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A-432-79
L'Office de stabilisation des prix agricoles (Appelant)
c.
Theo Jacobs, Edward Jacobs, Joseph Jacobs, Alois Jacobs, Marcel Jacobs, Frans Jacobs et Jacobs Farms Limited (Intimés)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 8 février et 25 avril 1980.
Agriculture Subvention de stabilisation Appel du jugement de la Division de première instance déclarant que Jacobs Farms Limited avait droit au paiement d'une somme additionnelle à titre de subvention en vertu du Règlement sur la stabilisation du prix des pommes L'Office avait refusé de payer le plein montant de la subvention parce que la quantité du produit excédait la quantité, établie par l'Office, au-delà de laquelle aucune subvention ne serait versée II échet de déterminer si l'Office est autorisé à établir des limites au-delà ou en deçà desquelles aucune subvention ne sera versée II échet de déterminer si l'Office peut exercer un pouvoir discré- tionnaire lorsqu'il s'agit de verser une subvention à un produc- teur qui remplit les conditions établies Appel accueilli Règlement sur la stabilisation du prix des pommes, DORS/76- 518, art. 5 Loi sur la stabilisation des prix agricoles, S.R.C. 1970, c. A-9, modifiée par S.C. 1974-75-76, c. 63, art. 2 ( 1 )a),b), 3 ( 1 ), 4 ( 5 ), 7 ( 1 )a1,( 2 ), 8.1, 8.2(1),(2), 10(1)a),b),c),d),g), (1.1), 11a), 13(5) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 52b)(1).
Appel contre le jugement de la Division de première instance déclarant que Jacobs Farms Limited avait droit au paiement d'une subvention additionnelle en vertu du Règlement sur la stabilisation du prix des pommes. L'Office avait refusé de payer le plein montant de la subvention relative aux produits agricoles parce que la quantité des pommes à l'égard desquelles la subvention était réclamée excédait la quantité, établie par l'Office, au-delà de laquelle aucune subvention ne serait versée. L'Office est-il autorisé par la Loi sur la stabilisation des prix agricoles à établir des quantités au-delà ou en deçà desquelles aucune subvention ne sera versée aux producteurs? L'Office doit-il verser une subvention à un producteur qui remplit les conditions établies en vertu de la Loi et du Règlement ou lui est-il loisible d'accepter ou de refuser de payer?
Arrêt: l'appel est accueilli. Jacobs Farms Limited avait droit à ce que ses demandes soient examinées et à ce qu'il soit statué sur celles-ci de bonne foi et en conformité avec le droit applica ble correctement interprété. Lorsqu'il a décidé de rejeter une partie des demandes déposées, l'Office ne prétendait pas avoir la faculté de ne rien payer. Il ne fait vraiment aucun doute que la décision de l'Office a été prise en fonction des limites qu'il avait fixées. Le point crucial est de savoir si l'Office avait le pouvoir de fixer ces limites. Une fois que le prix d'un produit agricole est fixé, l'Office, en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi, a l'obligation de «... [prendre] conformément à la présente loi les mesures nécessaires pour stabiliser...» le prix du produit au niveau prescrit. L'obligation est imposée à l'Office et non au
Ministre ou au gouverneur en conseil. Le juge de première instance a jugé que certaines des dispositions précises de la Loi indiquent clairement que le législateur avait l'intention de réserver au gouverneur en conseil le pouvoir exclusif de fixer des quantités maximales à titre de critères d'admissibilité. Toutefois le législateur n'avait pas l'intention de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir exclusif de fixer un maximum quant à la quantité du produit agricole pour lequel un produc- teur particulier pourrait réclamer une subvention. Le pouvoir est un pouvoir de fixer des plafonds quant à la quantité ou à la valeur de ce produit agricole. Cette disposition donne à l'Office une marge de manoeuvre lui permettant de fixer des limites (se situant en deçà d'un plafond, s'il en est, établi par le gouverneur en conseil) au-delà desquelles les producteurs ne recevront pas de paiements relativement aux réclamations qu'ils présentent. Ces limites doivent toutefois être conçues pour réaliser une stabilisation des prix et non dans un but sans rapport avec cette stabilisation.
Arrêts mentionnés: Joy Oil Co. Ltd. c. Le Roi [1951] R.C.S. 624; R. c. Stevenson Construction Co. Ltd. (1979) 24 N.R. 390.
