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A-542-79
L'Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 170 (Requérante)
c.
Le Directeur nommé en vertu de la Loi anti-infla tion et la Construction Labour Relations Associa tion of British Columbia (Intimés)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Urie et le juge suppléant Kerr—Vancouver, 15 février; Ottawa, 28 février 1980.
Examen judiciaire Anti-inflation Définition de «qua- lité de partie pour manifester sa désapprobation» à la Com mission de lutte contre l'inflation La requérante ayant désapprouvé les recommandations de la Commission de lutte contre l'inflation, celle-ci avait soumis au Directeur la conven tion collective de la requérante, l'une des nombreuses conven tions collectives négociées pour l'ensemble de ce secteur Le Directeur se déclara incompétent à l'égard de la requérante, laquelle n'avait pas qualité de partie pour manifester sa désapprobation L'appel formé contre cette décision fut rejeté par le Tribunal d'appel en matière d'inflation au motif que le Directeur n'avait rendu aucune décision Obéissant à une ordonnance de mandamus, le Directeur conclut que la requérante était un groupe au sens des Indicateurs Le Tribunal accueillit l'appel formé contre la décision du Direc- teur et lui renvoya l'affaire pour qu'il la reconsidère en prenant en compte que le «groupe» en cause était composé de l'ensemble des unités de négociation représentées par le front commun La demande en contrôle judiciaire de la décision du Tribunal porte sur la seule question de savoir si le «groupe» se compose uniquement des membres du syndicat requérant ou s'il comprend l'ensemble des salariés de toutes les unités de négociation du front commun Indicateurs anti-inflation, modifiés, art. 38, 43(1) Loi anti-inflation, S.C. 1974-75-76, c. 75, art. 12(1)c),d),(1.2)b)(ii), 17(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2" Supp.), c. 10, art. 28.
Demande fondée sur l'article 28 pour l'examen et l'annula- tion de la décision du Tribunal d'appel en matière d'inflation qui a accueilli l'appel formé contre la décision du Directeur et lui a renvoyé l'affaire pour nouvelle instruction. Toutes les recommandations faites par la Commission de lutte contre l'inflation furent acceptées par toutes les parties aux négocia- tions concernant l'ensemble de l'industrie de la construction, à l'exception de l'A.U. 170 dont les membres refusèrent de ratifier un accord intitulé «Common Front Industry Bargaining Structure*. L'A.U. 170 informa la Commission qu'elle désap- prouvait ses recommandations relatives au régime de rémunéra- tion prévu dans la convention qu'elle avait contractée avec la Construction Labour Relations Association of British Colum- bia (C.L.R.A. of B.C.). La Commission renvoya l'affaire au Directeur qui se déclara incompétent à l'égard de la requérante, laquelle n'avait pas «qualité de partie pour manifester sa désap- probation». Le Tribunal d'appel en matière d'inflation rejeta l'appel que l'A.U. 170 forma contre la décision du Directeur au
motif que celui-ci n'avait rendu aucune «décision ou ordon- nance». Saisie d'une requête, la Division de première instance accorda un bref de mandamus en jugeant qu'il appartenait à la Commission de déterminer si une partie avait le droit de manifester sa désapprobation et que l'A.U. 170 était en droit de notifier sa désapprobation à la Commission. Le Directeur, obéissant à l'ordonnance, conclut entre autres que l'A.U. 170 était un «groupe» au sens de l'article 38 des Indicateurs anti- inflation. Le Tribunal accueillit l'appel formé contre la décision du Directeur et lui renvoya l'affaire pour qu'il la reconsidère en prenant en compte que le «groupe» en cause était composé de l'ensemble des salariés de l'ensemble des unités de négociation pour lesquels les divers syndicats avaient négocié, y compris l'A.U. 170, partie aux conventions collectives contractées avec la C.L.R.A. of B.C. en 1976. C'est cette décision que vise la demande fondée en l'espèce sur l'article 28. Le seul litige en l'espèce est de savoir si le «groupe», dont le régime de rémuné- ration a été soumis au Directeur, se compose uniquement des membres du syndicat requérant travaillant pour les firmes membres de la C.L.R.A. of B.C. ou si ce groupe comprend l'ensemble des salariés des unités de négociation pour lesquels ont négocié les syndicats parties aux conventions collectives contractées avec la C.L.R.A. of B.C. en 1976.
Arrêt: la demande est accueillie.
