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A-29-79
Klaus D. Nenn (Requérant)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges suppléants Smith et Kerr—Ottawa, le 14 juin 1979.
Examen judiciaire Fonction publique Compétence Demande tendant à l'annulation de la décision de la Commis sion de la Fonction publique selon laquelle «les chances d'avancement» du requérant n'avaient pas été amoindries par suite d'une nomination ou nomination envisagée dont il voulait appeler en vertu de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique Compétence de la Cour pour contrôler, en application de l'art. 28, une décision de la Commission de la Fonction publique qui est en fait un avis sur les chances d'avancement Décision administrative non assujettie au contrôle judiciaire Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 21 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Catherine H. MacLean pour le requérant. W. L. Nisbet, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 (plus précisément une demande fondée sur l'article 28 (1) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10) et visant l'annulation d'une décision rendue par la Commission de la Fonction publique selon laquelle le requérant n'avait pas le «droit d'en appeler de la nomination» prévu à l'article 21b) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32.
Les passages applicables de l'article 21 portent:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'avan- cement, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut ... en appeler de la nomination ...
La demande fondée sur l'article 28 vise en l'espèce à faire annuler par la Cour une décision de la Commission selon laquelle «des chances d'avance- ment» du requérant n'avaient pas été «amoindries» par suite d'une nomination ou nomination envisa gée dont il voulait «appeler» en vertu de l'article 21.
A mon avis, l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale ne donne pas à celle-ci compétence pour entendre une telle demande attendu que la décision attaquée est une «décision ... de nature adminis trative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire» et, à ce titre, n'est pas assujettie au contrôle judiciaire prévu à l'article 28(1) '.
Il y a lieu de noter tout d'abord qu'en applica tion de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que, les pouvoirs administratifs de la plupart des ministères et de certains autres organismes gouver- nementaux sont, en matière de recrutement et d'avancement du personnel, des pouvoirs adminis- tratifs légaux des ministres ou autres dirigeants respectifs: ils sont délégués à la Commission de la Fonction publique. Il semble évident que les déci- sions prises en matière d'emploi et d'avancement dans le cadre de ces pouvoirs délégués à la Com mission de la Fonction publique sont des décisions de nature administrative et à ce titre, ne sont pas légalement soumises de façon expresse ou tacite à
' L'article 28(1) porte:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Elles le seraient certainement si ces pouvoirs ne partici- paient pas des pouvoirs administratifs généraux et, à mon avis, que ces pouvoirs aient été délégués à une commission autonome ne change rien à leur nature.
Cependant, le litige ne porte pas en l'espèce sur une décision relative à l'emploi ou à l'avancement, mais sur un «aviso que la Commission devait former dans les conditions prévues par l'article 21 de la Loi.
L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique prévoit, dans certains cas, une procédure grâce à laquelle les personnes qui s'esti- ment lésées peuvent interjeter appel d'une décision touchant l'emploi ou l'avancement. Cet article pré- voit au moins deux catégories de décisions, à savoir:
a) un avis de la Commission fondé sur l'article 21b) et portant sur la question de savoir si le plaignant est une personne dont les chances d'avancement ont été amoindries, et
b) une décision portant sur la validité du grief formé contre la décision relative à l'emploi ou à l'avancement.
A mon avis, la procédure qui permet à une per- sonne s'estimant lésée par une décision en matière d'emploi ou d'avancement, de formuler son grief est elle-même une procédure administrative com- portant une décision de même nature. A mon avis, il ressortirait de l'application des critères définis- sant les cas la loi prévoit tacitement l'obligation d'observer le processus judiciaire ou quasi judi- ciaire, que cette obligation tacite ne s'applique pas dans le cas de mesures qui, en fait, font partie intégrante du processus d'emploi ou d'avancement des fonctionnaires publics. L'injection d'une obli gation de processus judiciaire ou de quelque chose d'approchant dans les éléments essentiels de l'ad- ministration des ministères et organismes gouver- nementaux risque de paralyser de façon si radicale la bonne marche des services publics, qu'à mon avis, il faut écarter toute idée d'obligation tacite. Il s'agit ici d'un domaine le choix entre l'ingé- rence néfaste dans la prestation de services publics et la protection équitable de ceux qui s'estiment lésés parce qu'ils n'ont pas été choisis pour assurer les mêmes services est si délicat, qu'à mon avis il appartient au Parlement seul de prévoir expressé-
ment les entraves judiciaires ou quasi judiciaires à l'efficacité administrative.
En ce qui concerne les deux catégories susmen- tionnées de décisions visées à l'article 21, la loi prévoit que toute décision sur la validité d'un grief est soumise à un processus quasi judiciaire 2 , mais elle ne prévoit pas cette condition en ce qui con- cerne l'avis de la Commission sur la question de savoir si les chances d'avancement d'une personne ont été amoindries par une nomination. J'en con- clus qu'une décision de cette dernière catégorie est une décision de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire.
Par ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande fondée sur l'article 28, la Cour n'étant pas compétente pour l'entendre.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
2 La possibilité de faire valoir ses droits et l'utilisation du mot «appel» signalent assez bien cette solution.
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