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T-4940-77
L'Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 170, pour son propre compte et pour le compte des employés dont les rémunérations sont en cause (Appelante) (Requérante)
c.
Le Directeur nommé en vertu de la Loi anti-infla tion (Intimé) (Intimé)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, 7 et 18 juillet 1978.
Brefs de prérogative Mandamus Anti-inflation La Commission de lutte contre l'inflation a soumis au Directeur la convention collective de la requérante, qui formait avec d'autres le régime de rémunération de l'ensemble du secteur en cause, après que la requérante eut désapprouvé les conclusions de la Commission Le Directeur a conclu qu'il n'avait pas compétence pour connaître de l'affaire, que la requérante n'avait pas qualité pour désapprouver la décision de la Com mission, et que celle-ci n'était pas tenue de lui soumettre l'affaire Le Tribunal d'appel en matière d'inflation a jugé que la décision du Directeur n'était pas une ordonnance au sens des art. 20, 21 ou 22 de la Loi anti-inflation II échet d'examiner s'il y a lieu à mandamus enjoignant au Directeur de connaître de l'affaire à lui soumise Loi anti-inflation, S.C. 1974-75-76, c. 75, art. 2, 12(1),(1.2), 17(1), 20, 21, 22, 38 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 18, 28 Indicateurs anti-inflation, DORS/76-1, tels que modifiés.
La Commission de lutte contre l'inflation considérait la convention collective de la requérante comme relevant, avec plusieurs autres, du régime de rémunération de l'ensemble du secteur du bâtiment. La requérante ayant manifesté sa désap- probation pour la conclusion de la Commission, celle-ci a soumis uniquement la convention collective de la requérante au Directeur, lequel a conclu qu'il n'avait pas compétence en l'espèce, que la requérante n'avait pas qualité pour désapprou- ver l'avis de la Commission et que celle-ci n'était pas tenue de lui soumettre l'affaire. Après ajournement sine die, la requête initiale a été introduite de nouveau pour audition, l'appel porté par la requérante devant le Tribunal d'appel en matière d'infla- tion ayant été rejeté par celui-ci qui a conclu que le Directeur n'avait pas rendu une ordonnance au sens des articles 20, 21 ou 22 de la Loi anti-inflation. La requérante ne conclut qu'à un bref de mandamus contre le Directeur.
Arrêt: la requête est accueillie. C'est à la Commission de lutte contre l'inflation, et non pas au Directeur, que la Loi confie la responsabilité d'établir si un requérant, telle la requé- rante en l'espèce, est une partie visée au paragraphe (1.2). Si la conclusion de la Commission est affirmative, elle est tenue de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur. La Loi ne prévoit bulle disposition qui autorise le Directeur à infirmer ou à modifier cette conclusion. Le paragraphe 17(1) fait obligation au Directeur, une fois saisi de l'affaire, de procéder aux enquê-
tes conformément aux pouvoirs d'enquête que lui donne la Loi, afin d'établir s'il y a eu ou s'il y aurait vraisemblablement contravention aux Indicateurs anti-inflation. Le refus du Directeur de s'acquitter de cette obligation ne constituait pas une décision ou ordonnance au sens de l'article 38 de la Loi. Sa lettre ne participe pas d'une compétence que lui attribue la Loi. Il appartient à la Commission, et non pas au Directeur, de déterminer qui a qualité pour manifester sa désapprobation. La section locale 170, l'une des nombreuses sections locales qui ont négocié chacune sa propre convention collective, est un «syndicat» au sens de la définition de l'article 2. Nulle disposi tion de la Loi n'impose ni n'autorise l'interprétation selon laquelle les conditions prévues au paragraphe 12(1.2) n'au- raient été remplies que si la majorité de ces sections locales avaient manifesté leur désapprobation à la Commission de lutte contre l'inflation. La définition du mot «groupe» figurant à l'article 38 des Indicateurs ne saurait modifier la formulation précise de la définition de «syndicat» qui figure à l'article 2 de la Loi elle-même.
REQUÊTE. AVOCATS:
M. Short et P. McMurray pour l'appelante (requérante).
W. Scarth et M. Cuerrier pour l'intimé (intimé).
PROCUREURS:
Short & Co., Vancouver, pour l'appelante (requérante).
Robert Cousineau, Ottawa, pour l'intimé (intimé).
