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T-644-77
La Reine (Demanderesse) c.
Saint John Shipbuilding & Dry Dock Co. Ltd. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Saint-Jean, les 26 et 27 juin; Ottawa, le 24 juillet 1979.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Personnes non résidantes Paiements faits à une compagnie étrangère, non résidante, en vue du droit d'usage de données informatisées dans le cadre de l'entreprise de construction navale de la défenderesse Imposabilité de ces paiements Il échet d'examiner si la défenderesse n'aurait pas retenir aux fins de l'impôt 15 p. 100 de ces paiements conformément à l'art. 215(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 212(1)d), 215(6) Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, S.C. 1943-44, c. 21, articles I et II, et protocole, clause 6a).
Appel formé par la demanderesse contre une décision de la Commission de révision de l'impôt, selon laquelle trois sommes payées par la défenderesse pour l'acquisition contractuelle du droit d'usage des données informatisées d'une compagnie étran- gère dans le cadre de l'entreprise de construction navale de la défenderesse, n'étaient pas assujetties à l'impôt sur le revenu de personnes non résidantes, et ce pour les années d'imposition 1971, 1972 et 1973. Il échet d'examiner si la défenderesse aurait retenir 15 p. 100 titre d'impôt à verser au ministre du Revenu national conformément à l'article 215(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La demanderesse soutient que ces paiements avaient pour objet l'usage ou le droit d'usage au Canada de biens d'une compagnie étrangère au sens de l'article 212(1)d)(i) ou, subsidiairement, que la défenderesse a payé des loyers, redevances ou semblables paiements pour l'acquisition de ces droits. La défenderesse soutient que les sommes payées ne représentaient pas des loyers, redevances ou semblables paiements au sens de l'article 212(1)d) ni des paiements faits en vue d'utiliser des biens au sens de l'article 212(1)d)(i), qu'il s'agissait certes de paiements de renseignements relatifs à des connaissances industrielles, commerciales et scientifiques au sens de l'article 212(1)d)(ii), mais qu'ils n'étaient pas assujettis à l'impôt sur le revenu au sens de ce sous-alinéa parce qu'ils n'étaient pas fonction, en tout ou en partie, de l'usage qui devait en être fait, des avantages qui devaient en découler, ni de la production ou de la vente de biens ou de services, ni des bénéfices. Subsidiairement, la défenderesse fait valoir que ces paiements représentaient des bénéfices industriels et commer- ciaux, que régissent les dispositions de la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et de son protocole.
Arrêt: l'action est rejetée. Quoique les paiements effectués par la défenderesse à la compagnie étrangère constituent proba- blement un revenu pour cette dernière, ils n'étaient certaine- ment pas des paiements de loyer. Ce serait déformer le sens de «redevance» que de conclure que le paiement forfaitaire, quand
bien même il n'aurait pour objet que «le droit d'utiliser» les données, doit être considéré comme un paiement de redevance, lors même qu'il n'a aucun rapport avec l'usage ou avec les bénéfices que la défenderesse a pu tirer d'un tel usage. Rien ne justifierait en l'espèce le calcul d'un paiement de redevance. Ce que la défenderesse a acquis peut être classé sous le sous-alinéa 212(1 )d)(ii): «renseignements relatifs à des connaissances industrielles, commerciales et scientifiques». Cette acquisition n'est pas imposable en application de ce sous-alinéa car elle n'est fonction ni de l'usage qui devait en être fait, ni des avantages qui pourraient en découler, ni de la production ou de la vente de biens ou de services, ni des bénéfices qui pourraient provenir de l'une ou l'autre catégories (A), (B) ou (C) ci-des- sus. Si elle relève de l'un des sous-alinéas qui excluent l'impôt, rien ne permet de la classer sous un autre sous-alinéa en application duquel elle serait imposable.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
L. P. Chambers et D. Friesen pour la demanderesse.
E. N. McKelvey, c.r. et L. Burnham pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
McKelvey, Macaulay, Machum & Fair-
weather, Saint-Jean, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette espèce est un appel que la demanderesse a interjeté d'une décision du 22 octobre 1976 de la Commission de révision de l'impôt disant que les montants de $25,375, $50,000 et $81,875 n'étaient pas de ceux sur les- quels une taxe de non-résidence était payable pour les années d'imposition 1971, 1972 et 1973 respectivement.
