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A-627-78
In re une ordonnance du Conseil canadien des relations du travail et in re l'Association nationale des employés et techniciens en radiodiffusion
Cour d'appel, le juge Urie, les juges suppléants Kelly et Kerr—Toronto, le 16 mai et le 27 juin 1979.
Examen judiciaire Relations du travail Accréditation Demande en annulation de l'ordonnance en date du 6 janvier 1978 du Conseil canadien des relations du travail révoquant les ordonnances accréditant la ANETR comme agent de deux unités de négociation et l'accréditant comme agent d'une unité fusionnée Le Conseil avait, le 27 avril 1977, accrédité deux unités, sa décision étant motivée au regard d'une demande de déclaration d'employeur unique De son propre chef, le Conseil a repris par la suite l'instruction de la question du nombre des unités et a rendu l'ordonnance attaquée Il échet d'examiner si le délai d'un an qui doit précéder la présentation d'une demande fondée sur l'art. 137 du Code canadien du travail court de la date de l'accréditation initiale de la ANETR ou de la date de l'ordonnance subsé- quente du 6 janvier 1978 Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 137 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
Requête tendant à l'annulation de l'ordonnance en date du 6 janvier 1978 du Conseil canadien des relations du travail en ce qu'elle révoque les ordonnances en date du 27 avril 1977 accréditant la ANETR comme agent de deux unités de négo- ciation et qu'elle l'accrédite comme agent d'une seule unité des employés des deux divisions de la compagnie. Une autre requête introduite en même temps vise à faire annuler l'ordon- nance du Conseil qui a rejeté une demande fondée par le requérant sur l'article 137 du Code canadien du travail pour faire révoquer l'accréditation de la ANETR comme agent pour certains employés de Western Ontario Broadcasting Limited, savoir ceux de CHYR Division et d'Essex Cable TV Division. La ANETR avait demandé au Conseil de l'accréditer comme agent de tous les employés de CHYR Radio et d'Essex Cable TV, à l'exclusion de certains employés spécifiés. Le 27 avril 1977, le Conseil a délivré deux certificats. Il a également fait connaître les motifs de sa décision selon laquelle deux unités de négociation convenaient davantage pour les négociations collec tives, décision qui a fait suite à une demande de déclaration d'employeur unique en vertu de l'article 133. Les 6 et 7 décembre 1977, le Conseil, après notification aux intéressés, a entendu les observations sur la demande dont il avait pris l'initiative pour examiner s'il y avait lieu de fusionner les deux unités de négociation. Le 25 août 1978, le Conseil rejeta la requête introduite le 25 mai 1978 par le requérant en vue de la révocation de l'accréditation de la ANETR. Il échet unique- ment d'examiner si le délai d'un an qui doit précéder la présentation d'une demande fondée sur l'article 137 du Code canadien du travail court de la date de l'accréditation initiale de la ANETR (27 avril 1977) ou de la date de l'ordonnance subséquente du Conseil accréditant la ANETR comme agent de l'unité de négociation fusionnée (6 janvier 1978).
Arrêt: les requêtes sont rejetées. Le Conseil canadien des relations du travail avait le droit de modifier sa propre ordon-
nance et il s'ensuit, qu'il était habilité à révoquer des certificats antérieurs et à accréditer le même syndicat pour les employés de l'employeur unique. Il n'y a pas injustice puisque les parties ont été appelées et entendues. Le Conseil a décidé à bon droit que la date du deuxième certificat, le 6 janvier 1978, était la date devait courir le délai imparti par l'article 137(2)6) pour la présentation d'une demande. Étant donné que la nouvelle accréditation n'a aucun lien avec les précédentes et qu'en tout cas, celles-ci n'existent plus à la suite de leur révocation, le délai prévu à l'article 137(2)b) du Code doit logiquement courir de la date de la nouvelle accréditation. Ce n'est qu'à partir de cette date que le syndicat avait le droit de négocier avec Western Ontario Broadcasting Limited, qui n'avait été l'employeur dans aucune des accréditations antérieures. L'arti- cle 119 qui habilite le Conseil à entendre à nouveau la demande initiale ou à en poursuivre l'instruction, et à réviser, annuler ou modifier l'ordonnance antérieure de la manière qui lui paraît indiquée, n'exige ni expressément ni tacitement que la date de la modification ou de la nouvelle ordonnance soit celle de l'ordonnance modifiée ou remplacée. La Cour ne peut interve- nir et donner gain de cause au requérant que s'il établit qu'en choisissant la date qu'il a choisie, le Conseil a outrepassé sa compétence. Le Conseil était compétent.
