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T-1401-78
Tahsis Company Ltd. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, 17 mai et 23 août 1979.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Gain en capital et perte de capital Devises étrangères Somme empruntée en 1965 en dollars U.S. à rembourser par termes semestriels en dollars U.S. jusqu'en décembre 1975 Les fluctuations du taux de change se sont traduites par des gains en capital et des pertes de capital selon les années Il échet d'examiner s'il y a lieu d'ignorer, conformément à l'art. 39(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, les fluctuations du cours du change entre 1965 et 1971, ou s'il faut tenir compte de toute différence dans le cours du change entre 1965 et 1971 d'une part, et les dates de remboursement d'autre part, pour déterminer s'il y a eu perte réelle Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 39(2).
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
I. Pitfield pour la demanderesse. P. Barnard pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe & Davidson, Vancouver, pour la demanderesse. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: La demanderesse interjette appel de ses cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1972, 1973, 1974 et 1975. Le présent appel se rapporte à l'année d'imposition 1972. Les quatre appels ont été instruits le même jour. A l'audience, les trois autres actions ont été ajournées sine die. Il appert que la décision de la Cour quant à l'appel relatif à l'année d'imposition 1972 va également résoudre les questions actuelle- ment pendantes dans les trois autres appels.
En l'espèce, le vrai litige porte sur la question de savoir si le contribuable a subi une perte de capital en matière de change en 1973 et en 1975. Le contribuable répond par l'affirmative. Le ministère du Revenu national soutient le contraire. Les deux
parties ont admis que le contribuable avait réalisé en 1972 un gain en capital imposable. Si le contri- buable a subi une perte en 1973, les dispositions de «report» doivent alors s'appliquer.
Une situation semblable existe en ce qui con- cerne les années 1974 et 1975. Les deux parties ont admis que le contribuable avait de nouveau réalisé en 1974 un gain en capital. Le litige porte sur la question de savoir si le contribuable a subi, en 1975, une perte en capital. Les dispositions de «report» sont de nouveau en jeu.
La solution à la principale question en litige réside dans l'interprétation du paragraphe 39(2) de la «nouvelle» Loi de l'impôt sur le revenu':
39....
(2) Nonobstant le paragraphe (1), lorsque, par suite de toute fluctuation, postérieure à 1971, de la valeur de la monnaie ou des monnaies d'un pays ou de plusieurs pays autres que le Canada, par rapport à la monnaie canadienne, un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte dans une année d'imposition, les règles suivantes s'appliquent:
a) la fraction, si fraction il y a,
(i) du total de tous ces gains réalisés par le contribuable dans l'année (jusqu'à concurrence de leurs montants qui, si l'article 3 était interprété de la manière indiquée dans l'alinéa (1)a) du présent article, ne seraient pas inclus dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour toute autre année d'imposition)
qui est en sus
(ii) du total de toutes les pertes subies par le contribuable dans l'année (jusqu'à concurrence de leurs montants qui, si l'article 3 était interprété de la manière indiquée dans l'alinéa (1)a) du présent article, ne seraient pas déducti- bles lors du calcul de son revenu pour l'année ou pour toute autre année d'imposition), et,
(iii) si le contribuable est un particulier, $200,
est réputée être un gain en capital du contribuable pour l'année, tiré de la disposition de la monnaie d'un pays autre que le Canada, gain en capital qui est le montant déterminé en vertu du présent alinéa; et
b) la fraction, si fraction il y a,
(i) du total déterminé en vertu du sous-alinéa a)(ii), qui est en sus
(ii) du total déterminé en vertu du sous-alinéa a)(i), et,
(iii) si le contribuable est un particulier, $200,
est réputée être une perte en capital du contribuable pour l'année, résultant de la disposition de la monnaie d'un pays autre que le Canada, perte en capital qui est le montant déterminé en vertu du présent alinéa.
Un exposé conjoint des faits a été versé au dossier.
' S.R.C. 1952, c. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63.
Le 22 janvier 1965, la demanderesse a fait un emprunt de 21,400,000 $É.-U. L'une des condi tions de remboursement prévoyait le versement semestriel d'une somme de 1,400,000 $É.-U., à partir de 1970 jusqu'au 15 décembre 1975. Par conséquent, la demanderesse devait rembourser annuellement, de 1970 à 1975, la somme de 2,800,000 $É.-U.
Au moment de l'emprunt, la valeur du dollar canadien se situait au-dessous du pair. Une somme de $2,800,000 en monnaie américaine valait $3,022,189 en monnaie canadienne.
Au 31 décembre 1971, les dollars américain et canadien étaient au pair, de sorte que $2,800,000 en dollars américains valaient $2,800,000 en dol lars canadiens et vice versa.
Mais au cours des années en cause, les taux de change ont connu des fluctuations. Par conséquent, au cours de ces années, pour effectuer son verse- ment annuel de 2,800,000 $É.-U., la demanderesse a déboursé les montants suivants en dollars canadiens:
1972 $2,763,687.50
1973 $2,801,120.00
1974 $2,735,180.00
1975 $2,854,320.00
Comme on peut le voir, par rapport au cours du change en vigueur au 31 décembre 1971, le dollar canadien valait plus que le dollar américain en 1972 et en 1974. Les parties admettent que les gains en capital pour ces années se chiffraient à $36,312.50 et $64,820 respectivement. La deman- deresse a inclus dans son revenu pour ces années la moitié de chaque montant.
