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A-558-78
Petrofina Canada Ltd. (Requérante)
c.
Le président de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, le directeur des enquê- tes et recherches, le procureur général du Canada, L. A. Couture, A. R. Norfolk, H. Leduc, C. Gundy, P. G. Comision, J. H. Bocking, K. Saldanha et G. G. Smith (Requérants)
Cour d'appel, les juges Pratte et Ryan, le juge suppléant Lalande—Montréal, 22 et 23 novembre 1979.
Examen judiciaire Demandes tendant à l'examen et à l'annulation de décisions des membres de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce au motif qu'ils n'avaient pas compétence, qu'ils n'avaient pas agi de façon judiciaire ou encore qu'ils avaient donné l'autorisation de rechercher et d'emporter les preuves dans des termes dépassant ce qui est permis par la Loi Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, art. 7, 8, 9, 10 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'examen et à l'annulation de décisions prises par les membres de la Commis sion sur les pratiques restrictives du commerce en application des articles 9(2) et 10(3) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. La requérante soutient que les membres de la Com mission n'avaient pas compétence du fait que deux des ordon- nances en cause sont nulles parce qu'elles se rapportent à une enquête déjà terminée, et que les autres ordonnances se rappor- tent à une enquête illégalement entamée. Elle soutient égale- ment que les membres qui ont donné leur autorisation en vertu des articles 9(2) et 10(3) n'ont pas agi de façon judiciaire en ce qu'ils ont exercé les pouvoirs discrétionnaires qu'ils tenaient de la Loi sans que leurs décisions soient justifiées par des rensei- gnements suffisants. Enfin, elle soutient que les membres de la Commission n'ont pas indiqué dans les autorisations les infrac tions pour lesquelles elles ont été données.
Arrêt: la demande est rejetée. L'allégation que deux des ordonnances se rapportent à une enquête déjà terminée est fondée sur une interprétation injustifiée du dossier et des articles 14 et 15 de la Loi. L'allégation que les autres ordon- nances se rapportent à une enquête illégalement commencée est fondée sur le fait que l'un des signataires de la demande prévue à l'article 7 n'était pas citoyen canadien à l'époque. Il s'agit d'une simple irrégularité qui n'entache pas la décision subsé- quemment prise par le directeur de tenir une enquête. En ce qui concerne l'allégation que les membres de la Commission n'ont pas agi de façon judiciaire dans l'exercice des pouvoirs prévus aux articles 9(2) et 10(3) de la Loi, il n'incombe ni n'appartient à ces membres de statuer sur la légalité de la décision du directeur de tenir une enquête; ils doivent tout simplement
s'assurer qu'une enquête est en cours en vertu de la Loi. Il ne leur incombe ni ne leur appartient de juger du bien-fondé des motifs qui poussent le directeur à exercer les pouvoirs qu'il tient des articles 9 et 10. Puisqu'ils n'avaient pas à statuer sur ces questions, l'on ne peut leur reprocher de ne pas avoir exigé des renseignements à ce sujet. En ce qui concerne enfin le défaut d'indication des infractions, la Loi ne précise ni le contenu ni la forme de l'ordonnance autorisant le directeur à exercer les pouvoirs prévus aux articles 9 et 10 et ne requiert aucune mention d'infraction; le pouvoir du directeur de tenir des enquêtes est très large et il n'appartient aux membres de la Commission ni de statuer sur la validité d'une enquête ni d'imposer des restrictions à une enquête.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
J. Chipman, c.r. et C. Carron pour la requérante.
P. A. Martineau, c.r. pour l'intimé le prési- .: dent de la Commission sur les pratiques res- trictives du commerce.
J. Ouellet, c.r. pour les intimés le directeur des enquêtes et recherches, le procureur géné- ral du Canada, L. A. Couture, A. R. Norfolk, H. Leduc, C. Gundy, P. G. Comision, J. H. Bocking, K. Saldanha et G. G. Smith.
PROCUREURS:
Ogilvy, Renault, Montréal, pour la requé- rante.
Martineau & Associates, Hull, pour l'intimé le président de la Commission sur les prati- ques restrictives du commerce.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés le directeur des enquêtes et recher- ches, le procureur général du Canada, L. A. Couture, A. R. Norfolk, H. Leduc, C. Gundy, P. G. Comision, J. H. Bocking, K. Saldanha et G. G. Smith.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: La présente demande, présen- tée en vertu de l'article 28, vise l'examen et l'annu- lation de la décision d'un membre de la Commis sion sur les pratiques restrictives du commerce
rendue conformément à l'article 10(3) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23.' Cette demande a été entendue en même temps que les trois autres présentées par la même requérante 2 à l'égard d'autres décisions de même nature et en même temps qu'une autre demande' déposée en vertu de l'article 28 l'égard de la décision d'un membre de la Commission rendue conformément à l'article 9(2) de la même Loi. 4 Les présents motifs s'appliquent à toutes ces demandes puisque ces dernières soulèvent essen- tiellement les mêmes questions.