DEMANDES d'examen judiciaire. AVOCATS:
R. E. Barnes, c.r. pour Victor Lehan.
I. G. Scott, c.r. pour le Conseil canadien des
relations du travail.
PROCUREURS:
Wilson, Barnes, Walker, Montello, Beach & Morga, Windsor, pour Victor Lehan. Cameron, Brewin & Scott, Toronto, pour le Conseil canadien des relations du travail.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande, fondée sur l'article 28, a été examinée en même temps qu'une autre requête entre les mêmes parties por- tant le du greffe A-588-78. Cette dernière vise à faire annuler la décision ou l'ordonnance par laquelle le Conseil canadien des relations du tra vail a, le 25 août 1978, rejeté une demande que l'actuel requérant avait présentée, en vertu de l'article 137 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, en vue de faire révoquer l'accrédita- tion de l'Association nationale des employés et techniciens en radiodiffusion (ANETR) comme agent négociateur pour certains employés de West ern Ontario Broadcasting Limited, soit ceux de la CHYR Division et de l'Essex Cable TV Division.
La présente requête tend à faire annuler une ordonnance rendue par le Conseil le 6 janvier 1978 en ce qu'elle révoque les ordonnances d'accrédita- tion de la ANETR en date du 27 avril 1977 en qualité d'agent négociateur pour deux unités de négociation et accréditant la ANETR comme agent négociateur pour ceux des employés de West ern Ontario Broadcasting. Limited relevant de la CHYR Division et de l'Essex Cable TV Division, à compter du 6 janvier 1978.
Les faits des deux requêtes sont identiques, et le seul problème dans les deux cas est de déterminer si le délai d'un an qui doit s'écouler avant qu'une requête puisse être présentée en vertu de l'article 137 du Code canadien du travail doit être calculé à partir de la date originale d'accréditation de la ANETR, c'est-à-dire le 27 avril 1977, ou bien à partir de la date de l'ordonnance ultérieure du Conseil désignant la ANETR comme agent négo- ciateur pour les deux divisions susmentionnées de Western Ontario Broadcasting Limited, c'est-à- dire le 6 janvier 1978.
En résumé, les faits essentiels sont les suivants:
Le 5 janvier 1977, la ANETR demanda au Conseil d'être accréditée comme agent négociateur pour tous les employés de Dancy Broadcasting Ltd. (CHYR Radio) et d'Essex Cable TV, à l'ex- clusion des personnes occupant les postes qui étaient spécifiés.
Le 27 avril 1977, le Conseil, sans avoir tenu d'audience, délivra deux certificats d'accréditation à la ANETR, l'un pour les employés de Dancy Broadcasting Ltd. (CHYR Radio) et l'autre pour ceux d'Essex Cable TV.
