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A-561-78
Petrofina Canada Ltd. (Requérante) c.
Le président de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, le directeur des enquê- tes et recherches et le procureur général du Canada (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 2, 17 et 19 avril 1979.
Examen judiciaire Pratique Demande visant à modi fier le contenu des dossiers sur lesquels certaines demandes fondées sur l'art. 28 seront entendues Question préalable relative à la compétence de la Cour pour contrôler les déci- sions contestées, qui ont été rendues par la Commission sur les pratiques restrictives du commerce en application de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions Les intimés soutien- nent que les décisions en cause ne sont pas soumises à un processus judiciaire ou quasi judiciaire Les décisions fai- sant l'objet des demandes fondées sur l'art. 28 sont assujetties au contrôle de par leur nature quasi judiciaire Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, art. 9, 10 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.). c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Julian Chipman, c.r. et C. Carron pour la requérante.
Paul A. Martineau, c.r. pour l'intimée la Commission sur les pratiques restrictives du commerce.
Jacques Ouellet, c.r. pour l'intimé le procu- reur général du Canada.
PROCUREURS:
Ogilvy, Montgomery, Renault, Clarke, Kirk- patrick, Hannon & Howard, Montréal, pour la requérante.
Martineau, Leclerc, St-Amand & Gravel, Hull, pour l'intimée la Commission sur les pratiques restrictives du commerce.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit de l'une de plusieurs requêtes introduites en vertu de la Règle 1402(2), visant l'obtention d'ordonnances à l'effet de modi fier le contenu des dossiers sur lesquels un certain nombre de demandes introduites en vertu de l'arti- cle 28 seront décidées. Les motifs de l'espèce s'ap- pliqueront à toutes ces autres requêtes, savoir celles portant n°s A-558-78, A-559-78, A-560-78, A-562-78.
Avant d'examiner ces requêtes, il faut répondre à une première question au sujet de laquelle la requérante et les intimés ont présenté des observa tions tant écrites qu'orales. Cette question se rap- porte à la compétence de la Cour d'examiner les décisions qui font l'objet de demandes introduites en vertu de l'article 28. La question est la suivante: Ces décisions donnent-elles lieu ou non à révision en vertu de l'article 28 vu qu'il s'agit de décisions «de nature administrative qui ne [sont] pas légale- ment soumise[s] à un processus judiciaire ou quasi judiciaire»?
Les décisions contestées ont été rendues par des membres de la Commission sur les pratiques res- trictives du commerce conformément aux paragra- phes 9(2) et 10(3) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23.
Il convient, à ce stade-ci, de reprendre l'article 9 et les paragraphes 10(1) et (3):
9. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le directeur peut en tout temps au cours d'une enquête, par un avis écrit, requérir toute personne, et, s'il s'agit d'une corporation, tout fonction- naire de cette corporation, de dresser et remettre au directeur, dans un délai mentionné audit avis, ou de temps à autre, un état écrit sous serment ou affirmation, indiquant en détail, au sujet des affaires de la personne mentionnée dans l'avis, les rensei- gnements qui y sont exigés, et cette personne ou ce fonction- naire doit dresser et remettre au directeur, exactement comme il est requis, un état écrit sous serment ou affirmation, indi- quant en détail les renseignements exigés; et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, le directeur peut exiger une révélation et production complète de tous les contrats ou con ventions que la personne nommée dans l'avis peut avoir, à quelque époque, conclus avec toute autre personne, touchant ou concernant les affaires de la personne nommée dans l'avis.
(2) Le directeur ne doit émettre un avis prévu au paragraphe (1) que si, à la demande ex parte du directeur, un membre de la Commission certifie, comme il lui est loisible de le faire, que ledit avis peut être envoyé à la personne ou au fonctionnaire d'une corporation mentionnée dans la demande.
10. (1) Sous réserve du paragraphe (3), dans une enquête tenue en vertu de la présente loi, le directeur ou tout représen- tant qu'il a autorisé peut pénétrer dans tout local le direc- teur croit qu'il peut exister des preuves se rapportant à l'objet de l'enquête, examiner toutes choses qui s'y trouvent et copier ou emporter pour en faire un plus ample examen ou pour en tirer des copies tout livre, document, archive ou autre pièce qui, de l'avis du directeur ou de son représentant autorisé, selon le cas, est susceptible de fournir une telle preuve.
(3) Avant d'exercer le pouvoir conféré par le paragraphe (1), le directeur ou son représentant doit produire un certificat d'un membre de la Commission, lequel peut être accordé à la demande ex parte du directeur, autorisant l'exercice de ce pouvoir.
