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A-556-79
In re John G. McManus et in re la Commission de contrôle de l'énergie atomique (Requérants)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie, le juge suppléant MacKay—Toronto, 9 et 11 janvier 1980.
Examen judiciaire Demande d'examen et d'annulation de la décision d'un membre de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce qui ordonnait au requérant McMa- nus de répondre à une question Il échet d'examiner si ce membre de la Commission a commis une erreur de droit en ordonnant au requérant de répondre à la question Il échet d'examiner si la Cour a compétence pour examiner la décision Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, art. 17(1),(2) Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique, DORS/74-334, art. 26 Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, c. A-19, annexe Loi sur les secrets officiels, S.R.C. 1970, c. O-3, art. 4(1)a) Règlement sur la sécurité de l'information (uranium), DORS/77-836, art. 3a) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'annulation de la décision d'un membre de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce qui ordonnait au requérant McMa- nus, employé de la Commission de contrôle de l'énergie atomi- que, de répondre, en application de l'article 17(1) et (2) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, à une question à lui posée au cours d'une audition de cette Commission. Le requérant soutient qu'en l'obligeant à répondre à la question, le commissaire a commis une erreur de droit par les motifs suivants: la Commission n'étant ni un ministère ni un orga- nisme du gouvernement du Canada, l'article 26a) du Règle- ment sur le contrôle de l'énergie atomique prévoyant la divul- gation des renseignements n'est pas applicable; le serment de secret qu'il a prêté conformément à la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique l'empêche de répondre à cette question; l'article 4(1)a) de la Loi sur les secrets officiels et l'article 3a) du Règlement sur la sécurité de l'information (uranium) lui interdisent d'y répondre. Il échet d'examiner si la décision du commissaire est susceptible du contrôle judiciaire prévu par l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêt: la requête est rejetée. Vu les conclusions auxquelles la Cour est parvenue sur le fond, il serait superflu de se prononcer sur la question de sa compétence. Une divulgation au commis- saire équivaut à une divulgation au directeur nommé en appli cation de l'article 2 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Cette Loi est appliquée par le ministre de la Con- sommation et des Corporations, dont le Ministère est un Minis- tère du gouvernement du Canada, conformément à la Loi sur l'administration financière. Quiconque communique des rensei- gnements au commissaire le fait à un ministère ou organisme du gouvernement du Canada au sens de l'article 26a) du Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique. Le commis- saire, le directeur et la Commission sur les pratiques restrictives du commerce sont des personnes «ayant droit» d'obtenir com munication de tous les renseignements pertinents, et le requé- rant n'aurait pas violé le serment qu'il a prêté sous le régime de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. L'article 17 de la
Loi relative aux enquêtes sur les coalitions lui fait obligation de répondre à la question et, étant donné qu'il est «autorisé à communiquer» les renseignements en cause, il n'aurait pas violé l'article 4(1)a) de la Loi sur les secrets officiels. Les disposi tions du Règlement sur la sécurité de l'information (uranium) ne s'appliquent pas attendu que le requérant tombe dans la catégorie des gens visés par les exceptions de l'article 3a)(i).
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
T. A. McDougall, c.r. et J. P. Manley pour les requérants.
J. W. Brown, c.r. et C. S. Goldman pour le directeur des enquêtes et recherches du minis- tère de la Consommation et des Corporations.
E. A. Bowie pour le procureur général du
Canada.
M. S. F. Watson pour Rio Algom Limited.
E. Binavince pour Uranium Canada Limited.
PROCUREURS:
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall, Ottawa, pour les requérants.
C.P. 25, Commerce Court West, Toronto, pour le directeur des enquêtes et recherches du ministère de la Consommation et des Corporations.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Fasken & Calvin, Toronto, pour Rio Algom Limited.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour Ura nium Canada Limited.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande faite en vertu de l'article 28 afin d'obtenir l'annulation d'une décision de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, en date du 12 septembre 1979, ordonnant à McManus de répondre à une certaine question à lui posée par l'avocat du direc- teur des enquêtes et recherches au cours d'une audition devant cette Commission.
McManus est directeur de la planification et de l'administration de la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA). Une enquête sur la commercialisation de l'uranium canadien (ci-après appelée l'«enquête sur l'uranium») fut ouverte le 30
septembre 1977 par le ministre de la Consomma- tion et des Corporations, en vertu de l'article 8c) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, modifiée. Sur demande du directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (ci-après appelé le «directeur»), le 27 juin 1979, la Commission sur les pratiques restric- tives du commerce, en application de l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions', ordonna à McManus de comparaître devant un membre de la Commission pour déposer sous ser- ment dans le cadre de l'enquête sur l'uranium. McManus comparut devant Me R. C. McLellan, c.r., membre de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, prêta serment et répon- dit à certaines questions. Mais, sur le conseil de l'avocat, il refusa de répondre à la question suivante:
[TRADUCTION] Avez-vous, le 28 février 1972, assisté à une réunion du groupe consultatif de l'énergie atomique fut examinée la politique à suivre notamment par la Commission de contrôle de l'énergie atomique en ce qui concerne la com mercialisation de l'uranium produit au Canada?
