Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-256-79
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Amy S. Yu (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte et Heald et le juge suppléant Smith—Vancouver, le 11 septembre; Ottawa, le 9 octobre 1979.
Examen judiciaire Assurance-chômage L'intimée a touché pendant quinze semaines des prestations d'assurance- chômage pour cause de grossesse Deux mois après son retour au travail, l'intimée a reçu un .remboursement pour cause de maternité», montant forfaitaire payable conformé- ment à la convention collective et à la condition qu'elle retourne au travail Il échet d'examiner si le «rembourse- ment pour cause de maternité» était une rémunération prévue par le contrat de travail et applicable à la période de congé de maternité sans que l'intéressée vienne au travail, ou si elle s'appliquait à la période postérieure à son retour au travail, conformément à la conclusion du juge-arbitre Requête rejetée, le juge Pratte étant dissident Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.). c. 10, art. 28 Règlements sur l'assurance-chômage, DORS/55-392 modifiés par DORS/71-324, art. 172, 173.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Ingeborg Lloyd pour le requérant. Allan H. MacLean pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Vancouver Community Legal Assistance Society, Vancouver, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La présente demande, fondée sur l'article 28, tend à faire examiner et annuler la décision rendue par un juge-arbitre en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, c. 63.
Étant enceinte, l'intimée, une employée de l'Université Simon Fraser, présenta le 1 er mars 1976 une demande en vue de bénéficier de presta- tions d'assurance-chômage. Elle toucha ces presta- tions pendant quinze semaines à partir du 14 mars 1976. A la fin de cette période, elle reprit son travail à ladite Université.
Les 26 septembre et 24 octobre 1976, l'intimée reçut de son employeur, en application de l'article 35.06 de la convention collective la concernant, des montants de $1,024.80 et de $271.71.
Le 22 août 1977, l'intimée fut informée que la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada considérait les montants susmentionnés comme une rémunération et les avait, en applica tion des articles 172 et 173 des Règlements sur l'assurance-chômage, DORS/55-392 tels que modifiés par DORS/71-324, répartis sur la pé- riode pour laquelle l'intimée avait touché des pres- tations d'assurance-chômage.
Le juge-arbitre, sur la base de l'exposé conjoint des faits à lui soumis, conclut que les sommes en cause (qui de l'aveu général étaient une rémunéra- tion aux fins de la Loi de 1971 sur l'assurance- chômage) avaient été versées à titre gratuit après que la prestataire eut repris définitivement son travail. Selon lui, ces sommes ne visaient pas à rémunérer des services rendus, mais plutôt à inci- ter l'intimée à retourner au travail et à y rester pour deux mois.
L'article 35.06 de la convention collective est celui qui s'applique en l'espèce. Il est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 35.06 Réintégration après le retour au travail. Deux (2) mois après le retour au travail de l'employée, l'Uni- versité lui remboursera en une seule fois:
a) la fraction des primes que doit supporter l'Université, et,
b) la différence entre les prestations d'assurance-chômage reçues par l'employée pour cause de maternité, et le traite- ment qu'elle aurait normalement touché pendant la période elle a reçu lesdites prestations.
Le requérant fait valoir que le juge-arbitre a commis une erreur de droit en concluant que les montants forfaitaires versés à l'intimée par son employeur devaient, en vertu de l'article 173(4) des Règlements sur l'assurance-chômage, être répartis sur la période suivant son retour au travail.
Ledit article 173(4) est ainsi conçu:
173....
(4) La rémunération payable à un prestataire aux termes d'un contrat de travail, sans que soient fournis des services, ou la somme payable par un employeur à un prestataire pour qu'il revienne au travail ou qu'il accepte un emploi, doit être répartie sur la période pour laquelle elle est payable.
Le requérant fait valoir que le «remboursement pour cause de maternité» reçu par l'intimée deux mois après son retour au travail constituait une rémunération à elle payable aux termes d'un con- trat de travail, sans que soient fournis des services, pour la durée du congé de maternité, et non pour la période suivant son retour au travail. Je ne suis pas d'accord avec cette prétention. L'exposé con joint des faits énonce la page 76) que l'article 35.06 a pour objet d'encourager le retour au tra vail des employées qualifiées après leur congé de maternité. Il ressort du reste clairement de cet article qu'il a pour objet d'inciter à reprendre le travail. En effet, l'employée doit revenir au travail pour une période de deux mois avant d'avoir droit au remboursement d'une somme forfaitaire. Si, comme le soutient le requérant, les sommes étaient relatives au congé de maternité, il me semble que l'intimée y aurait eu droit à l'expiration dudit congé, et ce, sans avoir à retourner au travail. Étant donné que le retour au travail constituait à la fois une condition préalable au paiement des sommes concernées et l'un des objets de l'article susmentionné, j'estime que c'est à bon droit que le juge-arbitre a conclu que les sommes en question devaient être réparties sur les périodes postérieures au retour au travail de la prestataire.
Je rejette donc cette demande fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE (dissident): Le juge Heald a parfaitement exposé dans ses motifs les faits ayant donné naissance à cette demande fondée sur l'arti- cle 28. Je n'estime pas nécessaire de les relater de nouveau.
Tout en reconnaissant la puissance du raisonne- ment de mon collègue, je ne puis souscrire à sa conclusion selon laquelle les montants en cause devaient, aux termes du paragraphe 173(4) des
Règlements sur l'assurance-chômage, être répar- tis sur la période qui a suivi le retour au travail de l'intimée.
Pour bénéficier de ces montants, l'intimée devait travailler pendant au moins deux mois après son congé de maternité. Ce n'était qu'une simple condition dont dépendait son droit d'être indemni- sée de la perte subie au cours de ce congé de maternité. A mon avis, l'existence de cette condi tion ne change rien au fait que les sommes dont il s'agit ont été versées pendant la période de congé de maternité de l'intimée.
Par ces motifs, j'admets la demande.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.