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T-3242-77
Tito G. Llido et l'équipage du navire Lowell Thomas Explorer (Demandeurs)
c.
Le navire Lowell Thomas Explorer et diverses personnes ayant un droit sur ledit navire (Défendeurs)
et
Montreal Ship Repairs Ltd. (Intervenante)
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, le 12 mars; Ottawa, le 5 avril 1979.
Droit maritime Demande d'ordonnance établissant l'or- dre de préséance des réclamations faites à l'encontre du pro- duit de la vente d'un navire La somme qui reste à distribuer n'est pas suffisante pour satisfaire tous les créanciers Demande de frais de mise en vente du navire Diverses demandes de gages et de services fournis à l'équipage, et de paiement de services fournis au navire Créance pour droits dus présentée par le Conseil des ports nationaux Créance pour marchandises fournies (dont certaines sont encore sus- ceptibles d'être identifiées et d'autres incorporées au navire) sans qu'il y ait eu transfert de propriété Créance pour réparations effectuées avant et après la saisie Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, art. 2 Loi sur le Conseil des ports nationaux, S.R.C. 1970, c. N-8, art. 17(1)a), (4).
La Cour est appelée à statuer sur les droits que divers réclamants peuvent prétendre sur le produit de la vente d'un navire. La somme qui reste à distribuer ne peut couvrir qu'une faible partie du montant total des réclamations dirigées contre le navire. L'ordonnance recherchée ne ferait que déterminer la validité, le montant et l'ordre de préséance des réclamations faites à l'encontre des argents à distribuer. Certaines créances ne soulèvent aucune difficulté: (1) les frais de mise en vente du navire, (2) la demande de traitements de l'équipage, la demande de la Couronne des frais de rapatriement de l'équi- page et la demande de l'intervenante de remboursement des sommes avancées pour payer les salaires d'autres membres de l'équipage, (3) une créance pour droits dus présentée par le Conseil des ports nationaux, (4) les créances hypothécaires, et (5) toutes les réclamations pour fournitures nécessaires. Dans cinq cas, la nature ou la cause des créances et, par conséquent, leur rang, ont donné lieu à contestation ou ont soulevé des problèmes particuliers. (1) Le capitaine Verraen réclame ses gages pour la période comprise entre le 31 juillet et le 15 septembre 1977, gages qui seraient garantis par privilège mari time. (2) Une compagnie d'avitaillement a livré des marchandi- ses à bord à la condition qu'il n'y eût pas transfert de propriété avant paiement intégral du prix de vente; elle réclame la totalité de cette somme bien qu'une majeure partie de ces marchandises aient cessé d'être des entités séparées et aient été incorporées au navire. (3) Un ingénieur maritime, qui n'a pas été engagé comme marin, réclame le paiement de services rendus à bord (surtout en matière d'inspection). (4) Le capi- taine Holland réclame un mois de salaires qui lui avait été
promis pour la fin de son service à bord. (5) L'intervenante réclame le paiement des réparations effectuées et des services fournis en mai et en juin 1977; le navire fut saisi le 25 mai 1977. Sa prétention à la priorité est fondée sur l'augmentation de la valeur marchande attribuable aux réparations et sur la bonne foi dont elle a fait preuve en réparant le navire après qu'il eut été saisi.
Arrêt: l'ordonnance sera émise pour établir l'ordre de préfé- rence. La valeur des marchandises identifiables qui ont été fournies par la compagnie d'avitaillement et dont il n'y a pas eu transfert de propriété doit être payée en premier, suivie des frais de mise en vente du navire, lesquels sont encore à établir. Viennent ensuite les trois réclamations relatives aux salaires et aux frais de rapatriement de l'équipage, et aux deux semaines de salaires du capitaine Holland, lesquelles sont autant de réclamations garanties par privilège maritime. La réclamation des droits dus au Conseil des ports nationaux occupe le rang suivant, suivie par les créances hypothécaires. Chacune de ces créances portera intérêt, auquel seront ajoutés les frais judiciai- res encourus pour le recouvrement de ces créances, sauf la première mentionnée. Les réclamations pour fournitures qui ont été présentées à bon droit mais qui n'emportaient aucun privi- lège viendraient ensuite, mais il ne restera plus rien du produit de la vente pour les payer. La réclamation faite par le capitaine Verraen de salaires dus pour tâches portuaires ne peut être garantie par privilège maritime; rien n'indique qu'il se soit trouvé à bord en qualité de membre de son équipage à l'époque en question. La compagnie d'avitaillement n'a aucun droit de propriété, que ce soit at law ou en equity, sur des biens qui, ayant cessé d'exister comme entité distincte, étaient devenus intégrés au navire, et elle n'a aucun droit de les revendiquer en vertu des articles 595 616 du Code de procédure civile. Cette revendiquante n'a acquis non plus aucun droit, at law ou en equity, sur le navire. Les réclamations de l'ingénieur maritime n'ont pas priorité car, s'il se peut qu'il ait accompli des tâches sur le navire, il n'était pas employé à bord comme le requiert l'article 2 de la Loi sur la marine marchande du Canada. La créance relative au mois de salaires qui aurait été promis au capitaine Holland vers la fin de son emploi ne doit pas être incluse dans le salaire gagné à bord du navire et, si elle peut avoir effet contre le navire, elle ne peut avoir priorité sur les créances privilégiées. La créance de l'intervenante est une créance pour fournitures à laquelle aucun privilège ne doit être accordé. Son argumentation est fondée essentiellement sur la bonne foi du créancier lorsque les services ont été fournis et les réparations effectuées, et sur l'augmentation apportée par le travail à la valeur du navire. Cette réclamation n'est fondée sur aucune circonstance spéciale.
