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A-162-79
Man Yee So (Requérante) c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge suppléant Kelly—Toronto, les 12 et 14 septembre 1979.
Examen judiciaire Immigration Ordonnance d'expul- sion La requérante avait retenu les services d'une avocate pour l'assister au cours de l'enquête, mais celle-ci s'est fait remplacer par un associé qui n'est pas avocat La requérante ne prétend pas que l'arbitre a commis un déni de justice naturelle Il échet d'examiner s'il y a eu déni de justice naturelle du fait que l'avocate de la requérante n'a pas eu l'occasion de faire valoir toutes ses observations auprès de l'arbitre Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
B. Knazan pour la requérante. B. Evernden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Knazan & Jackman, Toronto, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: La requérante, dans cette demande présentée en vertu de l'article 28, cherche à faire annuler une ordonnance d'ex- pulsion rendue le 21 février 1979, au motif que les principes de justice naturelle n'ont pas été respec tés en ce qu'on n'a pas donné à son avocate l'occasion de faire valoir toutes ses observations auprès de l'arbitre.
A l'issue de l'enquête, l'arbitre a conclu, à la lumière de la preuve, que la requérante est une personne qui se trouve illégalement au Canada. Cette conclusion n'est pas contestée; c'est seule- ment cette partie de l'enquête touchant la question de savoir si l'arbitre devait décider d'émettre un avis d'interdiction de séjour ou de rendre une ordonnance d'expulsion qui fait l'objet des procé- dures en l'espèce.
Voici les faits pertinents: le 15 février 1979, suite à une directive à cet effet, une enquête fut tenue sur le statut d'immigrante de la requérante. Cette dernière ayant manifesté le désir d'être représentée par un avocat, l'enquête fut ajournée au 21 février 1979 afin de lui permettre d'en trouver un; avant l'expiration de ce délai, elle retint les services d'une avocate compétente pour l'assister au cours de l'enquête et aussi pour la défendre contre une accusation de vol à l'étalage portée contre elle. L'avocate en question, avant la reprise de l'enquête et après avoir discuté avec sa cliente, c'est-à-dire la requérante, a communiqué par téléphone avec le fonctionnaire chargé de pré- senter le cas. L'avocate, après discussion avec ce fonctionnaire, et vu qu'elle était retenue ailleurs, a jugé bon de se faire remplacer à l'enquête par un associé qui n'est pas avocat. Celui-ci a comparu et la requérante l'a accepté, devant l'arbitre, comme son représentant à l'enquête.
On allègue en l'espèce qu'en raison d'une méprise sur les faits pertinents aux questions liti- gieuses que l'arbitre devait trancher (c'est-à-dire s'il devait émettre un avis d'interdiction de séjour ou rendre une ordonnance d'expulsion), l'avocate qui occupait avait alors jugé bon, puisqu'elle ne pouvait comparaître en personne, de ne pas demander un ajournement qui lui aurait permis de comparaître mais de plutôt charger son associé, qui n'avait pas sa compétence, de comparaître à sa place, d'où la prétention que la requérante n'a pu tirer profit des arguments qu'aurait fait valoir un avocat compétent et qu'il en a résulté un déni de justice naturelle. On allègue également que l'avo- cate qui occupait était sous l'impression que le cas de sa cliente en était un de simple «routine» (quel que soit le sens de cette expression) car elle croyait qu'un avis d'interdiction de séjour serait émis et que le fonctionnaire chargé de présenter le cas accepterait que l'affaire soit ainsi réglée.
Soulignons qu'il n'est nullement allégué que l'ar- bitre ou le fonctionnaire chargé de présenter le cas aurait induit en erreur l'avocate de la requérante et que, partant, celle-ci n'aurait pu apprécier con- venablement les faits qui seraient soumis à l'arbitre.
Il importe de noter en outre qu'il n'est nullement allégué que l'arbitre aurait commis un déni de justice naturelle; d'ailleurs, le procès-verbal de
l'enquête ne pourrait étayer une telle prétention. Par conséquent, ce que l'on demande à cette Cour d'examiner ce sont des circonstances sur lesquelles le tribunal n'avait aucun contrôle et qui auraient donné lieu à un déni de justice naturelle.
On fait valoir au nom de la requérante que la décision prise par son avocate de ne pas comparaî- tre en personne pour soumettre ses arguments à l'arbitre, en est une qu'elle n'aurait prise si elle avait été tout à fait au courant des faits à la lumière desquels l'ordonnance d'expulsion a été rendue.
Or, tous ces faits que l'avocate ignorait étaient à la portée de la requérante. Par conséquent, si son avocate en ignorait un seul, c'est parce qu'elle avait négligé de lui en faire part.
Étant donné que la requérante est celle qui se plaint d'un déni de justice naturelle, il en découle que nous sommes en présence d'une situation anor- male. En effet, une cliente a négligé de divulguer des renseignements à son avocate, et elle prétend aujourd'hui que ceux-ci sont importants pour la sauvegarde de ses droits et qu'il en a résulté un déni de justice naturelle puisque son avocate a agi en se fondant sur les renseignements qu'elle lui avait divulgués.
En fait, on nous demande de conclure qu'une cliente, qui a mal renseigné ou qui n'a pas donné tous les renseignements à son avocate sur la nature propre de la cause, ou dont l'avocate a commis une erreur de jugement en ce qui a trait à sa responsa- bilité vis-à-vis sa cliente en ne comparaissant pas pour la représenter, pourrait ainsi prétendre que l'impossibilité pour le tribunal d'entendre les argu ments qui auraient pu être invoqués par son avo- cate si elle avait comparu en personne équivaut à un déni de justice naturelle. La simple énonciation de cette thèse en démontre l'absurdité.
Puisque l'arbitre et le fonctionnaire chargé de présenter le cas n'ont induit en erreur ni la requé- rante, ni son avocate, la méprise de celle-ci est ou bien le résultat du fait que sa cliente a négligé de l'informer complètement, ou bien le résultat de sa propre erreur d'appréciation des faits qui lui ont été révélés. L'arbitre n'est aucunement responsable dans l'un ou l'autre cas du déni de justice naturelle allégué.
Ayant conclu que l'allégation de déni de justice naturelle n'est pas soutenable, je constate en outre que le dossier ne révèle aucune erreur de droit de la part de l'arbitre. La preuve justifiait une ordon- nance d'expulsion—en fait, compte tenu de l'arti- cle 32 de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, il est difficile d'entrevoir comment on aurait pu arriver à une autre conclusion.
Par conséquent, la requête est rejetée.
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LE JUGE URIE: Je suis d'accord.
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LE JUGE RYAN: Je souscris.
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