L'avocat du directeur demanda qu'il soit ordonné à McManus de répondre à cette question. Après avoir entendu ledit avocat, le commissaire McLel- Ian sursit à statuer sur la question. Le 12 septem- bre 1979, par des motifs détaillés et soigneusement pesés, il décida que McManus était tenu de répon- dre à la question précitée. C'est cette décision du commissaire McLellan qui fait l'objet de la pré- sente demande.
' L'article 17(1) et (2) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions est ainsi rédigé:
17. (1) Sur demande ex parte du directeur, ou de sa propre initiative, un membre de la Commission peut ordon- ner que toute personne résidant ou présente au Canada soit interrogée sous serment devant lui ou devant toute autre personne nommée à cette fin par l'ordonnance de ce membre, ou produise à ce membre ou à cette autre personne des livres, documents, archives ou autres pièces, et peut rendre les ordonnances qu'il estime propres à assurer la comparution et l'interrogatoire de ce témoin et la production par ce dernier de livres, documents, archives ou autres pièces, et il peut autrement exercer, en vue de l'exécution de ces ordonnances ou de la punition pour défaut de s'y conformer, les pleins pouvoirs exercés par toute cour supérieure au Canada quant à l'exécution des brefs d'assignation ou à la punition en cas de défaut de s'y conformer.
(2) Toute personne assignée sous le régime du paragraphe (1) est habile à agir comme témoin et peut être contrainte à rendre témoignage.
Mais avant d'instruire cette dernière, la Cour a ordonné au greffe d'informer tous les avocats con cernés qu'elle désirait les entendre au préalable sur la question de la compétence de la Cour à exami ner la décision du commissaire McLellan en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10. Par devant la Cour, les avocats ont présenté des plaidoiries détaillées et bien charpentées sur la question de compétence, à la suite de quoi la Cour a sursis à statuer sur la question de compétence et a examiné la demande au fond. Compte tenu des conclusions auxquelles nous en sommes arrivés sur le fond, il serait super- flu de se prononcer sur la compétence. Sans se prononcer sur la difficile question de compétence 2 et en supposant qu'elle est compétente, la Cour conclut au rejet de cette demande faite en vertu de l'article 28.
A l'appui de sa thèse selon laquelle le commis- saire McLellan n'était pas fondé à statuer que McManus devait répondre à la question précitée que lui avait posée l'avocat du directeur, l'avocat des requérants à l'instance invoque les dispositions de quatre textes législatifs ou réglementaires.
Les premières sont celles de l'article 26 du Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique (DORS/74-334) lequel est ainsi conçu:
Divulgation des renseignements par la Commission
26. Aucun renseignement obtenu par la Commission en vertu du présent règlement au sujet d'une entreprise ne doit être divulgué sans le consentement de la personne qui exploite cette entreprise, sauf
a) à un ministère ou organisme du gouvernement du Canada ou d'une province ou à une personne autorisée par écrit par un tel ministère ou organisme à exiger de tels renseignements pour permettre à ce dernier de remplir ses fonctions;
b) à toute fin utile en cas de poursuite pour infraction à la Loi ou au présent règlement; ou
c) pour satisfaire à toute obligation découlant d'un traité international ou d'une entente internationale dont le Canada est signataire et qui vise le contrôle de l'énergie atomique.
2 Au cours des débats sur la compétence, l'avocat des requé- rants, celui du directeur des enquêtes et recherches du minis- tère de la Consommation et des Corporations, celui du procu- reur général du Canada et celui de Rio Algom Limited, ont tous soutenu que la Cour avait compétence. Le seul à prétendre le contraire fut l'avocat d'Uranium Canada Limitée.
