer au nom du prévôt les frais de publicité afférents à la deuxième vente qui a abouti à l'achat par M. Caron. Ces frais, dont $225 se rapportent aux annonces publicitaires insérées dans le Journal of Commerce
s'élèvent à $642.55
b) La Gendarmerie royale du Canada, lancée à la poursuite du navire sur le fleuve, a déboursé pour l'achat de carburant destiné à permettre audit navire de se rendre
à Sept-Îles, la somme de $239.00
A l'arrivée du navire à Sept-Îles, la G.R.C. lui a de nouveau fourni du
carburant au prix de $356.85
La G.R.C. a dû, pour prévenir le gel, engager des mécaniciens afin de vidanger les canalisations et les
chaudières du navire, au prix de $5,368.43
Ce qui fait au total pour la
G.R.C. la somme de $5,964.28
c) La Garde côtière du Canada a approvisionné le navire en mazout
au prix de $1,106.00
en lubrifiant au prix de 832.00
et en provisions au prix de 235.00
Ce qui fait au total $2,173.00
Je pense qu'il faut considérer ces frais comme des frais qui auraient été nécessairement subis et auto- risés par le prévôt en d'autres circonstances et qui sont conformes à l'ordonnance du 24 janvier 1975, laquelle n'a pas, à mon avis, déchargé le prévôt de toutes ses responsabilités à la date de l'adjudica- tion. Ma décision ne doit cependant pas être inter- prétée comme établissant un précédent qui permet de faire valoir contre les deniers consignés les frais subis dans l'intervalle entre la vente du navire et sa remise à l'acquéreur. Tous les autres services rendus par la G.R.C. et par la Garde côtière, tout en étant certes utiles et nécessaires, l'ont été, à mon avis, dans le cadre de leurs fonctions et ne peuvent être payés avec les deniers consignés.
d) Les mêmes considérations exceptionnelles mais équitables justifient la nécessité d'accueillir les frais taxables devant cette cour subis par les avo- cats de M. Caron en vue d'obtenir la possession du navire. Ces avocats, à savoir l'étude Langlois, Drouin et Compagnie, ont présenté un état de frais
dans lequel ils réclament des dépenses de $50 pour chacune des six requêtes entendues par la Cour relativement à la validation de l'adjudication, à l'ordonnance adressée à la G.R.C. et à la Garde côtière, à l'ordonnance du 6 mars confiant la pos session au prévôt, à l'ordonnance du 18 mars 1975 inscrivant la remise du navire à l'acquéreur Caron à Sept-Îles et à l'ordonnance prescrivant au prévôt d'établir l'acte de vente. Une autre ordonnance, datée du 14 avril 1975, autorisait l'acquéreur Caron à déplacer le navire de Sept-Îles à Louise- ville. Normalement, le prévôt aurait remettre la possession du navire à l'acquéreur à l'endroit la vente a eu lieu, en l'occurrence Québec, étant donné que cette vente était régie par la clause habituelle «livraison sur place, sans garantie aucune», mais je considère que l'ordonnance du 6 mars 1975 confiant la garde du navire au prévôt, à Sept-Îles, et autorisant ce dernier à engager le personnel nécessaire pour assurer son entretien et sa sécurité, et l'ordonnance suivante du 17 mars 1975 autorisant la remise du navire à M. Caron, également à Sept-Îles, ont eu pour effet de modi fier les conditions de vente de sorte que la remise par le prévôt de la possession dudit navire à M. Caron, à Sept-Îles au lieu de Québec, était justi- fiée. Par conséquent, les frais relatifs à la dernière ordonnance autorisant M. Caron à amener le navire à Louiseville ne peuvent pas être réclamés contre les deniers.
Par conséquent, la collocation est la suivante:
Droits afférents aux 5 requêtes $250.00
Signification des 5 requêtes (au lieu de 6) 200.00
Frais afférents aux trois appels à l'issue desquels la remise de la possession du navire à l'acquéreur Caron a pu
s'effectuer $1,800.00
Total $2,250.00
Ces cinq dépenses peuvent être justement récla- mées étant donné le caractère exceptionnel des circonstances et des ordonnances en cause, mais je ne saurais accorder d'autres dépenses que celles fixées par le tarif ainsi que le demandent les avocats et ce, malgré leur éloquente plaidoirie selon laquelle ces mesures ont été prises dans l'intérêt commun de tous les créanciers et non dans le seul intérêt de M. Caron, et qu'elles ont eu pour effet de préserver les deniers consignés.