Le même jour, le Conseil fit connaître les motifs des accréditations, de même que sa décision à l'égard d'une demande de déclaration d'employeur unique en vertu de l'article 133' du Code canadien du travail. Ayant décidé que deux unités de négo-
' 133. Lorsque le Conseil est d'avis que des entreprises fédé- rales associées ou connexes sont exploitées par deux employeurs ou plus qui assument en commun le contrôle ou la direction, il peut, après avoir donné aux employeurs la possibilité raisonna- ble de présenter des observations, déclarer, par ordonnance, qu'à toutes fins de la présente Partie ces employeurs ainsi que les entreprises exploitées par eux que l'ordonnance spécifie, constituent respectivement un employeur unique et une entre- prise fédérale unique.
ciation convenaient davantage pour les négocia- tions collectives que la seule unité demandée, le Conseil statua ainsi à l'égard de la demande fondée sur l'article 133:
[TRADUCTION] Le Conseil avise les parties de son intention de tenir, à brève échéance, une audition en vue de recevoir toutes preuves et observations concernant la demande déposée confor- mément à l'article 133 du Code canadien du travail (Partie V— Relations industrielles). Le Conseil recevra également au cours de cette audition toutes preuves et observations relatives à la question de savoir s'il conviendrait de grouper les employés de CHYR Radio et d'Essex Cable TV dans une seule unité de négociation. Si le Conseil devait alors estimer que la demande de déclaration d'employeur unique doit être accueillie, et qu'il convient de créer une seule unité de négociation, il pourra, en application des pouvoirs que lui donne l'article 119 du Code, modifier les ordonnances d'accréditation délivrées ce jour. Tou- tefois, il n'y a aucune raison pour que cette éventualité retarde l'ouverture des négociations.
Les 6 et 7 décembre 1977, après avoir avisé la ANETR et les employeurs désignés dans les deux certificats du 27 avril 1977, le Conseil entendit les observations relatives à la demande formée en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail. Dans ses motifs, le Conseil spécifia qu'il avait pris l'initiative de cette demande en vertu de l'article 119 2 du Code [TRADUCTION] «pour examiner si les deux unités de négociation décrites dans le's ordonnances d'accréditation délivrées le 27 avril 1977 devraient être fusionnées en une unité de négociation unique». Le Conseil déclara en outre ce qui suit:
[TRADUCTION] Une audience avait été prévue afin d'examiner la demande de déclaration formée en vertu de l'article 133, mais dès l'ouverture de l'audition le Conseil fut informé qu'en raison d'une restructuration des sociétés, il convenait mainte- nant, sur les ordonnances d'accréditation, de désigner l'em- ployeur comme étant «CHYR Radio, une division de Western Ontario Broadcasting Limited» dans l'un des cas, et dans l'autre «Essex Cable TV, une division de Western Ontario Broadcasting Limited». Comme il ne s'agissait que d'une seule et même société, la demande fondée sur l'article 133 n'avait plus lieu d'être et, après avoir entendu les observations des parties, le Conseil décida, en vertu de l'article 119, d'examiner si les deux ordonnances d'accréditation modifiées afin de décrire correctement l'employeur devaient être remplacées par une seule créant une unité de négociation unique.
Le 25 mai 1978, le requérant en la présente
2 119. Le Conseil peut reviser, annuler ou modifier toute décision ou ordonnance rendue par lui et peut entendre à nouveau toute demande avant de rendre une ordonnance rela tive à cette dernière.
cause sollicita, en vertu de l'article 137(1) et (2)b) 3 du Code, la révocation de l'accréditation de la ANETR.
Le 25 août 1978, le Conseil rejeta la demande en révocation de l'accréditation, la jugeant intem- pestive. Ce faisant, le membre du Conseil qui rédigeait les motifs de rejet de la demande déclara ce qui suit:
[TRADUCTION] Dans la présente demande, les conditions de l'article 137(1) sont remplies puisque le demandeur, M. Lehan, prétend représenter la majorité des employés de l'employeur et a saisi le Conseil d'une pétition appuyant cette prétention.
Le Conseil estime toutefois que cette demande ne satisfait pas aux conditions de l'article 137(2). Du fait qu'il n'y a pas de convention collective en vigueur entre l'employeur et l'agent de négociation accrédité, la ANETR, aucune demande en révoca- tion n'est recevable avant l'expiration d'un délai d'au moins un an à partir de la date d'accréditation du syndicat.