Le juge en chef Thurlow: Compte tenu de l'objet limité qui lui était soumis, la seule contravention possible à considérer était celle que pouvait causer la hausse de rémunération stipu- lée et, puisque les seuls salariés dont la rémunération serait haussée, en vertu de l'unique convention dont le Directeur était saisi, étaient ceux que représentait la requérante, eux, et eux seuls, pouvaient être décrits comme «tous les employés faisant partie d'un groupe» comme le dispose l'article 43(1) des Indica- teurs. Dans ce cas, la définition de «groupe» de l'article 38 n'importe que pour déterminer s'il faut, à cause de sa défini- tion, donner au terme un sens plus restreint. Or la définition n'est nullement restrictive. Le groupe comprend des catégories alternatives et, à l'alinéa c), la définition vise les salariés formant les unités de négociation que représentait la requé- rante, composées des salariés d'un ou de plusieurs employeurs négociant collectivement dans une association patronale. Dans le contexte de ce dont le Directeur était saisi, il n'y avait aucun fondement juridique l'autorisant à conclure que le groupe à considérer pour les fins de l'article 43(1) devait se composer de l'ensemble des salariés des unités de négociation représentés par l'ensemble des syndicats qui négociaient avec la C.L.R.A. of B.C.
Le juge Urie: Le Tribunal a commis une erreur en concluant que le Directeur aurait considérer que «groupe» s'entendait de tous les employés relevant des unités de négociation repré- sentées par les syndicats du front commun qui ont participé aux négociations de 1976 avec la C.L.R.A. of B.C., et en lui renvoyant l'affaire pour nouvelle instruction dans ce sens. L'er- reur découle de ce qu'il a pris pour acquis que, vu que les Indicateurs parlent de «groupe» plutôt que de «partie» ou de «syndicat» comme le fait la Loi, cela n'empêche pas le Directeur de décider que la «partie» ou le «syndicat» qui notifie à la Commission sa désapprobation de son avis n'a pas à être un «groupe» pour les fins de l'application de la Partie 4 des Indicateurs. L'A.U. 170 tombe parfaitement dans la sphère de la définition de «groupe» à l'alinéa c). Le Directeur doit accep- ter une interprétation de l'article 38c) qui soit en harmonie avec
les compétences et obligations que lui confère la Loi. En l'espèce, il doit s'en tenir à un «groupe» qui se compose de ces unités de négociation qui ont manifesté leur désapprobation de l'avis de la Commission, à savoir l'A.U. 170, et à «l'affaire» (c.-à-d. la désapprobation des recommandations de la Commis sion) dont il a été saisi. Si le Directeur avait jugé que le «groupe», pour les fins de l'article 38 des Indicateurs, devait être constitué de l'ensemble des unités de négociation représen- tées par l'ensemble des syndicats, il aurait élargi «l'affaire» qui lui était renvoyée et enquêté sur «l'affaire» de la rémunération de «syndicats» qui n'avaient pas désapprouvé l'avis de la Com mission et dont il n'avait pas été saisi. La condition nécessaire pour lui attribuer compétence serait absente. La Loi n'a attri- bué au Directeur aucun pouvoir de décider quoi que ce soit en ce qui a trait à la «partie» ou au «syndicat» en cause dans «l'affaire» qui lui est soumise.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
M. D. Shortt pour la requérante.
B. Trevino pour l'intimée Construction Labour Relations Association of British Columbia.
W. B. Scarth pour l'intimé Directeur nommé en vertu de la Loi anti-inflation.
PROCUREURS:
Shortt & Company, Vancouver, pour la requérante.
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour l'inti- mée Construction Labour Relations Associa tion of British Columbia.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé Directeur nommé en vertu de la Loi anti-inflation.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: J'ai eu le privi- lège de lire les motifs de jugement préparés par le juge Urie et j'en arrive à la même conclusion que lui quoique par un cheminement différent.
Comme il le signale, le litige consiste à décider si le «groupe» dont le plan de rémunération a été soumis au Directeur se compose uniquement des salariés que représente le syndicat requérant, au service des membres de la Construction Labour Relations Association of British Columbia (C.L.R.A. of B.C.) ou si ce «groupe» se compose de
l'ensemble des salariés des unités de négociation pour lesquels a négocié l'ensemble des syndicats parties aux conventions collectives contractées avec la C.L.R.A. of B.C. en 1976.
Dans mon optique il est nécessaire de considérer ce dont la Commission de lutte contre l'inflation (la CLI) a saisi le Directeur et ce sur quoi il devait statuer.
