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A-232-79
Donald C. Kelso (Appelant)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Le Dain et le juge suppléant Kerr—Ottawa, les 12 et 28 septembre 1979.
Fonction publique Le poste occupé par l'appelant a été déclaré bilingue L'appelant, un contrôleur aérien unilingue, a accepté la mutation à Cornwall et faisait la navette quoti- diennement entre le lieu de son travail et sa maison près de Montréal La Division de première instance a refusé de rendre un jugement déclarant que l'appelant avait le droit de demeurer ou d'être rétabli dans son poste avec pleins salaire et avantages, et déclarant qu'il avait droit au remboursement de ses frais de déplacement quotidien Appel formé contre la décision de la Division de première instance Loi sur l'em- ploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 20, 31, 39.
Appel formé contre le rejet par la Division de première instance d'une action en détermination de la situation juridique de l'appelant dans la Fonction publique. L'appelant, un contrô- leur aérien unilingue anglophone, occupait un poste déclaré bilingue. Il fut muté de Montréal à Cornwall mais continuait d'habiter une ferme près de Hudson Heights (Québec) et faisait la navette quotidiennement entre cette localité et Corn- wall. L'appelant s'est vu refuser par la Division de première instance des jugements déclarant a) que l'appelant avait le droit de demeurer ou d'être rétabli dans son poste initial avec pleins salaire et avantages, et b) qu'il avait droit au remboursement de tous les frais supplémentaires tenant aux déplacements quotidiens entre Cornwall et Hudson Heights.
Arrêt: l'appel est rejeté. Ni les faits allégués dans la déclara- tion ni ceux mentionnés au dossier ne permettent de prononcer un jugement déclarant que l'appelant a le droit de demeurer ou d'être rétabli dans le poste TACQ-0274. Il est constant que l'appelant a accepté une «mutation» de ce poste à un autre poste à Cornwall. En «acceptant» une «mutation», il a accepté d'être affecté au poste de Cornwall, ce qui annulait nécessairement son affectation au poste TACQ-0274, ces deux postes ne pou- vant être occupés par une seule personne à la fois. Il est également constant que l'appelant a été dûment affecté au poste de Cornwall. S'il y a eu consentement à cette «mutation», la Cour ne saurait juger que l'appelant a le droit d'être «rétabli» dans son ancien poste. Bien que l'appelant ait accepté le poste de Cornwall à son corps défendant, rien ne permet de croire que les fonctionnaires concernés n'ont pas agi en toute bonne foi en croyant que l'appelant était devenu le titulaire unilingue d'un poste bilingue. Quand bien même ils n'auraient pas agi de bonne foi, il ne s'ensuivrait pas que le consentement de l'appe- lant à la mutation était nul. En conséquence, l'appelant n'a pas droit à la première déclaration sollicitée. La seconde déclara- tion dépend de l'issue du premier chef de demande.
APPEL.
AVOCATS:
J. P. Nelligan, c.r. pour l'appelant. W. L. Nisbet, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première instance [[1979] 2 C.F. 726] rejetant une action en déter- mination de la situation juridique de l'appelant dans la Fonction publique.
Bien qu'il ressorte du dossier de la Division de première instance que l'action a été engagée sui- vant la procédure habituelle, rien dans le dossier d'appel n'indique comment le dossier de cette Divi sion a été constitué. En conséquence, la Cour a requis l'avocat de déposer un document pour éluci- der cette question. Voici le texte du document déposé:
[TRADUCTION] Aux fins du présent appel, les parties recon- naissent, par les présentes, que, par suite d'un accord entre elles, le dossier de première instance se composait des pièces 1, 2 et 3 ainsi qu'elles figuraient dans le dossier d'appel, et que le litige a été déterminé exclusivement sur le fondement de ces pièces.