Arrêt suivi: Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le "Comer" [1970] R.C.E. 12.
DEMANDE. AVOCATS:
Les demandeurs n'étaient pas représentés. Les défendeurs n'étaient pas représentés. Michel Benoit pour le revendiquant Capitaine G. Verraen.
Sean Harrington pour la revendiquante Clip per Ship Supply Ltd.
Trevor H. Bishop pour les revendiquants Capitaine R. E. Holland et H. Selander. Peter Slaughter pour l'intervenant Christo- pher H. Pickwood.
Gary H. Waxman pour 18 membres de l'équi- page, du greffe: T-2148-77.
Ian Harris pour la revendiquante J. M. Chalot Inc.
Suzanne Marcoux-Paquette pour l'interve- nante la Reine.
Vincent M. Prager pour la revendiquante Charter New York Leasing Corporation. Edouard Baudry pour l'intervenante et reven- diquante Montreal Ship Repairs Ltd.
Pierre M. Gauthier pour le revendiquant Con- seil des ports nationaux.
PROCUREURS:
Les demandeurs n'étaient pas représentés. Les défendeurs n'étaient pas représentés. Brodie, Polisuk & Luterman, Montréal, pour le revendiquant Capitaine G. Verraen. McMaster, Meighen, Montréal, pour la revendiquante Clipper Ship Supply Ltd. Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal, pour les revendiquants Capitaine R. E. Hol- land et H. Selander.
O'Brien, Hall & Saunders, Montréal, pour l'intervenant Christopher H. Pickwood. Ahern, Nuss & Drymer, Montréal, pour 18 membres de l'équipage, du greffe: T-2148-77.
Cerini, Jamieson, Salmon, Findlay, Watson, Souaid & Harris, Montréal, pour la revendi- quante J. M. Chalot Inc.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intervenante la Reine.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour la revendiquante Charter New York Leasing Corporation.
Chauvin, Marler & Baudry, Montréal, pour l'intervenante et revendiquante Montreal Ship Repairs Ltd.
Mousseau, Gauthier & Gagné, Montréal, pour le revendiquant Conseil des ports nationaux.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: La Cour est appelée à statuer sur les droits que divers réclamants peuvent prétendre sur le produit de la vente d'un navire. La question n'a certes rien d'exceptionnel, mais elle se soulève ici à un moment inusité et dans des cir- constances très particulières.
Le navire défendeur, le Lowell Thomas Explo rer, fut saisi pour la première fois en mai 1977, puis en juin et août de la même année, bien sûr à la demande de différents groupes de créanciers. D'autres réclamants bientôt suivirent: deux autres actions in rem furent intentées et plusieurs inter ventions et caveats contre mainlevée ou paiement furent inscrits. Entre temps, les propriétaires du navire avaient été acculés à la faillite. Le navire fut donc éventuellement vendu par le prévôt, et le produit de la vente consigné à la Cour.
A ce stade, une ordonnance d'instructions pour permettre à la Cour de déterminer les droits des divers réclamants était devenue nécessaire. En vertu de cette ordonnance, datée de décembre 1977, tout intéressé, soit celui qui avait dénoncé sa réclamation dans l'une des actions intentées contre le navire, (n°s du greffe: T-2148-77, T-2497-77, T-2742-77, T-2845-77, T-3242-77) devait déposer et signifier à tous les autres, dans le délai imparti, un affidavit exposant les faits sur lesquels il fon- dait ses prétentions, et les documents dont il faisait état. Les contre-interrogatoires d'auteurs d'affida- vits devaient avoir lieu dans un délai déterminé, après quoi serait fixée, sur demande, une date d'audition pour procéder à la détermination du rang et du montant des réclamations, puis à la distribution en conséquence des sommes consi- gnées à la Cour.
Les créanciers ont évidemment suivi ces instruc tions, mais, depuis février 1978, rien n'a été fait et la situation est restée inchangée. La raison en est que dans l'un des cas, celui couvert par l'action portant le T-2148-77, la réclamation formulée par certains membres de l'équipage s'est heurtée à une défense et à une demande reconventionnelle déposées au nom des propriétaires du navire. Deux requêtes, l'une en radiation de la défense et de la demande reconventionnelle, l'autre en vue de join- dre une autre partie défenderesse à la demande
reconventionnelle, ont donné lieu éventuellement à deux ordonnances interlocutoires à l'encontre des- quelles les demandeurs ont interjeté appel. Ces appels, qui doivent être maintenant soutenus par le syndic au nom des propriétaires en faillite, sont encore pendants.