Dans l'arrêt Commission de la Capitale natio- nale c. Bourque 17V° 2 . 1' 9 , le juge en chef adjoint Noël a statué que la page 135):
En effet, rien dans la Loi sur la Cour fédérale ni dans nos Règles ne spécifie qu'une condamnation aux dépens emporte distraction en faveur du procureur ou de l'avocat de la partie à qui ils sont accordés, comme c'est le cas à l'art. 479 du Code de procédure civile du Québec, qui est rédigé ainsi:
479. La condamnation aux dépens emporte de plein droit distraction en faveur du procureur de la partie à laquelle ils sont accordés...
Par conséquent, ces dépens doivent revenir à M. Caron.
Quant aux frais de $15,000 encourus pour défendre, devant la Cour d'appel du Québec, son droit de propriété sur le navire, je ne pense pas que M. Caron puisse légitimement les réclamer contre les deniers consignés quoiqu'il n'ait probablement aucune chance de les recouvrer auprès de Vitrai à qui il aurait normalement les réclamer. Depuis la date de l'adjudication, c'est-à-dire le 20 février 1975, cette cour a toujours maintenu que l'acte de vente établi en application d'une ordonnance de la Cour des petites créances du Québec, alors que le navire était déjà sous saisie par ordonnance de cette cour, ne conférait à son acquéreur aucun titre valable de propriété. Il est vrai que la signature de l'acte de vente, ordonnée par cette cour, a attendre le résultat des appels de ces décisions devant la Cour d'appel fédérale, mais elle a eu lieu dès que ces appels ont été jugés, sans attendre le résultat des recours exercés devant la Cour d'appel du Québec. Il est vrai qu'on ne peut reprocher à M. Caron d'avoir exercé ces recours en vue d'éli- miner toute contestation de son titre de propriété, mais les dépenses relatives à ces recours ne peu- vent être réclamées contre les deniers consignés à cette cour.
2. Frais encourus par les parties jusqu'à la date de la vente
Dans une action antérieure, la Port Colborne Warehousing a obtenu le 18 novembre 1974 un jugement dans lequel le juge Addy a condamné la demanderesse actuelle à lui payer $3,700 plus les dépens, en prescrivant toutefois que la vente du navire ne pourrait être ordonnée que sur requête faite par la Port Colborne et signifiée à la Security National Bank et qu'après publication d'avis à cet
19 [1971] C.F. 133.
effet dans La Presse et dans The Gazette. L'ordon- nance en question a été respectée, mais en fin de compte la vente a été effectuée dans le cadre de la présente action intentée par la demanderesse actuelle dont la réclamation, y compris les dépens, ont toutefois déjà été réglés à l'amiable. En consé- quence, il sera distribué à la Port Colborne Ware housing Limited les dépens taxables de son action, le montant de ces dépens étant, quoique inconnu, facilement calculable, plus $221.30 pour couvrir le coût des annonces insérées en application de l'or- donnance du juge Addy.
Réclamation des pilotes
J'ai déjà conclu que l'opinion prépondérante considérait la réclamation des pilotes pour services rendus comme un privilège maritime, mais que celle pour services non rendus ne jouissait que d'un privilège légal. En conséquence, la réclamation des pilotes vient au rang suivant dans la collocation, mais pas pour le montant complet de $1,471.19 puisque ce montant inclut, d'une part, la somme de $157.84 afférente à la période du 23 et du 24 février 1975 qui est non seulement postérieure à l'adjudication, mais également relative à des servi ces non rendus et, d'autre part, deux autres sommes de $139.68 et de $483.12 également pour des services non rendus. Il ne sera donc distribué aux pilotes que $690.55, la différence jouissant simplement d'un privilège légal contre le navire et non contre les deniers consignés.
Réclamation de la Security National Bank, créan- cière hypothécaire
Le reliquat des deniers consignés sera distribué à la Security National Bank, créancière hypothé- caire.
ORDONNANCE
L'affaire est renvoyée devant l'administrateur de district de la Cour fédérale à Montréal pour qu'il recueille les renseignements complémentaires, éta- blisse la collocation et effectue la distribution con- formément à ces motifs.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.