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A-477-79
Nelson Fernando Riquelme Pincheira (Requérant) c.
Le procureur général du Canada, le ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Patricia Ellis (Intimés)
Cour d'appel, le juge Pratte et les juges suppléants Hyde et Lalande—Montréal, 5 et 8 février 1980.
Examen judiciaire Immigration Demande d'examen et d'annulation de la décision de l'arbitre qui s'est conformé à la Loi pour laisser le requérant entrer au pays L'arbitre avait ajourné l'enquête après avoir conclu que le requérant aurait fait l'objet d'une ordonnance de renvoi, n'eût été sa revendica- tion du statut de réfugié qui fut ensuite soumise au Ministre Le Ministre reconnut le statut de réfugié au requérant et lui délivra un permis l'autorisant à entrer au Canada A la reprise de l'enquête, l'arbitre mit fin à l'enquête et laissa le requérant entrer au pays Il échet d'examiner si, lors de la reprise de l'enquête, l'arbitre aurait déterminer si le re- quérant était un réfugié et, dans l'affirmative, l'autoriser à demeurer au pays Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 4(2), 14(1), 32(1), 37(1), 45(1), 47.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
R. Picard pour le requérant. D. Marecki pour les intimés.
PROCUREURS:
Barron, Picard & Geoffrion, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran- çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: On conçoit difficilement qu'une personne désireuse de venir au pays con- teste la validité de la décision qui l'y autorise. C'est pourtant ce que fait le requérant en atta- quant de la façon prévue à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, la décision qu'a prise un arbitre agissant en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, de le laisser entrer au Canada.
Le requérant vient du Chili; il veut s'établir chez nous. Au cours de l'enquête tenue pour déterminer
son admissibilité, il revendiqua le statut de réfugié au sens de la Convention. L'arbitre présidant à l'enquête se conforma alors à l'article 45(1) et ajourna après avoir conclu que, n'eut été la reven- dication du statut de réfugié, l'enquête aurait abouti à une ordonnance de renvoi puisque le requérant ne possédait pas de visa d'immigrant et ne pouvait, à cause de cela, obtenir le droit d'éta- blissement au pays. La revendication du requérant fut ensuite soumise au Ministre qui la trouva fondée. Le Ministre reconnut donc le statut de réfugié au requérant et, de plus, exerçant le pou- voir que lui confère l'article 37(1), il lui délivra un permis l'autorisant à entrer au Canada. A la reprise de l'enquête, l'arbitre, prévenu de la déci- sion du Ministre et de l'émission du permis, consi- déra qu'il se trouvait dans la situation prévue à l'article 32(1): il mit donc fin à l'enquête et laissa le requérant entrer au pays.'
Le requérant prétend que, lors de la reprise de l'enquête, l'arbitre aurait dû, plutôt que de le laisser entrer au Canada, se conformer aux pres criptions de l'article 47, c'est-à-dire, déterminer s'il était un réfugié décrit à l'article 4(2) de la Loi et, dans l'affirmative, l'autoriser à demeurer au pays. En ne procédant pas de cette façon, dit le requé- rant, on l'a privé des droits que la Convention Internationale aussi bien que la Loi sur l'immigra- tion, 1976 reconnaissent aux réfugiés.
Cette prétention ne me paraît pas fondée.
En premier lieu, même si l'on suppose pour les fins de la discussion que le requérant ait été un réfugié décrit à l'article 4(2), la décision de l'arbi- tre ne l'aurait privé d'aucun droit. Le seul droit que possède le réfugié décrit à l'article 4(2), c'est celui de ne pas être forcé à quitter le pays. Or, la
' L'article 32(1) se lit comme suit:
32. (1) L'arbitre, après avoir conclu que la personne fai- sant l'objet d'une enquête est visée au paragraphe 14(1) ou a le droit de demeurer au Canada, doit la laisser entrer ou demeurer au Canada.
Quant à l'article 14(1), il se lit en partie comme suit:
14. (1) L'agent d'immigration doit autoriser à entrer au Canada une personne qu'il a examinée lorsqu'il constate qu'elle
b) est en possession d'un permis en cours de validité; ...
décision de l'arbitre, loin de forcer le requérant à quitter le Canada, lui a permis d'y entrer.
Mais, il y a plus. Non seulement la décision attaquée ne porte-t-elle pas préjudice au requé- rant, mais elle était la seule qui, dans les circon- stances, pouvait être légalement prononcée. Lors- qu'une enquête qui a été ajournée conformément à l'article 45(1) est reprise après que le statut de réfugié a été reconnu à la personne en cause, l'enquête qui se poursuit est la même que celle que l'on avait commencée avant l'ajournement: c'est toujours une enquête tenue dans le but de détermi- ner si la personne concernée peut venir ou demeu- rer au Canada ou si elle ne doit pas plutôt être forcée à quitter le pays. L'arbitre a donc eu raison de considérer que l'article 32(1) s'appliquait à ce second stade de l'enquête aussi bien qu'au premier et que, en conséquence, le requérant devait être autorisé à entrer au pays. J'ajoute que j'arriverais au même résultat si cet article 32(1) n'existait pas. La conclusion à laquelle en arrive un arbitre au terme du premier stade d'une enquête ajournée conformément à l'article 45(1) n'est pas immua- ble; l'arbitre a le droit de la réviser à tout moment au cours de l'enquête et il a même le devoir de le faire s'il constate qu'elle est mal fondée. En consé- quence, si pendant la seconde partie de l'enquête l'arbitre constate que, contrairement à ce qu'il avait d'abord cru, la personne concernée a le droit de venir ou demeurer au Canada, il doit arrêter l'enquête et prononcer la décision qui s'impose. Il ne servirait à rien de poursuivre le second stade de l'enquête prévu à l'article 47: pourquoi perdre son temps à déterminer si un réfugié peut être forcé à quitter le pays si, par ailleurs, le droit de ce réfugié d'entrer et de demeurer chez nous est incontesté?
Pour ces motifs, je rejetterais la requête.
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LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
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