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A-123-78
Eastern Provincial Airways (1963) Limited (Appelante) (Défenderesse)
c.
La Reine (Intimée) (Demanderesse)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Ryan— Ottawa, les ler et 4 mai 1979.
Taxe d'accise Taxe de vente fédérale Remise de taxe en application du Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés) Aéronef à usage commercial acheté par l'importateur dont le matériel volant assure un service combiné national et international Il échet d'examiner si, aux fins du décret, le matériel volant de l'importateur est composé unique- ment de ses aéronefs admissibles et effectivement utilisés dans les deux types de services ou s'il est composé de tous ses aéronefs admissibles sans égard au fait que certains d'entre eux peuvent avoir été utilisés exclusivement soit sur les lignes internationales soit sur les lignes nationales Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 27, 54 Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés), DORS/70-87, modifié par DORS/71-50, art. 2, 3(1),(2).
Appel contre le jugement de la Division de première instance qui a enjoint à l'appelante de verser à l'intimée le solde impayé de la taxe de vente frappant un aéronef importé par l'appelante au Canada. Le Décret de remise à l'égard des aéronefs (Servi- ces combinés) prévoit que, sous certaines conditions, le trans- porteur qui importe un aéronef «pour être utilisé dans un service combiné international et national» a droit à la remise d'un pourcentage de la taxe de vente «égal au pourcentage d'utilisation internationale du matériel volant de l'importateur pendant l'année d'importation». Le seul litige entre les parties porte sur la question de savoir si, aux fins du décret, le matériel volant d'un importateur assurant un service combiné national et international est composé uniquement de ses aéronefs admissi- bles et effectivement utilisés dans les deux types de services ou s'il est composé de tous ses aéronefs admissibles sans égard au fait que certains d'entre eux peuvent avoir été utilisés exclusive- ment soit sur les lignes internationales soit sur les lignes nationales.
Arrêt: l'appel est rejeté. Le mot «service» figure au singulier dans l'expression «combined international and domestic ser vice», laquelle se traduit par «un service combiné international et national» dans la version française du décret, ce qui confirme la thèse de l'intimée selon laquelle le matériel volant est com- posé de tous ses aéronefs admissibles sans égard au fait que certains d'entre eux peuvent avoir été utilisés exclusivement soit sur des lignes internationales soit sur des lignes nationales. Ce fait indique aussi que pour les rédacteurs du décret, les services international et national exploités par le même transporteur aérien constituent un seul service. Il s'ensuit qu'un aéronef est utilisé dans un tel service peu importe qu'il ait pu n'être utilisé que dans l'une des branches de ce service. La conclusion du juge de première instance s'éclaire encore à la lumière des conséquences absurdes qui découleraient de l'interprétation proposée par l'appelante: la taxe de vente frappant l'importa- tion d'aéronefs identiques destinés à un matériel volant identi-
que serait différente du seul fait que l'un des transporteurs aériens choisit d'affecter tous ses aéronefs aux lignes nationales comme internationales alors que l'autre utilise certains de ses appareils exclusivement sur les lignes nationales.
APPEL. AVOCATS:
John M. Coyne, c.r. et Kenneth L. W. Boland pour l'appelante (défenderesse).
Edward R. Sojonky et J. P. Malette pour l'intimée (demanderesse).
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour l'appelante (défenderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (demanderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première instance [[1979] 1 C.F. 831], qui enjoint à l'appelante de verser à l'intimée la somme de $587,769.63 ainsi que l'amende prescrite par l'article 50(4) de la Loi sur la taxe d'accise et les frais de l'action. La somme de $587,769.63 représente le solde impayé de la taxe de vente que la Division de première instance a jugé exigible en raison de l'importation par l'intimée d'un aéronef au Canada.
En 1973, l'appelante, qui avait déjà possédé et utilisé quatre aéronefs Boeing 737, a importé au Canada un autre aéronef du même type qu'elle avait acheté pour la somme de $5,331,683.19. La taxe de vente de $639,801.98 aurait été normale- ment due par l'appelante sur le prix de vente de cet aéronef conformément à l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13 (modifié par l'article 24 de la Loi sur la sécurité de la vieil- lesse, S.R.C. 1970, c. O-6, modifié). Mais l'appe- lante avait droit à la remise d'une portion de cette taxe en vertu des dispositions du Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés) (C.P. 1970-356 [DORS/70-87], modifié par C.P. 1971- 142 [DORS/71-50]). L'appelante soutenait avoir droit, en vertu de ce décret, à la remise de la somme de $601,238.98 de sorte qu'elle n'a versé à l'intimée que le montant de $38,563 représentant le solde débiteur de la taxe de vente. Au sens
l'intimée entend le décret, l'appelante avait droit à une remise de $13,469.35 de sorte que le solde débiteur de la taxe s'élevait à $626,332.63. L'inti- mée a donc assigné l'appelante en paiement de ce solde débiteur et de l'amende prescrite par l'article 50(4) de la Loi sur la taxe d'accise. Cette action a été jugée bien fondée par le jugement dont il est fait appel.
Le seul litige dans cette affaire porte sur l'inter- prétation du Décret de remise à l'égard des aéro- nefs (Services combinés)'. Aux termes de ce décret, et lorsque certaines conditions sont rem- plies, le transporteur aérien qui importe un aéronef «pour être utilisé dans un service combiné interna tional et national» a droit à une remise d'un pour- centage de la taxe de vente «égal au pourcentage d'utilisation internationale du matériel volant de l'importateur pendant l'année d'importation.» (Article 3(2).)