APPEL. AVOCATS:
D. H. Aylen, c.r. et A. S. Fradkin pour l'appelant.
W. G. Sheppard pour les intimés. PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
Sheppard, Sheppard, MacIntosh & Harlow, Simcoe, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Cet appel est formé contre le jugement de la Division de première instance [[1979] 2 C.F. 840] daté du 27 juin 1979 décla- rant que l'intimée Jacobs Farms Limited (un des demandeurs en première instance) avait le droit de recevoir, en vertu du Règlement sur la stabilisa tion du prix des pommes' («le Règlement») une subvention de $117,969.09 dont $70,719.09 ne lui ont toujours pas été payés et enjoignant à l'appe- lant, l'Office de stabilisation des prix agricoles («l'Office»), défendeur en première instance, de
1 DORS/76-518.
demander au ministre des Finances des crédits en vue de payer à l'intimée les $70,719.09 qui ne lui ont pas été payés. 2
L'Office avait refusé de payer le plein montant de la subvention réclamée par les intimés en vertu de la Loi sur la stabilisation des prix agricoles' («la Loi») parce que la quantité des produits, des pommes, à l'égard desquels la subvention était réclamée excédait la quantité, établie par l'Office, au-delà de laquelle aucune subvention ne serait versée.
L'appel soulève plusieurs questions dont les réponses dépendent de l'interprétation des disposi tions applicables de la Loi et du Règlement. Une de ces questions consiste à savoir si l'Office est autorisé par la Loi à établir des quantités au-delà ou en deçà desquelles aucune subvention ne sera versée aux producteurs. Une autre consiste à savoir si l'Office doit verser une subvention à un produc- teur qui remplit les conditions établies en vertu de la Loi et du Règlement ou s'il lui est loisible d'accepter ou de refuser de payer. L'appelant pré- tend également que, de toute façon, la Cour n'a pas le pouvoir d'émettre un bref de mandamus ou de rendre une ordonnance semblable à un manda- mus enjoignant à l'Office de demander au ministre des Finances des crédits en vue de payer les subventions.
S'il est décidé que l'Office a le pouvoir d'établir les maximum et minimum aux fins de l'admissibi- lité à la subvention, il ne sera pas nécessaire de répondre aux autres questions.
L'Office est une corporation composée de trois membres nommés par le gouverneur en conseil (voir le paragraphe 3(1) de la Loi).
Les objets de la Loi sont énoncés dans ses longs titre et préambule qui sont ainsi rédigés:
Loi ayant pour objet de stabiliser les prix des produits agricoles
CONSIDÉRANT qu'il est opportun d'édicter des dispositions en vue de stabiliser les prix des produits agricoles pour aider l'industrie de l'agriculture à obtenir un juste rendement de son travail et de son placement, de même que maintenir un rapport équitable entre les prix reçus par les cultivateurs et le coût des
2 Les intimés admettent que la preuve justifierait un juge- ment en leur faveur d'une somme de $54,973.99 seulement. Par conséquent, même si l'appel devait être rejeté comme non fondé, le jugement devrait être modifié en conséquence.
3 S.R.C. 1970, c. A-9, modifiée par S.C. 1974-75-76, c. 63.
marchandises et des services qu'ils achètent, ce qui fournira aux cultivateurs une juste part du revenu national; A ces causes, Sa Majesté, sur l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, décrète:
Les produits agricoles dont les prix doivent être stabilisés sont soit des «produits dénommés» soit des «produits désignés». Les «produits dénommés» sont les produits mentionnés expressément à l'ali- néa 2(1)a) de la Loi; les «produits désignés» sont les produits agricoles, autres que ceux qui sont dénommés, désignés (en vertu de l'alinéa 2(1)b)) par le gouverneur en conseil aux fins de la Loi.
L'alinéa 7(1)a) et le paragraphe 7(2) de la Loi sont ainsi conçus:
7. (1) L'Office
a) prend conformément à la présente loi les mesures nécessai- res pour stabiliser au niveau prescrit les prix des produits agricoles;
(2) Les mesures de l'Office destinées à stabiliser le prix d'un produit agricole selon la présente loi, doivent être prises relati- vement à ce produit agricole, ou relativement à la catégorie, la qualité, la variété, la classe, le type ou la forme de ce produit que l'Office estime appropriés, et en fonction de l'endroit ou des endroits qu'il considère opportuns.