A l'époque en cause le paragraphe 43(1) des Indicateurs anti-inflation disposait que:
43. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de l'article 44, il est interdit à un employeur d'augmenter, au cours d'une année donnée d'application des indicateurs, la rémunération totale de tous les employés faisant partie d'un groupe, par rapport à la rémunération totale de tous les employés de ce groupe au cours de l'année de base, d'un montant qui donne
a) un pourcentage annuel d'augmentation supérieur au pour- centage d'augmentation admissible déterminé pour ce groupe en vertu de l'article 45, ou
b) une augmentation de la rémunération moyenne du groupe pour l'année d'application des indicateurs qui est supérieure à deux mille quatre cents dollars.
selon celui de ces montants qui est le moins élevé.
On remarquera que le terme «groupe» apparaît quatre fois dans ce paragraphe. Je ne vois aucune raison de penser qu'il n'ait pas le même sens dans chaque cas. On remarquera aussi que le paragra- phe interdit une chose que pourrait faire l'em- ployeur autrement.
Le dossier révèle (page 35) que le 25 septembre 1976 la C.L.R.A. of B.C. a conclu un protocole d'entente avec la requérante stipulant des hausses pour les salariés qu'elle représentait. Il ne s'agis- sait que d'une convention parmi d'autres inter- venue entre la C.L.R.A. of B.C. et la requérante et d'autres syndicats, résultant de négociations com munes et qui, soumises à la Commission de lutte contre l'inflation, firent l'objet d'une réduction des hausses préalablement convenues. Mais c'est uni- quement la convention intervenue entre la C.L.R.A. of B.C. et la requérante qui fut soumise au Directeur. Elle avait été présentée à la CLI séparément (voir page 45) (présumément elles lui ont toutes été présentées séparément) et ce n'est qu'à son égard qu'il y eut désapprobation, ce qui exigeait, selon l'alinéa 12(1)d.1) que la CLI sou- mette «l'affaire» au Directeur.
Le libellé du renvoi (page 134) emploie les mêmes termes, le voici:
[TRADUCTION] En conséquence, la Commission de lutte contre l'inflation, ayant été informée par le syndicat représentant les employés dont les rémunérations sont en cause qu'il désapprou- vait l'avis de la Commission de lutte contre l'inflation, soumet par les présentes l'affaire à votre examen conformément à l'alinéa 12(1)d.1) de la Loi anti-inflation.
A mon avis il ressort manifestement de ce qui précède que la seule question soumise concernait la convention qu'avaient contractée la C.L.R.A. of B.C. et la requérante et était de savoir si son exécution par les employeurs serait en infraction des Indicateurs.
En vertu de l'alinéa 12(1)c) de la Loi, l'obliga- tion de la Commission consiste à identifier les changements à apporter à la rémunération qui, à son avis, si mis en oeuvre, seraient en infraction de la lettre ou de l'esprit des Indicateurs, et, d'après l'alinéa 12(1)c), elle a l'obligation de chercher, par voie de consultation et de négociation avec les parties en cause, à faire modifier ces changements et à les amener ainsi à être conformes aux bornes que fixent les Indicateurs et à leur esprit, ou à réduire ou éliminer leur effet inflationniste.
L'affaire soumise au Directeur selon l'alinéa 12(1)d.1), il devenait de son devoir, selon le para- graphe 17(1), d'user des pouvoirs que lui confère la Loi pour procéder aux enquêtes qu'il jugerait nécessaire pour établir si l'employeur concerné enfreindrait vraisemblablement les Indicateurs. L'affaire dont le Directeur était saisi était donc de savoir si les hausses de rémunération stipulées par le contrat particulier intervenu entre la C.L.R.A. of B.C. et la requérante enfreignait les Indicateurs, et plus particulièrement, leur paragraphe 43(1).
Compte tenu de l'objet limité qui lui était soumis, il me semble que la seule contravention possible à considérer était celle que pouvait causer la hausse de rémunération stipulée et que, puisque les seuls salariés dont la rémunération serait haus- sée, en vertu de l'unique convention dont le Direc- teur était saisi, étaient ceux que représentait la requérante, eux, et eux seuls, pouvaient être décrits comme «tous les employés faisant partie d'un groupe» comme le dispose le paragraphe 43 (1) des
Indicateurs. Dans ce cas la définition de «groupe» de l'article 38, me semble-t-il, n'importe que pour déterminer s'il faut, à cause de sa définition, donner au terme un sens plus restreint. Or la définition n'est nullement restrictive. Il est cons tant que le groupe inclut des catégories alternati ves et, à l'alinéa c) la définition semble viser les salariés formant les unités de négociation que représentait la requérante, composées des salariés d'un ou de plusieurs employeurs négociant collecti- vement dans une association patronale. Dans le contexte de ce dont le Directeur était saisi il n'y avait, à mon avis, aucun fondement juridique l'au- torisant à conclure que le groupe à considérer pour les fins du paragraphe 43(1) devait se composer de l'ensemble des salariés des unités de négociation représentés par l'ensemble des syndicats qui négo- ciaient avec la C.L.R.A. of B.C.