Ces sommes proviennent de paiements qu'effec- tua la défenderesse au cours de ces années-là à la Com/,C.ode Corporation, une compagnie améri- caine.
Au cours de l'audience devant la Cour le mon- tant de $50,000 sur lequel on réclame la taxe de non-résidence pour l'année d'imposition 1972 a été modifié avec l'agrément de la partie adverse et est devenu $75,000, ce nombre étant le montant exact. Ces paiements résultaient de l'acquisition par la défenderesse de Com/Code, par convention inter-
venue vers le 8 avril 1971, du droit d'usage au Canada du Autokon-I System, un système de don- nées informatisées de cette compagnie en corréla- tion avec ses opérations de construction navale.
La demanderesse invoque notamment pour l'an- née 1971 les dispositions de l'article 106(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifié, et, pour les années d'imposition 1972 et 1973, les articles 212(1)d) et 215(6) de la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, modifié. En plus de contester sa responsabilité selon les articles susmentionnés de la Loi, la défen- deresse invoque les articles I et II de la Convention de double imposition canado-américaine et la clause 6a) de son protocole et la Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, S.C. 1943-44, c. 21. Comme les dispositions des articles invoqués sont identiques dans les deux lois de l'impôt, pour plus de commodité, dans les présents motifs, on se référera uniquement aux articles de la nouvelle Loi. Voici l'article 212(1)d)(1) et (ii):
212. (1) Toute personne non résidante doit payer un impôt sur le revenu de 25% sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la Partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel
d) du loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement, y compris, mais sans restreindre la portée générale de ce qui précède, tout paiement fait
(i) en vue d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au Canada, des biens, inventions, appellations, brevets, mar- ques de commerce, dessins ou modèles, plans, formules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre chose,
(ii) pour des renseignements relatifs à des connaissances industrielles, commerciales et scientifiques lorsque la somme totale payable à titre de contrepartie pour ces renseignements dépend en totalité ou en partie
(A) de l'utilisation qui doit en être faite ou de l'avantage qui doit en être tiré,
(B) de la production ou de la vente de marchandises ou de services, ou
(C) des bénéfices,
Ce montant de 25 p. 100 est ramené à 15 p. 100 dans le cas des paiements faits aux résidents des États-Unis de_par les stipulations de la Convention de double imposition canado-américaine. Voici l'article 215(6):
2i5....
(6) Lorsqu'une personne a omis de défalquer ou de retenir, comme l'exige le présent article, une somme sur un montant
payé à une personne non résidante ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non résidante ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie, au nom de la personne non résidante, la totalité de la somme qui aurait être défalquée ou retenue, et elle a le droit de défalquer ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non résidante ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non résidante toute somme qu'elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie.
La demanderesse prétend que les paiements ont été faits en vue d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au Canada, des biens, inventions, appel lations, brevets, marques de commerce, dessins ou modèles, plans, formules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre chose de la Com/Code Corporation, au sens de l'article 212(1)d)(i). Elle prétend subsidiairement que les loyers, redevances ou semblables paiements ont été payés par la défenderesse pour l'acquisition de droits sur l'Au- tokon-I System de la Com/Code Corporation au sens de l'article 212(1)d) de cette loi et qu'il s'ensuit qu'elle doit payer la taxe de 15 p. 100 que prévoit l'article 215(6) parce qu'elle n'a pas déduit ni retenu cette taxe du non-résident.
La défenderesse quand elle fait valoir que la convention avait pour objet de lui fournir des renseignements relatifs à des connaissances indus- trielles, commerciales et scientifiques et que la somme totale payable en contrepartie de ces ren- seignements ne dépendait ni en totalité ni en partie de l'utilisation qui devait en être faite ou de l'avan- tage qui devait en être tiré ni de la production ou de la vente de marchandises ou de services ni des bénéfices au sens de l'article 212(1)d)(ii) et en outre que ces paiements constituaient des profits commerciaux et industriels au sens des articles I et II de la Convention et de la clause 6a) de son protocole vu que la Com/Code Corporation n'avait pas d'établissement permanent au Canada au sens de l'article I et de la clause 3f) du protocole. Voici les articles I et II susmentionnés:
ARTICLE I
Toute entreprise de l'un des Etats contractants n'est imposa- ble par l'autre Etat contractant en raison de ses bénéfices industriels et commerciaux que pour la part de ces bénéfices imputables, aux termes de la présente Convention, à l'établisse- ment stable qu'elle exploite dans ce dernier Etat.