Il est suffisant, pour la présente affaire, de bien connaître l'article 3 du décret ainsi que certaines définitions contenues dans l'article 2. Ces dispositions sont les suivantes:
3. (1) Sous réserve de la présente Partie et du paragraphe 15(3), remise est accordée à un importateur d'une partie, définie en conformité du paragraphe (2), de la taxe de vente exigible en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi sur la sécurité de la vieillesse à l'égard
a) des aéronefs admissibles, et
b) des moteurs conçus pour propulser les aéronefs admissibles
qui sont importés par lui à partir du 1»' janvier 1970, pour être utilisés dans un service combiné international et national.
(2) La partie de la taxe de vente mentionnée au paragra- phe (1) consiste en un pourcentage de la taxe de vente égal au pourcentage d'utilisation internationale du matériel volant de l'importateur pendant l'année d'importation.
2. Dans le présent Décret, l'expression
«aéronef admissible» s'entend d'un aéronef dont le poids brut autorisé au décollage, prescrit par la Commission cana- dienne des transports, est d'au moins 64,500 livres;
«importateur» signifie un transporteur admissible;
«matériel volant» s'entend des aéronefs admissibles apparte- nant à un transporteur admissible ou loués par lui, et qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national;
«pourcentage d'utilisation internationale» s'entend du pour- centage que représentent les tonnes-milles disponibles d'un matériel volant qui effectue des vols internationaux par
Il est donc nécessaire, afin de déterminer le pourcentage de la taxe qui, en vertu du décret, fait l'objet d'une remise à l'importateur, de calculer le «pourcentage d'utilisation internationale du maté riel volant de l'importateur». Ce calcul ne peut s'effectuer sans détermination préalable de ce qui constitue le matériel volant de l'importateur. C'est cette détermination qui est à l'origine du litige entre les parties.
Les mots «matériel volant» sont définis comme suit à l'article 2 du décret:
«matériel volant» s'entend des aéronefs admissibles appartenant à un transporteur admissible ou loués par lui, et qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national;
Le seul litige entre les parties porte sur la question de savoir si, aux fins du décret, le maté riel volant d'un importateur utilisé dans un service combiné international et national est composé uni- quement de ses aéronefs admissibles et effective- ment utilisés dans les deux types de services, ou s'il est composé de tous ses aéronefs admissibles sans égard au fait que certains de ceux-ci peuvent avoir été utilisés exclusivement sur des trajets internatio- naux ou nationaux. Si, comme le soutient l'appe- lante, la première interprétation devait prévaloir, il est notoire que, pendant l'année en question dans la présente action, le matériel volant de l'appelante ne comprenait qu'un seul aéronef utilisé à la fois dans des services internationaux et nationaux et que l'appelante avait, par conséquent, droit à la remise de tout le montant de la taxe qu'elle n'a pas payée. Si, au contraire, la deuxième interprétation devait être adoptée, il est également notoire que le jugement de la Division de première instance était bien fondé.
rapport à l'ensemble des tonnes-milles disponibles dudit matériel volant au cours d'une année;
«transporteur admissible» s'entend d'un transporteur aérien ordinaire constitué en société sous l'autorité des lois du Canada ou d'une province et muni d'une licence délivrée par la Commission canadienne des transports l'autorisant à assurer un service international au public;
«tonnes-milles disponibles» s'entend des milles payants par- courus par un aéronef multipliés par la capacité de la charge payante de cet aéronef exprimée en tonnes;
«vol international» s'entend de tout vol autre qu'un vol en provenance et à destination du Canada.
L'expression «service combiné international et national» n'a aucune signification technique. Comme l'a estimé le juge de première instance, ces mots sont inscrits dans le décret dans leur accep- tion usuelle qui, je dois le reconnaître, n'est pas des plus claires. D'après l'appelante, un aéronef n'est pas utilisé dans un «service combiné international et national» s'il n'est utilisé à la fois dans les deux services, international et national. Pour l'intimée, le transporteur aérien qui exploite à la fois un service international et national doit être considéré comme exploitant un «service combiné internatio nal et national», et tous les aéronefs qu'il utilise dans l'une ou l'autre branche de ce service com- biné doivent être considérés comme utilisés dans le service combiné.
A mon avis, c'est à bon droit que le savant juge de première instance s'est rallié à l'interprétation donnée à ce décret par l'intimée. Le mot «service» apparaît au singulier dans la phrase «combined international and domestic service» la version anglaise; de plus dans la version française du décret, la même expression est traduite par les mots «un service combiné international et national» [c'est moi qui souligne]. Cela, à mon avis, renforce l'opinion de l'intimée et suggère que, pour les rédacteurs du décret, les services international et national exploités par un transporteur aérien cons tituent uniquement un seul service. Si c'est bien le cas, il est alors clair qu'un aéronef est utilisé dans un tel service sans égard au fait qu'il pourrait n'être utilisé que dans l'une des branches de ce service.
La décision du savant juge de première instance est encore renforcée, à mon avis, par la perspective des conséquences absurdes qui découleraient de l'interprétation proposée par l'appelante. En effet, conformément à cette interprétation, le montant de la taxe de vente payable à l'importation d'aéro- nefs identiques par deux transporteurs aériens assurant les mêmes services avec deux matériels volants identiques serait différent uniquement parce que l'un de ces transporteurs aériens aurait choisi d'utiliser tous ses aéronefs aussi bien sur des parcours internationaux que nationaux, tandis que l'autre aurait consacré une partie de son matériel volant exclusivement à des parcours nationaux.
Par ces motifs, je rejette l'appel avec dépens.
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LE JUGE HEALD: J'y souscris.
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LE JUGE RYAN: J'y souscris.
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