Le syndicat a obtenu son accréditation le 6 janvier 1978. Il ressort clairement tant du certificat d'accréditation lui-même que de la lettre du Conseil, signée de son vice-président, James E. Dorsey, qui l'accompagne (les deux pièces sont jointes), qu'en révoquant les deux certificats d'accréditation pour les remplacer par un certificat unique, l'ordonnance d'accrédita- tion a créé une nouvelle unité de négociation et équivaut à un nouveau certificat d'accréditation. Et l'agent négociateur ainsi accrédité se trouve par conséquent protégé contre toute révoca- tion de ses droits de négocier par les dispositions de l'article 137(2) du Code canadien du travail—Partie V.
L'avocat du requérant a soutenu que l'intention du Conseil ressort clairement des ordonnances sus- mentionnées et des passages qui en ont été cités. Cette intention était de modifier les certificats d'accréditation originaux afin d'accréditer la ANETR en tant qu'agent négociateur pour une unité de négociation unique, avec effet rétroactif à la date originale d'accréditation, soit le 27 avril 1978. L'ordonnance de révocation et d'accrédita- tion du 6 janvier 1978 est mal fondée et a eu pour effet d'accréditer un syndicat en l'absence de demande. Cette mesure se situait en dehors de la
' 137. (1) Lorsqu'un syndicat a été accrédité à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation, tout employé faisant valoir qu'il représente la majorité des employés de l'unité de négociation, peut, sous réserve du paragraphe (5), demander au Conseil de rendre une ordonnance révoquant l'accréditation de ce syndicat.
(2) Une demande faite, en application du paragraphe (1), et visant un agent négociateur d'une unité de négociation, peut être présentée,
b) lorsqu'il n'y a pas de convention collective en vigueur qui soit applicable à l'unité de négociation, à tout moment, passé le délai d'un an qui suit l'accréditation du syndicat.
compétence du Conseil. Une fois les certificats originaux révoqués, la mission de celui-ci était terminée. Il n'était nullement habilité à procéder à la nouvelle accréditation. L'avocat a reconnu aux débats que l'article 119 permettait au Conseil de modifier ses propres procédures et que les deman- des d'accréditation, du fait que le Conseil se réser- vait le droit d'examiner la demande fondée sur l'article 133, restaient en suspens. A son avis toute- fois, ces demandes furent définitivement réglées dès que le Conseil eût révoqué les certificats et le Conseil n'était alors plus saisi d'aucune demande lui permettant d'accréditer un syndicat. Ce qui s'est produit ne constitue pas, selon lui, une «modi- fication» d'une ordonnance au sens de l'article 119 du Code.
Je ne saurais admettre les arguments du requé- rant. Le juge Judson, à la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Labour Relations Board of the Province of British Columbia c. Oliver Co-operative Growers Exchange 4 , traitant d'un article du Labour Relations Act de la Colombie- Britannique à peu près identique à l'article 119, s'est exprimé comme suit au sujet d'une argumen tation ressemblant beaucoup à celle de l'avocat du requérant [aux pp. 11 et 12]:
[TRADUCTION] La majorité à la Cour d'appel a estimé que le pouvoir du Conseil en vertu de l'art. 65(2) et du Règlement 9a) se limitait à la substitution d'un nouveau nom à l'ancien, et que le terme «modifier» de l'art. 65(2) ne permettait pas de substi- tuer un autre syndicat à celui qui était indiqué dans un certificat d'accréditation. Le contraire reviendrait selon elle à accorder une accréditation nouvelle, à remplacer un syndicat par un autre, ce qui ne peut se faire que conformément à la procédure établie par les art. 10 et 12. La décision fut que la Section 1572, étant un nouveau syndicat, elle aurait demander une accréditation et non la modification d'un certifi- cat d'accréditation existant. La modification effectuée fut jugée, dans les circonstances, en dehors des pouvoirs du Con- seil. Le premier juge et, à la Cour d'appel, le juge Davey furent cependant d'un avis contraire, tenant le Conseil pour compétent en vertu de l'art. 65(2). Et je souscris à leur opinion.