En vue du calcul de l'impôt dans l'un des Etats contractants, il ne sera pas tenu compte des simples opérations d'achat de marchandises effectuées dans ce dernier par une entreprise de l'autre Etat.
ARTICLE II
Pour les fins de la présente Convention, l'expression «bénéfi- ces industriels et commerciaux» ne vise pas le revenu qui se présente sous la forme de loyers, de redevances, d'intérêts, de dividendes, de droits de gestion ou de gains retirés de la vente ou de l'échange de biens de capital.
Sous réserve des clauses de la présente Convention, ces chefs de revenu seront taxés séparément ou avec les bénéfices indus- triels et commerciaux suivant les lois respectives des Etats contractants.
La clause 6a) du protocole définit les termes «loyers et redevances» de l'article II de la Conven tion comme suit:
6. a) L'expression «loyers et redevances» dont il est fait usage à l'article II de ladite Convention comprend les loyers et les redevances que rapportent la location de biens meubles ou immeubles ou un intérêt quelconque dans ces biens, y compris les loyers et redevances pour usage ou droit de se servir de brevets, de droits d'auteur, de formules et de procédés secrets, d'achalandage, de marques de fabrique et de commerce, de concessions et de tous autres biens analogues;
La défenderesse dit aussi que les sommes payées ne constituent pas des loyers, redevances ou sem- blables paiements au sens des dispositions de l'arti- cle 212(1)d) de la Loi ni des paiements en vue d'utiliser ledit bien au sens de celles de l'article 212(1)d)(i) et que, quoiqu'il se soit agi de rensei- gnements relatifs à des connaissances industrielles, commerciales et scientifiques, au sens de l'article 212(1)d)(ii), ces paiements n'étaient pas du genre soumis à l'impôt sur le revenu au sens de ce sous-alinéa puisqu'ils n'étaient pas fonction en totalité ou en partie de l'utilisation qui devait en être faite ou de l'avantage qui devait en être tiré ni de la production ou de la vente de marchandises ou de services, ni des profits. Subsidiairement, la défenderesse plaide qu'il s'agissait de profits indus- triels et commerciaux payables à une entreprise américaine qui n'avait pas d'établissement perma nent au Canada et donc non sujette à contribution au Canada en vertu des stipulations de la Conven tion de double imposition et de son protocole.
Les dépositions des témoins, confirmées par la convention intervenue entre la défenderesse et Com/Code le 8 avril 1971, montrent que ce que la défenderesse a acquis c'est le droit d'usage d'un système informatisé, que l'on pourrait sans doute considérer comme une banque de données relatives à la construction navale, que Com/Code avait établi. L'usage de ce système élimine un grand nombre d'opérations et de calculs mathématiques
autrement requis lors de la construction d'un navire. Avant que ce système ne soit adopté il était nécessaire de convertir les plans de l'architecte naval ou du concepteur en gabarits et de fabriquer chaque tôle de la coque à partir de ces gabarits réduits au dixième et tracés sur le plancher de la salle des formes. Ces dessins étaient alors photo- graphiés au centième et à partir des négatifs on pouvait guider les machines d'oxycoupage et découper les tôles d'acier. Les tôles bien entendu avaient différentes formes et le processus était fort laborieux. La banque de l'ordinateur contient des données reposant sur un ensemble de designs de construction navale provenant du monde entier permettant, comme l'a déclaré un des témoins, l'obtention d'une information détaillée par l'intro- duction des données appropriées dans l'ordinateur pour la construction de n'importe quoi depuis un esquif jusqu'à un navire de guerre. En outre on peut obtenir non seulement des données relatives aux tôles de la coque mais aussi aux poutres transversales, aux autres pièces d'acier nécessaires et au meilleur moyen de découper les tôles d'acier de la coque sur le plancher de la salle des formes et ainsi réduire au minimum le gaspillage de l'acier consécutif à l'imprécision du traçage des plans sur celui-ci. Lorsque les machines d'oxycoupage sont guidées par les données informatisées reçues, le découpage des tôles est beaucoup plus précis que sous l'ancien système. L'usage de ces données peut permettre de réduire le temps nécessaire à cette phase de la construction d'un navire, de, disons, deux mois à deux ou trois semaines.
