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T-4416-78
Sun Life du Canada compagnie d'assurance-vie (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
T-4417-78
Sun Life du Canada compagnie d'assurance-vie (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Gibson— Montréal, le 17 janvier; Ottawa, le 26 janvier 1979.
Impôt sur le revenu Non-résidents Fonds de retraite
Fiduciaire d'un fonds de retraite canadien affectant le montant de ce fonds à la caisse de retraite d'une filiale américaine Fonds ainsi transférés imposés par le Ministre
Un impôt doit-il être levé conformément à l'art. 212(1)h)? Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 212(1)h), 215(1), (6) et 248(1) Loi concernant une certaine convention fiscale entre le Canada et les États-Unis d'Amé- rique, 1943, S.C. 1943-44, c. 21, Art. VI A; Protocole, par. 7.
Au cours des années 1973 et 1974, certains employés de Dominion Bridge Company Limited, qui avaient résidé au Canada, ont été transférés au service d'une filiale, et sont devenus des résidents des États-Unis. Au moment de leur mutation, ces employés participaient au régime de retraite contributif des employés de Dominion Bridge pour laquelle Sun Life agissait en qualité de fiduciaire et dépositaire des fonds. Le régime prévoyait, au cas ces employés seraient mutés à la filiale, que Sun Life procéderait à un virement de fonds de ce régime au compte du régime de retraite de la filiale. Ce virement correspondait au passif actuariel à l'égard de ces employés qui participaient au régime à la date de leur muta tion. Le Ministre soutient qu'un impôt sur le revenu aurait d3 être levé sur les sommes ainsi transportées, conformément à l'article 215(1)h), et que Sun Life est tenue de verser à même ses fonds le montant de cet impôt non perçu puisqu'elle a omis de le retenir ou de le défalquer. Il s'agit donc de savoir si ces fonds de retraite étaient transférables sans assujettissement à l'impôt sur le revenu.
Arrêt: les appels sont accueillis. Le transport des sommes de Sun Life, fiduciaire du fonds de retraite de Dominion Bridge, aux fiduciaires d'AMCA International ne constitue pas un transfert de revenus de personnes non résidantes provenant du Canada. La Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu et en particulier les articles 212 et 215 ne s'appliquent pas. La Loi de l'impôt sur le revenu ne contenait aucune autre disposition en vigueur au cours des années en cause qui aurait eu comme effet que ces paiements auraient été réputés un revenu de personnes non résidantes provenant du Canada. Les paiements de ces sommes ne constituent pas des paiements au sens de l'Article VI A et du paragraphe 7 de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et du Protocole.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Peter F. Cumyn et Michelle Boivin pour la
demanderesse.
W. Lefebvre et J. Côté pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Ces deux appels formés à l'encontre de cotisations d'impôt sur le revenu ont été entendus suivant une preuve commune.
Les fonds de retraite de certains employés ont été affectés à une autre caisse de retraite lorsque ces employés ont été mutés d'une compagnie à une autre.
La question relative à ces appels est de savoir si ces fonds de retraite étaient transférables sans assujettissement à l'impôt sur le revenu.
Au cours des années 1973 et 1974 certains employés de Dominion Bridge Company Limited, qui avaient résidé au Canada, ont été transférés au service d'AMCA International Corporation (filiale en propriété exclusive de Dominion Bridge) et ont ainsi cessé de résider au Canada pour devenir des résidents américains.
Au moment de cette mutation, les employés intéressés participaient au régime de retraite con- tributif des employés de Dominion Bridge pour laquelle Sun Life du Canada compagnie d'assu- rance-vie agissait en qualité de fiduciaire et dépo- sitaire des fonds afférents audit régime. Celui-ci prévoyait à la clause 2 de l'article XIV, au cas ces employés seraient mutés au service d'AMCA International, que Sun Life procéderait à un vire- ment de fonds de ce régime au compte du régime de retraite des employés d'AMCA International. Ce virement correspondrait au passif actuariel à l'égard de ces employés qui participaient audit régime à la date de leur mutation, et serait calculé
en fonction des prévisions et des méthodes conve- nues entre Sun Life et les fiduciaires de la caisse de retraite d'AMCA International.