En conséquence je réformerais la décision du Tribunal d'appel en matière d'inflation qui accueillait l'appel interjeté de la décision du Direc- teur et renverrais l'affaire au Tribunal d'appel pour qu'il en connaisse à nouveau en prenant pour acquis que, pour les fins du paragraphe 43(1) des Indicateurs, le «groupe» se compose uniquement des salariés des membres de la C.L.R.A. of B.C. que représentait la requérante dans les négocia- tions qui avaient conduit à la conclusion de la convention.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Cette espèce est une demande selon l'article 28 de contrôle judiciaire (examen et annulation) d'une décision du Tribunal d'appel en matière d'inflation, en date du 4 septembre 1979, qui accueillait l'appel formé contre la décision du Directeur et lui renvoyait l'affaire pour qu'il la reconsidère.
La Construction Labour Relations Association of British Columbia (ci-après la «C.L.R.A. of B.C.») est, depuis 1969, l'agent de négociation accrédité pour la majorité des employeurs de l'in- dustrie de la construction de Colombie-Britanni- que. L'Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section
locale 170 (ci-après l'«A.U. 170N) est l'agent de négociation de plusieurs unités de négociation de la Colombie-Britannique. En septembre 1976 ces deux organisations signèrent un protocole d'en- tente, l'une des vingt-huit conventions auxquelles la C.L.R.A. of B.C. ait été partie, concernant l'ensemble de l'industrie de la construction de Colombie-Britannique. A l'assemblée des membres de l'A.U. 170 laquelle le protocole fut présenté pour être avalisé, on présenta aussi un acte intitulé «Common Front Industry Bargaining Structure» [TRADUCTION] «accord de négociation en front commun». Les syndiqués entérinèrent le protocole mais rejetèrent l'accord de négociation en front commun. Les autres parties contractantes audit acte l'avalisèrent lui et les vingt-huit protocoles d'entente. Les parties signèrent donc respective- ment des conventions collectives distinctes.
La Commission de lutte contre l'inflation («la Commission») fit des recommandations à chacune des parties par voie d'avis distinct pour chaque convention et appela leur attention sur les diffé- rents bénéfices et enveloppe monétaire stipulés dans chacune des conventions. Les recommanda- tions avaient pour effet de réduire l'enveloppe monétaire de $1.26 $1.17 l'heure. En sus, dans certains contrats des hausses ou des baisses de bénéfices étaient respectivement autorisées ou ordonnées. Les parties en cause acceptèrent toutes les recommandations sauf l'A.U. 170 qui, par écrit, informa la Commission qu'elle désapprouvait les recommandations relatives au régime de rému- nération stipulé dans la convention qu'elle avait contractée avec la C.L.R.A. of B.C.
La Commission renvoya alors l'affaire au Direc- teur en application des articles 12(1)d.1) et 12(1.2)b)(ii) de la Loi anti-inflation, S.C. 1974- 75-76, c. 75. Celui-ci jugea n'avoir pas compétence ration personae la requérante «n'ayant pas qualité de partie pour manifester sa désapprobation». Le 15 juin 1978 le Tribunal d'appel en matière d'in- flation («le Tribunal d'appel») rejeta l'appel que l'A.U. 170 avait formé contre la décision du Direc- teur parce que celui-ci n'aurait rendu aucune «décision ou ordonnance» en application des arti cles 20, 21 ou 22 de cette Loi, dont on aurait pu appeler.
Sur demande à la Division de première instance [précité à la page 166] d'un bref de mandamus, le juge Collier jugea que la compétence de juger si
une partie avait droit de manifester sa désapproba- tion appartenait à la Commission, non au Direc- teur. Cherchant à décider si l'on devait faire droit au recours exercé, il constata que l'A.U. 170 était un «syndicat représentant [des] employés dont les
rémunérations [sont en cause]» au sens de l'article 12(1.2)b)(ii) de cette Loi et qu'en conséquence elle était en droit de notifier à la Commission sa désapprobation de son avis. Il ordonna alors que soit lancé un bref de mandamus, adressé au Direc- teur, la page 172]
... [lui] enjoignant ... de procéder, en application du paragra- phe 17(1) de la ... Loi et conformément aux pouvoirs qu'elle lui confère, aux enquêtes nécessaires afin de déterminer si les rémunérations convenues aux termes d'un accord en date du 25 septembre 1977 entre la requérante et la Construction Labour Relations Association of British Columbia, ont contrevenu, contreviennent ou contreviendront vraisemblablement aux Indi- cateurs établis en application de la Loi anti-inflation.