Il suffit simplement de relever les coordonnées tridimensionnelles des plans de formes du navire et de les coder sur une carte perforée alors introduite dans l'ordinateur. Celui-ci fournit les données sous deux formes: sous forme d'imprimé donnant tous les détails techniques de mesures et de profils de chaque tôle et sous forme de bande perforée four- nissant directement aux machines d'oxycoupage les données nécessaires.
Com/Code fournit sous le sceau de la confiden- tialité cette banque de données au système d'ordi- nateur, quel qu'il soit, choisi par le client, en l'espèce Computel. Com/Code n'a naturellement pas fourni ce système exclusivement à la défende- resse; mais aussi à d'autres chantiers maritimes
des États-Unis et du Canada. J'ai volontairement évité d'employer les mots «acheté» ou «loué» corré- lativement à l'acquisition du droit d'usage du sys- tème par la défenderesse ou par d'autres qui l'ont obtenu de Com/Code vu que c'est la clé de tout le problème. D'une part on ne peut considérer la défenderesse comme acheteur puisque le contrat stipule expressément que l'information y contenue est uniquement pour l'usage de la défenderesse et ne peut être fournie à des tiers. La défenderesse donc ne peut être assimilée à un propriétaire car cela impliquerait le droit de disposer ou d'user de cette information à son gré pourvu que cela soit licite. D'autre part, comme elle a payé une somme forfaitaire pour l'usage du système, avec les options et révisions de celui-ci comme stipulé dans l'accord, au cours d'une période de 3 ans, la défen- deresse ne peut être considérée simplement comme locataire de celui-ci, ou comme l'ayant acquis contre paiement de redevances puisque le montant versé demeure le même qu'elle en fasse un usage extensif ou qu'elle ne s'en serve pas du tout et vu qu'il n'y a pas de terme prévu à l'arrivée duquel le droit d'usage du système prendrait fin. Présumé- ment, la défenderesse peut continuer de l'employer aussi longtemps que l'information qu'il contient pourra servir et ne deviendra pas désuète. On a reconnu que bien que Com/Code a nul doute dépensé beaucoup de temps et d'argent pour réunir et informatiser toute cette information et que ce faisant elle a fait oeuvre fort utile pour la construc tion maritime, aucun brevet ni droit d'auteur ne protège l'information elle-même et tout construc- teur maritime pourrait si ses opérations en justi- fiaient la dépense réunir et informatiser dans sa propre banque semblable information. Il ne s'agit pas de décider si les paiements que la défenderesse a effectués à Com/Code constituaient du capital ou du revenu en autant que la défenderesse est concernée mais si 15 p. 100 aurait en être déduit et remis par Com/Code au ministre du Revenu national conformément à l'article 215(6) de la nouvelle Loi. La jurisprudence relative à la distinction qu'il y a entre les dépenses de revenu et celles de capital ne s'applique pas directement. La convention intervenue entre la défenderesse et Computel parlait de l'attribution d'une [TRADUC- TION] «licence non exclusive» et d'un paiement [TRADUCTION] «pour l'autorisation d'user du sys- tème». La demanderesse prétend que ce qui a été
acquis c'est un droit de propriété au sens de l'arti- cle 212(1)d)(i) et à ce sujet réfère à l'affaire Rapistan Canada Limited c. Le ministre du Revenu national', une affaire toutefois il s'agis- sait de savoir si un acte de donation par lequel une compagnie américaine donnait à la compagnie appelante ses «connaissances, ... techniques, ... compétence et ... expérience» afin de lui permet- tre de poursuivre au Canada les opérations de fabrication particulières que la compagnie améri- caine poursuivait aux États-Unis, était de la nature d'un capital soumis à la déduction pour amortisse- ment. En rendant jugement, le juge en chef Jackett écrivit aux pages 742 et 743:
Même si l'.Acte de donation» se présente comme une dona tion, un octroi et une cession de «connaissances, de techniques, de compétence et d'expérience» ces connaissances, compétence ou expérience, pour autant que je sache, ne constituent pas, au regard d'aucun système juridique au Canada, des «biens» pou- vant faire l'objet d'une donation, d'un octroi ou d'une cession, sauf dans la mesure où, s'il en est, ils peuvent constituer un droit ou une partie d'un droit à l'égard duquel il existe des biens relevant de la catégorie des biens industriels. Par conséquent, d'après ma conception de la «donation» en l'espèce et à la lumière des éléments de preuve, on doit l'interpréter comme une promesse faite par la donatrice aux termes de laquelle l'appelante recevra de la «donatrice» les informations et les instructions sur la façon d'entreprendre et de poursuivre une certaine activité de fabrication. Evidemment, elle ne se fonde sur aucun des droits afférents aux biens industriels comme les brevets d'invention, les droits d'auteur, les marques de com merce et les plans industriels. Si je comprends bien la loi, les connaissances ou les idées en tant que telles, ne constituent pas des biens.