Ces montants ont été arrêtés d'un commun accord en ce qui concerne la mutation de ces employés; les 28 février 1974 et ler juillet 1975, les montants respectifs de $221,742 et $28,882 ont été transférés, à la fois par le fiduciaire de Sun Life et le dépositaire de Dominion Bridge aux fiduciaires du régime de retraite d'AMCA International, et ce, conformément à ladite clause 2 de l'article XIV; à compter de la date de mutation de chacun desdits employés ils devenaient tous assujettis au régime de retraite d'AMCA International; aupara- vant, cette responsabilité à l'égard du régime de retraite de ces employés était à la charge de Domi nion Bridge.
L'article 215 (1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, exige d'une per- sonne qui verse ou crédite ou qui est réputée verser ou créditer une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est payable en vertu de la Partie XIII de la Loi, de déduire ou de retenir le montant de l'impôt et de le remettre immédiatement au receveur géné- ral du Canada (au nom de la personne non rési- dante à valoir sur l'impôt).
L'article 215 (1) de la Loi est ainsi libellé:
215. (1) Lorsqu'une personne verse ou crédite ou est réputée avoir versé ou crédité une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente Partie, elle doit, nonobstant toute disposition contraire d'une convention ou d'une loi, en déduire ou en retenir le montant de l'impôt et la remettre immédiatement au receveur général du Canada au nom de la personne non résidante, à valoir sur l'impôt, et l'accompagner d'un état en la forme prescrite.
Les répartiteurs du Ministre, par suite de leurs cotisations, ont effectivement déclaré que Sun Life aurait déduire la somme de $44,142.21 titre d'impôt sur le revenu en vertu des dispositions de l'article 215(1)h) de la Loi, c'est-à-dire 15 p. 100 desdites sommes transportées par Sun Life, en qualités de fiduciaire et de dépositaire du fonds de retraite de Dominion Bridge, aux fiduciaires du régime de retraite d'AMCA International; étant donné qu'elle ne l'a pas fait, Sun Life est donc tenue de verser à même ses fonds le montant de cet impôt non perçu, car elle est considérée comme une personne qui «a omis de défalquer ou de retenir, comme l'exige le présent article, une
somme sur un montant payé à une personne non résidante ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non résidante ou porté à son crédit», et ce, en raison des dispositions de l'article 215(6) de la Loi qui se lit comme suit:
215. ...
(6) Lorsqu'une personne a omis de défalquer ou de retenir, comme l'exige le présent article, une somme sur un montant payé à une personne non résidante ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non résidante ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie, au nom de la personne non résidante, la totalité de la somme qui aurait être défalquée ou retenue, et elle a le droit de défalquer ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non résidante ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non résidante toute somme qu'elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie.
Les répartiteurs du Ministre se fondent sur l'ar- ticle 212(1)h) de la Loi pour conclure que Sun Life a versé ou crédité ou était réputée avoir versé ou crédité une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la Partie XIII de la Loi. Voici en partie le libellé de l'article 212(1)h):
212. (1) Toute personne non résidante doit payer un impôt sur le revenu de 25% sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la Partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel
h) un paiement d'une pension ou d'une pension de retraite,
excepté la partie, si partie il y a, du paiement qui peut raisonnablement être considérée comme imputable aux servi ces rendus par la personne à qui ou à l'égard de qui le paiement est fait, dans des années d'imposition au cours desquelles elle n'a pas résidé au Canada et n'y a pas été employée;
Le Ministre prétend, à la fois dans les cotisa- tions d'impôt sur le revenu adressées à Sun Life et dans les plaidoiries en l'espèce, que celle-ci, en tant que personne résidant au Canada, a versé ou cré- dité, ou était réputée avoir versé ou crédité en vertu de la Partie I, lesdits montants de $221,742 et $28,882 aux fiduciaires du régime de pension d'AMCA, une personne non résidante au sens de l'article 212(1)h) de la Loi. Cependant, à l'au- dience, l'avocat du Ministre a soumis que Sun Life à titre de personne résidant au Canada a versé ou crédité ou était réputée avoir versé ou crédité lesdites sommes auxdits employés mutés de la
Dominion Bridge à l'AMCA International au sens de l'article 212(1)h) de la Loi.