La méthode de fixation du prix prescrit auquel est stabilisé le prix d'un produit agricole est énon-
cée à l'article 8.2. 4
° L'alinéa 7(1)b) et les articles 8.1 et 8.2 sont ainsi rédigés: 7. (1) L'Office
b) formule les recommandations, notamment en ce qui concerne l'indice mentionné à l'article 8.2 ... nécessaires à l'établissement, pour une année, d'un juste rapport entre les coûts de production des produits agricoles et les prix prescrits.
8.1 Le prix de base d'un produit agricole, pour une année, est le prix moyen de celui-ci sur des marchés représentatifs que détermine l'Office pour les cinq années précédentes.
8.2 (1) Pour une année, le prix prescrit d'un produit agricole s'obtient en rajustant,
a) pour un produit dénommé, quatre-vingt-dix pour cent de son prix de base pour l'année ou le pourcentage supé- rieur prescrit par le gouverneur en conseil, en fonction d'un indice calculé de la manière prescrite par le gouverneur en conseil et traduisant le rapport entre les coûts estimatifs de production du produit pour l'année et les coûts moyens de production des cinq années précédentes; et
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Les pouvoirs expressément conférés à l'Office se trouvent aux articles 10 et 10.1 de la Loi. Les alinéas 10(1)a),b),c),d) et g) et le paragraphe 10(1.1) sont ainsi conçus:
10. (1) Sous réserve et en conformité de tous règlements qu'il est loisible au gouverneur en conseil d'édicter, l'Office peut
a) acheter tout produit agricole au prix prescrit;
b) payer à ceux qui ont réalisé un produit agricole, directe- ment ou par l'intermédiaire de l'agent que l'Office peut déterminer, l'excédent du prix prescrit sur un prix déterminé par l'Office comme étant le prix moyen auquel ce produit se vend sur tels marchés et pendant telles périodes, que l'Office juge appropriés;
c) faire, au bénéfice des producteurs, tout paiement que le gouverneur en conseil peut autoriser afin de stabiliser le prix d'un produit agricole au niveau du prix prescrit;
d) vendre ou autrement aliéner, empaqueter, conditionner, emmagasiner, expédier, transporter, exporter ou assurer tout produit acheté par l'Office selon le présent article, ou autre- ment en faire l'objet d'opérations;
g) accomplir tous les actes et les choses nécessaires ou accessoires à l'exercice de l'un quelconque de ses pouvoirs, devoirs ou fonctions prévus par la présente loi.
(1.1) Afin de stabiliser le prix d'un produit agricole, l'Office peut exercer tous autres pouvoirs prescrits sur sa recommanda- tion par le gouverneur en conseil.
Il fut décidé que des subventions seraient payées aux producteurs de pommes pour la campagne agricole 1975-1976.
A une réunion de l'Office tenue à Ottawa le 8
juillet 1976, il a été convenu relativement aux subventions afférentes aux pommes, que le «maxi-
mum et le minimum d'unités de production don- nant droit à une subvention» seraient de 750,000 livres et de 25,000 livres respectivement. Aucune subvention ne serait versée à un producteur qui aurait produit et vendu moins de 25,000 livres de
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b) pour un produit désigné, le pourcentage de son prix de base pour l'année fixé par le gouverneur en conseil en
fonction de l'indice calculé conformément à l'alinéa a).
(2) Pour fixer le pourcentage du prix de base prévu aux alinéas (1)a) ou b), le gouverneur en conseil se fonde sur les recommandations que l'Office fait conformément au para- graphe 7(1) et sur tout autre facteur qu'il estime utile.
pommes ou relativement à la première tranche de 25,000 livres de pommes vendues par un produc- teur qui serait autrement admissible à la subven- tion, ni relativement aux ventes au-delà de la limite de 750,000 livres.
Dans ces motifs, le juge de première instance dit la page 842]:
En présentant au Conseil du Trésor le projet de Règlement, le Ministre en a expliqué la teneur comme suit:
[TRADUCTION] Les limites d'admissibilité ont été fixées à 25,000 livres au moins et à 750,000 livres au plus, afin que les producteurs puissent jouir du bénéfice maximum du programme de soutien et que celui-ci vise les producteurs à plein temps, de moyenne importance et qui font preuve d'efficacité plutôt que les petits exploitants à temps partiel, limitant ainsi l'aide à la disposition des très grands produc- teurs, plus aptes que la moyenne à faire face aux fluctuations du marché.
