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78-A-356
Sam Young Lamptey-Drake (Agyei-Bediakoh) (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Urie et Ryan—Ottawa, le 15 juin 1979.
Pratique Demande d'autorisation d'appel contre une décision de la Commission d'appel de l'immigration Une demande antérieure d'autorisation d'appel avait été rejetée La seconde demande a été déposée par le requérant lui-même à la suite de la réponse du greffe à sa lettre La Cour n'est pas compétente pour entendre une nouvelle demande d'autori- sation d'appel dans la même affaire Règles de la Cour fédérale 324, 1107.
Arrêt suivi: City of Windsor c. La Commission canadienne des transports [1980] 1 C.F. 62.
REQUÊTE. AVOCATS:
Randolph M. Minuk pour le requérant. PROCUREURS:
Randolph M. Minuk, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit en l'espèce d'une requête par écrit demandant la permission d'appeler d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration rendue le 13 octobre 1978 (ainsi que la prorogation nécessaire du délai d'appel).
Par une première requête en date du 26 octobre 1978, le requérant avait demandé la permission d'appeler de la même décision rendue par la Com mission d'appel de l'immigration qui rejetait le recours du requérant contre une ordonnance d'ex- pulsion rendue le 9 mars 1978. Cette première requête avait été instruite conformément aux
Règles 1107 et 324' de la Cour qui l'avait finale- ment rejetée par un jugement en date du 16 mars 1979.
Le requérant était représenté par un avocat lors de la première demande de permission d'appeler, mais, cette fois-ci, le greffe a reçu une lettre en date du 30 mars 1979, qui aurait été écrite par le requérant lui-même, comme suit:
[TRADUCTION] J'ai l'honneur de vous informer que j'ai reçu de mon avocat copie d'une lettre et copie d'un certificat (qui n'était pas signé par les juges qui ont rendu la décision) d'une ordonnance rendue par (le juge en chef, les juges Pratte et Urie) dans les termes figurant au certificat de la Cour d'appel fédérale, laquelle ordonnance portait rejet de ma demande de permission d'appeler contre l'expulsion. J'en ai été fort surpris et fort déçu.
Tout d'abord, par la présente, je prie instamment la Cour de rapporter sa décision et d'entendre la cause en appel; je suis prêt à comparaître en personne n'importe au Canada, tout comme le ferait un avocat.
' Voici les passages applicables de ces règles:
Règle 1107. (1) A moins que, d'office ou sur requête ex parte, le juge en chef ou un juge qu'il aura désigné n'en ordonne autrement pour un motif spécial,
b) une demande de permission d'appeler à la Cour d'ap- pel, ou
c) une demande de prorogation de délai adressée à la Cour d'appel ou à un juge de cette Cour,
doit être faite de la manière prévue par la règle 324 et les dispositions des paragraphes (2), (3) et (4) de la règle 324 s'appliquent à toute pareille demande comme si elle était faite aux termes du paragraphe (1) de la règle 324.
Règle 324. (1) La décision relative à une requête pour le compte d'une partie peut, si la partie le demande par lettre adressée au greffe, et si la Cour ou un protonotaire, selon le cas, l'estime opportun, être prise sans comparution en per- sonne de cette partie ni d'un procureur ou solicitor pour son compte et sur la base des observations qui sont soumises par écrit pour son compte ou d'un consentement signé par chaque autre partie.
(2) Une copie de la demande de prise en considération d'une requête sans comparution personnelle et une copie des observations écrites doivent être signifiées à chaque partie opposante en même temps que lui est signifiée la copie de l'avis de requête.
(3) Une partie qui s'oppose à une requête présentée en vertu du paragraphe (1) peut adresser des observations par écrit au greffe et à chaque autre partie ou elle peut déposer une demande écrite d'audition orale et en adresser une copie à la partie adverse.
(4) La Cour ne doit rendre aucune décision au sujet d'une requête présentée en vertu du paragraphe (1) avant d'être convaincue que toutes les parties intéressées ont eu une possibilité raisonnable de présenter des observations écrites ou orales, à leur choix.
Cependant, je dois vous informer en toute franchise que dès le début j'ai été la victime de prévention et de discrimination de la part de certains fonctionnaires du ministère de l'Immigra- tion, de la police et de la Commission d'appel de l'immigration. Ils ont pris des décisions très inéquitables à mon égard et, après que j'eus écrit à ces derniers, ils ont rendu un autre jugement qui revêtait un ton apologétique mais qui n'en confirmait pas moins l'ordonnance d'expulsion. Comme je l'ai déjà dit, j'ai fait jusqu'ici l'objet d'un traitement inique à moins que mon appel ne soit accueilli, car mon dossier a été instruit de façon anormale, le fait étant qu'en certains lieux du Canada, le ministère de l'Immigration traite des cas comme le mien sans tenir compte de la première expansion de l'immigration qui eut lieu après la seconde guerre mondiale et dont on ne saurait écarter mon père.
C'est un fait que j'ai vécu au Canada ces 17 dernières années, ce dont je suis prêt à administrer la preuve, et c'est un fait consigné sur papier, que les services d'immigration m'ayant arrêté et détenu pendant près de deux mois et demi, mon affaire est allée jusqu'à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ils n'arrivaient pas à obtenir et j'ai eu gain de cause; pourquoi alors ne peuvent-ils pas me permettre de vivre au Canada le restant de mes jours?