Le Directeur, obéissant à l'ordonnance, jugea que l'A.U. 170 constituait un «groupe» au sens de l'article 38 du Règlement ou Indicateurs adoptés en application de cette Loi, qu'elle était liée par le maximum de 8% qu'édictaient les Indicateurs et qu'un total de 31¢ l'heure (soit 110 pour son fonds de prévoyance et 20¢ pour son régime de pension) en était exempté.
Le Tribunal d'appel accueillit l'appel formé de la décision du Directeur et lui renvoya l'affaire pour qu'il la reconsidère en prenant en compte que le «groupe» en cause était composé de l'ensemble des salariés de l'ensemble des unités de négociation pour lesquels les divers syndicats avaient négocié, y inclus l'A.U. 170, partie aux conventions collecti ves contractées avec la C.L.R.A. of B.C. en 1976.
C'est contre cette décision que la présente demande selon l'article 28 est engagée.
Pour bien comprendre l'unique objet du litige, il importe d'abord d'énoncer les articles pertinents de la Loi:
L'article 12(1)c)
12. (1) La Commission
c) identifie les causes des mouvements réels ou envisagés de prix, profits, rémunérations et dividendes, établis conformé- ment à l'alinéa b), qui, à son avis, auront vraisemblablement
des conséquences importantes sur l'économie canadienne, et cherche, à l'aide de consultations et de négociations avec les parties intéressées, soit à les rendre conformes à la lettre et à l'esprit des indicateurs, soit à en réduire ou à en supprimer l'effet inflationniste;
L'article 12(1.2)b)(ii) 12....
(1.2) Aux fins de l'alinéa (1)d.1), peuvent manifester à la Commission leur désapprobation d'un avis et ont qualité pour lui demander de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur dans les cas l'avis de la Commission porte sur
b) des rémunérations,
(ii) le syndicat représentant les'employés dont les rémuné- rations [sont en cause] ou, en l'absence de syndicat, le délégué des employés; et
L'article 12(1)d.1)
12.(1)...
d.l) soumet immédiatement l'affaire à l'examen du Direc- teur au cas où, ayant avisé les parties intéressées à la suite des consultations et négociations prévues à l'alinéa e) que le mouvement des prix, profits, rémunérations ou dividendes distinct de celui qui est spécifié dans l'avis ne serait pas conforme, selon la Commission, aux indicateurs ni justifié par ailleurs, une partie visée au paragraphe (1.2) informe la Commission par écrit, dans les trente jours de la plus récente des deux dates suivantes: celle de l'entrée en vigueur du présent alinéa ou celle de l'avis donné par la Commission, qu'elle désapprouve cet avis; et
L'article 17(1)
17. (1) Dans les cas la Commission soumet une affaire au Directeur, conformément aux alinéas 12(1)d) ou d.1), ou dans les cas le gouverneur en conseil informe celui-ci qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'un fournisseur, un employeur ou une personne, autre qu'un employé, liée par les indicateurs, contreviennent ou ont contrevenu aux indicateurs ou qu'ils le feront vraisemblablement, le Directeur doit user des pouvoirs que lui confère la présente loi pour procéder aux enquêtes qu'il juge nécessaires pour établir les faits imputés aux personnes visées.
L'article 38 du Règlement définit ce qu'est un «groupe»; voici quel en était le libellé en 1976, l'année en cause:
38....
«groupe. désigne
a) une unité de négociation,
b) plusieurs unités de négociation constituées d'employés du même employeur qui, en association, négocient collective- ment avec l'employeur,
c) plusieurs unités de négociation constituées d'employés d'un ou de plusieurs employeurs qui négocient collectivement avec une association d'employeurs,
d) un groupe d'employés dont la composition est unilatérale- ment établie par l'employeur aux fins de déterminer ou d'administrer la rémunération des employés de ce groupe,
e) un groupe dont la composition est déterminée en confor- mité de l'alinéa 39b), ou
J) un groupe de cadres;
Le seul litige en l'espèce est de savoir si le «groupe» dont le régime de rémunération a été soumis au Directeur, se compose uniquement des membres du syndicat requérant travaillant pour les firmes membres de la C.L.R.A. of B.C. ou si ce groupe comprend l'ensemble des salariés des unités négociation pour lesquels ont négocié les syndi- cats parties aux conventions collectives contractées avec la C.L.R.A. of B.C. en 1976.