Le paragraphe a) est applicable en la matière. A notre avis, l'article 26 du Règlement ne donne pas à McManus le droit de ne pas répondre, parce que les exceptions prévues au paragraphe a) s'appli- quent aux circonstances de l'espèce. Une divulga- tion au commissaire McLellan conformément à l'article 17 de la Loi équivaut à une divulgation au directeur, lequel en procédant à l'enquête concer- née s'acquitte de la mission que lui confie la Loi. Nous souscrivons à l'avis du commissaire McLel- lan suivant lequel sa décision ordonnant à McMa- nus de comparaître devant lui a été prise en exécu- tion de cette mission et les dispositions de l'article 26a) du Règlement précité autorisent McManus à divulguer dans le cadre de l'enquête tous rensei- gnements pertinents. L'avocat des requérants a allégué que le directeur n'étant pas un ministère ou un organisme du gouvernement, l'article 26a) n'est pas applicable. Ce raisonnement est inadmissible. Suivant l'article 2 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, le directeur des enquêtes et recherches est nommé en vertu de cette Loi. Cel- le-ci est appliquée par le ministre de la Consom- mation et des Corporations. Conformément à la Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, c. F-10, et à l'annexe A de cette Loi, le ministère de la Consommation et des Corporations est un Ministère du gouvernement du Canada. Le com- missaire McLellan est un membre de la Commis sion sur les pratiques restrictives du commerce, nommé par le gouverneur en conseil conformément à l'article 16(1) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Nous sommes donc convaincus que lorsque McManus communique des renseigne- ments au commissaire McLellan, il le fait à un ministère ou organisme du gouvernement du Canada au sens de ces expressions dans l'article 26a) du Règlement susmentionné. Ainsi que l'a dit l'avocat, interpréter cet article de façon aussi étroite que celle suggérée par l'avocat des requé- rants serait contraire aux dispositions des articles 17 (précité) et 21 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions'. Or comme il ne s'agit que d'un règlement, il ne saurait être interprété de manière à abroger les dispositions d'une loi d'application
3 L'article 21 de la Loi relative aux enquêtes sur les coali tions est ainsi libellé:
21. La Commission ou l'un quelconque de ses membres possède tous les pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la Partie I de la Loi sur les enquêtes.
générale telle que la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
Les requérants allèguent en second lieu que McManus, en tant qu'agent de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, a signer un «Serment de fidélité et de discrétion» qui l'empêche de répondre à la question qui lui a été posée. Le serment prêté par le requérant McManus est énoncé dans l'annexe à la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, c. A-19, et la partie pertinente en est ainsi rédigée:
En outre, je jure solennellement de ne communiquer ni permettre que soit communiqué aucun renseignement sur les affaires de la Commission à une personne n'y ayant pas droit, et de ne permettre à aucune semblable personne d'inspecter des livres ou documents appartenant à la Commission ou en la possession de cette dernière, et se rapportant aux affaires de la Commission, ou d'avoir accès auxdits livres ou documents.
J'estime, avec le commissaire McLellan, que le directeur dans cette enquête et le membre de la Commission sur les pratiques restrictives du com merce qui a sommé McManus de comparaître devant lui en application de l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, sont des personnes «ayant droit» d'obtenir communication de tous les renseignements pertinents en la posses sion de McManus, et que ce dernier n'aurait en conséquence pas violé son serment en divulguant les renseignements concernés au commissaire McLellan.
En troisième lieu, les requérants soutiennent que l'article 4(1)a) de la Loi sur les secrets officiels, S.R.C. 1970, c. O-3 interdisait à McManus de répondre à la question qu'on lui posait.
La partie pertinente de cet article est ainsi rédigée:
4. (1) Est coupable d'infraction à la présente loi quiconque,
a) communique le chiffre, mot de passe, croquis, plan, modèle, article, note, document ou renseignement à toute personne autre que celle avec laquelle il est autorisé à communiquer ou à qui il est tenu de le communiquer dans l'intérêt de l'État;
Je suis entièrement d'accord avec l'avocat du procureur général du Canada lorsqu'il affirme que l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions faisant obligation à McManus de répon- dre à la question litigieuse, celui-ci est certaine- ment «autorisé à communiquer» les renseignements
concernés au commissaire McLellan, lequel est autorisé par la Loi à le contraindre à déposer. Je ne puis donc retenir cet argument.
La quatrième et dernière allégation de l'avocat des requérants est que McManus ne pouvait répondre à la question objet de la présente affaire à cause de la prohibition énoncée à l'article 3a) du Règlement sur la sécurité de l'information (ura- nium) (DORS/77-836).
L'article 3a) est ainsi conçu:
Prohibition
3. Quiconque a la possession ou la garde d'un document, d'une note, d'une pièce ou imprimé, obtenus directement ou indirectement et reliés à des conversations, discussions ou réu- nions, tenues entre le 1" janvier 1972 et le 31 décembre 1975, y ayant pris part ou non, concernant l'exportation ou la commer cialisation pour utilisation, hors du Canada, de l'uranium ou de ses dérivés ou composés,
a) ne peut les diffuser ni en révéler le contenu même à un gouvernement étranger ou à un de ses organismes ou à un tribunal étranger sauf
(i) si une loi du Canada l'y oblige ou
(ii) si le ministre de l'Énergie, des Mines et des Res- sources y consent ni
Je rejette cette allégation car, à mon avis, les dispositions dérogatoires de l'article 3a)(i) sont applicables aux circonstances de l'espèce. Comme, en vertu de l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, McManus est requis de faire déposer et de produire tous documents perti- nents, il est dans la catégorie des individus visés à cet article, et, en conséquence, le Règlement sur la sécurité de l'information (uranium) ne s'applique pas en l'espèce.
Pour ces motifs, je conclus que c'est à bon droit que le commissaire McLellan a décidé que McMa- nus était tenu de répondre à la question à lui posée par l'avocat du directeur.
Je rejette donc la demande formée en vertu de
l'article 28.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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