Il ne fait aucun doute que le Conseil a respecté la procédure de l'art. 65(2). Toutes les parties intéressées ont été informées de ce qui se passait et ont eu la possibilité de se faire entendre. Il est remarquable que, parmi 23 employeurs, seul cet employeur-intimé se soit opposé à la demande. Cela, bien entendu ne saurait suppléer à un défaut de compétence.
Il est également avéré qu'il n'a jamais été tenté de procéder conformément aux art. 10 et 12 de la Loi, relatifs à l'accrédita- tion et à la révocation d'accréditation. Le fondement de la décision du juge Davey, et je suis entièrement d'accord avec lui
4 [1963] R.C.S. 7.
sur ce point, est qu'il était inutile de procéder en vertu des art. 10 et 12, les procédures d'accréditation de ces articles s'appli- quant dans le cas d'un syndicat sollicitant une première accré- ditation ou de syndicats en concurrence pour l'accréditation, mais non lorsqu'il s'agit d'un syndicat d'une fusion ou d'une réorganisation. Il a jugé que l'art. 65(2) conférait au Conseil un pouvoir tout à fait distinct de modifier ou d'annuler ses ordon- nances lorsque les circonstances l'exigent, et que ce pouvoir s'étendait aux cas qui ne sont pas spécifiquement prévus par la Loi et se situent en dehors du domaine d'application normal des art. 10 et 12.
Dans une affaire plus récente, le juge Hall, parlant au nom de la Cour suprême dans une affaire Bakery and Confectionery Workers Inter
national Union of America Local No. 468 c. White Lunch Limited 5 s'est conformé à la décision Oliver Co-operative Growers et s'est exprimé en des termes qui conviennent tout à fait à la présente affaire.
[TRADUCTION] Pour reprendre les termes du juge Judson, je dirai qu'en l'espèce les ordonnances du 13 février ont été régulièrement rendues. Toutes les parties intéressées ont été avisées des demandes et ont eu la possibilité de se faire enten- dre. Il est établi que les employés en question ont toujours été à l'emploi de l'intimée. Le Conseil savait que la demande origi- nale désignait l'intimée comme employeur, et que la substitu tion de Clancy's comme employeur dans les procédures ulté- rieures était due à la lettre des avocats en date du 1e' octobre. Il connaissait également les mesures prises pour placer Clancy's en liquidation volontaire à l'époque précise des dirigeants de Clancy's qui occupaient également les fonctions de président et de directeur général de l'intimée entamaient des négociations collectives conformément à l'ordonnance du 16 octobre. Le Conseil était libre d'agir ou de ne pas agir, et, selon la Loi, sa décision est sans appel. La Cour ne peut ni ne veut intervenir dans ce qui a été fait dans les limites de la compétence du Conseil car, comme l'a souligné Lord Sumner dans Le Roi c. Nat Bell Liquors Ltd. ([1922] 2 A.C. 128, la page 156):
... elle outrepasserait alors elle-même les limites de sa compétence, qui lui permet de contrôler mais non de réviser. Ce contrôle s'exerce sur deux choses: la première est la nature et l'étendue de la compétence de la juridiction infé- rieure ainsi que les conditions de son exercice; l'autre est le respect de la loi dans le cours de son exercice.
Il ajoute, aux pages 295 et 296, au sujet de l'article 65(3) du Labour Relations Act de la
Colombie-Britannique (lequel correspond à l'arti- cle 119 du Code):
[TRADUCTION] Je ne peux entendre cet article comme limitant le sens normal du mot «modifier». La définition qu'en donne le Shorter Oxford Dictionary est la suivante: «changer; adapter à des circonstances ou à des exigences par des changements». Je ne puis non plus accepter l'opinion suivant laquelle le terme «modifier» ne permet pas d'agir rétroactivement. Il n'a pas un
5 [1966] R.C.S. 282, aux pages 294 et 295.
sens aussi restreint et il est fréquent qu'il soit utilisé pour intervenir rétroactivement. La présente affaire en est un exem- ple classique.