Le Règlement sur la stabilisation du prix des pommes est entré en vigueur le 5 août 1976. En vertu de ce Règlement, les pommes vendues comme pommes fraîches ou à peler ainsi que les pommes vendues pour la fabrication de jus, de concentré de jus ou de vinaigre étaient désignées comme produits agricoles aux fins de la Loi.
Le Règlement fixait également le prix prescrit pour chacun de ces produits. Il autorisait en outre l'Office à verser aux producteurs 2.1 cents pour chaque livre de pommes vendues comme pommes fraîches ou à peler et 0.9 cent pour chaque livre de pommes vendues pour la fabrication de jus, de concentré de jus ou de vinaigre.
Le Règlement ne prévoyait aucune limite pour ce qui concerne les quantités admissibles aux sub- ventions. Le communiqué de presse publié par le Ministère le 9 août 1976 mentionnait toutefois que les producteurs de pommes pourraient réclamer [TRADUCTION] «des paiements relatifs aux ventes de pommes produites en 1975, le minimum, pour ces ventes, étant fixé à 25,000 livres et le maxi mum, à 750,000 livres».
Le juge de première instance a signalé les élé- ments suivants la page 842] :
A la suite d'observations faites par les associations de produc- teurs, l'Office a ordonné le 24 décembre 1976, une majoration du maximum payable aux producteurs lorsqu'il y a deux asso- ciés ou plus. Chaque producteur peut consister en trois associés au maximum, et le minimum de 25,000 livres est applicable à chaque associé. Le Ministre a annoncé ce changement, le 6 janvier 1977, par un communiqué de presse.
Il semble ne faire aucun doute que les niveaux maximum et minimum ont été fixés par l'Office conformément aux instructions que lui a données le Ministre, ce dernier étant autorisé à ce faire par le paragraphe 4(5) de la Loi. L'Office doit se conformer aux instructions que lui donne le gou- verneur en conseil ou le Ministre en ce qui con- cerne «l'exercice de ses pouvoirs et fonctions ou l'accomplissement de ses devoirs sous le régime de la présente loi».
Ayant reçu l'autorisation du gouverneur en con- seil, l'Office a manifestement décidé de faire des paiements aux producteurs conformément à l'auto- risation donnée. D'après le dossier, il semble que l'Office ait pu penser qu'il allait agir en vertu de l'alinéa b) du paragraphe 10(1); cet alinéa est effectivement mentionné dans le préambule du Règlement. Le paragraphe 5(1) du Règlement autorise toutefois l'Office à faire, au bénéfice des producteurs, des paiements de 2.1 cents la livre de pommes vendues comme pommes fraîches ou à peler et de 0.9 cent la livre de pommes vendues pour la fabrication de jus, de concentré de jus ou de vinaigre «afin de stabiliser le prix de ce produit désigné au niveau du prix prescrit», les termes mêmes de l'alinéa 10(1)c). Cela ne réglerait vrai- ment rien de savoir si les paiements que l'Office a décidé de faire relevaient de l'alinéa b) ou c).
Les formules de demande ont été distribuées aux producteurs au début de septembre 1976. Elles contiennent la déclaration suivante:
[TRADUCTION] Veuillez noter que les demandes seront accep- tées lorsque la quantité de pommes commercialisées dépasse 25,000 livres, le maximum étant de 750,000 livres.
Jacobs Farms Limited est un grand producteur de pommes. Les particuliers intimés sont des actionnaires et des employés de la société. Les demandes ont été déposées par la société et par chacun des particuliers intimés. La société a déposé une demande relativement à 790,233 livres de pommes fraîches et à transformer. Les particu- liers intimés ont déposé des demandes relativement à diverses quantités de ces deux catégories de pommes.
Le juge de première instance déclare la page 843]:
La Compagnie a d'abord reçu $15,750 (750,000 livres à $0.021 la livre) puis, après la décision prise par l'Office le 24 décembre 1976, un supplément de $31,500, obtenant ainsi la subvention maximum pour une société de trois associés... .
Le paiement de $31,500 a fait l'objet d'une demande reconventionnelle dans l'action mais son rejet ne fait l'objet d'aucun contre-appel.