Je crois qu'il importe d'observer au départ que l'économie fondamentale de la Loi veut que la Commission ne recoure aux mesures répressives qu'après avoir tenté par la consultation et la négo- ciation, et avec les patrons et avec les salariés, d'obtenir l'exécution volontaire de ses recomman- dations, faites, comme c'est le cas, selon les normes fixées par le Règlement, ou les Indicateurs, comme on l'appelle. L'article 12(1)c). illustre cette concep tion. Aussi, en interprétant la Loi et ses Indica- teurs, ce précepte fondamental doit demeurer pré- sent à l'esprit et une interprétation qui en quelque manière tendrait à le contrarier devrait être évitée.
La première question à laquelle il faut prêter attention est de savoir si oui ou non la Loi, ou son Règlement d'application, attribue au Directeur, ou au Tribunal d'appel, le pouvoir de décider que la partie qui notifie la Commission de sa désapproba- tion de son avis selon lequel un changement envi- sagé dans la rémunération sortirait du périmètre qu'imposent les Indicateurs, ne constitue pas un «groupe» aux termes de ces Indicateurs. Le juge Collier, en Division de première instance, dans les motifs de son jugement, avait ceci à dire [aux pages 169 et 170j:
A mon avis, c'est à la Commission de lutte contre l'inflation, et non pas au Directeur, que la Loi confie la responsabilité d'établir si un requérant, tel la requérante en l'espèce, est une partie visée au paragraphe (1.2). Si la conclusion de la Com mission est affirmative, elle est tenue de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur.
La Commission de lutte contre l'inflation peut conclure à tort qu'une partie est bien celle visée au paragraphe (1.2). Cepen- dant je ne trouve dans la Loi nulle disposition qui autorise le Directeur à infirmer ou à modifier cette conclusion.
Selon l'avocat de l'intimé, il découle du paragraphe 17(1) de la Loi qu'avant de procéder aux enquêtes nécessaires, le Direc- teur doit s'assurer au préalable que la soi-disant «partie lésée» est bien celle visée au paragraphe 12(1.2). Je cite le paragraphe 17(1):
Les mots invoqués à l'appui de cette thèse sont les suivants:
... le Directeur doit user des pouvoirs que lui confère la présente loi pour procéder aux enquêtes ....
L'avocat de l'intimé fait valoir que cette disposition confère au Directeur le pouvoir d'établir s'il a compétence en ce qui concerne le plaignant et si celui-ci a qualité pour manifester sa désapprobation. Je ne saurais souscrire à une telle interpréta- tion du paragraphe 17(1).
Ce paragraphe fait tout simplement obligation au Directeur, une fois saisi d'une affaire, de procéder aux enquêtes conformé- ment aux pouvoirs d'enquête que lui donne la Loi, afin d'établir s'il y a eu ou s'il y aurait vraisemblablement contravention aux Indicateurs.
En l'espèce, le Directeur, par sa lettre en date du 21 octobre 1977, s'est lancé dans l'entreprise hasardeuse de déterminer la compétence qui coiffe la sienne propre. A mes yeux, la Loi ne l'y autorise pas. [La requérante cite les trois précédents sui- vants qui jettent quelque lumière sur la question: Le procureur général du Canada c. Cylien [1973] C.F. 1166. B.C. Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F. 1194. Toronto Newspaper Guild Local 87, American Newspaper Guild (C.I.O.) c. Globe Printing Co. [1953] 2 R.C.S. 18.]
Il appert qu'en l'espèce, le Directeur était tenu de procéder aux enquêtes prévues au paragraphe 17(1). Il s'y est refusé. Ainsi que je l'ai dit, son refus ne constituait pas une décision ou ordonnance au sens de l'article 38. Par ailleurs, sa lettre ne participe pas d'une «compétence» que lui attribue la Loi. Il appartient à la Commission, et non pas au Directeur, de déterminer qui a qualité pour manifester sa désapprobation.
Je suis tout à fait d'accord avec le distingué juge et il ne me servirait de rien d'élaborer sur ce qu'il a dit dans cette partie, que je cite, de son jugement. Il en vint alors à juger que l'A.U. 170 constituait en fait un «syndicat représentant les employés dont les rémunérations [sont en cause] ...» au sens de l'article 12(1.2)b)(ii) de la Loi. A ce titre elle avait droit de notifier à la Commission sa désapproba- tion de son avis. La Commission, ayant conclu que l'A.U. 170 constituait une partie ayant qualité pour ainsi agir, renvoya l'affaire au Directeur pour qu'il la considère en application de l'article 17. Il
refusa de procéder; il n'en avait pas le droit; il y eut donc mandamus. Encore une fois je suis tout à fait d'accord avec le juge Collier et je ne saurais rien ajouter d'utile à ce qu'il a déjà dit.