La requête qui a soulevé la question de priorité et en satisfaction de laquelle la présente ordon- nance sera rendue peut être maintenant placée dans son contexte et mieux comprise. Elle a été faite par un seul de ceux qui ont des prétentions sur le produit de la vente du navire, mais tous les autres ont apparemment décidé d'emblée qu'elle était justifiée. Le syndic avait prévenu les créan- ciers qu'étant donné l'absence d'actif dans la fail- lite (le Lowell Thomas Explorer était le seul actif de la société en faillite), il n'était pas disposé à poursuivre les appels sans être convenablement rémunéré par ceux qui étaient susceptibles de bénéficier d'un résultat favorable. Il arrive cepen- dant que le montant des réclamations en souf- france dépassait grandement le montant du solde au crédit des multiples créanciers, et il aurait été aussi injuste de forcer tous les réclamants à parti- ciper aux frais des appels, que d'obliger un ou deux d'entre eux à assumer seul un tel fardeau finan cier. Une détermination immédiate du rang et du montant des diverses créances paraissait dès lors dans l'intérêt de la justice, puisque c'était le seul moyen d'assurer aux créanciers l'information dont ils avaient besoin pour prendre une décision. La Cour accepta en principe de donner suite à la requête: une ordonnance à cet effet fut émise fixant une date pour l'audition des arguments.
Ainsi l'ordonnance recherchée ne ferait que déterminer la validité, le montant et l'ordre de préséance de chacune des réclamations faite à l'encontre des argents actuellement disponibles pour distribution. Elle ne contient aucune demande de paiement. Une telle ordonnance est pour le moins inusitée. Après quelques hésitations, j'en viens toutefois à la conclusion que rien n'em- pêche qu'elle soit rendue si elle est susceptible de servir la justice. L'ordonnance sera déclaratoire, mais elle sera définitive; et si elle n'est pas modi- fiée en appel, la distribution totale ou partielle de la masse, peu importe quand elle se produira, devra respecter ses dispositions.
J'en viens maintenant au fond.
Le solde restant des sommes consignées à la Cour par le prévôt suite à la vente du Lowell Thomas Explorer est de $322,344.55 (les intérêts accumulés compris'). Le navire a été vendu pour une somme plus élevée, mais certains paiements ont déjà été effectués en exécution d'ordonnances de la Cour, pour couvrir les frais du prévôt et d'autres frais encourus, après autorisation, pour la préservation du navire pendant qu'il était sous saisie. La somme qui reste à distribuer ne peut en effet couvrir qu'une faible partie du montant total des réclamations dirigées contre le navire.
Je ne vois aucun avantage à exposer ici, en guise d'étape initiale, la longue liste des créances à considérer avant de dégager quelque conclusion relativement à leur validité, à leur montant et à leur rang respectifs. Je préfère commencer par éliminer rapidement les créances qui ne soulèvent aucune difficulté, pour passer ensuite à celles qui, ayant donné lieu à contestation, nécessitent un examen plus détaillé.
- Mais il convient de trancher au préalable certai- nes questions fondamentales.
D'après les principes du droit maritime, les pri- vilèges sur un navire et sur le produit de sa vente en justice prennent rang dans l'ordre suivant: a) le privilège qu'ont le capitaine et les marins, pour leurs gages et débours, en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9; b) le privilège très particulier accordé au Conseil des ports nationaux, pour les droits qui lui sont dus à l'égard du navire, par l'article 17 de la Loi sur le Conseil des ports nationaux, S.R.C. 1970, c. N-8 2 ; c) les autres privilèges maritimes
' Le certificat déposé au dossier voulait faire ajouter l'intérêt, mais des calculs très simples ont montré que c'eût été une erreur.
2 Les termes de la Loi sont les suivants:
17. (1) Le Conseil peut, tel qu'y pourvoit l'article 19, saisir un navire dans les limites des eaux territoriales du Canada dans tout cas
a) une somme lui est due à l'égard de ce navire pour des droits;
(4) En tout cas mentionné au paragraphe (1), que le navire ait été ou non réellement saisi ou détenu, le Conseil possède à tout moment un privilège sur le navire et sur le produit de toute vente ou autre aliénation qui en est faite pour la somme due au Conseil, et ce privilège a priorité sur tous les autres droits, intérêts, réclamations et exigences, quels qu'ils soient, à la seule exception des réclamations pour gages de marins en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada.
établis ou reconnus par la Loi (notamment pour le prêt à la grosse, le prêt sur la cargaison, et l'in- demnité de sauvetage en cas d'abordage); d) le lien possessoire qui se présente généralement en rap port avec la créance de celui qui a réparé le navire et qui a droit d'en garder possession jusqu'à paie- ment; e) les hypothèques; f) les soi-disant «liens statutaires» qui accordent à certains créanciers un droit in rem mais n'emportent aucun privilège, et par conséquent viennent après tout privilège mari time, lien possessoire ou hypothèque enregistré grevant le navire au moment ils sont exercés (voir Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le «Corner» [1970] R.C.É. 12).