J'adopte le résumé suivant des faits et de la procédure [aux pages 727, 728 et 732], fait par le juge de première instance:
Le demandeur est un contrôleur aérien, unilingue anglophone, qui, en août 1978, a été muté de Montréal (Québec) à Cornwall (Ontario). Avant d'être muté, il occupait, au ministère des Transports, le poste TACQ-0274; il y avait été nommé le 3 juin 1969 la suite d'un concours restreint. Il vit toujours sur une ferme près d'Hudson Heights (Québec) et fait la navette quotidiennement entre cette localité et Cornwall. Il demande, en plus des dépens, un jugement qui déclarerait qu'il a le droit a) de demeurer ou d'être rétabli dans le poste TACQ-0274 avec le plein salaire et tous les avantages de ce poste et b) d'être remboursé de tous les frais supplémentaires qu'il a supportés par suite de ses trajets journaliers entre Hudson Heights et Cornwall.
En décembre 1975, les contrôleurs du Centre de contrôle de la région de Montréal, travaillait le demandeur, ont été avisés que le service de contrôle du trafic aérien, dans la région du Québec, serait, à l'avenir, assuré dans les deux langues officielles. On a alors donné aux contrôleurs l'occasion de demander leur mutation à l'extérieur du Québec, mutation
assortie d'avantages spéciaux, tels des versements d'appoint pour le logement et des indemnités de réinstallation, en plus de ceux généralement offerts par la Fonction publique. En février 1976, M. Kelso a demandé sa mutation à Halifax. En juillet, il a changé d'avis et a demandé à être muté à Cornwall, cette mutation devant prendre effet à compter du transfert, à cet endroit, de l'Institut de formation de Transports Canada.
Le 31 mars 1976, ou vers cette date, le poste TACQ-0274 a été désigné bilingue; le demandeur est donc devenu le titulaire unilingue d'un poste bilingue. Le demandeur a grandi au Québec. Son expérience lui a enseigné, et un mois de formation linguistique a confirmé son opinion, qu'il ne pouvait atteindre le niveau de compétence linguistique en français requis pour ce poste. Il a, par la suite, refusé d'entreprendre la formation linguistique.
En juillet 1976, le demandeur, qui occupait toujours le poste TACQ-0274, se vit attribuer des fonctions parmi lesquelles, toutefois, ne figuraient plus les communications aéronautiques. Il n'est pas nécessaire d'énumérer ces fonctions. En février 1978, il a été informé, d'une part, que son employeur désirait le voir entrer, le 1" mai, à l'Institut de formation à Ottawa et, d'autre part, qu'il serait fait droit à sa demande de mutation au moment du transfert de l'Institut à Cornwall au mois d'août.
En avril, le demandeur a retiré sa demande de mutation à Cornwall et a fait valoir son droit de conserver le poste TACQ- 0274 au Centre de Montréal. On lui a dit qu'il n'était plus qualifié pour ce poste et que, puisqu'il avait refusé d'entrepren- dre la formation linguistique, la seule alternative était a) la mutation à un autre poste ou b) le renvoi pour incapacité en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. [S.R.C. 1970, c. P-32.] Le demandeur a accepté sa mutation à Cornwall sous réserve et a intenté la présente action avant que sa mutation ne prenne effet. Son nouveau poste ne comporte pas un traitement maximum inférieur au traitement prévu pour le poste TACQ-0274.
Il n'y a aucun doute que le demandeur n'a pas librement et volontairement accepté d'être muté à Cornwall. Quoique le langage de la déclaration ne décrive pas, de façon juste, à mon avis, les circonstances pressantes dans lesquelles il se trouvait, il reste que ces dernières étaient réelles.
Après examen des différentes opinions exprimées à l'audience, le juge de première instance a rendu la décision relativement au premier point soulevé la page 734]:
. la décision selon laquelle le demandeur était incapable de remplir les fonctions du poste TACQ-0274 pour le motif qu'il était unilingue n'était pas juridiquement fondée. Il s'ensuit que son renvoi pour incapacité en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, aurait également été illé- gal. Le demandeur aurait eu droit, à mon avis, avant d'accepter sa mutation à un jugement déclaratoire en ce sens. Cela, cependant, est du passé, et la Cour ne rendra pas de jugement déclarant un droit passé, totalement éteint.
