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A-677-78
Mario Carota (Appelant) (Demandeur) c.
Donald Jamiesmi, Marcel Lessard et le procureur général du Canada (Intimés) (Défendeurs)
Cour d'appel, les juges Urie et Le Dain et le juge suppléant Kerr—Halifax, le 22 juin; Ottawa, le 25 septembre 1979.
Couronne Brefs de prérogative Accord conclu entre les gouvernements du Canada et de l'Île-du-Prince -Edouard sur la mise en oeuvre d'un programme complet d'aménagement rural La modification ne prévoit pas la participation du public Appel contre le rejet de l'action reprochant au ministre fédéral de l'Expansion économique régionale d'avoir manqué à l'obligation que lui faisait la Loi d'assurer la participation du public Loi sur le Fonds de développement économique rural, S.C. 1966-67, c. 41, art. 4(1), 5a),b) Loi de 1969 sur l'organisation du gouvernement, S.C. 1968-69, c. 28, art. 102(2),(4) Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, S.R.C. 1970, c. R-4, art. 5, 6, 7, 8 Loi 5 de 1973 portant affectation de crédits, S.C. 1973-74, c. 47, crédit 1 1 a Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. 1-23, art. 35.
Appel formé contre un jugement de la Division de première instance rejetant une action intentée en vue d'obtenir un juge- ment déclaratoire et d'autres redressements à l'égard d'un prétendu manquement, de la part du ministre fédéral de l'Ex- pansion économique régionale, à l'obligation que lui imposait la Loi d'assurer la participation du public à l'élaboration et à la mise en œuvre de la deuxième phase d'un programme détaillé et complet d'aménagement rural de l'île-du-Prince-Édouard. Le programme, appelé «Plan», a été établi à la suite d'un accord conclu entre le Canada et l'Île-du-Prince -Edouard. La modifi cation 3 de l'accord, conclue en 1975, ne comporte aucune mention spécifique d'un programme de participation publique ou d'allocation de fonds à cet effet, comme il y en avait dans le Plan initial et dans le relevé des coûts afférents au «Premier mémoire de mise en oeuvre». L'appelant allègue qu'au moment de l'élaboration et de la signature de la modification 3, le ministre de l'Expansion économique régionale n'a pris aucune disposition pour assurer la participation du public à l'élabora- tion et à la réalisation du Plan, ainsi que le requiert l'article 7(2) de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale. La défense admet que le Ministre ne s'est pas conformé à cette disposition mais soutient qu'elle n'est pas applicable aux accords de modification. Une simple question de droit était en litige en première instance: le Ministre était-il requis par la Loi de prévoir la participation du public dans l'accord de modification?
Arrêt: l'appel est rejeté. La Loi n'oblige pas le Ministre à prévoir la participation du public dans l'accord de modification. Quand bien même il aurait créé une obligation légale, l'article 5a) de la Loi sur le Fonds de développement économique rural, qui dans sa définition de «programme détaillé et complet d'aménagement rural» prévoyait la participation des résidents, ne s'appliquait plus à l'accord de modification lorsque celui-ci
fut conclu en 1975. Cet article définissait le genre d'accord qui pouvait être conclu, mais ne saurait s'appliquer à une modifica tion d'accord plusieurs années après son abrogation. L'appelant soutient que diverses dispositions légales ont opéré le transfert au ministre de l'Expansion économique régionale de l'obligation légale d'assurer la participation du public, mais s'il y a eu certes transfert de pouvoirs, d'obligations et de fonctions, la question demeure de savoir en quoi consistent ces pouvoirs, obligations et fonctions. Bien que l'accord demeure en vigueur en vertu de la Loi d'interprétation, le membre de phrase «demeure valide comme si cet accord avait été conclu confor- mément à la présente loi» qui figure à l'article 102(4) de la Loi de 1969 sur l'organisation du gouvernement ne signifie pas davantage. On ne peut conclure de ces mots, tirés d'une disposi tion qui se rapporte à trois lois, que les dispositions de la Partie IV de la Loi de 1969, devenue la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, s'appliquent mutatis mutandis à l'Accord. Si telle avait été l'intention du Parlement, il l'aurait certes exprimée de façon expresse. La Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale ne s'applique pas à l'accord de 1975, lequel tire toute sa valeur juridique de la Loi 5 de 1973 portant affectation de crédits.