Cependant l'avocat de la C.L.R.A. of B.C. sou- tient devant la Cour, comme il l'a fait devant le Tribunal d'appel, que la conclusion à laquelle le distingué juge était arrivé ne concernait pas la question de savoir si les salariés pour lesquels l'A.U. 170 avait négocié devaient être traités comme un «groupe» au sens des Indicateurs appli- quant la Loi. Le «groupe» pour ces fins, soute- nait-il, se composait de toutes les parties qui négo- cièrent avec la C.L.R.A. of B.C. un règlement, au niveau de toute l'industrie, de la rémunération des salariés, non simplement l'A.U. 170 en elle-même. Accepter ce point de vue obligerait à renvoyer l'affaire au Directeur suspendant dans l'intervalle l'ensemble du règlement tant que ne serait pas rendue la décision du Directeur. Qu'un tel résultat soit indésirable en pratique est, bien entendu, évi- dent. Néanmoins le Tribunal d'appel a reconnu fondé l'argument de l'avocat et renvoyé l'affaire au Directeur.
On trouve la raison qu'avait d'ainsi en décider le membre du Tribunal d'appel qui présida l'instance dans les passages suivants de ses motifs:
À mon avis, il ressort de l'objectif général des indicateurs et de la progression, de l'alinéa a) à l'alinéa c), de la définition de «groupe» qui va du groupe le plus petit d'employés syndiqués aux groupes les plus importants, que dans l'affaire soumise au Directeur, le «groupe» au sens de la définition devait être l'ensemble des unités de négociation qui négociaient collective- ment avec la «C.L.R.A. of B.C.» Par ailleurs, il ressort de la définition que donnent les indicateurs de «groupe» que le légis- lateur a voulu tenir compte de l'existence de négociations conduites par des associations d'employeurs. Ce serait faire échec à une telle considération que d'interpréter les indicateurs et la Loi de façon que chaque syndicat traitant avec l'associa- tion d'employeurs puisse obtenir une décision exclusive du Directeur. L'avantage de la négociation en association réside dans le pouvoir qu'a l'association de traiter de façon uniforme, ou sur la base de différences rationnelles, avec les divers syndicats avec lesquels ses membres sont liés par des conven tions collectives. Autant que faire se peut, il y a lieu d'interpré- ter les indicateurs comme prévoyant que le Directeur traite les règlements multisyndicaux comme un tout. Dans ce cas, s'il y a lieu à réduction, celle-ci sera de nature à respecter et non pas à détruire la cohésion interne de tout règlement de ce genre.
En vue d'une application équitable des mesures de lutte contre l'inflation et eu égard aux fins poursuivies par le législa- teur, le Directeur aurait considérer que «groupe» s'entendait
de tous les employés relevant des unités de négociation repré- sentées par les syndicats du front commun qui ont participé aux négociations de 1976 avec la «C.L.R.A. of B.C.» Je dois donc lui renvoyer l'affaire pour nouvelle instruction dans ce sens.
A mon avis c'est à tort qu'il statua ainsi. L'er- reur semble découler de ce qu'il a pris pour acquis que, vu que les Indicateurs parlent de «groupe» plutôt que de «partie» ou de «syndicat» comme le fait la Loi, cela n'empêche pas le Directeur de décider que la «partie» ou le «syndicat» qui notifie à la Commission sa désapprobation de son avis n'a pas à être un «groupe» pour les fins de l'application de la Partie 4 des Indicateurs. Vu, comme il a déjà été jugé, que les termes qu'emploie la Loi n'attri- buent pas au Directeur le pouvoir de décider qui a qualité pour désapprouver, il serait, pour le moins incongru de tenir qu'il peut faire ce que la Loi lui interdit de faire en disant qu'une telle «partie» ne constitue pas un «groupe» au sens des Indicateurs.
Non seulement cela ne me paraît-il pas une interprétation vraisemblable, conforme aux règles ordinaires d'interprétation des lois en ce que ce serait prétendre que le règlement peut avoir pour effet d'abroger les dispositions de la loi qui en a autorisé l'adoption, cela ne me paraît pas non plus conforme au sens ordinaire de la définition du terme «groupe» apparaissant à l'article 38 des Indicateurs.
L'alinéa c) de la définition, tel qu'il était libellé en 1976, est la clause applicable en l'espèce. En voici, à nouveau, le texte:
38....
c) plusieurs unités de négociation constituées d'employés d'un ou de plusieurs employeurs qui négocient collectivement avec une association d'employeurs.
