Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-97-79
J. G. Snaauw (Appelant) (Requérant) c.
Le Comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique (Intimé) (Opposant)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges suppléants Smith et Kerr—Ottawa, le 13 juin 1979.
Examen judiciaire Fonction publique Le requérant avait été renvoyé au cours de la prolongation de stage puis réintégré après que la Cour eut conclu à l'invalidité du renvoi Dès réintégration, le président de l'Office national de l'énergie a recommandé le renvoi du requérant pour cause d'incompétence dans l'exercice des fonctions de son poste Cette recommandation était fondée sur les mêmes motifs pour lesquels le requérant avait été renvoyé Sur la foi des preuves administrées, le Comité d'appel a conclu au bien- fondé des conclusions du président et a rejeté l'appel du requérant Il échet d'examiner s'il y a lieu d'annuler la décision du Comité d'appel Loi sur l'emploi dans la Fonc- tion publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 28, 31 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp), c. 10, art. 28.
Requête fondée sur l'article 28 et tendant à faire infirmer la décision rendue par un comité établi en application de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Le requérant avait été réintégré dans son poste à l'Office national de l'énergie après que la Cour eut conclu à l'invalidité de son renvoi au cours de la période de prolongation de son stage. Dès sa réintégration, le requérant a été informé par écrit que le président de l'Office national de l'énergie a recommandé son renvoi pour cause d'incompétence dans l'exercice des fonctions de son poste. Cette recommandation était fondée sur les mêmes motifs pour lesquels le requérant avait été renvoyé au cours de la prolongation de son stage. Le requérant a interjeté appel devant le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique. Après avoir entendu les témoins et considéré les arguments sur les points de droit et de fait, celui-ci a rejeté l'appel du requérant. C'est cette décision qui est entreprise par la requête fondée en l'espèce sur l'article 28.
Arrêt: la requête est rejetée. Le Comité d'appel n'a pas commis une erreur de droit du fait qu'il n'a pas conclu que la recommandation de renvoi débordait les limites prévues par l'article 31 et que de ce fait, elle ne constituait pas un fonde- ment valide pour renvoyer le requérant. Le requérant n'ayant pas été légalement «renvoyé» ou autrement démis de son poste, il a continué à l'occuper jusqu'à la date de sa «réintégration» inclusivement. On ne saurait dire qu'un sous-chef n'avait pas le droit de conclure que la phrase «incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste» s'appliquait à une certaine personne en se fondant sur ce qu'il a pu observer de la manière dont celle-ci a rempli les fonctions de son poste pendant un stage qui a expiré avant qu'il ne formule cette conclusion. Si les motifs de rejet ne se limitent pas nécessairement à l'incompétence, ils la recouvrent indubitablement. Il faut rejeter l'argument voulant que les documents invoqués ayant été établis à l'appui d'une décision de «renvoi», ils ne puissent servir à étayer une conclu-
Sion d'incompétence. Enfin, on ne peut trouver dans les princi- pes de justice naturelle aucun fondement pour infirmer la décision du Comité.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Macey Schwartz pour 1'(appelant) (requé-
rant).
L. S. Holland pour l'(intimé) (opposant).
PROCUREURS:
Macey Schwartz, Ottawa, pour l'(appelant) (requérant).
Le sous-procureur général du Canada pour 1'(intimé) (opposant).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit en l'espèce d'une requête fondée sur l'article 28 et tendant à faire infirmer la décision rendue par un «comité» établi en application de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32»
' 31. (1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'employé
soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
(2) Le sous-chef doit donner à un employé un avis écrit de toute recommandation visant la nomination de l'employé à un poste avec un traitement maximum inférieur ou son renvoi.
(3) Dans tel délai subséquent à la réception de l'avis men- tionné au paragraphe (2) que prescrit la Commission, l'employé peut en appeler de la recommandation du sous-chef à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commis sion doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
(4) S'il n'est interjeté aucun appel d'une recommandation du sous-chef, la Commission peut prendre, relativement à cette recommandation, la mesure qu'elle estime opportune.
(5) La Commission peut renvoyer un employé en conformité d'une recommandation formulée aux termes du présent article; l'employé cesse dès lors d'être un employé.
Les faits de la cause peuvent être récapitulés comme suit:
1. Le requérant a été nommé, à compter du 27 décembre 1974, directeur adjoint de l'Économie, pour les Analyses économiques spéciales, Office national de l'énergie.
2. Avant l'expiration de son stage prévu à l'arti- cle 28(1) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique 2 , le président de l'Office a décidé de prolonger ce stage de 12 mois.
3. Par lettre du 2 juin 1976, le président a décidé, pour des raisons que je mentionnerai ci-après, de «renvoyer» le requérant à compter du 31 août 1976, en application de l'article 28(3) de la loi précitées.