APPEL. AVOCATS:
M. Carota pour son propre compte (appelant) (demandeur).
J. A. Ghiz pour les intimés (défendeurs) Donald Jamieson et Marcel Lessard.
R. P. Hynes pour l'intimé (défendeur) procu- reur général du Canada.
PROCUREURS:
Scales, Ghiz, Jenkins & McQuaid, Charlotte- town, pour les intimés (défendeurs) Donald Jamieson et Marcel Lessard.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé (défendeur) procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit de l'appel d'un jugement de la Division de première instance [[1979j 1 C.F. 735] rejetant une action intentée en vue d'obtenir un jugement déclaratoire et d'autres redressements à l'égard d'un prétendu manque- ment, de la part du ministre fédéral de l'Expansion économique régionale, à l'obligation que lui impo- sait la Loi d'assurer la participation du public à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la deuxième phase du programme détaillé et complet d'aména- gement rural de l'Île-du-Prince -Edouard.
Le programme, généralement appelé «Plan», a été établi à la suite d'un accord (ci-après appelé l'«Accord») conclu entre le Canada et l'Île-du- Prince-Édouard en vertu, du moins en ce qui con- cerne le Canada, du décret du conseil C.P. 1969- 454 daté du 6 mars 1969. L'Accord a été conclu le 7 mars 1969 aux termes de l'article 4(1) de la Loi sur le Fonds de développement économique rural, S.C. 1966-67, c. 41, dont voici le libellé:
4. (1) Le Ministre peut, sur la recommandation du conseil consultatif et avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure avec toute province un accord en vue
a) d'entreprendre conjointement avec la province ou un de ses organismes un programme détaillé et complet d'aménage- ment rural dans des régions spéciales d'aménagement rural; ou
b) de verser à la province des contributions relatives au coût d'un programme détaillé et complet d'aménagement rural dans des régions spéciales d'aménagement rural, entrepris par le gouvernement de la province ou un de ses organismes.
L'article 5 définit de la façon suivante «le pro gramme détaillé et complet d'aménagement rural» et «les régions spéciales d'aménagement rural»:
5. Pour les objets de la présente loi,
a) un programme détaillé et complet d'aménagement rural est un programme, comprenant divers projets d'aménage- ment, qui est conçu pour favoriser le développement social et économique d'une région spéciale d'aménagement rural, ainsi que pour accroître les possibilités de revenu et d'emploi et relever le niveau de vie dans la région et qui prévoit la participation des résidents de la région à la mise en oeuvre du programme; et
b) une région spéciale d'aménagement rural est une région surtout rurale, comprise dans une province, qui est désignée dans un accord conclu entre le Ministre et la province aux termes de l'article 4 comme étant une région les revenus sont généralement faibles à cause de problèmes d'adaptation économique et sociale et qui, de l'avis du conseil fondé sur les renseignements soumis par la province relativement à la situation physique, économique et sociale de la région, pré- sente des possibilités raisonnables de développement écono- mique et social.
Dans sa forme initiale, l'annexe «A» de l'Accord comprenait un [TRADUCTION] «Premier mémoire de mise en oeuvre» et le Plan détaillé. A l'article 1 du mémoire de mise en oeuvre, l'Île-du-Prince- Édouard était désignée comme une région spéciale d'aménagement rural, conformément à l'article Sb) de la Loi sur le Fonds de développement économique rural:
[TRADUCTION] 1. Le territoire de la province est, par les présentes, désigné région spéciale d'aménagement rural confor-
mément à l'article 5b) de la Loi, et la stratégie de développe- ment élaborée à l'annexe «A» de l'Accord sera le programme détaillé et complet d'aménagement rural pour la région, conclu aux termes de l'article 4 de la Loi.
L'Accord devait rester en vigueur pendant quinze ans, soit jusqu'au 31 mars 1984. Il pré- voyait trois phases de mise en oeuvre de cinq ans chacune. L'article 7 traite de la modification de l'Accord:
[TRADUCTION] 7. Advenant que le Canada et la province conviennent que des études ou des renseignements supplémen- taires portant sur ladite région ou qu'une réévaluation des répercussions du Plan établissent que les objectifs et la stratégie fondamentale décrits à l'annexe «A» appellent des changements ou des modifications, le présent accord peut être, à l'occasion, révisé par les parties en cause et, s'il y a lieu, modifié avec l'approbation du gouverneur en conseil et du lieutenant-gouver- neur en conseil; mais, en tout état de cause, il doit être révisé avant le 31 mars 1972.