Les intimés allèguent que les décisions rendues par un membre de la Commission en vertu des paragraphes 9(2) et 10(3) sont des décisions de nature purement administrative, qui ne sont pas légalement soumises à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. La requérante conteste cette allé- gation. Les deux parties se fondent sur un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, M.R.N. c. Coopers et Lybrand [1979] 1 R.C.S. 495. Selon les intimés, les décisions en cause sont assimilables à la décision que rend le ministre du Revenu natio nal conformément au paragraphe 231(4)' de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, dans sa forme modifiée, décision qui, selon la conclusion de la Cour suprême dans Coopers et Lybrand, est de nature purement administrative et n'est pas légalement soumise à un processus judi- ciaire. La requérante, de son côté, fait valoir que les décisions attaquées sont analogues à la décision que rend un juge en vertu du même paragraphe,
' Cette disposition se lit comme suit:
231... .
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise ou sera probablement commise, il peut, avec l'agré- ment d'un juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout autre agent de la paix à l'assis- tance desquels il fait appel et toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment, contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres, registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres, registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient produits devant la cour.
décision que la Cour suprême a clairement établie comme étant de nature judiciaire ou quasi judiciaire.
Tous conviennent qu'il existe, à part l'arrêt Coopers et Lybrand, de nombreux jugements qui établissent la nature quasi judiciaire de la décision d'un juge de décerner un mandat de perquisition. Les intimés font toutefois les distinctions suivan- tes:
a) Les décisions rendues en vertu des paragra- phes 9(2) et 10(3) de la Loi relative aux enquê- tes sur les coalitions le sont, non par un juge, mais par un membre de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce qui exerce, en matière d'enquêtes, des pouvoirs purement administratifs;
b) même si on ne peut nier que les décisions prononcées en vertu des paragraphes 9(2) et 10(3) portent atteinte aux droits de l'individu, il demeure qu'elles n'y portent pas atteinte de façon aussi sérieuse que celles d'un juge rendues en vertu du paragraphe 231(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de l'article 469 du Code criminel;
c) le juge, en vertu du paragraphe 231(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'article 469 du Code criminel, doit déterminer s'il existe des motifs raisonnables pour croire qu'une infrac tion à la loi a été commise. Aux termes des paragraphes 9(2) et 10(3), le rôle d'un membre de la Commission est différent et beaucoup plus restreint.
A mon avis, ces distinctions ne réussissent pas à enlever aux décisions en cause leur caractère quasi judiciaire:
a) Le problème, ici, n'est pas de déterminer le caractère général des diverses fonctions de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce. Le problème est le suivant: il s'agit de caractériser les fonctions dévolues aux mem- bres de la Commission en vertu des paragraphes 9(2) et 10(3);
b) il faut reconnaître que les décisions rendues en vertu des paragraphes 9(2) et 10(3) n'empor- tent pas des conséquences aussi graves que celle, par exemple, d'un juge de décerner un mandat de perquisition aux termes du Code criminel. Toutefois, je ne vois pas comment on peut con-
clure, à partir de cette comparaison entre les conséquences de ces décisions, que ces dernières sont elles-mêmes de nature différente;
c) en vertu du Code criminel et de la Loi de l'impôt sur le revenu, le juge, avant de décerner un mandat de perquisition, doit être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables pour croire qu'une infraction à la loi a été commise. On pourrait certes faire valoir que le rôle d'un membre de la Commission prévu aux paragra- phes 9(2) et 10(3) diffère de celui d'un juge, mais, quel que soit ce rôle, on peut affirmer, sans faire d'erreur, que le membre doit au moins être convaincu que la demande qui lui est pré- sentée l'est «au cours d'une enquête tenue en vertu de la Loi». Cette décision, qui, comme on en convient, doit être rendue par un arbitre impartial, ne peut être considérée, à mon avis, comme une décision de nature purement admi nistrative. Par conséquent, je ne vois pas de différences importantes entre la décision d'un membre de la Commission rendue conformé- ment aux paragraphes 9(2) et 10(3) et celle d'un juge autorisant la délivrance d'un mandat de perquisition. Pour ce motif, la conclusion que les décisions en cause donnent lieu à révision en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale s'impose.
La question de la compétence étant tranchée, j'estime qu'il n'est pas nécessaire dans les présents motifs d'étudier le bien-fondé des requêtes visant à modifier le contenu des dossiers. Nous avons exposé à l'audience les motifs qui, à notre avis, justifient notre décision de n'accueillir que partiel- lement ces requêtes.
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