Je souscris à la décision du juge de première instance sur ce point, mais je me permettrai de faire les observations suivantes:
1. tout en admettant que la «décision» selon laquelle l'appelant était incapable de remplir les fonctions du poste TACQ-0274 pour le motif qu'il était unilingue n'était pas juridiquement fondée, je vois les choses d'une manière quelque peu différente de celle du juge de première instance;
2. je ne suis pas absolument certain que l'appe- lant aurait eu droit, avant d'accepter la muta tion en question, à un jugement déclaratoire énonçant que son renvoi pour incapacité en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique était illégal; et
3. je doute fort qu'on puisse ériger en principe absolu que «la Cour ne rendra pas de jugement déclarant un droit passé, totalement éteint»; en tout cas je n'y vois pas le motif du rejet de la première déclaration requise en l'espèce.
Je développerai chacun de ces points.
Selon moi, le juge de première instance a conclu que le fait pour l'appelant d'être unilingue ne le rendait pas nécessairement incapable de remplir les fonctions du poste, en se fondant sans le dire sur l'avis que la décision de désigner bilingue le poste TACQ-0274 ne s'appliquait pas à l'appelant, du fait que ce dernier, en application de l'article 39 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique', était excepté des dispositions de l'article 20 de cette Loi, lequel est ainsi conçu:
20. Les employés nommés et affectés à un ministère, dépar- tement ou autre élément de la Fonction publique, ou à une partie de l'un de ceux-ci, doivent posséder les qualités requises, en ce qui concerne la connaissance et l'usage de l'anglais ou du
' Cet article est ainsi rédigé:
39. Si la Commission décide qu'il n'est ni praticable ni dans les meilleurs intérêts de la Fonction publique d'appli- quer la présente loi ou une de ses dispositions à un poste, à une personne ou à une classe de postes ou de personnes, elle peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, soustraire ce poste, cette personne ou cette classe de postes ou de personnes, en totalité ou en partie, à l'application de la présente loi. La Commission peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, appliquer de nouveau une disposition quelconque de la présente loi à tout poste ou toute personne ainsi soustraite.
français ou des deux langues, dans la mesure que la Commis sion estime nécessaire pour que ce ministère, département ou élément, ou cette partie de l'un de ceux-ci, puisse exercer convenablement ses fonctions et fournir au public un service efficace.
A mon avis, l'article 20 est relatif aux connaissan- ces linguistiques requises des employés pour qu'ils soient «nommés et affectés à ... la Fonction publi- que». Cet article ne permet pas l'application d'exi- gences linguistiques à l'employé déjà nommé à un poste qui ne comportait pas de telles exigences.' Si j'ai bien compris la procédure de recrutement dans la Fonction publique, le sous-chef du ministère concerné détermine les qualifications requises et la Commission de la Fonction publique exerce le pouvoir de faire la nomination.' Après qu'une personne possédant les qualifications requises a été nommée à un poste, je ne vois rien qui permette de lui enlever ce poste, sauf les dispositions expresses d'une loi. 4 Je ne vois pas non plus en vertu de quoi on pourrait modifier les qualifications requises d'une personne nommée à un poste tant qu'elle conserve celui-ci. En réalité, toute modification semblable rendrait ce poste autre que celui auquel elle a été nommée. Plus spécialement, je n'inter- prète pas les articles 6 et 7 de la Loi sur l'adminis- tration financière, S.R.C. 1970, c. F-10, comme conférant le pouvoir de modifier les exigences rela tives au titulaire d'un poste dans la Fonction publi- que. A mon avis, ces dispositions autorisent la surveillance et la coordination générales de la Fonction publique, et non des actions susceptibles de changer la situation d'une personne déjà membre de la Fonction publique. 5 Je n'admets pas la, thèse de l'avocat de l'intimée, selon laquelle ces dispositions autoriseraient des modifications à un poste pouvant affecter son titulaire, ou le transfert d'une personne d'un poste à un autre par décision