Initialement, le plan prévoyait la participation du public à son élaboration et à sa mise en oeuvre. On trouve dans le [TRADUCTION] «Relevé des coûts et services de la première phase du pro gramme détaillé et complet d'aménagement de l'île-du-Prince -Edouard» un montant de $10,082,- 000 affecté au poste 4.3 intitulé [TRADUCTION] «Participation publique», dont $7,560,000 devaient être fournis par le gouvernement fédéral et $2,522,000 par la province.
La Loi sur le Fonds de développement économi- que rural a été abrogée par la Loi de 1969 sur l'organisation du gouvernement, S.C. 1968-69, c. 28, qui est entrée en vigueur le 1" avril 1969. La Partie IV prévoit la création d'un ministère de l'Expansion économique régionale ayant à sa tête le ministre de l'Expansion économique régionale dont les attributions portent notamment sur «l'ex- pansion économique et le relèvement social» dans les «zones spéciales». Les paragraphes (2) et (4) de l'article 102 de cette Loi prévoient le maintien de l'Accord:
102... .
(2) Chaque fois qu'en vertu de quelque décret, règle ou règlement, ou de quelque contrat, bail, permis ou autre docu ment, le ministre des Forêts et du Développement rural, le sous-ministre des Forêts et du Développement rural ou un autre fonctionnaire du ministère des Forêts et du Développement rural, est investi d'un pouvoir ou d'une fonction, ou peut l'exercer, relativement à la Loi sur le Fonds de développement économique rural ou relativement à une question non prévue par le paragraphe (1) et qui relève selon la présente loi des pouvoirs ou fonctions du ministre de l'Expansion économique régionale, le pouvoir ou la fonction sont conférés au ministre de
l'Expansion économique régionale, au sous-ministre de l'Expan- sion économique régionale, ou au fonctionnaire compétent du ministère de l'Expansion économique régionale, selon le cas, et doivent ou peuvent être exercés par lui, à moins que le gouver- neur en conseil, par décret, ne désigne pour les exercer un autre ministre, sous-ministre ou fonctionnaire d'un ministère ou département de la fonction publique du Canada.
(4) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), tout accord conclu avant l'entrée en vigueur de la présente loi en conformité de la Loi sur le Conseil de développement économique de la région atlantique, de la Loi sur le Fonds de développement économique rural ou de la Partie II de la Loi sur le ministère de l'Industrie demeure valide comme si cet accord avait été conclu conformément à la présente loi.
Par la suite, cette Partie IV est devenue la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régio- nale, S.R.C. 1970, c. R-4, qui est entrée en vigueur le 15 juillet 1971. Les articles 23, 24, 25 et 26 de l'ancienne Loi, cités en référence dans les plaidoi- ries, sont devenus respectivement les articles 5, 6, 7 et 8 de la nouvelle Loi. Pour des raisons de com- modité, ils sont reproduits ci-après, tels que libellés au chapitre R-4 des Statuts revisés de 1970, puis- que ce sont ces dispositions qui étaient en vigueur lors de la conclusion de l'accord de modification faisant l'objet du litige:
5. Les fonctions et pouvoirs du Ministre englobent
a) toutes les questions qui sont du ressort du Parlement du Canada, que les lois n'attribuent pas à quelque autre minis- tère, département, direction ou organisme du gouvernement du Canada, et qui concernent l'expansion économique et le relèvement social dans les zones qui exigent des mesures spéciales destinées à accroître les possibilités d'emploi pro- ductif et à faciliter l'accès à ces emplois; et
b) les autres questions relatives à l'expansion économique et au relèvement social qui sont du ressort du Parlement du Canada et que les lois attribuent au Ministre.
6. Le gouverneur en conseil, après consultation avec le gou- vernement de toute province, peut, par décret, désigner une région de cette province à titre de zone spéciale, pour la période spécifiée dans le décret, lorsqu'on a constaté qu'elle exige des mesures spéciales destinées à favoriser l'expansion économique et le relèvement social, par suite de l'insuffisance exceptionnelle des possibilités d'emploi productif pour la population de cette région ou du territoire dont fait partie cette région.