Ce gui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE COLLF:R: La requête initiale a été portée la première fois, le 6 février 1978, devant le juge Gibson. Le 21 février 1978, le juge Gibson a rendu une ordonnance sursoyant sine die à l'audi- tion de la requête, avec motifs écrits.
Ces motifs sont joints aux présents motifs à titre d'annexe A. Je fais miennes les conclusions de fait du juge Gibson.
Il y a lieu de consigner un seul fait nouveau: l'appel formé par la section locale 170 devant le Tribunal d'appel en matière d'inflation a été rejeté le 15 juin 1978. Cette instance a jugé que la lettre en date du 21 octobre 1977 du Directeur n'équiva- lait pas à une ordonnance au sens des articles 20,
21 ou 22 de la Loi anti-inflation.' A la suite du jugement du Tribunal d'appel en matière d'infla- tion, la requête initiale a été introduite de nouveau pour audition.
L'avocat de la requérante m'a informé qu'il limitait le recours à un bref de mandamus contre le Directeur.
A la clôture des plaidoyers, j'ai informé les parties que le recours demandé serait accordé et les motifs ultérieurement donnés. Voici ces motifs.
Selon l'avocat du Directeur, la lettre en date du 21 octobre 1977 était une «décision ou ordon- nancez et qu'à ce titre, elle n'était assujettie ni à l'examen judiciaire de la Division de première instance de la Cour ni à celui de la Cour fédérale d'appel, tel que cet examen est prévu à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. On pourrait simplifier en disant que selon cet avocat, la décision du Directeur aux termes de laquelle la requérante [TRADUCTION] «... n'avait pas qualité de partie pour désapprou- ver l'avis de la Commission de lutte contre l'infla- tion ...» est une «décision ou ordonnance» qui ne peut être contestée devant aucun tribunal.
A mon avis, la lettre en date du 21 octobre 1977 n'est pas une «décision ou ordonnance» au sens de l'article 38 de la Loi. Les décisions ou ordonnances visées à cet article sont celles que le Directeur rend en application des articles 20, 21 ou 22.
A mon avis, nulle disposition de la Loi anti- inflation n'habilite le Directeur, ni
a) à établir si une personne ou un organisme, tel la requérante en l'espèce, est une partie ayant les droits prévus au paragraphe 12(1.2), ni
b) à infirmer une décision de la Commission, aux termes de laquelle une personne ou un organisme, tel la requérante en l'espèce, est une partie ayant les droits prévus au paragraphe 12(1.2).
L'article 12 de la Loi définit les attributions de la Commission de lutte contre l'inflation. Je cite l'alinéa 12(1)d.1) et une partie du paragraphe 12(1.2):
' S.C. 1974-75-76, c. 75, modifié par S.C. 1974-75-76, c. 98.
2 Voir l'article 38 de la Loi, cité dans les motifs prononcés par le juge Gibson à la page 172à l'annexe A ci-inclus.
12. (1) La Commission
d.1) soumet immédiatement l'affaire à l'examen du Direc- teur au cas où, ayant avisé les parties intéressées à la suite des consultations et négociations prévues à l'alinéa c) que le mouvement des prix, profits, rémunérations ou dividendes distinct de celui qui est spécifié dans l'avis ne serait pas conforme, selon la Commission, aux indicateurs ni justifié par ailleurs, une partie visée au paragraphe (1.2) l'informe par écrit qu'elle désapprouve cet avis; et
(1.2) Aux fins de l'alinéa (1)d.1), peuvent manifester à la Commission leur désapprobation d'un avis et ont qualité pour lui demander de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur ...
(ii) le syndicat représentant les émployés dont les rémuné- rations [sont en cause] ou, en l'absence de syndicat, le délégué des employés; ...
A mon avis, c'est à la Commission de lutte contre l'inflation, et non pas au Directeur, que la Loi confie la responsabilité d'établir si un requé- rant, telle la requérante en l'espèce, est une partie visée au paragraphe (1.2). Si la conclusion de la Commission est affirmative, elle est tenue de sou- mettre l'affaire à l'examen du Directeur.
La Commission de lutte contre l'inflation peut conclure à tort qu'une partie est bien celle visée au paragraphe (1.2). Cependant je ne trouve dans la Loi nulle disposition qui autorise le Directeur à infirmer ou à modifier cette conclusion.