2 Voir Bauer c. Le comité d'appel de la Commission de la Fonction publique [1973] C.F. 626.
3 Voir Brown c. La Commission de la Fonction publique [1975] C.F. 345, aux pages 350 357.
4 Voir Wright c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1973] C.F. 765, aux pages 775 à 778.
5 Ainsi, suivant mon interprétation de l'article 7(1)c), celui-ci autorise le Conseil du Trésor à «prévoir» (i.e. à établir des lignes directrices concernant) la classification (i.e. l'évaluation) des «postes» créés par les ministères et organismes (et, par voie de conséquence, des titulaires de ces postes), à des fins telles que l'exercice du pouvoir que lui confère l'article 7(1)d) de «déter- miner et réglementer les traitements».
unilatérale.
Je pense devoir m'expliquer sur cette dernière question. Ainsi que l'ont fait ressortir des décisions antérieures, depuis la législation de 1966-1967, le pouvoir de déterminer les personnes nécessaires à un ministère donné (i.e. le pouvoir d'établir des postes ayant des exigences précises) ne provient plus (par le biais d'une loi) des pouvoirs généraux de gestion conférés à un ministre par la loi organi- sant son ministère. En conséquence, le ministère (exerçant les pouvoirs du ministre) crée d'abord un poste, puis le sous-chef requiert une nomination à ce poste (voir l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique). Compte tenu du fait que, aux termes de la loi, le pouvoir de déterminer les qualifications requises pour un poste est distinct de celui d'y affecter quelqu'un, il me semble clair qu'à moins que la loi ne l'autorise expressément, l'on ne peut, ultérieurement à cette affectation, modifier la nature de ce poste en ce qui concerne la personne qui l'occupe déjà. Bien entendu, il ne s'ensuit pas que cette personne ait un emploi per manent dans la Fonction publique ou que l'effectif de celle-ci soit «bloqué». Le pouvoir fédéral de gestion ne comporte pas seulement celui de déter- miner combien de personnes sont nécessaires au ministère pour remplir la mission qui lui est attri- buée par la loi ainsi que les qualifications requises de ces personnes. Il emporte également, en cas de changement dans la situation ou dans la politique, celui de décider qu'une catégorie d'employés ayant des qualifications données est devenue inutile, et qu'il faut la remplacer par des employés ayant telles autres qualifications si l'on veut que le minis- tère puisse accomplir sa mission. En d'autres termes, le pouvoir général de gestion ne comprend pas seulement celui de créer des postes (et de définir les qualifications requises pour les occu- per), mais aussi celui d'abolir certains postes et d'en créer d'autres exigeant des qualifications dif- férentes. 6 En outre, en cas d'abolition d'un poste existant et de création d'un nouveau poste, le
6 Je n'exprime aucun avis sur la question de savoir si le pouvoir exprès de «mettre en disponibilité» un employé «par suite de la suppression d'une fonction» constitue une restriction du pouvoir d'abolir des postes. Je dirais cependant qu'il est peu probable qu'un poste soit éternel (voir article 29, Loi sur l'emploi dans la Fonction publique).
titulaire du poste aboli cesse d'être un employé,' et il incombe à la Commission de la Fonction publi- que de pourvoir au nouveau poste. 8 (Antérieure- ment à la loi de 1966-1967, il y avait dans la législation des pensions des dispositions relatives aux employés dont les postes avaient été abolis. 9 Je suppose que la législation actuelle leur accorde une protection équivalente.)