Le Conseil avait compétence pour examiner la demande de modification. Rien, ni dans le dossier ni dans les affidavits ne révèle qu'il l'ait perdu pour l'une des raisons reconnues par la loi comme privative de compétence, c'est-à-dire la partialité, l'intérêt, la fraude, le déni de justice naturelle ou le défaut de qualité.
Compte tenu de tout cela, j'estime que le pre mier argument du requérant doit être rejeté. Le Conseil canadien des relations du travail avait le droit de modifier sa propre ordonnance et il s'en- suit qu'il était habilité à révoquer des certificats antérieurs et à accréditer le même syndicat pour les employés de l'employeur unique. Il n'y a pas eu injustice, puisque les parties ont été appelées et entendues. Le droit du Conseil de déterminer sa propre compétence est étayé par le récent arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Le Syndicat canadien de la Fonction publique, sec tion locale 963 c. La Société des alcools du Nou- veau-Brunswick [1979] 2 R.C.S. 227.
Reste seulement à déterminer si le Conseil a décidé à bon droit que la date du deuxième certifi- cat, le 6 janvier 1978, était la date à partir de laquelle devait être calculé le délai imparti par l'article 137(2)b) pour la présentation d'une demande. Je suis d'avis que c'est effectivement à bon droit que le Conseil a décidé que, dans les circonstances, la date valable d'accréditation était celle du nouveau certificat, soit le 6 janvier 1978. La ANETR n'a pas été autorisée à négocier pour l'unité nouvelle unique avant cette date. L'une des conséquences de l'accréditation est le droit de négocier pour tous les employés appartenant à l'unité de négociation spécifiée dans le certificat. L'article 137(2)b) accorde un délai suffisant pour le faire avant que puisse être présentée une demande de révocation de l'accréditation. Puisque la nouvelle accréditation n'a aucun lien avec les précédentes, et puisqu'en tout état de cause, ces accréditations n'existent plus en raison de leur révocation, le délai prévu à l'article 137(2)b) du Code devrait logiquement courir à partir de la date de la nouvelle accréditation. Ce n'est qu'à partir de cette date que le syndicat a eu le droit de négocier avec Western Ontario Broadcasting Limited, qui n'avait été l'employeur dans aucune des précéden- tes accréditations.
L'article 119 est clair. Il donne au Conseil le droit d'entendre à nouveau la demande originale ou de continuer à entendre cette demande, dont, dans le présent cas, les parties reconnaissent qu'elle restait en cours, et de «reviser, annuler ou modifier» la précédente ordonnance de la manière qu'il lui paraît indiqué. Rien dans cet article ne me semble exiger expressément ou implicitement que la date de la modification ou de la nouvelle ordon- nance soit celle de l'ordonnance modifiée ou rem- placée. La présente requête ne peut être accueillie, et la Cour ne peut intervenir, que s'il est démontré qu'en choisissant la date qu'il a choisie le Conseil a outrepassé sa compétence. Comme le fait observer le juge Dickson dans l'affaire New Brunswick Liquor Board précitée, si l'interprétation que fait un tribunal administratif d'une loi qui lui donne compétence est raisonnable, celui-ci [TRADUC- TION] «ne peut être accusé d'avoir mal interprété les dispositions en question au point `de s'être livré à une enquête ou d'avoir tranché une question qui n'étaient pas de sa compétence'», et d'avoir par conséquent outrepassé sa compétence. Le Conseil ayant donné de l'article 119 une interprétation que j'estime raisonnable, il était compétent.
Par tous ces motifs, les deux demandes fondées sur l'article 28 sont rejetées.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris.
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