La défenderesse soutient toutefois que les termes du sous-alinéa (i) doivent être lus à la lumière de la disposition liminaire de l'alinéa d) «du loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement, y com- pris, mais sans restreindre la portée générale de ce qui précède, tout paiement fait» et, en application de la règle ejusdem generis, que tous les paiements auxquels on fait expressément allusion doivent comporter des caractéristiques les rendant sembla- bles à des loyers ou à des redevances. D'après cet argument, le terme «y compris» n'est pas employé dans son sens extensif afin d'élargir le sens des termes qui précèdent mais plutôt dans le but de définir le genre de loyer, de redevance ou de semblable paiement que le sous-alinéa impose de taxer. On a cité l'affaire Commissioners of Cus toms and Excise c. Savoy Hotel, Ltd. 2 dans laquelle, étudiant les termes [TRADUCTION] «bois-
' [1974] 1 C.F. 739.
2 [1966] 2 All E.R. 299.
sons traitées, y compris les jus de fruit» apparais- sant à l'annexe 1 du Purchase Tax Act 1963, le juge Sach a écrit, à la page 302:
[TRADUCTION] ... il n'y a rien ici, dans l'usage qui est fait du terme «y compris», qui oblige la Cour à déclarer que «jus de fruit» doit être interprété sans égard aux deux termes par lesquels la phrase commence et auxquels on devrait, si possible, donner quelque effet corrélativement aux termes qui suivent.
Pour soutenir que les paiements effectués étaient de la nature d'un loyer, la demanderesse cite l'af-
faire United Geophysical Company of Canada c. Le ministre du Revenu national 3 , aux pages 292 à 295 le juge Thurlow (tel était alors son titre) était saisi de la question de savoir si en vertu de l'article 106(1)d) de l'ancienne Loi des paiements n'ayant pas les caractéristiques d'un loyer, vu qu'il y avait incertitude dans la convention au sujet du
montant à payer et de l'époque le paiement devait être fait, tombaient néanmoins sous le coup de l'article. Il écrivit [aux pages 294 et 295]:
[TRADUCTYON] Il est, je pense, apparent par suite de l'emploi dans l'article du libellé qui suit les termes «loyer» et «redevance» que le législateur n'entendait pas restreindre le genre de revenu mentionné dans le paragraphe à ce que strictement on aurait pu appeler un «loyer» ou une «redevance» ni à des paiements qui auraient toutes les caractéristiques juridiques d'un «loyer» ou d'une «redevance». La portée de l'article n'est pas non plus restreinte aux paiements de cette nature relatifs à des biens immeubles car on retrouve dans l'article le terme «bien» auquel l'article 139(1)ag) donne un sens fort large, les biens tant meubles qu'immeubles pouvant y être assimilés. Il me semble donc que l'article 106(1)d) vise tout paiement similaire à un loyer mais qui serait payable dans le cas d'un bien meuble.
Toutefois il répondait à l'argument selon lequel un loyer c'est restreint aux bénéfices que procure un immeuble; résumant son raisonnement, il dit aussi, à la page 295:
[TRADUCTION] Sans chercher à déterminer quelle étendue peut avoir le champ de l'article 106(1)d), je suis d'avis que celui-ci réfère et inclut un montant fixe payé à titre de loyer pour la jouissance, à terme d'un bien meuble. [C'est moi qui souligne.]
Certainement en l'espèce l'obligation n'est pas à terme. Le juge Cattanach rappela avec approba tion cette distinction dans C.I. Burland Properties
Limited c. Le ministre du Revenu national 4 il dit, aux pages 342 et 343:
[TRADUCTION] Des remarques de mon collègue Thurlow, je conclus qu'à son avis (présumant que la somme fut versée pour jouir d'un bien) il doit y avoir deux attributs pour qu'il puisse s'agir d'un paiement semblable à un loyer quoiqu'il n'en ait pas toutes les caractéristiques juridiques: (1) Il faut que ce soit un
3 [1961] R.C.É. 283.