Selon l'avocat de l'intimé, il découle du paragra- phe 17(1) de la Loi qu'avant de procéder aux enquêtes nécessaires, le Directeur doit s'assurer au préalable que la soi-disant «partie lésée» est bien celle visée au paragraphe 12(1.2). Je cite le para- graphe 17(1):
17. (1) Dans les cas la Commission soumet une affaire au Directeur, conformément aux alinéas 12(1)d) ou d.1), ou dans les cas le gouverneur en conseil informe celui-ci qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'un fournisseur, un employeur ou une personne, autre qu'un employé, liée par les indicateurs, contreviennent ou ont contrevenu aux indicateurs ou qu'ils le feront vraisemblablement, le Directeur doit user des pouvoirs que lui confère la présente loi pour procéder aux enquêtes qu'il juge nécessaires pour établir les faits imputés aux
personnes visées. [C'est moi qui souligne.]
Les mots invoqués à l'appui de cette thèse sont les suivants:
... le Directeur doit user des pouvoirs que lui confère la présente loi pour procéder aux enquêtes ...
L'avocat de l'intimé fait valoir que cette disposi tion confère au Directeur le pouvoir d'établir s'il a compétence en ce qui concerne le plaignant et si celui-ci a qualité pour manifester sa désapproba- tion. Je ne saurais souscrire à une telle interpréta- tion du paragraphe 17(1).
Ce paragraphe fait tout simplement obligation au Directeur, une fois saisi d'une affaire, de procé- der aux enquêtes conformément aux pouvoirs d'en- quête que lui donne la Loi, afin d'établir s'il y a eu ou s'il y aurait vraisemblablement contravention aux Indicateurs.
En l'espèce, le Directeur, par sa lettre en date du 21 octobre 1977, s'est lancé dans l'entreprise hasardeuse de déterminer la compétence qui coiffe la sienne propre. A mes yeux, la Loi ne l'y autori- se pas. 3
Il appert qu'en l'espèce, le Directeur était tenu de procéder aux enquêtes prévues au paragraphe 17(1). Il s'y est refusé. Ainsi que je l'ai dit, son refus ne constituait pas une décision ou ordon- nance au sens de l'article 38. Par ailleurs, sa lettre ne participe pas d'une «compétence» que lui attri- bue la Loi. Il appartient à la Commission, et non pas au Directeur, de déterminer qui a qualité pour manifester sa désapprobation.
La Cour peut dès lors, une fois saisie d'une requête fondée et en vertu de son pouvoir discré- tionnaire, accorder un bref de mandamus en appli cation de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
' La requérante cite les trois précédents suivants qui jettent quelque lumière sur la question:- Le procureur général du Canada c. Cylien [1973] C.F. 1166. B.C. Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F. 1194. Toronto Newspaper Guild Local 87, American Newspaper Guild (C.I.O.) c. Globe Printing Co. [1953] 2 R.C.S. 18.
Afin de déterminer s'il y a lieu de faire droit à la requête, j'estime qu'il convient d'établir si la requérante répond aux conditions prévues au para- graphe 12(1.2). La requérante est-elle un «. syndicat représentant les employés dont les rému- nérations [sont en cause]. . .»? 4
«Syndicat» est défini à l'article 2 comme suit:
«syndicat» désigne toute association d'employés constituée notamment pour régir les relations entre employés et patrons;
L'avocat du Directeur a admis que la requérante section locale 170 répondait à cette définition. Il a cependant fait valoir qu'un syndicat pouvait être composé de plusieurs sections locales. J'en con- viens mais, à mon avis, la seconde acception n'est pas applicable en l'espèce. Ainsi que le juge Gibson l'a souligné, la section locale 170 est l'une des nombreuses sections locales qui ont négo- cié chacune sa convention collective. Selon le Directeur, les conditions visées au paragraphe 12(1.2) n'auraient été remplies que si la majorité de ces sections locales avaient manifesté leur désapprobation à la Commission de lutte contre l'inflation.
Je ne saurais accepter cette thèse.
Nulle disposition de la Loi n'impose ni n'auto- rise une telle interprétation. L'article 38 des Règlements [DORS/76-1], figure la définition du mot «groupe», a été invoqué. A mon avis, cette définition de «groupe» ne saurait modifier la for mulation précise de la définition de «syndicat» qui figure à l'article 2 de la Loi elle-même.