L'un des réclamants a fait des représentations en vue d'obtenir que, dans son cas, pour fins d'équité, l'ordre normal de priorité ne soit pas suivi. J'examinerai ces représentations plus loin. En règle générale, toutefois, j'estime que cet ordre, qui repose sur des règles bien établies, doit être strictement respecté.
Des frais de justice ont été encourus: frais faits pour rendre les fonds disponibles par la vente du navire ainsi que frais encourus pour faire valoir les créances individuelles. Les premiers doivent rece- voir absolue priorité. Les autres devraient se voir accorder le même rang que les créances pour la réalisation desquelles ils ont été encourus, pourvu que ces créances aient été garanties par un privi- lège maritime; autrement, les privilèges fondés sur le droit maritime doivent recevoir préférence sur les frais de l'avocat qui a agi pour le compte d'une autre partie (Price, The Law of Maritime Liens, 1940, p. 108).
Il y a finalement la question des intérêts, qu'il faut trancher au départ. Chaque créance devrait porter intérêt, à partir de la date de production de l'affidavit qui en a attesté jusqu'à celle du paie- ment, au même taux que celui dont a profité la somme à distribuer pendant la durée de son dépôt au Fonds du revenu consolidé.
Je le répète, le montant, la validité et la nature de la plupart des créances ne soulèvent aucune difficulté; leur classement, selon l'ordre de préfé- rence que j'ai dit devoir être adopté, est facile à déterminer.
1. Les frais de mise en vente du navire ont été assumés par la Montreal Ship Repairs Ltd., inter- venante dans la présente action. Leur montant n'a pas encore été déterminé, mais ils devront bien entendu être payés en premier lieu.
2. Trois créances sont assurément garanties par des privilèges maritimes qui ont grevé le navire à compter de la même date; elles viendront ensuite:
a) La demande de traitements et bénéfices pré- sentée par 18 membres de l'équipage dans l'action T-2148-77. Il s'agit de l'action dans laquelle les appels susmentionnés sont pendants. Le montant global qu'on y réclame l'exclusion des frais de rapatriement qui ont en fait été avancés par Sa Majesté la Reine) est de $146,814.07, mais le montant réellement dû, s'il en est, sera fixé par le jugement qui disposera de l'action.
b) Suite à une ordonnance de la présente Cour en date du 21 septembre 1971, Sa Majesté la Reine du chef du Canada a reçu l'autorisation d'intervenir dans l'affaire T-2148-77, et a été subrogée dans les droits et privilèges des deman- deurs à l'action, à raison des fonds qu'elle avance- rait pour assurer leur rapatriement aux Philippi- nes. Il est incontestable que les marins ont droit à leurs frais de rapatriement, qui ont le même rang prioritaire que leurs gages (voir: Price, The Law of Maritime Liens, p. 62). La somme versée par Sa Majesté la Reine s'élevait à $6,588.
c) La Montreal Ship Repairs Ltd., intervenante à la présente action, a fait l'avance des sommes nécessaires pour payer les gages et salaires réclamés par le demandeur à la présente action, c'est-à-dire les 65 autres membres de l'équipage, ainsi que l'avance des frais encourus pour assurer leur retour aux Philippines. Conformément à l'or- donnance de la présente Cour en date du 2 septem- bre 1977 autorisant ces avances, la Montreal Ship Repairs Ltd. devait être subrogée dans les droits et privilèges des demandeurs jusqu'à concurrence du montant total versé et de l'intérêt y afférent. Le montant est de $97,252.99.
3. Une créance valable pour droits dus a été présentée par le Conseil des ports nationaux. Elle doit prendre rang ici. Son montant est de
$7,710.92. '
4. Puisque aucun créancier n'est dans les condi tions pour prétendre à un lien découlant d'un droit
de rétention, il faut passer aux créances hypothé- caires. La Charter New York Leasing Corporation détient une première hypothèque valable et enre- gistrée, en garantie d'un prêt consenti aux proprié- taires. Le montant aux termes dudit accord d'hypothèque et de prêt, à la date du dépôt de l'affidavit exigé par l'ordonnance d'instructions susmentionnée, intérêts compris, frais et indemni- tés de retard calculés conformément aux termes de l'accord, s'élève à $543,607.85 canadiens.
5. Viennent alors toutes les réclamations pour fournitures nécessaires qui furent présentées à bon droit contre le navire mais qui n'emportaient certes aucun privilège. Il me paraît douteux qu'on puisse ici prendre en considération ces réclamations, étant donné que l'argent qui restera après paie- ment de l'hypothèque, accroît, il me semble, au syndic de la faillite. Mais de toute façon il ne restera certes plus rien, de sorte qu'il est clair que toutes les créances qui ne sont pas payables avant la créance hypothécaire devront tout simplement être ignorées.
II
Dans cinq cas, la nature ou la cause des créan- ces, et par conséquent leur rang, ont donné lieu à contestation ou ont soulevé des problèmes particu- liers. Ce sont elles qu'il faut maintenant considé- rer.