4 [1968] 1 R.C.É. 337.
montant fixe et (2) qu'il soit versé pour un terme donné. J'ajouterais que le montant est fixe s'il est stipulé de façon à ce qu'on puisse l'établir avec certitude.
Quant aux termes «redevances», le juge Cam- eron déclara dans l'affaire Ross c. M.R.N. 5 , à la page 418:
[TRADUCTION] Des redevances, dans le cas de mines ou de puits, dans toutes les définitions, sont des versements périodi- ques soit en nature soit en argent qui sont fonction et dont le montant dépend de la production ou de l'usage de la mine ou du puits et qui sont payables pour le droit de prospecter, d'amener à production et d'aliéner les pétroles ou minéraux produits.
Dans M.R.N. c. Paris Canada Films Limited 6 , le juge Dumoulin écrit, à la page 49:
[TRADUCTION] Procédant par élimination, j'incline à croire qu'un montant forfaitaire payé pour des droits cédés irrévoca- blement, équivalent pour ainsi dire à une cession perpétuelle, comme dans la pièce 11, peut difficilement être réconcilié avec les notions habituellement acceptées que l'on attache à des «loyers ou redevances», soit: la stipulation d'un terme, la réten- tion d'un jus in re par le locateur et le versement périodique de loyers par le locataire sous forme de sommes fixes ou de remise de quittances.
Dans l'affaire Vauban Productions c. La Reine', le juge Addy, aux pages 67 et 68, écrit:
Le terme «redevances» (royalties) désigne normalement une participation à des bénéfices ou une part ou pourcentage d'un bénéfice, basée sur l'exploitation ou sur le nombre d'unités, de copies ou d'articles vendus, loués ou utilisés. Le montant d'une redevance afférente à un droit est, d'une certaine façon, fonc- tion du rythme d'exploitation de ce droit. Cela résulte des diverses définitions que les dictionnaires donnent du mot «rede- vance», quand il se rapporte à une somme à payer. On a toujours considéré les redevances, qui sont assimilables à des loyers, comme des revenus puisqu'elles sont fonction soit du rythme d'exploitation du droit soit de la durée de l'utilisation, alors qu'on estime que le paiement d'une somme forfaitaire pour la cession intégrale d'un droit, sans égard à l'utilisation qui en sera faite, est, par sa nature un paiement en capital, qui pourra cependant être imposable en tant que revenu entre les mains du bénéficiaire s'il relève de l'activité normale de ce contribuable.
La demanderesse fait valoir toutefois que le terme «redevances» n'est pas restreint à un paie- ment pour l'usage de l'information puisque le sous- alinéa 212(1)d)(i) lorsqu'il réfère à un paiement «en vue d'utiliser» ajoute aussitôt les mots «ou d'obtenir le droit d'utiliser»; or ce que la défende- resse a acquis c'est ce «droit d'utiliser». A l'appui de son argument elle cite notamment l'affaire bri- tannique Rustproof Metal Window Co., Ltd. c.
5 [1950] R.C.É. 411.
6 [1963] R.C.É. 43.
7 [1976] 1 C.F. 65.
Commissioners of Inland Revenue', le Maître des rôles, lord Greene, écrit à la page 267:
[TRADUCTION] Pour revenir à l'argument de l'avocat, je ne comprends pas pourquoi on devrait dire, ce qui doit se déduire de la proposition, et qui d'ailleurs a été expressément plaidé, qu'une somme reçue pour le droit d'usage d'un brevet, somme payable que le brevet soit ou non utilisé et sans qu'on ne réfère aucunement à quelque usager, doit nécessairement être une recette de capital. La somme reçue en contrepartie de l'aliéna- tion d'un droit d'usage d'un brevet, qu'il y ait ou non exercice de ce droit, peut sûrement tout aussi bien être une recette provenant d'un revenu qu'une somme reçue en raison de l'alié- nation d'un droit d'usage de tout autre genre de bien, comme par exemple une automobile. Qu'il s'agisse ou non d'un revenu plutôt que d'une recette de capital doit, aurais-je pensé, être établi en fonction de tous les faits pertinents et non par quelque règle de droit rigide comme on le suggère.