Je conclus que la section locale 170 est un «syndicat représentant les employés dont les rému- nérations [sont en cause]». Elle avait qualité pour informer la Commission de lutte contre l'inflation qu'elle désapprouvait son avis. Elle l'a fait d'ail- leurs. La Commission a conclu qu'elle avait qualité pour le faire. La Commission a dès lors soumis l'affaire à l'examen du Directeur, conformément à l'article 17.
Celui-ci a refusé d'y donner suite, alors qu'il n'est investi d'aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard. Compte tenu de ces faits, un bref de man- damus sera décerné.
4 Sous-alinéa 12(1.2)b)(ii).
ORDONNANCE
(1) Il est décerné un bref de mandamus enjoignant au Directeur nommé en vertu de la Loi anti-inflation de procéder, en application du paragraphe 17(1) de la même Loi et conformé- ment aux pouvoirs qu'elle lui confère, aux enquêtes nécessaires afin de déterminer si les rémunérations convenues aux termes d'un accord en date du 25 septembre 1977 entre la requérante et la Construction Labour Relations Association of British Columbia, ont contre- venu, contreviennent ou contreviendront vrai- semblablement aux Indicateurs établis en appli cation de la Loi anti-inflation.
(2) La requérante recouvera auprès de l'in- timé ses dépens taxés afférents à cette requête initiale.
ANNEXE A
T-4940-77
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE GIBSON: Il s'agit en l'espèce de tran- cher la question de savoir si le Directeur nommé en vertu de la Loi anti-inflation a rendu une «déci- sion» ou «ordonnance» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale ou de l'article 38 de la Loi anti-inflation. Voici ce que prévoient ces deux articles:
(Loi sur la Cour fédérale)
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu- res devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
(Loi anti-inflation)
38. Les décisions et ordonnances rendues par le Directeur en vertu de la présente loi échappent à toute forme de révision ou de contrôle à moins d'une disposition expresse de la présente loi; toutefois, l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale s'applique aux décisions ou ordonnances que le Tribunal d'ap- pel rend en vertu de la présente Partie.
De la réponse à cette question préjudicielle dépendra la forme que doit prendre le recours de la requérante.
La demanderesse, en l'espèce la section locale 170, était l'un des vingt-huit syndicats de travail- leurs de l'industrie du bâtiment qui négociaient chacun de son côté avec l'agent des employeurs, en l'occurrence l'association dite Construction Labour Relations Association of B.C. (Celle-ci a reçu signification de la requête mais n'a pas comparu à l'audition.)
Les vingt-huit syndicats sont tous passés au même moment devant la Commission de lutte contre l'inflation, chacun avec sa convention propre.
Il avait été question d'un accord aux termes duquel tous les syndicats seraient représentés par une seule unité de négociation. Le projet d'accord, portant constitution d'un agent dénommé «British Columbia & Yukon Building Trades Council Common Front Industry Bargaining Structure», n'a pas été ratifié par tous les syndicats en cause et, en particulier, il n'a pas été ratifié par la section locale 170.
Les parties en présence conviennent des faits ci-après:
1. Chaque syndicat a signé avec la Construction Labour Relations Association of B.C. une con vention collective à part.
2. La Construction Labour Relations Associa tion of B.C. a soumis à la Commission de lutte contre l'inflation des rapports d'observation por- tant sur chacune de ces conventions collectives 1976-1977.
3. L'accord dit B.C. & Yukon Building Trades Council Common Front Industry Bargaining Structure Agreement, qui avait été signé par le représentant de chaque syndicat, n'a jamais été ratifié par les membres de tous les syndicats conformément aux termes mêmes de cet accord.
Par ailleurs, les avocats des parties en présence sont convenus du fait que, par lettre en date du 8 août 1977 (voir la pièce A jointe à l'affidavit établi sous serment le 27 janvier 1978 par William Henry Oliver), la Commission de lutte contre l'in-
nation a soumis à l'examen du Directeur nommé en vertu de la Loi anti-inflation la convention collective de la requérante. Aux yeux de la Com mission, cette dernière formait avec les vingt-sept autres conventions collectives, le régime de rému- nération de l'ensemble de ce secteur tel que le lui avait soumis la Construction Labour Relations Association of B.C., agent des employeurs.