7. (1) Dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions en vertu de l'article 5, le Ministre doit,
a) en collaboration avec d'autres ministères, départements, directions ou organismes du gouvernement du Canada, éla- borer des plans en vue de l'expansion économique et du relèvement social des zones spéciales; et
b) avec l'approbation du gouverneur en conseil, pourvoir à la coordination dans la mise en oeuvre de ces plans par les
ministères, départements, directions et organismes du gou- vernement du Canada et réaliser les parties de ces plans dont la réalisation ne peut être assumée convenablement par ces autres ministères, départements, directions et organismes.
(2) Dans l'élaboration et la réalisation de plans en vertu du paragraphe (1), le Ministre doit prendre les dispositions néces- saires pour assurer une collaboration appropriée avec les pro vinces dans lesquelles sont situées les zones spéciales ainsi que la participation de personnes, de groupes bénévoles et de corps
constitués, dans ces zones spéciales. ,
8. (1) Le Ministre peut, en collaboration avec une province, élaborer un plan d'expansion économique et de relèvement social dans une zone spéciale et, avec l'approbation du gouver- neur en conseil et sous réserve des règlements, conclure avec cette province un accord prévoyant la réalisation conjointe de ce plan.
(2) Nonobstant le paragraphe (1), la négociation détaillée d'un projet d'accord en vertu du présent article ne doit pas être entamée par le Ministre ou en son nom à moins que le plan auquel se rapporte le projet d'accord n'ait d'abord été approuvé par le gouverneur en conseil.
(3) Un accord conclu en conformité du présent article peut être conclu avec une ou plusieurs provinces pour une ou plu- sieurs zones spéciales et
a) doit prévoir l'utilisation, lorsqu'il y a lieu, des services et installations d'autres ministères, départements, directions et organismes du gouvernement du Canada;
b) peut prévoir le paiement à une province de contributions relatives au coût des programmes et projets auxquels se rapporte l'accord et qui doivent être entrepris par le gouver- nement de la province ou par un organisme de celui-ci, ou au coût de certains de ces programmes ou projets; et
c) peut prévoir que le Canada et la province peuvent obtenir la constitution en corporation d'un ou plusieurs organismes
- ou autres corps constitués, sous le contrôle conjoint du Canada et de la province, et ayant pour objet d'entreprendre ou mettre en ouvre tout ou partie des programmes ou projets auxquels se rapporte l'accord.
Après l'abrogation de la Loi sur le Fonds de développement économique rural, deux modifica tions ont été apportées à l'Accord, préalablement à celle présentement en litige. La première modifica tion a été faite en 1971. D'après le décret du conseil C.P. 1971-1105 du 8 juin 1971, autorisant le ministre de l'Expansion économique régionale à conclure un accord de modification, celle-ci fut apportée [TRADUCTION] «en vertu des articles 23 et 102 de la Loi de 1969 sur l'organisation du gouvernement et de l'article 7 de l'Accord sur le Plan d'ensemble d'aménagement rural de l'Île-du- Prince-Édouardn. Cette modification touchait les dispositions financières relatives à certains pro-
grammes. En effet, comme l'indique le relevé des coûts, un montant de $5,082,000 fut affecté au poste 4.3 intitulé «Participation publique», dont $3,810,000 devaient être fournis par le gouverne- ment fédéral et $1,272,000 par la province. Une deuxième modification fut apportée en 1973. D'après le décret du conseil C.P. 1973-16/1179 du
22 mai 1973, autorisant le ministre de l'Expansion économique régionale à conclure un accord de modification, celle-ci fut apportée [TRADUCTION] «en vertu de l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, de l'article 102 de la Loi de 1969 sur l'organisation du gouverne- ment et de l'article 7 de l'Accord sur le plan d'ensemble d'aménagement rural de l'Île-du- Prince-Édouard». Cette modification substituait à l'ancien un nouveau relevé des coûts pour la pre- mière phase du programme. Un montant de $3,957,000 fut affecté au poste 4.3 intitulé «Parti- cipation publique», dont $2,968,000 devaient être versés par le gouvernement fédéral et $989,000 par la province. Une troisième modification, qui fait l'objet du présent litige, a été apportée en 1975. D'après le décret du conseil C.P. 1975-3/2195 du 18 septembre 1975, autorisant le ministre de l'Ex- pansion économique régionale à conclure un accord de modification, celle-ci fut apportée [TRA- DUCTION] «en vertu du crédit 11a de la Loi 5 de 1973 portant affectation de crédits». Ce crédit à l'expansion économique régionale, qui se chiffrait à $1.00, était libellé en ces termes:
11a Pour autoriser le ministre de l'Expansion économique régionale à conclure des accords généraux de développement avec les provinces, sous réserve de l'approbation du gouver- neur en conseil, qui prévoieront des mesures visant à l'expan- sion économique et au redressement social des régions cana- diennes qui comptent sur ces mesures pour mieux pouvoir créer des emplois productifs et rendre ces emplois plus accessibles, et, conformément à ces accords généraux de développement et à toute prescription qui pourra émaner du gouverneur en conseil, à conclure des accords auxiliaires d'application des accords généraux, et pour prévoir les contri butions établies par les accords généraux de développement et les accords d'application; pour autoriser aussi le virement au présent crédit de $14,999,999 du crédit 10 (Expansion économique régionale) de la Loi 4 de 1973 portant affec tation de crédits ... .
La modification 3, qui est entrée en vigueur le
23 octobre 1975, comporte un [TRADUCTION] «Second mémoire de mise en oeuvre» et une [TRA- DUCTION] «Stratégie de développement» pour la deuxième phase du Plan, à commencer le 1 er avril
1975. On n'y trouve aucune mention spécifique d'un programme de participation publique ou d'al- location de fonds à cet effet, comme il y en avait dans le Plan initial et dans le relevé des coûts afférents au «Premier mémoire de mise en œuvre».
Dans sa déclaration, l'appelant allégue que le ministre de l'Expansion économique régionale n'a, au moment de l'élaboration et de la signature de la modification 3 concernant la deuxième phase du Plan d'ensemble d'aménagement rural, pris aucune disposition pour assurer la participation de person- nes, y compris l'appelant, de groupes bénévoles ou de corps constitués à l'élaboration et à la réalisa- tion du Plan, ainsi que le requiert l'article 7(2) de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale. Il poursuit les intimés en leur qualité d'ancien et de présent ministre de l'Expansion économique régionale; le procureur général du Canada fut greffé à l'action à titre de défendeur. L'appelant demande, premièrement, l'annulation de l'accord de modification du 23 octobre 1975 au motif qu'il y aurait eu violation de l'article 7; deuxièmement, une injonction interdisant la mise en oeuvre de cet Accord; troisièmement, un bref de mandamus enjoignant au défendeur Lessard de prendre les mesures nécessaires pour assurer la participation du public à l'élaboration de la deuxième phase du Plan; et, quatrièmement, des dommages-intérêts punitifs. Pour le compte des intimés, le sous-procureur général admet en défense que le Ministre ne s'est pas conformé à l'article 7 de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, mais il allègue par contre que cet article n'est pas applicable à un accord de modification. Le savant juge de première instance a interprété cette position comme un aveu de ce que l'accord de modification ne contient aucune disposition assurant la participation du public à l'élaboration et à la mise en œuvre de la deuxième phase du Plan, mais il a aussi conclu que cela se dégageait du libellé même de l'Accord. Il s'est ainsi prononcé la page 738]: «La seule produc tion du document lui-même suffisait à établir l'ab- sence, dans l'accord contesté, de dispositions spé- ciales visant à assurer la participation des groupes et des individus, et de toute façon, les défendeurs avaient rapidement reconnu qu'aucune telle dispo sition n'y était présente.» Ainsi le litige fut traité comme une simple question de droit: le Ministre était-il obligé, en vertu de la Loi, d'insérer pareilles
dispositions dans un accord de modification? En appel, l'avocat des intimés a fait ressortir que ces derniers avaient simplement admis que le Ministre ne s'était pas conformé à l'article 7(2) de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régio- nale. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis parvenu sur la question de droit, il n'est pas nécessaire d'examiner si l'appelant a suffisamment établi que l'accord de modification ne contient effectivement aucune disposition assurant une par ticipation publique. Je conviens avec le savant juge de première instance que la Loi n'oblige pas le Ministre à insérer de telles dispositions. Cette con clusion, à elle seule, permet de disposer de l'action de l'appelant, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres points litigieux soulevés, à savoir: est-ce qu'un manquement à cette obligation, advenant qu'elle existe, confère à un particulier un droit d'action; est-ce que l'appelant a qualité suffisante pour intenter une telle action; et est-ce que le redressement demandé est pertinent en l'espèce?