Voici le libellé des paragraphes (1) et (3) de l'article 10:
10. (1) Sous réserve du paragraphe (3), dans une enquête tenue en vertu de la présente loi, le directeur ou tout repré- sentant qu'il a autorisé peut pénétrer dans tout local le directeur croit, qu'il peut exister des preuves se rapportant à l'objet de l'enquête, examiner toutes choses qui s'y trouvent et copier ou emporter pour en faire un plus ample examen ou pour en tirer des copies tout livre, document, archive ou autre pièce qui, de l'avis du directeur ou de son représentant autorisé, selon le cas, est susceptible de fournir une telle preuve.
(3) Avant d'exercer le pouvoir conféré par le paragraphe (1), le directeur ou son représentant doit produire un certifi- cat d'un membre de la Commission, lequel peut être accordé à la demande ex parte du directeur, autorisant l'exercice de ce pouvoir.
2 du greffe: A-559-78, A-560-78 et A-561-78.
3 No du greffe: A-562-78.
4 L'article 9 est ainsi libellé:
9. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le directeur peut en tout temps au cours d'une enquête, par un avis écrit, requérir toute personne, et, s'il s'agit d'une corporation, tout fonction- naire de cette corporation, de dresser et remettre au direc- teur, dans un délai mentionné audit avis, ou de temps à autre, un état écrit sous serment ou affirmation, indiquant en détail, au sujet des affaires de la personne mentionnée dans l'avis, les renseignements qui y sont exigés, et cette personne ou ce fonctionnaire doit dresser et remettre au directeur, exacte- ment comme il est requis, un état écrit sous serment ou affirmation, indiquant en détail les renseignements exigés; et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, le directeur peut exiger une révélation et production complète de tous les contrats ou conventions que la personne nommée dans l'avis peut avoir, à quelque époque, conclus avec toute autre per- sonne, touchant ou concernant les affaires de la personne nommée dans l'avis.
(2) Le directeur ne doit émettre un avis prévu au paragra- phe (1) que si, à la demande ex parte du directeur, un membre de la Commission certifie, comme il lui est loisible de le faire, que ledit avis peut être envoyé à la personne ou au fonctionnaire d'une corporation mentionnée dans la demande.
A ce que je vois, les divers motifs de contestation de la requérante portent sur le fait que les mem- bres qui ont rendu ces décisions:
a) ou bien n'avaient pas compétence,
b) ou bien n'ont pas agi de façon judiciaire,
c) ou bien ont donné leur autorisation dans des termes dépassant ce qui est permis par la Loi.
I—Défaut de compétence
Les articles 9 et 10 disposent expressément que les demandes d'autorisation faites en vertu des articles 9(2) et 10(3) ne peuvent être présentées qu'au cours d'une enquête tenue conformément à la Loi. La requérante prétend, d'une part, que deux des ordonnances en cause sont nulles, étant donné qu'elles ont été rendues relativement à une enquête qui avait déjà pris fin et, d'autre part, que les autres ordonnances ont été rendues relative- ment à une enquête qui avait été illégalement entamée.
Quant à la première prétention, je dirai simple- ment qu'elle est fondée sur une interprétation du dossier et des articles 14 et 15 de la Loi, qui m'apparaît totalement injustifiée.
Pour bien comprendre la seconde prétention de la requérante, c'est-à-dire celle portant que l'en- quête avait été irrégulièrement entamée, il importe de préciser que quelques-unes des ordonnances en cause ont été rendues relativement à une enquête que le directeur a commencée en 1973, à la demande de six personnes présentée conformément aux articles 7 et 8 de la Loi. 5 En août 1979, soit
5 A l'époque en cause, ces deux articles étaient ainsi libellés: 7. (I) Six personnes, citoyens canadiens résidant au Canada et âgés de vingt et un ans révolus, qui sont d'avis qu'on a commis ou qu'on est sur le point de commettre une infraction visée par la Partie V, peuvent demander au direc- teur une enquête sur ce sujet.
(2) La demande doit être accompagnée d'un exposé, sous forme de déclaration solennelle ou statutaire, indiquant:
a) les noms et adresses des requérants et, à leur choix, les nom et adresse de l'un quelconque d'entre eux ou d'un procureur, avocat ou conseil qu'ils peuvent, pour recevoir toutes communications à faire en exécution de la présente loi, avoir autorisé à les représenter;
(Suite à la page suivante)
plus de six ans après le début de l'enquête et plus d'un an après que la plus récente des ordonnances en cause eut été rendue, on a découvert que l'une des six personnes signataires de la demande d'en- quête présentée en vertu de l'article 7 n'était pas, à l'époque, un citoyen canadien. D'après la requé- rante, il s'ensuit de cette irrégularité que l'enquête a été illégalement entamée par le directeur, de sorte que lorsque ces ordonnances ont été rendues, il n'y avait, juridiquement parlant, aucune enquête en cours. Je ne suis pas d'accord. D'après moi, le fait que l'un des signataires de la demande d'en- quête n'était pas citoyen canadien constitue une simple irrégularité qui ne porte pas atteinte à la validité de la décision subséquemment prise par le directeur de tenir une enquête. En dépit de cette irrégularité, une enquête fut effectivement tenue conformément à la Loi et, par conséquent, en vertu des articles 9(2) et 10(3), les membres de la Commission avaient compétence pour rendre les ordonnances afférentes à l'enquête.