La clause peut être appliquée dans bien des cas. En l'espèce l'A.U. 170 représente les salariés de plus d'une unité de négociation, au service de plus d'un employeur, lequel négocie à titre de membre d'une association (la C.L.R.A. of B.C.) avec laquelle les salariés négocient collectivement. L'A.U. 170 tombe donc parfaitement dans la sphère de la définition. En même temps le libellé est suffisamment large pour inclure les unités de négociation que plus d'un syndicat représente et qui tous négocient collectivement avec une associa-
tion patronale au nom de tous les employeurs des salariés des différentes unités de négociation. Donc la clause permettrait aussi que le «groupe», pour les fins visées par les Indicateurs, inclut tous lés syndicats si l'accord de négociation en front commun avait été entériné par tous et que ce «groupe»-là ait alors manifesté sa désapprobation de l'avis.
Ceci étant dit, la question qu'il faut maintenant se poser est: le Tribunal d'appel en l'espèce a-t-il le pouvoir de décider que l'A.U. 170 ne constitue pas un groupe quoique ce soit le seul «syndicat» qui ait notifié à la Commission sa désapprobation de son avis et que cette «affaire» ait été renvoyée au Directeur pour qu'il en décide? La réponse à cette question ne peut se trouver que dans les attribu tions que la Loi confère à la Commission et au Directeur.
L'article 12(1)d.1), précité, dispose que si une partie que mentionne le paragraphe (1.2), dans le délai qui est prévu, notifie à la Commission sa désapprobation de l'avis, la Commission doit ren- voyer «l'affaire» au Directeur. L'article 12(1.2), précité, définit une «partie» ayant qualité pour informer la Commission comme «... le syndicat représentant les employés dont les rémunérations [sont en cause] ....» En l'espèce, manifestement, cette association c'est l'A.U. 170. L'article 17(1), précité, dispose que lorsque la Commission renvoie une affaire au Directeur (le régime de rémunéra- tion de la convention collective contractée par l'A.U. 170 et la C.L.R.A. of B.C. en l'espèce), le Directeur doit user des pouvoirs que lui confére la présente Loi pour procéder aux enquêtes pertinen- tes pour juger s'il y a eu, s'il y a, ou si vraisembla- blement il y aura infraction. La seule «affaire» renvoyée au Directeur, ce fut la désapprobation de l'A.U. 170 de la décision de la Commission. Comme je l'ai dit précédemment la Loi ne lui a attribué aucun pouvoir de décider quoi que ce soit en ce qui a trait aux «parties» ou «syndicats» en cause dans une «affaire» qui lui est soumise.
Si le Directeur avait jugé que le «groupe», pour les fins de l'article 38 des Indicateurs, devait être constitué de l'ensemble des unités de négociation représentées par l'ensemble des syndicats, il aurait élargi «l'affaire» qui lui était renvoyée et enquêté sur «l'affaire» de la rémunération de «syndicats»
qui n'avaient pas désapprouvé l'avis de la Commis sion et donc dont il n'avait pas été saisi. La condition nécessaire pour lui attribuer compétence serait absente. Pour ces motifs je suis d'avis qu'a- fin de respecter la structure légale du renvoi le Directeur doit accepter une interprétation de l'arti- cle 38c) des Indicateurs qui soit en harmonie avec les compétences et obligations que lui confère la Loi. Pour ce faire, en l'espèce, il doit s'en tenir à un «groupe» qui se compose de ces unités de négo- ciation qui ont manifesté leur désapprobation de l'avis de la Commission, soit l'A.U. 170, et à «l'affaire» (c.-à-d. la désapprobation des recom- mandations de la Commission) dont on l'a saisi.
Une telle interprétation est en outre conforme au précepte fondamental de la Loi auquel je me suis référé antérieurement, soit que le premier devoir de la Commission est, si possible, d'obtenir l'exécution volontaire de ses recommandations par les parties. Lorsque vingt-sept des parties accep- tent volontairement de s'y conformer il n'est pas raisonnable, à mon avis, d'autoriser un groupe dissident à retarder l'ensemble de la transaction si, en vertu d'une interprétation honnête de la Loi et de son Règlement, un tel délai n'est pas nécessaire.
En conséquence, pour l'ensemble des motifs qui précèdent, je suis d'avis que la demande selon l'article 28 devrait être accueillie, la décision du Tribunal d'appel en matière d'inflation, en date du 4 septembre 1979, réformée et l'affaire renvoyée au Tribunal d'appel pour qu'il en connaisse en prenant en compte que la décision du Directeur, en date du 27 octobre 1978, concernant les tenants et aboutissants de l'affaire dont on l'avait saisi, était bonne.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris à ces motifs.
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