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A-214-79
Le procureur général du Canada (Appelant) c.
La Commission canadienne des droits de la per- sonne (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Ryan— Ottawa, le 28 mai et le 11 juin 1979.
Pratique Parties Appel contre le jugement rejetant l'action intentée contre la Commission canadienne des droits de la personne au motif que cette dernière n'était pas une personne morale susceptible d'être poursuivie en justice Le juge de première instance a précisé que le rejet n'était pas fondé sur la Règle 419, et qu'il n'avait pas à se réclamer d'un texte de loi pour rejeter une action intentée contre une entité non susceptible d'être poursuivie en justice Il échet d'exa- miner s'il est impossible de rendre un jugement prévu à l'art. 18 contre l'intimée du seul fait qu'elle n'est pas une personne morale Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18 Règle 419 des Règles de la Cour fédérale.
Arrêt suivi: Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne c. Teleprompter Cable Communications Corp. [1972] C.F.1265.
APPEL.
AVOCATS:
Duff Friesen et L. Holland pour l'appelant. Gordon Henderson, c.r., Emilio Binavince et Russell Juriansz pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'inti- mée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit en l'espèce d'un appel formé contre le jugement rendu le 23 mars 1979 par la Division de première instance [page 137,
supra] qui a rejeté, sans dépens, l'action intentée par l'appelant. Ce jugement faisait suite à une fin de non-recevoir fondée sur la Règle 419(1) de la Cour', notamment sur ses alinéas a), c) et f).
Le juge de première instance a rejeté l'action au motif que l'intimée (la défenderesse), à savoir la Commission canadienne des droits de la personne, n'était pas une personne morale susceptible d'être poursuivie en justice. Il a précisé que sa décision n'était pas fondée sur la Règle 419, et qu'il n'avait pas à se réclamer d'un texte de loi pour rejeter une action intentée contre une entité qui n'était pas susceptible d'être poursuivie en justice.
En toute déférence, je ne saurais convenir avec le juge de première instance qu'une action prévue à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, ne peut être intentée contre la Commission canadienne des droits de la personne du seul fait que celle-ci n'a pas la person- nalité juridique de par la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, ou de par un autre texte. A mon avis, cette question a été réglée par la Cour de céans dans son arrêt Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne c. Teleprompter Cable Communications Corp. 2 , M. le juge Thurlow [tel était alors son titre] s'est prononcé en ces termes aux pages 1266 et 1267:
' La Règle 419 porte:
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou sans permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de défense, selon le cas,
b) qu'elle n'est pas essentielle ou qu'elle est redondante,
c) qu'elle est scandaleuse, futile ou vexatoire,
d) qu'elle peut causer préjudice, gêner ou retarder l'ins- truction équitable de l'action,
e) qu'elle constitue une déviation d'une plaidoirie anté- rieure, ou
f) qu'elle constitue par ailleurs un emploi abusif des procé- dures de la Cour;
et elle peut ordonner que l'action soit suspendue ou rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.
(2) Aucune preuve n'est admissible sur une demande aux termes du paragraphe (1)a).
(3) Dans la présente Règle, «déviation» signifie ce qui est
interdit par la Règle 411.
2 [1972] C.F. 1265.
En ce qui concerne l'argument portant sur le statut de personne juridique de l'appelant, l'article 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion, loi aux termes de laquelle l'appelant a été constitué, prévoit que:
5. (1) 'Est institué un Conseil appelé le Conseil de la Radio-Télévision canadienne et composé de cinq membres à plein temps et de dix membres à temps partiel nommés par le gouverneur en conseil.
L'examen des autres dispositions de la Partie II de cette loi prouve à l'évidence, d'après moi, que les membres du conseil ainsi constitué forment un organisme ou sont des personnes «ayant une compétence ou des pouvoirs», que vise la définition d'un «office, commission ou autre tribunal fédéral», contenue à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, et que la compétence que l'article 18 de cette loi confère à la Division de première instance de cette Cour englobe cet organisme ou ces personnes. Le reste de ce qu'implique la prétention de l'appelant au sujet du statut du défendeur ne relève que du domaine des règles de la Cour concernant l'exercice de cette compétence. D'après moi, l'appelant n'est pas une personne morale ni une autre entité dotée d'une personnalité juridique reconnue comme dis- tincte de celle de ses membres et l'intimée, en mettant sa procédure en état, aurait pu mettre en cause comme défendeurs les membres du conseil en leur nom personnel ou aurait pu les mettre conjointement en cause au nom de leur office, c'est-à- dire en désignant les défendeurs comme étant «les membres du Conseil de la Radio-Télévision canadienne». Au lieu de choisir l'une de ces possibilités, l'intimée a désigné le conseil par son nom officiel, ce qui me semble être une référence concise à ce qui constitue le conseil, c'est-à-dire ses membres. Hors les cas
que prévoient les Règles 1708 1713, je ne connais aucune règle de cette Cour qui permette de désigner un groupe de défendeurs par le nom de ce groupe, mais d'autre part, je ne connais aucune règle de la Cour qui interdise une telle façon de procéder et il me semble que le fait de désigner le groupe par son nom officiel est particulièrement pratique et opportun dans un cas comme celui-ci le but principal de l'action est d'obtenir que l'étendue des pouvoirs que confère la loi à ce groupe de personnes soit déterminée. J'estime donc que l'argu- ment de l'appelant est de pure procédure, mal fondé et doit être rejeté. De plus, si cet argument était bien fondé, il s'ensuivrait qu'il n'y a pas d'appelant devant cette Cour et que le présent appel lui-même est entaché de nullité.
Je suis aussi d'avis que l'intimée n'était fondée à se prévaloir d'aucun des alinéas de la Règle 419(1) pour opposer une fin de non-recevoir. Cette Règle est d'autant moins applicable en l'espèce que ses alinéas c) et J) sont invoqués. Par ailleurs, l'inti- mée ne m'a pas convaincu que la déclaration ne révèle aucune cause d'action raisonnable. Les arguments avancés par les avocats ont établi que la demande soulevait certaines questions de droit assez délicates. On ne peut dire qu'il ressort de la déclaration que l'action doit succomber.
J'accueillerais l'appel, j'annulerais le jugement dont appel et je rejetterais la fin de non-recevoir formulée devant la Division de première instance. L'appelant n'a conclu aux dépens ni en appel ni en première instance. Par conséquent, la Cour ne se prononce pas à ce sujet.
* * *
LE JUGE PRATTE: J'y souscris.
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LE JUGE URIE: J'y souscris.
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