(1) Un certain capitaine Verraen réclame un montant de $3,973.08 qu'il dit lui être en gages et partant garanti par privilège maritime. Il s'agi- rait de gages gagnés pendant la période comprise entre le 31 juillet et le 15 septembre 1977. Je ne vois toutefois, dans l'affidavit déposé à l'appui de la réclamation, rien qui indique que le capitaine Verraen se soit, à l'époque en question, trouvé à bord du Lowell Thomas Explorer en qualité de membre de son équipage. En effet, pendant la période mentionnée, le navire, déjà placé sous saisie, était sous le commandement du capitaine Tito G. Llido. Au surplus, l'accord en vertu duquel le capitaine Verraen était employé (pièce P-1 en annexe de son affidavit) a été signé au nom de Midwest Cruises Inc., non à celui de Midwest Cruises Panama S.A., propriétaire du navire. Le capitaine Verraen peut fort bien au cours de cette période, avoir été employé pour remplir certaines «tâches portuaires» en qualité de mandataire de M.
Grueninger, président et de Midwest Cruises Inc. et de Midwest Cruises Panama S.A., mais le trai- tement qu'il a gagné en cette qualité ne pouvait être garanti par un privilège sur le Lowell Thomas Explorer.
(2) La compagnie Clipper Ship Supply Ltd. («Clipper») demanda l'autorisation d'intervenir dans la présente action dès octobre 1977. Elle soutenait que certaines des marchandises à bord du navire lui appartenaient. Ces marchandises, alléguait-elle, avaient été vendues et livrées selon les clauses et conditions établies par l'International Ship Supplies Association, avec pour résultat qu'il ne pouvait y avoir transfert de leur propriété avant paiement intégral du prix de vente, soit $25,915.13. Au moment de sa demande, cepen- dant, une partie seulement des marchandises n'avait pas encore été incorporée au navire et pouvait encore être reprise. Le 1" novembre 1977, une ordonnance de la Cour accordait à Clipper l'autorisation d'intervenir, déclarait que les mar- chandises vendues par Clipper et encore suscepti- bles d'être identifiées et distinguées avaient une valeur totale de $3,000, interdisant qu'on en retire aucune,—compte tenu sans doute du fait que les annonces pour la vente du navire avaient déjà été publiées,—mais ajoutait:
[TRADUCTION] Qu'avant toute distribution du produit de la vente du navire en vertu d'une disposition de la Cour, la valeur de toute marchandise figurant au rapport d'inventaire du prévôt, et dont il est prouvé que si ce n'était de ladite vente elles appartiendraient à Clipper Ship Supply Ltd., sera distraite et lui sera versée libre de toutes actions in rem contre .le navire aLOWELL THOMAS EXPLORER», Ou in personam contre ses propriétaires;
Il faut naturellement déférer à cette ordon- nance. Il sera donc mis à part un montant de $3,000 avec intérêts en faveur de Clipper Ship Supply Ltd. avant toute distribution aux créan- ciers. Mais la compagnie, on le comprend, a peine à se satisfaire de cette solution. Elle réclame dis traction du montant global de $25,915.13 au motif que son droit de propriété existait à l'égard de toutes les marchandises qu'elle avait fournies et qui ont été vendues avec le navire. Voici en sub stance le raisonnement que l'avocat de Clipper a soumis pour appuyer sa prétention.
Il s'agit ici de droit maritime canadien. Ce droit est soit uniforme pour tout le Canada, soit com- plété sur certains points non essentiels par des
règles locales. Si notre droit maritime est uni- forme, sa partie non écrite est présumée être iden- tique à la common law anglaise, et par conséquent, elle inclut le droit anglais de la propriété et des fiducies. Selon ce dernier, le legal and beneficial title sur les marchandises appartenait à Clipper, et puisque le navire et les marchandises ont été vendus ensemble, comme une seule masse, Clipper et les propriétaires du navire sont considérés comme copropriétaires, et la valeur des biens de Clipper doit être distraite en premier lieu. Et même si le legal title a été transféré, tout au moins l'equitable title a subsisté à cause de la fiducie qui s'est créée ou encore les biens ont été acquis et utilisés en fraude de Clipper et les propriétaires doivent être assimilés à des fiduciaires: en equity, par l'effet de la «doctrine of tracing», Clipper aurait alors un privilège sur le produit de la vente. Si, d'autre part, poursuit l'avocat, notre droit maritime n'est pas uniforme et que certains de ses aspects sont régis par les règles locales, Clipper aurait toujours droit à distraction en sa faveur en vertu des articles 595 à 616 du Code de procédure civile de la province de Québec, dont l'objet est notamment de protéger le tiers qui avait droit de «revendiquer» quelque partie du bien saisi et vendu à son détriment.
Je n'ai pas l'intention de réfuter une à une les propositions mises de l'avant dans ce raisonne- ment. Ma réponse sera simple. Je ne vois pas comment Clipper aurait pu conserver un droit de propriété, que ce soit at law ou en equity, sur des biens qui, ayant cessé d'exister comme entité dis- tincte, étaient devenus intégrés au navire, et par conséquent ne pouvaient plus être identifiés ou distingués; et je ne pense pas non plus que Clipper, en tant que vendeur de ces biens, ait acquis, at law ou en equity, un quelconque droit sur le navire lui-même. D'autre part, il ne fait aucun doute que Clipper n'avait, au sens du Code de procédure civile du Québec, aucun droit de «revendiquer» des biens qui avaient déjà été incorporés au navire.