4. Le 26 septembre 1978, le requérant a repris ses fonctions, sa «réintégration» étant rétroactive au ler septembre 1976, la suite d'un jugement de la Cour de céans concluant à l'invalidité de la prolongation du stage et du renvoi.
5. Le jour de sa «réintégration», c'est-à-dire le 26 septembre 1978, le requérant a été informé par écrit, conformément à l'article 31, que le président recommandait son renvoi «pour cause d'incompétence dans l'exercice des fonctions de son poste», motif analogue à celui invoqué pour «le renvoyer pendant la prolongation de son stage».
2 28. (1) Un employé est considéré comme stagiaire depuis la date de sa nomination jusqu'au terme de la période que la , Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'employés.
3 28. ...
(3) A tout moment au cours du stage, le sous-chef peut prévenir l'employé qu'il se propose de le renvoyer, et de donner à la Commission un avis de ce renvoi projeté, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis que la Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'employés. À moins que la Commission ne nomme l'employé à un autre poste dans la Fonction publique avant le terme du délai de préavis qui s'applique dans le cas d'é cet employé, celui-ci cesse d'être un employé au terme de cette période.
6. Le requérant a interjeté appel de cette recommandation, conformément à l'article
31(3).
7. A l'audition de l'appel fondé sur l'article 31,
il est apparu clairement qu'en formulant la recommandation prévue au même article, le pré- sident s'est fondé sur les mêmes faits et opinions qui l'avaient amené à décider la prolongation du stage et ensuite le «renvoi» du requérant, faits et
opinions vieux de plus de deux ans.
8. Le Comité a conclu, en effet, après avoir entendu les dépositions des témoins, dont trans cription n'a pas été produite à la Cour, que «celles-ci prises globalement pouvaient raisonna- blement amener le Ministère» (c'est-à-dire le président de l'Office) «à conclure que le requé- rant était incompétent dans l'exercice des fonc- tions de son poste».
9. Après un examen de la preuve, au cours duquel il est parvenu à cette conclusion, et après avoir considéré les arguments du requérant et du «Ministère» sur les questions de droit et de fait, le Comité a rejeté l'appel.
La présente requête, fondée sur l'article 28, attaque cette décision du Comité qui a rejeté l'appel du requérant fondé sur l'article 31.
Pour plus de commodité, je me propose de me prononcer, l'un après l'autre, sur les motifs invo- qués par le requérant, tels qu'ils sont récapitulés dans la Partie II de son mémoire à la Cour. En voici les passages pertinents:
[TRADUCTION] A) Compétence du Comité d'appel
La recommandation de renvoi que le président de l'O.N.É. a adressée à la Commission est nulle parce que contraire à l'article 31(1) de la Loi. Il s'ensuit donc que le Comité d'appel établi par la Commission était incompétent pour connaître de cette affaire ou a commis un excès de pouvoir en la matière.
B) Erreur de droit
L'avocat de l'appelant a soulevé l'exception déclinatoire sus- mentionnée . .. mais le Comité d'appel l'a rejetée .... En rejetant l'exception soulevée par l'avocat de l'appelant, le Comité d'appel a commis une erreur de droit.
C) Déni de justice naturelle
En acceptant certaines dépositions ... en menant une enquête aussi longtemps après les faits litigieux, le Comité d'appel n'a pas observé les principes de justice naturelle.
D) Erreur sur le fait
Le Comité d'appel n'a pas tenu compte des documents qui lui ont été soumis et qui prouvent que le président de l'O.N.É. avait conclu à tort à l'incompétence de l'appelant ....
Le premier de ces motifs, intitulé «Compétence du Comité d'appel» revient, à mon sens, à dire que dans sa décision, le Comité a commis une erreur de droit pour ne pas avoir conclu que la recommanda- tion de rejet débordait les limites prévues par l'article 31 et que de ce fait, elle ne constituait pas un fondement valide pour renvoyer le requérant. 4 J'estime que le motif formulé sous ce titre a été mal caractérisé, mais sa teneur, c'est-à-dire le fait que la décision du Comité reposait sur une erreur de droit, est correctement énoncée et mérite donc d'être examinée.
La question juridique soulevée est la suivante: peut-on dire, vu les faits déjà mentionnés, que le 26 septembre 1978, le président a conclu que l'appelant est
incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il est incapable de remplir ces fonctions
au sens de l'article 31(1)? La thèse du requérant est, si je ne m'abuse, qu'il n'occupait pas les fonc- tions de son poste après le 31 août 1976 et qu'en conséquence, le président n'avait pas le droit, le 26 septembre 1978, de recommander son renvoi au titre de l'article 31.
Il convient de noter que la recommandation du président repose en fait sur la conclusion que le requérant était «incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste» et non pas qu'il était «inca- pable de remplir ces fonctions».