Au moyen de cette lettre en date du 8 août 1977, la Commission de lutte contre l'inflation n'a soumis à l'examen du Directeur qu'une seule des vingt-huit conventions collectives, à savoir celle de la requérante section locale 170. Voici le pas sage qui porte renvoi de l'affaire:
[TRADUCTION] En conséquence, la Commission de lutte contre l'inflation, ayant été informée par le syndicat représentant les employés dont les rémunérations sont en cause qu'il désapprou- vait l'avis de la Commission de lutte contre l'inflation, soumet par les présentes l'affaire à votre examen conformément à l'alinéa 12(1)d.1) de la Loi anti-inflation.
Après avoir communiqué avec la requérante et pris connaissance des observations de la Construc tion Labour Relations Association of B.C., agent des employeurs, le Directeur, par lettre en date du 21 octobre 1977, a déclaré qu'il n'avait pas compé- tence pour donner suite à la demande attendu que la section locale 170 [TRADUCTION] «n'avait pas qualité de partie pour désapprouver l'avis de la Commission de lutte contre l'inflation et pour lui demander de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur en application de l'article 12(1)d.1) de
la Loi anti-inflation». Voici le texte intégral de la lettre en date du 21 octobre 1977 du Directeur:
[TRADUCTION] Ayant étudié les divers aspects du régime de rémunération convenu entre la British Columbia Construction Labour Relations Association et les divers syndicats représen- tant les travailleurs de l'industrie du bâtiment en Colombie-Bri- tannique, nous avons conclu que l'Association unie des compa- gnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 170, n'avait pas qualité de partie pour désapprouver l'avis de la Commission de lutte contre l'inflation et pour lui demander de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur en application de l'article 12(1)d.1) de la Loi anti-inflation.
Il s'ensuit que la demande faite par l'Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 170, en vue de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur, est irrecevable et que le Directeur n'a pas compétence pour y donner suite.
Cette lettre constitue la pièce J jointe à l'affidavit établi sous serinent le 22 décembre 1977 par David L. Blair.
Une exception opposée par l'avocat du Directeur ayant été entendue, la requête a été entendue au fond.
L'avocat du Directeur fait valoir en l'espèce:
1. Qu'à la suite de la désapprobation manifestée par le groupe de syndicats, la Commission de lutte contre l'inflation eût pu soumettre à l'examen du Directeur l'ensemble des vingt-huit conventions collectives et non pas uniquement celle de la sec tion locale 170.
2. Que la section locale 170 n'est pas une personne habilitée à demander le renvoi de l'af- faire puisqu'elle n'est qu'un élément du groupe dont les rémunérations étaient en cause devant la Commission de lutte contre l'inflation.
L'avocat de la section locale 170 conteste les arguments susmentionnés de l'avocat du Directeur et ajoute:
1. Qu'aux termes de l'article 12(1.2) de la Loi anti-inflation, la partie ayant qualité pour deman- der que l'affaire soit soumise à l'examen du Direc- teur est le syndicat représentant les employés dont les rémunérations sont en cause ..., et que la section locale 170 est un tel syndicat par suite de la définition de «syndicat» à l'article 2 de cette Loi comme suit:
«syndicat» désigne toute association d'employés constituée notamment pour régir les relations entre employés et patrons;
2. Que le terme «rémunération» est défini à l'arti- cle 2 de la Loi anti-inflation comme suit:
«rémunération» désigne toute forme de salaire, d'avantage et de gratification, versée ou accordée, directement ou indirecte- ment, par un employeur ou en son nom à un employé ou à son profit;
3. Que les Indicateurs font état de «régime de rémunération» et non pas de «rémunération».
4. Qu'en conséquence, la section locale 170 a qualité pour saisir le Directeur qui peut dès lors appliquer les Indicateurs, lesquels, de par leur nature, s'appliquent au groupe et non pas aux syndicats individuels qui composent le groupe.
A mon avis, voici les voies de recours ouvertes à la requérante qui s'estime lésée par la décision susmentionnée du Directeur:
1. Si le Directeur avait rendu une «décision» ou «ordonnance» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et de l'article 38 de la Loi anti-inflation, il serait loisible à la requérante
a) d'interjeter appel devant le Tribunal d'ap- pel en matière d'inflation (ce qu'elle a déjà fait) conformément à l'article 30 de la Loi anti- inflation.