On a aussi cité l'affaire Murray (Inspector of Taxes) c. Imperial Chemical Industries, Ltd. 9
dans laquelle, à la page 983, le Maître des rôles, lord Denning, dit:
[TRADUCTION] Appliquant ces critères, en l'espèce présente, il est parfaitement clair que les redevances pour le brevet principal C.P.A. et celles pour les brevets accessoires de la compagnie contribuable étaient des recettes provenant de reve- nus. C'est un fait admis. Dans la mesure une somme forfaitaire est en cause, je la considère comme une recette de capital même si elle est payable par versements. Les faits suivants m'ont influencé: (i) il s'agit du paiement partiel d'une licence exclusive, laquelle est un bien de capital; (ii) il est payable qu'il y ait ou non un usager de la licence; même si les titulaires ne se servaient aucunement des brevets cette somme devrait quand même être payée; (iii) il a été convenu qu'il s'agissait d'un capital payable par versements et non d'une rente ou d'une série de paiements annuels. Dans les circons- tances je suis entièrement convaincu que ce montant forfaitaire constituait une recette de capital et que la compagnie contri- buable ne pouvait être imposée à son sujet.
Dans l'affaire Jeffrey (H.M. Inspector of Taxes) c. Rolls-Royce, Ltd. 10 qui portait sur une convention intervenue entre Rolls-Royce et la République de Chine pour autoriser les Chinois à fabriquer le moteur Rolls-Royce jet aero et lui fournir les renseignements et dessins nécessaires, pour les aviser périodiquement des améliorations et des modifications apportées à sa fabrication et à sa conception, pour former le personnel chinois à sa tâche et pour déléguer un ou deux membres de leur propre personnel en Chine pour aider à la fabrication du moteur le tout en contrepartie du paiement [TRADUCTION] «d'un capital de 50,000 livres» plus des redevances, il fut statué que les
8 29 T.C. 243.
9 [1967] 2 All E.R. 980.
10 40 T.C. 443.
50,000 livres constituaient un revenu bien qu'elles aient été désignées comme un paiement de capital. Comme dit précédemment toutefois ces affaires portaient sur les distinctions entre les recettes de capital et de revenu et la Cour n'a pas à décider en l'espèce si les paiements de la défenderesse à Corn/ Code constituent du revenu pour Com/Code ou s'il s'agit de paiement de capital ou de revenu de la défenderesse afin d'interpréter l'article 212(1)d) de la Loi. Dans l'affaire Farmparts Distributing Ltd. c. La Reine" (qui m'informe-t-on, fait main- tenant l'objet d'un appel) mon collègue le juge Gibson décida que cette distinction était nécessaire pour une interprétation correcte de l'article 212(1)d). Il dit aux pages 513 et 514:
Les termes «... loyer, ... redevance ou ... semblable paie- ment» figurant à l'alinéa 212(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu requièrent que la nature du paiement soit déterminée dans chaque cas. Il en est ainsi parce que la Loi a été conçue de façon à prévoir expressément tous les cas il y a assujettisse- ment à l'impôt. En d'autres termes, tout devrait être prévu.
Il s'agit d'un revirement par rapport à la Loi précédente dont les dispositions portant assujettissement à l'impôt étaient for- mulées en termes génériques. L'ancienne Loi définissait les principes et les normes, laissant aux tribunaux saisis le soin de conclure si le libellé général de ces dispositions s'appliquait à tel ou tel cas d'espèce.
[Genre de paiements]
En conséquence, lorsqu'il s'agit de déterminer la nature des paiements en cause, il appert que l'alinéa 212(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu (sauf le sous-alinéa 212(1)d)(v)) traite exclusivement des paiements à titre de revenu. Il appert égale- ment que seul le sous-alinéa 212(1)d)(i) est applicable aux présents appels. Il s'agit, en l'espèce, de paiements forfaitaires, faits une fois pour toutes, mais cette particularité ne contribue en rien à la détermination de la nature de ces paiements.