L'argument du requérant soulève les deux ques tions suivantes:
a) à la date du 26 septembre 1978, le requérant occupait-il le poste dont il a été «renvoyé»? et
Si le Comité était incompétent, il ne pouvait rien faire d'autre que de rejeter l'appel du requérant pour cause d'incom- pétence, ce qui aurait privé ce dernier de tout recours lors même qu'il aurait été fondé sur le plan juridique. A mon sens, l'article 31 donne au Comité compétence pour conclure qu'une recommandation qui se réclame de cet article est en fait invalide.
b) dans l'affirmative, était-on fondé à conclure le 26 septembre 1978 que le requérant était «incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste», alors qu'il n'avait pas «rempli» lesdi- tes fonctions depuis le 31 août 1976?
A la première question sur laquelle l'avocat du requérant n'a pas vraiment, à mon avis, insisté dans son argumentation, il suffirait de répondre brièvement que, le requérant n'ayant pas été léga- lement «renvoyé» 8,)u autrement démis de son poste. il a continué à l'occuper jusqu'au 26 septembre 1978 inclusivement. 5 C'est manifestement sur ce point de droit que le «Ministère» s'est fondé pour «réintégrer» le requérant et que repose son statut en l'espèce.
La deuxième question soulève des difficultés plus sérieuses en raison de l'emploi assez inhabi- tuel du terme «incompétent» dans la phrase «dans l'exercice des fonctions de son poste ...». Dans ce contexte, le terme «incompétent» a comme sens ordinaire:
[TRADUCTION] D'une aptitude ou d'une habileté insuffisante; qui n'a pas la capacité ou les qualités requises; incapable.'
En bref, «incompétent» signifie ici «insuffisant» ou «incapable». Ce terme étant employé dans le même contexte que la phrase «incapable de remplir ces fonctions», il convient, à mon avis, d'interpréter l'expression «incompétent dans l'exercice des fonc- tions de son poste» comme signifiant que l'inté- ressé, dans l'exercice de ses fonctions, a fait preuve d'insuffisance ou d'incapacité. Une autre interpré- tation serait que ces termes signifient simplement: insuffisant ou incapable de remplir les fonctions de son poste, ce qui priverait de toute application les termes qui suivent. Toutefois, il n'y a pas lieu en l'espèce de trancher la question de savoir laquelle des deux interprétations est correcte. Quelle que soit celle que l'on retienne pour la phrase «incom- pétent dans l'exercice des fonctions de son poste», on ne saurait dire, à mon avis, qu'un sous-chef
5 Dans quelle mesure a-t-il le droit d'être payé pour les périodes il n'a pas exercé les fonctions de son poste? Il s'agit d'une autre question.
6 Voir la deuxième définition du terme «incompétent» dans The Shorter Oxford English Dictionary, troisième édition.
n'avait pas le droit de conclure qu'elle s'appliquait à une certaine personne, en se fondant sur ce qu'il a pu observer de la manière dont celle-ci a rempli les fonctions de son poste pendant un stage qui a expiré avant qu'il ne formule cette conclusion.'
La conclusion que je viens de tirer à propos du premier motif d'appel du requérant contre la déci- sion du Comité vaut également pour le deuxième motif, intitulé «Erreur de droit».
Je passe au troisième motif, «Déni de justice naturelle». Je ne pense pas qu'en l'espèce, on puisse trouver dans les principes de justice naturelle un fondement pour infirmer la décision du Comité. Le requérant n'invoque pas la prévention ni ne pré- tend qu'il n'a pas eu la possibilité raisonnable de répondre aux allégations qui lui étaient défavora- bles. Il convient aussi de noter qu'il était repré- sente par un avocat et que le Comité n'a pas été saisi d'une demande d'ajournement qui lui aurait permis de modifier ou de perfectionner son mémoire en fonction de ces allégations. Il est difficile de concevoir comment le Comité aurait pu faire preuve à l'égard du requérant de plus d'im- partialité et de justice en matière de procédure. On ne saurait, à mon avis, prétendre que les règles de justice naturelle requièrent la suppression de cer- tains éléments de preuve en raison de l'intervalle de deux ans. Le passage du temps peut entrer en ligne de compte lorsqu'on évalue la preuve, mais il s'agit d'une question qui relève du Comité en sa qualité d'enquêteur.
Enfin, en ce qui a trait au motif intitulé «Erreur sur le fait», la seule thèse qui mérite d'être men- tionnée est, à mon avis, la suivante: les documents produits avaient été établis à l'appui d'une décision de «renvoi», ils ne pouvaient donc servir à étayer une conclusion d'incompétence. A cela, je répon- drai brièvement que si les motifs de rejet ne se limitent pas nécessairement à l'incompétence, ils la recouvrent indubitablement.
' Cela ne veut pas dire que, dans certains cas, l'intervalle de temps ne puisse être tel qu'une personne raisonnable ne peut plus se fonder sur ses observations antérieures pour former une opinion. A mon avis, tel n'est pas le cas en l'espèce.
Par ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.