Les parties aux présentes conviennent que les fonds de retraite en cause sont et étaient pendant toute la période qui nous intéresse «une pension, ou ... une pension de retraite» au sens de l'article 212(1)h) et selon la définition de l'article 248 de la Loi qui se lit comme suit:
248. (1) .. .
«prestation de retraite ou de pension» comprend toute somme reçue d'une caisse ou d'un régime ou en vertu de cette caisse ou de ce régime et, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, comprend tout versement fait à un bénéficiaire au titre de la caisse ou du régime, ou à un employeur ou un ancien employeur du bénéficiaire;
a) conformément aux conditions de la caisse ou du régime,
b) par suite d'une modification apportée à la caisse ou au régime, ou
c) par suite de la liquidation de la caisse ou du régime;
Compte tenu des définitions que les dictionnai- res donnent du mot «paie» et de l'expression «porte à son crédit» et compte tenu également de certai- nes autres expressions figurant à l'article 212(1)h) telles que: «au titre ou en paiement intégral ou partiel» et «paiement d'une pension ou d'une pen sion de retraite», il est incontestable que Sun Life en versant lesdites sommes de $221,742 et $28,882 aux fiduciaires du régime de retraite d'AMCA International n'a pas «payé ou porté au crédit» de cette dernière «un paiement d'une pension ou d'une pension de retraite» au sens de l'article 212(1)h) et de l'article 248 de la Loi comme on l'a prétendu dans les cotisations et les plaidoiries. Sun Life n'a pas non plus, à titre de fiduciaire, «payé ou porté au crédit» selon la même acception de ces mots, lesdites sommes aux anciens employés de Domi nion Bridge lorsque ces derniers ont été mutés au service d'AMCA International, étant donné qu'au- cun de ces employés n'avait droit au bénéfice sur ces sommes à cette époque, et aucun de ces fonds n'est devenu pour eux, à ce moment-là, un revenu.
Comme je l'ai déjà signalé au début de ces motifs concernant la question litigieuse de ces appels, il s'agit de savoir si ces fonds de retraite étaient transférables sans assujettissement à l'im- pôt sur le revenu.
Cette question ne se serait pas posée n'eût été les faits particuliers de l'espèce. Ces faits révèlent que les fonds de retraite qui étaient au Canada ont été virés au compte d'une autre caisse de retraite
située aux États-Unis. Il est évident que si la question portait sur la possibilité de transférer des fonds de retraite au Canada, c'est-à-dire s'ils peu- vent être transférés d'une caisse de retraite à une autre au Canada, les répartiteurs du Ministre n'auraient pas soulevé la question de savoir s'il n'y avait pas un revenu qui devait être cotisé.
La Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu a pour objet de prélever un impôt sur le revenu de personnes non résidantes provenant du Canada, et ce, au moment pertinent, c'est-à-dire lorsqu'elles ont été payées ou lorsqu'on a porté ce revenu à leur crédit.
Le transport desdites sommes en l'espèce de Sun Life, fiduciaire du fonds de retraite de Dominion Bridge, aux fiduciaires d'AMCA International ne constituait pas un transfert de revenus de person- nes non résidantes provenant du Canada.
En conséquence, la Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu et en particulier les articles 212 et 215 ne s'appliquent pas.
Également la Loi de l'impôt sur le revenu ne contenait aucune autre disposition en vigueur au cours des années en cause qui aurait eu comme effet que ces paiements auraient été réputés un revenu de personnes non résidantes provenant du Canada.
En conséquence, le raisonnement sur lequel sont basées les cotisations et les nouvelles cotisations et le nouveau raisonnement que l'avocat a présenté à l'audience ne sont pas valables.
Un autre point a été soulevé, à savoir si les paiements desdites sommes constituaient des paie- ments de «retraite» au sens de l'Article VI A et du paragraphe 7 du Protocole de la Convention fis- cale entre le Canada et les États-Unis d'Améri- que. Il est évident que ce n'était pas le cas.
En conséquence, l'appel est accueilli avec dépens et les nouvelles cotisations sont annulées.
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