Je ne vois aucune valeur à la prétention de Clipper.
(3) Un certain Harry Selander, ingénieur mari time, réclame 2,600 $EU pour des services qu'il aurait rendus à bord du navire entre le 11 septem- bre et le 17 octobre 1976.
Dans l'affidavit et les documents y annexés déposés à l'appui de sa réclamation, M. Selander affirme que ses services furent retenus, sans con- trat écrit, par «M. Grueninger lui-même», prési- dent de Midwest Cruises Panama S.A., peu après l'achat du navire en Finlande. Il se serait rendu en Finlande en qualité d'«expert en mécanique», en vertu d'un engagement qui devait expirer le Z ef octobre, mais qui fut verbalement reconduit pour 16 jours additionnels à la demande personnelle de M. Grueninger. Dans un affidavit supplémentaire, la déclaration de M. Selander varie légèrement: le poste lui aurait été offert par le président d'une société qui s'était engagée par contrat envers M. Grueninger à lui fournir un équipage pour le navire nouvellement acheté, et ce poste aurait été celui d'ingénieur en chef conseil à bord du navire. Quant aux fonctions qu'il remplissait, voici com ment il les résume dans cet affidavit (que je cite textuellement):
[TRADUCTION] Qu'en qualité d'ingénieur en chef conseil pour le N.V. BORE NORD III (devenu plus tard le N.V. «LOWELL THOMAS EXPLORER») pendant le mois de septembre 1976, j'étais membre de l'équipage du navire, lequel équipage se composait de quatre personnes, à savoir: le capitaine Holland, commandant, le capitaine Tito, commandant en second, Harry Selander, ingénieur en chef; et un premier assistant, originaire des Philippines, prénommé Pedro. J'avais insisté pour qu'on laisse les chaudières se refroidir aux fins de nettoyage et d'inspection, et il faisait trop froid pour rester à bord du navire, aussi tout l'équipage était-il descendu dans un hôtel il prenait petit déjeuner et souper, le déjeuner étant pris à bord du navire. Notre équipage ne comprenait pas de cuisinier.
Pendant le mois de septembre, j'ai eu la responsabilité de tous les arrangements de remorquage, peinture du fond, net- toyage, décoration, installation de volets d'acier sur toutes les écoutilles au niveau ou au-dessous du pont principal. J'ai servi d'interprète entre les représentants finlandais et les membres de l'équipage ne parlant pas anglais. J'ai fait fonctionner l'ensem- ble du système de climatisation et de chauffage et l'ai inspecté. En même temps j'ai traduit du finnois vers l'anglais toutes les indications figurant auprès des valves et des machines dans la salle des machines. J'ai également essayer de former le premier assistant, qui n'avait aucune expérience en la matière, à l'entretien et à l'utilisation des machines à vapeur du navire.
La lecture des deux affidavits et des pièces y mentionnées, laisse la nette impression que M. Selander, ingénieur maritime, a été engagé essen- tiellement pour inspecter le navire et vérifier son bon état de navigabilité, même s'il est allé plus loin et a accompli certains travaux à bord. La question est de savoir si, dans ces circonstances, le salaire qu'il a ainsi gagné doit être considéré comme gages de marin emportant privilège sur le navire,
en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada.
La difficulté ne vient pas du fait que le contrat d'engagement n'ait été que verbal (l'article 180 de la Loi 3 ). Elle ne vient pas non plus de ce que le voyage n'était pas encore entrepris lorsque le tra vail a été accompli (Price, The Law of Maritime Liens, p. 62), ni de ce que le salaire n'était pas conforme à la définition de «gages», telle que donnée dans l'article 2 de la Loi, terme qui «com- prend les émoluments». La difficulté est que M. Selander n'a jamais été engagé et n'a jamais tra- vaillé comme marin. Il se peut qu'il ait accompli des tâches sur le navire, mais il n'a jamais été «employé à bord» du navire comme le requiert ledit article 2, aux termes duquel:
2. Dans la présente loi «marin» comprend
a) toute personne (sauf les capitaines, pilotes et apprentis régulièrement liés par contrat et inscrits) qui est employée ou occupée à bord d'un navire, en quelque qualité que ce soit, ... (le soulignement est ajouté).
A mon avis, la créance de M. Selander n'était pas assortie du privilège de marin.
(4) Le ler octobre 1976, le capitaine Roy E. Holland fut recruté par Midwest Cruises Panama
S.A. en qualité de commandant du Lowell Thomas Explorer pour une période indéfinie. Le contrat de louage de services fut constaté par écrit; copie de ce document a été versée au dossier. Le capitaine Holland servit à bord du navire jusqu'à la fin de février 1977: il débarqua le Pr mars, de son plein gré, pour retourner en Amérique. Le navire se trouvait alors à Ponta Delgada, île de Saô Miguel (archipel des Açores).