Quant aux années 1973 et 1975, le dollar cana- dien valait moins que le dollar américain selon le cours du change en vigueur au 31 décembre 1971, mais il valait cependant beaucoup plus, par rap port au dollar américain en 1965, qu'au moment de l'emprunt. Ces faits ont donné lieu au litige et à la différence dans les méthodes de calcul utilisées respectivement par les parties en cause.
La demanderesse prétend que toute différence ou fluctuation dans le cours du change survenues entre 1965 et 1971 ne doivent pas, aux termes du paragraphe 39(2), être prises en considération. Le ministère du Revenu, dans son interprétation dudit paragraphe, soutient qu'on doit tenir compte de
toute différence dans le cours du change, survenue entre 1965 et 1971, et des dates de remboursement pour déterminer s'il y a une perte réelle.
La demanderesse expose le problème en ces termes:
[TRADUCTION] La seule question à résoudre est de savoir si les pertes en capital résultant de la fluctuation des valeurs respecti- ves des monnaies canadienne et américaine, telles que calculées aux termes du paragraphe 39(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, doivent être déterminées uniquement selon le cours du change en vigueur au 31 décembre 1971 et l'opération ulté- rieure ou la date de remboursement, comme le prétend la demanderesse, ou si les valeurs relatives des monnaies en 1965, c'est-à-dire à l'époque le prêt a été consenti aux emprunteurs catégorie «A», doivent également être prises en considération dans le calcul desdites pertes.
La demanderesse a calculé une perte en capital pour l'année 1973 comme suit (alinéa 10 de l'ex- posé conjoint des faits):
[TRADUCTION] b) 1973
Fonds canadiens nécessaires, en 1973, au remboursement
de 2,800,000 $É.-U. $2,801,120.00
Fonds canadiens nécessaires,
au 31 décembre 1971, au
remboursement de 2,800,000 $É.-U. $2,800,000.00
Perte: $ 1,120.00
D'autre part, la défenderesse a fait le calcul suivant (alinéa 11 de l'exposé conjoint des faits):
[TRADUCTION] i) 1973
Allégement de la dette $3,022,189.00
Fonds canadiens nécessaires
au remboursement au 31
décembre 1971 $2,800,000.00 «Gain» non réalisé au
31 décembre 1971 $222,189.00
Allégement de la dette $3,022,189.00 Fonds canadiens nécessaires
au remboursement en 1973 $2,801,120.00 Gain réalisé au
15 décembre 1973 $221,069.00
Diminution du gain à la
suite des fluctuations
postérieures à 1971 $ 1,120.00
Selon la méthode utilisée par la défenderesse, on calcule d'abord la perte ou le gain entre la date de l'emprunt et le 31 décembre 1971. En l'espèce, il y a eu gain. Il en résulte que, toute perte subie après le 31 décembre 1971 et la date prévue de rembour- sement doit être supérieure au «gain non réalisé» avant qu'il ne puisse y avoir une perte en capital
véritable. Dans le cas contraire, il s'agit simple- ment d'un abattement; il n'y a pas de perte réelle.
La méthode utilisée par la défenderesse est ingé- nieuse. Toutefois à mon avis, elle est nullement étayée par le libellé très clair du paragraphe 39(2).
Une fois de plus, voici les mots du début:
Nonobstant le paragraphe (1), lorsque, par suite de toute fluctuation, postérieure à 1971, de la valeur de la monnaie ... un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte dans une année d'imposition ...: [C'est moi qui souligne]
A mon avis, seules les fluctuations ou différences postérieures à 1971 doivent être prises en considé- ration. Les fluctuations antérieures au 31 décem- bre 1971 entraînant des pertes ou des gains ne doivent pas entrer en ligne de compte. Si le législa- teur avait voulu assujettir à l'impôt les fluctuations antérieures au 31 décembre 1971, il me semble qu'il aurait été simple pour lui de formuler ainsi la disposition. Or, le libellé du paragraphe est clair. Je partage l'avis de l'avocat de la demanderesse qui allègue que la cotisation de la défenderesse est plutôt fondée sur une refonte du paragraphe 39(2) qui se lirait ainsi:
[TRADUCTION] Nonobstant le paragraphe (1), lorsque, après 1971, par suite de toute fluctuation de la valeur de la monnaie ... un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte dans une année d'imposition ....
Ce n'est pas de cette façon que le rédacteur a formulé le paragraphe, ni la façon dont il doit être interprété.
Par conséquent, l'appel est accueilli. La cotisa- tion est renvoyée au ministre du Revenu national. Elle est en outre assortie d'une directive portant que la demanderesse a droit au report de la perte en capital subie en 1973 sur son revenu de 1972.
Il y aurait peut-être lieu maintenant de trancher l'appel portant sur l'année d'imposition 1973, au lieu de prolonger l'ajournement convenu entre les parties. J'attends les observations des avocats des deux parties à ce sujet.
La demanderesse a droit à ses dépens.
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