II—Défaut d'agir de façon judiciaire
La requérante prétend que les membres qui ont donné leur autorisation en vertu des articles 9(2) et 10(3) n'ont pas agi de façon judiciaire en ce qu'ils ont exercé leur discrétion sous l'empire de la Loi sans qu'il ne leur ait été fourni suffisamment de renseignements pour leur permettre de prendre une décision éclairée. D'après elle, les membres qui ont rendu ces ordonnances auraient disposer de renseignements suffisants leur permettant de sta- tuer sur la légalité de l'enquête en cours à l'époque et d'évaluer le bien-fondé de l'avis du directeur selon lequel les circonstances appelaient l'exercice des pouvoirs que lui confèrent les articles 9 et 10.
(Suite de la page précédente)
b) la nature de la prétendue infraction et les noms des personnes qu'on croit y être intéressées et complices; et
c) un exposé concis de la preuve appuyant leur opinion suivant laquelle l'infraction a été commise ou est sur le point de l'être.
8. Le directeur doit,
a) sur une demande faite en vertu de l'article 7,
b) chaque fois qu'il a des raisons de croire qu'on a enfreint ou qu'on est sur le point d'enfreindre quelque disposition de la Partie V, ou
c) chaque fois que le Ministre lui ordonne de déterminer au moyen d'une enquête si quelque disposition de la Partie V a été enfreinte ou est sur le point de l'être,
faire étudier toutes questions qui, d'après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer les faits.
Je suis d'avis de rejeter cette prétention. Les membres sont tenus d'agir de façon judiciaire lors- qu'ils prennent des décisions conformément aux articles 9 et 10. La Cour a conclu en ce sens le 19 avril 1979 lorsqu'elle a statué que les décisions présentement en cause étaient sujettes à examen en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. Toutefois, cette obligation ne s'applique qu'à l'égard des déci- sions prises en vertu des articles 9(2) et 10(3). Aux termes de ces dispositions, les membres ne sont ni tenus de statuer sur la légalité de la décision du directeur de tenir une enquête ni autorisés à le faire: ils doivent tout simplement s'assurer qu'une enquête est effectivement en cours en vertu de la Loi. Ils ne sont pas non plus tenus de juger du bien-fondé des motifs ayant incité le directeur à exercer ses pouvoirs en vertu des articles 9 et 10 ni autorisés à le faire. Puisque les membres n'avaient pas à statuer sur ces questions, l'on ne peut, à mon avis, leur reprocher de ne pas avoir exigé de rensei- gnements là-dessus.
Je passe maintenant à l'examen de la dernière prétention de la requérante, selon laquelle l'autori- sation donnée par ces membres était libellée en des termes beaucoup trop larges, compte tenu du fait qu'il n'y était nullement précisé l'infraction visée par elle.
III—Défaut d'indiquer dans les ordonnances en cause l'infraction à la Loi
Selon la requérante, le directeur est, en vertu de la Loi, habilité à tenir une enquête lorsqu'il a des raisons de croire que l'on a enfreint la Loi ou que l'on est sur le point de l'enfreindre. Puisqu'une autorisation donnée en vertu des articles 9(2) et 10(3) doit se rapporter à une enquête, cette autori- sation doit, d'après la requérante, avoir trait à une infraction prévue par la Loi. De là, la requérante conclut que le fait de ne pas avoir indiqué dans les autorisations les infractions pour lesquelles elles ont été données est une erreur qui entache ces autorisations de nullité.
Voici les arguments qui répondent à cette prétention:
a) la Loi n'est pas explicite quant au contenu ou à la forme de l'ordonnance autorisant le direc- teur à exercer ses pouvoirs en vertu des articles 9
et 10 et n'exige pas qu'on y fasse mention d'aucune infraction prévue par elle;
b) le pouvoir du directeur de tenir des enquêtes est très large et ne se limite pas aux circons- tances visées à l'article 8 (voir article 47);
c) comme je l'ai indiqué précédemment, en vertu des articles 9(2) et 10(3), il n'incombe pas à un membre de la Commission de statuer sur la validité d'une enquête en cours; il ne lui incombe pas non plus d'imposer des restrictions à une enquête que le directeur a entamée.
Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande.
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LE JUGE RYAN y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
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