La revendication déposée par le capitaine Hol- land est double. Il réclame en effet son salaire de 600 $EU ($662.34 CAN) pour ses deux dernières semaines de service à bord, qui lui est toujours dû.
Le texte de cet article est le suivant:
180. Dans toute procédure judiciaire ou autre, un marin peut présenter une preuve établissant la teneur d'un contrat d'engagement de l'équipage ou appuyant autrement sa cause, sans production ou préavis de production du contrat d'enga- gement ou d'une copie de celui-ci.
Cette partie de sa demande est sans conteste garantie par un privilège maritime 4 . Mais il réclame également un montant additionnel de 1,500 $EU ($1,655.85 CAN) en raison d'une pro- messe à lui faite par M. Grueninger qu'il aurait droit à un mois supplémentaire de traitement lors- qu'il quitterait le navire. Bien entendu, la question est ici de savoir si cette deuxième portion de la demande est garantie par le même privilège mari time que la première et si elle doit venir au même rang.
Le capitaine Holland a été autorisé, par ordon- nance de la Cour, à déposer un affidavit addition- nel au lieu d'être contre-interrogé sur celui qu'il avait déjà fourni. Dans cet affidavit complémen- taire, il déclare au paragraphe 5 (que je cite encore une fois textuellement):
[TRADUCTION] Je n'ai aucune preuve écrite du fait que M. Grueninger m'a promis $1,500 (mille cinq cents dollars) corres- pondant à un (1) mois de congé payé, mais je jure que M. Grueninger m'a personnellement promis cela dans son bureau, à Indianapolis, je m'étais rendu pour obtenir les fonds nécessaires au paiement de mon équipage et des comptes en souffrance avec les autorités de Ponta Delgada. Rien n'a été inscrit dans mon contrat de louage de services. Cet arrange ment a été purement verbal et je comptais que M. Grueninger honorerait sa parole.
On notera qu'aucune date n'est fournie. Il res- sort toutefois du dossier que le navire a pénétré dans le port de Ponta Delgada le 4 février 1977, qu'il s'est rendu aux Bermudes le 5 pour retourner au port le 6, repartir le 10 et revenir encore le 11, et qu'il est resté sous commandement du capitaine Holland jusqu'à ce que celui-ci débarque le Zef mars pour retourner en avion en Amérique du Nord (pièces à l'appui de l'affidavit du demandeur en date du 23 janvier 1978). Il en résulte que la promesse de M. Grueninger sur laquelle le capi- taine Holland fonde sa réclamation avait été faite alors que celui-ci s'apprêtait à quitter son emploi ou l'avait peut-être même déjà laissé.
Un privilège maritime affecte un navire à raison des salaires ou gages gagnés à bord par le com mandant et les membres de l'équipage. Si le sup- plément de traitement qui fait l'objet de la
4 L'article 214(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada est ainsi rédigé:
214. (1) Le capitaine du navire a, dans la mesure du possible, les mêmes droits, privilèges et recours pour le recouvrement de ses gages, qu'un marin en vertu de la présente loi, ou de toute loi ou coutume.
demande avait été une condition de l'emploi du capitaine Holland, je pense qu'il aurait fait partie de ses gages gagnés à bord. S'il s'agissait d'une compensation pour licenciement abusif, on pour- rait trouver un motif de l'inclure dans les gages gagnés à bord. (Voir sur ces points, Price, op. cit. pp. 61 et 62). Mais dans les circonstances de la cause, je ne vois guère comment l'on peut soutenir que l'argent ainsi promis devrait être inclus dans le salaire gagné à bord du navire, comme partie intégrante de la rémunération ou des «émolu- ments» dus pour services rendus à bord du navire.
Si la demande du capitaine Holland, fondée sur la promesse de M. Grueninger, peut avoir effet contre le navire, ce dont je doute, elle ne peut avoir priorité sur les créances privilégiées.
(5) Le dernier point soulevé a été discuté à fond et avec beaucoup de compétence. Je crois toutefois pouvoir le trancher sans faire de long exposé. Voici la manière dont il a été présenté.
Montreal Ship Repairs Ltd. a une créance sub- stantielle à exercer contre le navire, à raison des réparations effectuées et de services fournis. Cel- le-ci s'élève en effet à $559,174.12. Le travail a été commandé par M. Grueninger en vue de faire
passer le navire dans la catégorie qu'il souhaitait. Il a débuté immédiatement après l'arrivée du navire à Montréal, le 9 mai 1977, et s'est poursuivi jusqu'au 30 juin. Même si le navire avait été saisi, dès le 25 mai, les dirigeants de la société ont cru de bonne foi que M. Grueninger réussirait à conclure quelques arrangements financiers et qu'il pourrait régler leur compte. Malheureusement, il n'en a pas été ainsi.