En ce qui concerne l'opinion exprimée par le juge de première instance, à savoir qu'avant d'ac- cepter la mutation, l'appelant aurait eu droit à une déclaration judiciaire qu'il ne pouvait être renvoyé pour incapacité en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique 10 , je ne crois pas nécessaire d'en tenir compte aux fins du présent appel. J'ai d'ailleurs des doutes sur son bien-fondé, car je me demande:
7 Voir Reilly c. Le Roi [1934] A.C. 176. Je comprends qu'en ce cas le poste avait été aboli par la loi, mais je ne vois aucune différence fondamentale entre l'abolition d'un poste par une loi et l'abolition en vertu d'un pouvoir de gestion accordé par une loi.
8 En général, lorsque les changements apportés aux qualifica tions d'un poste sont mineurs, celui qui occupe ce poste consent à être nommé au nouveau poste. Cela est considéré comme (et appelé) une modification du poste initial ou une mutation.
9 Voir l'article 7(1)a)(iii) et (iv) de la Loi sur la pension du service civil, S.R.C. 1952, c. 50, et l'alinéa 11(1)c) de la Loi sur la pension du service public, S.C. 1952-53, c. 47.
10 Cet article est ainsi rédigé:
31. (1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'em-
ployé soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
(2) Le sous-chef doit donner à un employé un avis écrit de toute recommandation visant la nomination de l'employé à un poste avec un traitement maximum inférieur ou son renvoi.
(3) Dans tel délai subséquent à la réception de l'avis mentionné au paragraphe (2) que prescrit la Commission, l'employé peut en appeler de la recommandation du sous- chef à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se
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a) s'il convient d'accorder ce redressement dis- crétionnaire dans un cas le Parlement a déjà expressément prévu d'autres redressements; " et
b) si, ce jugement déclaratoire ne constituerait pas une intervention dans la gestion des affaires gouvernementales prescrite par la loi, qui ren- drait inopportune l'intervention des tribunaux antérieurement à toute mesure prise en vertu de l'article 31 plutôt que par un contrôle de la décision rendue sur l'appel prévu par l'article 31.
J'en arrive maintenant au motif par lequel le premier juge a rejeté la première demande de déclaration, à savoir que «la Cour ne rendra pas de jugement déclarant un droit passé, totalement éteint.»
Dans l'état actuel du droit relatif aux actions en «déclaration», j'estime qu'il est inexact de dire qu'il ne peut y avoir de circonstances il convient de rendre un jugement «déclarant un droit passé, totalement éteint.»' 2
A mon avis, l'appelant n'a pas réussi à établir qu'il avait droit à un jugement déclaratoire. Ni les faits allégués dans la déclaration ni ceux mention- nés au dossier ne permettaient de prononcer un jugement déclarant que le demandeur (appelant) avait:
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faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée
de la décision du comité par suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
(4) S'il n'est interjeté aucun appel d'une recommandation du sous-chef, la Commission peut prendre, relativement à cette recommandation, la mesure qu'elle estime opportune.
(5) La Commission peut renvoyer un employé en confor- mité d'une recommandation formulée aux termes du présent article; l'employé cesse dès lors d'être un employé.
1 Voir Thorson c. Le procureur général du Canada [1975] 1 R.C.S. 138, cette décision n'étant pas, à première vue, pertinente.
12 Je pense à un jugement déclaratoire du genre Dyson et non au jugement déclaratoire prononcé par la Cour dans une action principale en redressement contre la Couronne. (Règle 605.) Voir Le Roi c. Bradley [1941] R.C.S. 270, aux pages 274 et suiv.
