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A-494-79
La Reine du chef du Canada (Demanderesse) (Appelante)
c.
La Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal (Défenderesse) (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, 19 mars 1980.
Compétence Responsabilité délictuelle Droit de su- brogation L'appelante subrogée, en vertu de la Loi sur l'indemnisation des employés de l'État, aux droits d'un employé dans une action en dommages-intérêts Appel contre la décision de la Division de première instance qui s'est déclarée incompétente pour connaître de l'affaire Appel accueilli Loi sur l'indemnisation des employés de l'Etat, S.R.C. 1970, c. G-8, art. 8(3),(4) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 17(4)a).
APPEL. AVOCATS:
Jacques Ouellet, c.r. pour l'appelante
(demanderesse).
René Roy pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante (demanderesse).
Pépin, Létourneau & Associés, Montréal, pour l'intimée (défenderesse).
Voici les motifs du jugement prononcés en fran- çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Cet, appel ne soulève qu'une question: le premier juge a-t-il eu raison de décider que l'action intentée par l'appelante contre l'inti- mée n'était pas de la compétence de la Division de première instance? [Voir précité à la page 149.]
Le 11 avril 1975, un employé de l'appelante travaillant pour le ministère des Postes fut blessé au cours de son emploi lorsqu'il fut heurté par un autobus appartenant à l'intimée. Peu de temps après, cet employé se prévalut des dispositions de la Loi sur l'indemnisation des employés de l'État, S.R.C. 1970, c. G-8, et fut indemnisé conformé- ment à cette Loi. En conséquence de cela, l'appe- lante fut subrogée dans les droits de son employé contre les tiers responsables de l'accident. Les paragraphes 8(3) et (4) de la Loi sur l'indemnisa-
tion des employés de l'État contiennent en effet les dispositions suivantes:
8....
(3) Si l'employé ou les personnes à sa charge choisissent de réclamer une indemnité en vertu de la présente loi, Sa Majesté doit être subrogée aux droits de l'employé ou des personnes à la charge de ce dernier, et elle peut soutenir une action, au nom de l'employé ou des personnes à sa charge, ou au nom de Sa Majesté, contre la personne à l'égard de qui l'action peut être intentée, et toute somme recouvrée doit être versée au Fonds du revenu consolidé.
(4) Lorsqu'une action est intentée selon le paragraphe (3) et que le montant recouvré et perçu excède le montant de l'indem- nité à laquelle l'employé ou les personnes à sa charge ont droit d'après la présente loi, il peut être payé, sur le Fonds du revenu consolidé, à l'employé ou aux personnes à sa charge, telle partie de l'excédent que le Ministre, avec l'approbation du conseil du Trésor, estime nécessaire, mais si, après que ce paiement a été fait, l'employé devient admissible à un montant additionnel d'indemnité quant au même accident, la somme payée sous le régime du présent paragraphe peut être déduite de cette indem- nité additionnelle.'
Le 5 mars 1976, l'appelante, se fondant sur la subrogation dont elle était bénéficiaire, poursuivit l'intimée qu'elle tenait responsable des dommages subis par son employé, pour lui réclamer répara- tion de ces dommages. C'est cette action qu'a rejetée le premier juge au motif qu'il n'avait pas juridiction.
Il est constant que la juridiction de la Division de première instance en l'espèce ne peut venir que de l'article 17(4)a) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, suivant lequel:
17....
(4) La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance
a) dans les procédures d'ordre civil dans lesquelles la Cou- ronne ou le procureur général du Canada demande redresse- ment; ...
Depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire McNamara Construction, 2 il est clair', cependant, que l'article 17(4)a) n'a
' Ces dispositions ont été étudiées par la Cour de l'Échiquier dans La Reine c. P. B. Ready -Mix Concrete & Excavators Ltd. (1956) 5 D.L.R. (2 e ) 268. Le président Thorson souligna dans cette affaire que, en vertu de ces dispositions, la Cou- ronne, quel que soit le montant qu'elle ait payé à sa victime, acquiert tous les droits de cette dernière contre l'auteur du dommage.
2 [1977] 2 R.C.S. 654.
l'effet d'attribuer juridiction à la Cour fédérale qu'à l'égard des actions qui sont fondées sur le droit fédéral. Pour décider si l'action de l'appe- lante est de la compétence de la Division de pre- mière instance, il faut donc déterminer si cette action est fondée sur le droit fédéral. Dans l'affir- mative, la compétence existe; dans la négative, elle n'existe pas.
Il me paraît indéniable que l'action de l'appe- lante est fondée en partie sur le droit provincial qui régit la responsabilité civile de l'intimée, et sur la loi fédérale sur l'indemnisation des employés de l'État qui régit la subrogation dont l'appelante allègue être bénéficiaire. L'appelante, pour réussir, doit invoquer à la fois le droit provincial et le droit fédéral qui, en l'espèce, crée une subrogation spé- ciale différente de la subrogation pouvant exister en vertu du droit provincial.
Or, bien qu'il s'agisse d'une question fort difficile, je ne crois pas nécessaire, pour qu'une action soit fondée sur le droit fédéral conformé- ment à l'exigence de l'arrêt McNamara, que cette action soit fondée exclusivement sur ce droit. Comme le disait mon collègue le juge Le Dain dans l'affaire Bensol Customs Brokers Limited c. Air Canada [19791 2 C.F. 575, à la page 583:
Des demandes se présenteront inévitablement dans lesquelles les droits et obligations des parties seront déterminés en partie par le droit fédéral et en partie par le droit provincial. Il devrait être suffisant, à mon avis, que les droits et obligations des parties soient déterminés jusqu'à un certain point par le droit fédéral. Il ne devrait pas être nécessaire que la cause d'action tire son origine du droit fédéral du moment que celui-ci lui est applicable.
Dans l'espèce, la loi fédérale me semble avoir un rôle important à jouer dans la détermination des droits des parties puisque, sans elle, l'appelante ne pourrait faire valoir aucun droit contre l'intimée. Je ne puis être d'accord avec l'avocat de l'intimée qui a prétendu, si j'ai bien compris, que la loi fédérale ne joue, en l'espèce, qu'un rôle secondaire étant donné qu'elle ne fait autre chose qu'autoriser la Couronne à exercer un recours existant déjà en vertu du droit provincial. Il est vrai que le rôle de la loi fédérale peut paraître secondaire à l'intimée à qui la personnalité de son créancier importe peu, mais le rôle de cette loi est éminemment important à la Couronne puisque, sans cette loi, elle serait sans droit.
Pour ces raisons, je suis d'opinion que l'action de l'appelante est suffisamment fondée sur le droit fédéral pour que l'on doive conclure à la compé- tence de la Division de première instance.
Je ferais donc droit à l'appel avec dépens, je casserais la décision de la Division de première instance et je lui renverrais l'affaire pour qu'elle juge le fond du litige.
* * *
LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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