Montreal Ship Repairs Ltd. n'a jamais eu pos session du navire et n'avait donc aucun droit de rétention jusqu'au paiement. La Compagnie pré-
tend toutefois que sa créance est prioritaire, pour les motifs exposés dans l'affidavit de son gérant général et administrateur:
[TRADUCTION] Après l'achèvement, le 30 juin 1977 des modifications et réparations effectuées par Montreal Ship Repairs Ltd., le LOWELL THOMAS EXPLORER était à même de commencer à voyager comme navire de passager, sous réserve de quelques travaux mineurs qui auraient pris quelques jours à achever, alors qu'il n'était pas en état de marche - lorsque le travail a débuté.
Montreal Ship Repairs Ltd. demande que la somme de $170,000, représentant l'augmentation de valeur commerciale,
telle qu'elle est établie dans son affidavit par M. E. Edwardson, attribuable aux réparations et transformations effectuées par Montreal Ship Repairs Ltd., soit distraite pour lui être versée avant le paiement de toute créance née avant l'exécution desdi- tes réparations et transformations.
A l'appui de cette requête, l'avocat du deman- deur cite un passage de Halsbury's Laws of England (3e éd. vol. 35, p. 788, paragraphe 1213) dont le texte est le suivant:
[TRADUCTION] Il semble que la détermination du rang des privilèges entre eux ne repose sur l'application d'aucune règle rigide, mais sur le principe qu'il faut dans chaque cause faire justice aux parties.
Il s'appuie également sur un arrêt canadien, celui de la Cour suprême dans l'affaire The Mon- treal Dry Docks and Ship Repairing Company c. Halifax Shipyards, Limited (1919-20) R.C.S. 359, dans lequel, sur la base de l'équité, des char- pentiers de navire laissés en possession d'un navire après sa mise sous saisie, ont reçu priorité non seulement à raison des travaux par eux effectués avant la saisie raison desquels il bénéficiait d'un droit de rétention), mais aussi pour l'augmentation de valeur attribuable aux travaux effectués après la saisie, bien que la Cour ne les eût pas spéciale- ment autorisés.
Voilà sans doute autorité suffisante pour affir- mer que des considérations d'équité peuvent avoir un rôle à jouer dans la détermination du rang de multiples créances sur le produit de la vente d'un navire. Mais, comme il est dit dans Halsbury, dans la phrase suivant immédiatement celle qui a été citée:
[TRADUCTION] Il existe toutefois un certain ordre de classe- ment, et il y a certaines règles générales qu'à défaut de circonstances spéciales, les tribunaux auront tendance à appliquer.
Et de fait il est clair, à la lecture des motifs du jugement auquel il est fait référence, que l'on croyait à la présence de telles circonstances spécia- les dans l'affaire concernée.
Je ne vois cependant ici aucune telle circons- tance spéciale. L'argumentation est fondée essen- tiellement sur la bonne foi du créancier lorsque les services ont été fournis (bien que pour un entrepre neur expérimenté, son comportement ait été éton- namment imprévoyant) et sur l'augmentation apportée par le travail à la valeur du navire (j'ajouterai incidemment que l'importance relative de cette augmentation de valeur n'a certainement pas été très clairement établie et qu'il n'est pas
certain que celle-ci ait fait monter les enchères). S'il fallait, sur la seule base de la bonne foi et de l'accroissement de valeur, écarter les règles géné- rales qui régissent le rang des créances sur le produit de la vente d'un navire, l'ensemble du système serait compromis et le crédit des proprié- taires de navires en serait directement et défavora- blement affecté.
La créance de Montreal Ship Repairs Ltd. à raison des travaux effectués sur le navire en mai et juin 1977, est une créance pour fournitures à laquelle aucun privilège ne doit être accordé.
En conséquence de ce qui précède, l'ordre de préférence entre les diverses créances payables à même le produit de la vente du Lowell Thomas Explorer est le suivant:
(1) La somme réservée en faveur de Clipper
Ship Supply Ltd. $ 3,000.00
(2) Les frais de justice faits par Montreal Ship Repairs Ltd. pour la mise en vente du navire
(3) Les créances suivantes, assorties d'un privi- lège maritime de marin, viennent en concurrence:
a) Celle des demandeurs dans l'action T-2148-77 pour le montant que fixera le jugement qui sera rendu dans ladite action
b) Celle de Sa Majesté du chef du Canada pour le rapatriement des
demandeurs dans l'action T-2148-77 6,588.00
c) Celle de Montreal Ship Repairs Ltd. pour les fonds avancés pour régler les gages réclamés par les demandeurs
dans la présente action 97,252.99
d) Celle du capitaine Holland pour ses deux dernières semaines de service à
bord 662.34
(4) La créance du Conseil des ports nationaux 7,710.92
(5) La créance de Charter New York Leasing
Corporation 543,607.85
Chacune de ces créances portera intérêt à partir de la date et au taux spécifiés ci-dessus, auquel seront ajoutés les frais judiciaires encourus pour le recouvrement de ceux mentionnés en (2), (3), (4) et (5) ci-dessus. Les créances seront en outre aug- mentées des frais de justice encourus pour le recouvrement dans la présente action ou dans toute autre action pendante.
L'ordonnance sera émise en conséquence.
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