30. (1) Quiconque
a) fait l'objet d'une ordonnance rendue par le Directeur en vertu des articles 20 ou 21, ou
b) fait l'objet d'une ordonnance visée à l'alinéa a) et est touché par une modification qui y est apportée, sans son consentement, en vertu de l'article 22,
doit interjeter appel devant le Tribunal d'appel dans les soixante jours qui suivent la date de l'ordonnance prise en vertu des articles 20, 21 ou 22, selon le cas.
(2) Le Tribunal d'appel statue sur les appels
a) en les rejetant;
b) en les accueillant et
(i) en annulant l'ordonnance visée,
(ii) en modifiant l'ordonnance visée, ou
(iii) en renvoyant le dossier au Directeur, pour nouvel examen et révision.
(3) Sous réserve du paragraphe (4), le Tribunal d'appel rejette tous les appels l'appelant n'établit pas à sa satisfac tion qu'une décision visée à l'alinéa (2)b) s'impose.
(4) Il incombe au Directeur d'établir les faits qui justifient l'ordonnance dans les cas l'appel porte sur une ordonnance qui impose une amende en vertu des paragraphes 20(6) ou (7).
(5) L'appel qui porte sur une ordonnance rendue en vertu des articles 20 ou 21 n'est pas touché par une modification qui y est apportée en vertu de l'article 22 après que le Tribunal d'appel est saisi de l'appel et celui-ci peut statuer simultané- ment sur la modification et sur l'appel principal, sauf si l'appe- lant a consenti à la modification.
Une fois que le Tribunal d'appel en matière d'inflation aura statué sur cet appel, la requérante pourra en demander le contrôle judiciaire confor- mément à l'article 38 de la Loi anti-inflation;
ou
b) sans préjudice de son droit d'appel prévu à l'article 30 de la Loi anti-inflation, d'intenter d'emblée une action en examen judiciaire con- formément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
2. Si le Directeur n'avait pas rendu une «décision» ou «ordonnance» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et de l'article 38 de la Loi anti-inflation, ainsi que le fait valoir la requérante (posant en fait que tout s'était passé comme si le Directeur ne s'était pas acquitté de ses fonctions), il y aurait lieu à mandamus ainsi que le prévoit l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
Sans qu'une décision soit prise en la matière, il s'agit de savoir si en l'espèce le Directeur n'a fait que s'acquitter de ses fonctions telles qu'il les entend, ce qui le soustrait à tout contrôle judi- ciaire, et notamment si le Directeur n'a nullement défini les limites de sa propre compétence en ce sens qu'il n'a pas cherché à établir lui-même si la compétence à lui conférée par le Parlement rele- vait bien du pouvoir de ce dernier de la conférer, d'où il découle (1) que l'affaire en instance ne peut pas être rapprochée de B.C. Packers Ltd. v. Canada Labour Relations Board [1973] F.C. 1194 et (2) qu'elle ne peut pas être rapprochée non plus de l'affaire Le procureur général du Canada c. Cylien [1973] C.F. 1166, la Cour fédérale d'appel a conclu que l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale ne s'appliquait pas aux ordonnances interlocutoires rendues en cours d'audition ou de procès, attendu qu'une ordonnance de ce genre n'était pas une «décision» ou «ordonnance» au sens de cet article.
Étant donné les faits susmentionnés, attendu que la requérante a déjà interjeté appel devant le Tri bunal d'appel en matière d'inflation, conformé- ment à l'article 30 de la Loi anti-inflation, et attendu qu'elle a du mal à choisir la voie de recours qui convient en l'espèce et à surmonter les «obstacles» juridiques, notamment la disposition de l'article 38 de la Loi anti-inflation qui soustrait les décisions du Directeur au contrôle judiciaire, j'exerce le pouvoir discrétionnaire dont je suis investi pour surseoir à l'audition de la requête jusqu'à ce que la requérante en ait terminé avec son appel devant le Tribunal d'appel en matière
d'inflation et que cet appel ait fait l'objet d'un jugement définitif conformément à la Loi anti- inflation. (Cf. S. A. de Smith Judicial Review of Administrative Action, 3 e édition, page 375.)
Par ces motifs, la cause est suspendue sine die jusqu'à ce que le Tribunal d'appel en matière d'inflation ait définitivement statué sur l'appel de la requérante. Par la suite, si elle l'estime néces- saire et souhaitable, la requérante pourra saisir la Cour de nouveau, auquel cas il est expressément prévu que je ne serai pas saisi de l'affaire.
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