[TRADUCTION] le droit de demeurer ou d'être rétabli dans le poste TACQ-0274 .... 13
Il est clair que l'on a, dans cette affaire, tenu pour acquis que l'appelant avait accepté une «mutation» de ce poste à un autre poste à Cornwall. A mon avis, l'expression «avait accepté une mutation» signifie, en l'espèce, que l'appelant avait accepté d'être affecté à Cornwall, ce qui annulait nécessai- rement son affectation au poste TACQ-0274, dans la mesure ces deux postes sont tels qu'ils ne peuvent manifestement pas être occupés en même temps par la même personne. Il est clair que l'on a également tenu pour acquis, même si le dossier ne contient aucun des documents pertinents, que l'ap- pelant a été dûment affecté au poste de Cornwall. Si cette «mutation» est intervenue avec le consente- ment de l'intéressé, la Cour ne peut déclarer que l'appelant a le droit de «demeurer» à un poste qu'en réalité il n'occupe plus. Suivant le même raisonnement, elle ne peut déclarer qu'il a le droit d'être «rétabli» dans ce poste.
Il a cependant été allégué devant la Cour que cette «mutation» est nulle parce que l'appelant aurait été «contraint» de l'accepter et n'y aurait consenti que pour conserver son emploi dans la Fonction publique. Il a été allégué dans la déclara- tion, il est vrai, (paragraphe 23) que l'appelant aurait été [TRADUCTION] «contraint» d'accepter sa mutation, mais la défense (paragraphe 12) a rejeté cette allégation. Il reste toutefois, ainsi que l'a constaté le juge de première instance, que l'appe- lant n'a accepté sa mutation que «sous réserve», qu'il y a consenti non pas «librement et volontaire- ment», mais dans des «circonstances pressantes» qui étaient «réelles». 14 Par contre, rien ne permet de croire que les fonctionnaires concernés n'ont pas agi en toute bonne foi, avec la conviction que, comme l'appelant l'a lui-même allégué dans sa déclaration, [TRADUCTION] «le poste TACQ-0274
. avait été désigné bilingue» et que l'appelant était devenu «le titulaire unilingue d'un poste bilin- gue»; si l'on accepte ceci, je ne vois pas comment
13 Aucune des parties n'a soutenu devant la Cour qu'il avait été établi qu'il y avait lieu de prononcer un jugement déclara- toire en vertu de la demande générale d'octroi de «tout autre redressement».
14 Je sais que le juge de première instance a aussi qualifié la mutation d'«involontaire». Je ne crois cependant pas que cela signifie autre chose que les passages que je cite. Quoi qu'il en soit, l'affaire a été jugée sur pièces, et j'estime qu'on ne peut tirer de celles-ci d'autre conclusion que celle résumée plus haut.
les pressions exercées sur ce dernier pourraient être qualifiées d'illicites. D'ailleurs, même si ces fonctionnaires n'avaient pas agi de bonne foi, je ne suis pas convaincu que le consentement de l'appe- lant à sa mutation serait nul. 15 En conséquence, j'estime que celui-ci n'a pas droit à la première déclaration sollicitée.
Si j'ai bien compris, l'avocat de l'appelant n'a pas soutenu que la deuxième déclaration sollicitée pourrait être accordée même si la première était rejetée.
Par ces motifs, je rejette l'appel avec dépens.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je conviens qu'il faut rejeter l'appel. J'estime en effet que, quel que droit que l'appelant ait pu avoir d'occuper le poste de Mont- réal, ce droit s'est éteint lorsqu'il a accepté le poste de Cornwall. J'estime en outre, compte tenu des plaidoiries et des circonstances de l'espèce, qu'il serait inopportun pour cette Cour de déclarer qu'à un certain moment l'appelant avait le droit d'occu- per le poste de Montréal. Je conviens que le dossier ne permet pas de conclure que le consentement de l'appelant à sa mutation à Cornwall ait été vicié par la contrainte. Je préfère ne pas me prononcer sur la situation d'emploi créée par les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et d'autres lois ou règlements fédéraux, lorsque sont exercés les pouvoirs de modifier les exigences d'un poste, d'abolir un poste ou de muter un employé.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris aux motifs du jugement rendu par le juge en chef et à sa décision de rejeter l'appel.
15 Voir Stoltze c. Fuller [1939] R.C.S. 235.
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