Bien que la question ne soit pas facile, je suis enclin à penser, à la lumière de l'ensemble de la jurisprudence susmentionnée, que, quoique les paiements que la défenderesse a effectués au profit de Com/Code puissent avoir constitué, et consti- tuaient probablement, des recettes de l'ordre d'un revenu pour cette compagnie, ils n'étaient certaine- ment pas des paiements de l'ordre d'un loyer et ce serait déformer le terme «redevance» que de con- clure que le paiement forfaitaire (le fait qu'il a été fait en trois versements ne change rien) même s'il est considéré fait uniquement pour «le droit d'utili- ser» l'information, devrait être considéré comme le
" [1979] 2 C.F. 506.
paiement d'une redevance, même s'il n'est aucune- ment fonction de l'intensité de l'usage, ni des profits de la défenderesse consécutifs à cet usage, et qu'en conséquence il n'y a aucun fondement sur lequel le paiement de la redevance puisse être calculé.
Le libellé du sous-alinéa (ii) de l'article 212(1)d) me confirme dans ma conclusion. Il me semble que ce que la défenderesse a acquis peut correctement être qualifié sous ce sous-alinéa de «renseignements relatifs à des connaissances indus- trielles, commerciales et scientifiques». Si c'est le cas, alors clairement il ne peut y avoir imposition en vertu du sous-alinéa (ii) puisque cela ne dépend ni de l'utilisation qui doit en être faite, ni de l'avantage qui doit en être tiré, ni de la production ou de la vente de marchandises ou de services, ni des bénéfices au sens du (A) du (B) ou du (C) de celui-ci. S'il relève de l'un des sous-alinéas sous le régime duquel il ne peut être imposé, rien ne justifie de chercher à le faire tomber sous un autre sous-alinéa en vertu duquel il pourrait l'être. Ayant conclu que la contribution n'est pas requise en vertu de l'article 212(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu ni de l'article 106(1)d) de l'ancienne Loi, le litige se trouve résolu et il n'est pas réelle- ment nécessaire d'examiner l'argument de la défenderesse fondé sur la Convention de double imposition canado-américaine. Toutefois les avo- cats des deux parties ont considéré exhaustivement ce second argument de la défenderesse; il s'ensuit que j'en traiterai aussi. L'argument soulève à nou- veau la question des paiements versés à Com/ Code; constituent-ils du «revenu qui se présente sous la forme de loyers, de redevances» ou de «bénéfices industriels et commerciaux» au Canada? Ces derniers ne sont pas imposables au Canada mais les loyers et redevances provenant de la vente ou de l'échange de biens de capital sont exceptés et donc non exemptés.
Les «loyers et redevances» dans le protocole sont pour «usage ou droit de se servir», termes fait remarquer la demanderesse qui diffèrent du libellé du sous-alinéa 212(1)d)(i) qui se lit «en vue d'utili- ser, ou d'obtenir le droit d'utiliser». Je ne trouve pas qu'il y ait quelque signification à la différence de libellé. Toutefois, je considère que les exemples donnés dans le protocole, lequel réfère à des «bre- vets, ... droits d'auteur, ... formules et ... procé-
dés secrets, ... achalandage, . .. marques de fabri- que et de commerce, ... concessions et ... tous autres biens analogues» [c'est moi qui souligne] sont, s'il faut distinguer, en quelque sorte plus restrictifs que l'article 212(1)d)(1) qui emploie les termes «biens, inventions, appellations, brevets, marques de commerce, dessins ou modèles, plans, formules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre chose» [c'est moi qui souligne] si on applique la règle ejusdem generis vu que ce qui a été acquis ne tombe dans aucune des catégories de biens spécifiées à la clause 6a) du protocole ni n'est un «bien analogue».
La demanderesse invoque l'affaire Western Electric Company Incorporated c. Le ministre du Revenu national [1969] 2 R.C.É. 175 confirmée en Cour suprême 71 D.T.C. 5068, en vertu de l'article 106(1)d) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu qui dit que l'information confidentielle technique qu'une compagnie américaine a fournie à une compagnie au Canada constitue des secrets de commerce offrant une forte ressemblance aux «procédés secrets ... et ... autres biens analogues» de la clause 6a) du protocole. La présente espèce peut être distinguée toutefois en ce que l'informa- tion n'est nullement secrète mais simplement une compilation en une forme utile de renseignements autrement disponibles. De plus dans l'affaire Western Electric il y avait eu réellement paiement de redevances, en fonction des ventes des biens fabriqués en utilisant l'information reçue. Je con- clus donc aussi que, d'après les dispositions de la Convention de double imposition canado-améri- caine, les paiements effectués n'étaient pas soumis à la déduction de la taxe à retenir comme l'article 215(6) de la Loi le requérait.
L'action de la demanderesse est donc rejetée avec dépens.
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