Je tiens également à rappeler qu'à la mort de ma mère, j'ai demandé respectueusement aux autorités de l'autorisation d'al- ler assister à ses funérailles en Afrique, autorisation qu'elles m'ont refusée. Comme chez nous, c'est la coutume pour le fils aîné, que je suis, d'assister aux funérailles de ses parents, mon absence m'a causé bien des problèmes qui ont fini par rompre tous mes liens avec ma famille. Bien que je sois peu connu, je crains pour ma vie, et je ne puis partir sans prévoir certaines mesures de concert avec ma famille, sinon ma vie serait en danger. Je rappelle également que du fait du temps perdu dans cette affaire et au cours de ma détention, je n'étais plus en mesure de régler mes factures et je ne saurais laisser à mes parents et amis qui m'ont aidé financièrement dans cette affaire, le soin de les régler, d'autant plus que j'exploite une entreprise d'import-export, d'impression des tee-shirts et d'agent de fabricant, le tout valant quelque $12,000.
En conclusion, je me réfère humblement au jugement rendu en novembre 1977 par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba et je prie messieurs les juges ou qui de droit de faire preuve d'humanité à mon égard, compte tenu de ce qui m'at- tend et des conditions de vie en Afrique en général, ainsi que de ma bonne conduite et de mon commerce toujours actif.
Je demande donc respectueusement à la Couronne de recon- sidérer et de rapporter sa décision pour m'accorder la permis sion d'appeler, car mon appel est bien fondé.
Le greffe a répondu par écrit le 18 avril 1979 à cette lettre comme suit:
[TRADUCTION] J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre du 30 mars 1979. En ce qui concerne votre remarque selon laquelle la copie de l'ordonnance que vous avez reçue «n'était pas signée par les juges qui l'ont rendue», je dois vous informer que l'original de l'ordonnance versé au dossier a été signé par les juges. La Règle 337(8) prévoit que le greffe fait parvenir aux parties une copie certifiée d'une telle ordonnance.
Les Règles et Ordonnances générales de la Cour fédérale du Canada ne prévoient pas l'«appel à la Cour pour lui demander de rapporter sa décision» relative aux demandes de permission d'appeler. En ce qui concerne le voeu que vous avez exprimé de voir la Cour «d'entendre la cause en appel» et «de comparaître en personne» voici ce que dit la Règle 1107(1): «A moins que, d'office ou sur requête ex parte, le juge en chef ... n'en ordonne autrement pour un motif spécial, ... b) une demande de permission d'appeler à la Cour d'appel ... doit être faite de la manière prévue par la règle 324 ...». Selon cette Règle 324, la Cour peut prendre une décision relative à une requête sans comparution en personne des parties ou de leurs avocats, en se fondant sur les observations soumises par écrit.
Vous pouvez, si vous le désirez, déposer une autre demande de permission d'appeler à la Cour d'appel fédérale en y joignant les frais requis de $5. Étant donné toutefois l'article 84 de la Loi sur l'immigration de 1976 qui porte:
La décision de la Commission relativement à un appel inter- jeté en vertu de la présente loi est susceptible d'appel à la Cour d'appel fédérale sur toute question de droit, y compris de compétence, dans la mesure ou ladite Cour accorde l'autorisation d'appel, sur demande déposée dans un délai de quinze jours du prononcé de la décision sujette à appel; ce délai peut, pour des raisons spéciales, être prorogé par un juge de ladite Cour,
vous devez également déposer une demande de prorogation du délai, de demande de permission d'appeler. Un droit de $5 est prévu pour une demande de prorogation du délai.
C'est manifestement à la suite de la lettre sus- mentionnée du greffe que la présente requête par écrit en date du 6 juin 1979, a été déposée le lendemain à la Cour.
J'estime que, pour avoir instruit et rejeté une demande de permission d'appeler, la Cour n'est plus compétente pour connaître d'une demande de même nature dans la même affaire. Voir l'arrêt City of Windsor c. La Commission canadienne des transports [ à la page 62, précitée].
Il est regrettable qu'en l'espèce, la deuxième demande ait été provoquée par la lettre adressée le 18 avril 1979 par le greffe au requérant.
Eu égard à sa nature propre, la Cour a toujours eu pour politique d'encourager le greffe à aider les plaideurs ou plaideurs éventuels dans les limites de sa connaissance des Règles. Il va de soi que les fonctionnaires du greffe ne peuvent entreprendre ni ne sont censés entreprendre de donner aux parties en litige des conseils sur les mesures à prendre dans les cas d'espèce. Ils n'en ont pas le droit. La ligne de démarcation entre les services rendus par le greffe dans le cadre de sa compé- tence et les conseils juridiques qu'il n'est ni compé-
tent ni habilité à donner, est difficile à tracer, ce qui peut donner lieu à un malentendu. Ce risque a été pris en compte lorsque la Cour a adopté la politique qui consistait à encourager les fonction- naires du greffe à être aussi serviables que possi ble. Heureusement, cette politique n'a pas suscité de difficultés jusqu'à ce jour. Il est regrettable qu'en l'espèce, un grave malentendu s'est manifes- tement produit.
Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que la Cour ait d'autre choix que de rejeter, pour cause d'incom- pétence, la deuxième demande de permission d'appeler.
* * *
LE JUGE URIE: J'y souscris.
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LE JUGE RYAN: J'y souscris.
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