Voici en résumé les motifs de mon accord avec le juge de première instance. L'appelant fonde son action sur l'allégation que le Ministre était lié par les dispositions de l'article 7(2) de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale lorsqu'il a conclu l'accord de modification pour la deuxième phase du Plan. En appel, il s'est en outre appuyé sur l'article 5a) de la Loi sur le Fonds de développement économique rural qui dispose qu'un «programme détaillé et complet d'aménage- ment rural» doit prévoir, entre autres, «la partici pation des résidents de la région à la mise en oeuvre du programme»; toutefois, même si l'on interprète ce membre de phrase comme créant une obligation imposée par la Loi, ce dont je doute fort, il n'était plus applicable à l'Accord lorsque fut conclu, en 1975, l'accord de modification. Bien que l'article 5a) définisse le genre d'accord que le ministre des Forêts et du Développement rural était habilité à conclure, on ne peut prétendre que cet alinéa, cinq ou six ans après son abrogation, soit applicable à l'accord de modification présente- ment en cause. L'appelant insiste fortement sur le fait que les dispositions de l'article 23 de la Loi de 1969 sur l'organisation du gouvernement, devenu l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, ainsi que l'article 102(2) de cette première Loi, ont opéré le transfert de l'obli- gation d'assurer une participation publique, qui
incombait au ministre des Forêts et du Développe- ment rural, au ministre de l'Expansion économique régionale. Certes, il y a eu transfert des obliga tions, des pouvoirs et des fonctions qui ont ainsi continué d'exister relativement à cet Accord, mais la question qui se pose, naturellement, est de savoir en quoi consistent ces obligations, ces pouvoirs et ces fonctions. Sous ce rapport, j'estime que le libellé de l'article 102(4) de la Loi de 1969 sur l'organisation du gouvernement, qui n'a d'ailleurs pas été abrogé au moment de la refonte des statuts du Canada en 1970, a une importance capitale. Compte tenu du fait que l'Accord reste en vigueur en vertu de l'article 35 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23 je me suis demandé si le membre de phrase «demeure valide comme si cet accord avait été conclu conformément à la pré- sente loi», ne signifie pas davantage. Après réflexion, je suis d'avis qu'on ne peut inférer de ces mots, tirés d'une disposition qui fait référence à trois lois, que les dispositions de la Partie IV de la Loi de 1969, devenue la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, s'appliquent mutatis mutandis à l'Accord. Si telle avait été la volonté du Parlement, il l'aurait certes exprimée de façon expresse. Je suis donc d'accord avec le savant juge de première instance qui a conclu que la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, n'est pas applicable à l'accord de modi fication de 1975 et que ce dernier tire toute sa valeur juridique de la Loi nr 5 de 1973 portant affectation de crédits. Par ailleurs, même à suppo- ser que la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale soit applicable à l'accord de modification en vertu de l'article 102(4) de la Loi de 1969, et que la région spéciale d'aménagement rural visée à l'article 1 du «Premier mémoire de mise en oeuvre» soit «une région spéciale» au sens de l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Expan- sion économique régionale, je souscrirai encore à la conclusion selon laquelle l'accord de modifica tion ne tombe pas sous le coup de l'article 7 puisqu'il ne traite que des plans élaborés par le Ministre en collaboration avec d'autres ministères, directions ou organismes du gouvernement du Canada, et non des accords conclus entre le Canada et une province, lesquels sont expressé- ment visés par l'article 8 qui, contrairement à l'article 7(2), ne contient aucune disposition assu- rant une participation du public.
Par conséquent, je suis d'avis de rejeter l'appel puisqu'il n'y a aucune erreur dans le jugement qui en fait l'objet.
* * *
LE JUGE URIE: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je suis d'accord.
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