Les sommes versées à Jacobs Farms Limited étaient inférieures aux sommes demandées. L'ap- pelant prétend entre autres que Jacobs Farms Limited ne peut se plaindre parce que l'Office n'est tenu d'effectuer aucun paiement à cette société ou à aucun autre producteur: cette préten- tion consiste à dire que le pouvoir conféré à l'Of- fice par l'alinéa b) ou c) du paragraphe 10(1) de la Loi de faire des paiements est de nature purement discrétionnaire. Même si cette prétention était fondée et que le pouvoir de l'Office de faire des paiements était discrétionnaire, il me semble que cela ne constituerait pas une réponse complète. En l'espèce, le Çonseil,. agissant avec l'autorisation du gouverneur en conseil et en conformité de l'alinéa 10(1)c), a invité les producteurs à présenter leurs demandes. Jacobs Farms Limited donna suite à cette invitation. Je suis d'avis que Jacobs Farms Limited avait au moins le droit à ce que ses demandes soient examinées et à ce qu'il soit statué sur celles-ci, de bonne foi et en conformité avec le droit applicable correctement interprétés. Lorsqu'il a décidé de rejeter une partie des demandes dépo- sées, l'Office ne prétendait pas avoir la faculté de ne rien payer. Il ne. fait _vraiment. aucun doute que la décision de l'Office a été prise en fonction des
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crucial - est de savoir si l'Office avait le pouvoir de fixer ces limites. Le juge de première instance a décidé qu'il ne l'avait pas.
Une fois que le prix d'un produit agricole est fixé, l'Office, en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi, a l'obligation de «... [prendre] conformément à la présente loi les mesures nécessaires pour stabi liser ...b le prix du produit au niveau prescrit. L'obligation est imposée à l'Office et non au Ministre ou au gouverneur en conseil. Il est vrai que le Ministre ou le gouverneur en conseil peut
5 Voir Joy Oil Co. Ltd. c. Le Roi [1951] R.C.S. 624, plus particulièrement, le juge Rand, à la page 650; voir également R. c. Stevenson Construction Co. Ltd. (1979) 24 N.R. 390, le juge Le Dain, à la page 407.
donner à l'Office des instructions que l'Office est tenu d'appliquer. Mais l'obligation statutaire de stabiliser les prix est une obligation imposée à l'Office même.
La Loi confère à l'Office les pouvoirs dont il a besoin pour remplir son mandat. Ils sont prévus aux alinéas a), b) et c) du paragraphe 10(1). A ceux-ci s'ajoute le pouvoir conféré à l'Office par l'alinéa g) de ce paragraphe, d'«accomplir tous les actes et les choses nécessaires ou accessoires à l'exercice de l'un quelconque de ses pouvoirs, devoirs ou fonctions» prévus par la présente Loi.
Il me semble que l'Office pourrait très bien décider, aux fins de l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les alinéas c) et g) du paragraphe 10(1), qu'il serait opportun et même nécessaire de fixer des limites quant aux quantités du produit à l'égard desquelles il est sur le point de faire des paiements. L'Office pourrait décider, comme il l'a fait en l'espèce, de fixer des limites quantitatives relativement à des producteurs particuliers s'il avait connaissance, comme ce fut le cas en l'es- pèce, des prévisions des dépenses relatives à un programme telles qu'approuvées par le Conseil du Trésor. M. Proulx, secrétaire général de l'Office, a témoigné que les «limites d'admissibilité» étaient calculées, du moins en partie, de façon [TRADUC- TION] «... à assurer que la totalité des paiements faits en vertu du programme ne dépasserait pas le montant d'argent disponible ...». La simple pré- sence dans la Loi du paragraphe 13(5) 6 , qui fixe une limite aux paiements qui peuvent être effec- tués sur le Fonds du revenu consolidé aux fins de la stabilisation des prix agricoles, suggère qu'il pourrait être nécessaire relativement à un pro gramme en particulier, de fixer des limites aux paiements faits à des producteurs particuliers en fonction du coût estimatif de tous les programmes approuvés.M. Proulx a également ajouté que les limites avaient été adoptées [TRADUCTION] «... pour assurer que des paiements particuliers à des producteurs ne seraient pas trop élevés pour être compatibles avec l'aide financière prévue dans
6 Le paragraphe 13(5) est ainsi rédigé:
13....
(5) Un paiement effectué sur le Fonds du revenu consolidé, en vertu du paragraphe (1), ainsi que le solde du Compte ne doivent pas être supérieurs à deux cent cinquante millions de dollars.
d'autres programmes ...».
L'Office pourrait également juger prudent d'établir, pour certains programmes, une quantité minimum comme critère d'admissibilité afin d'évi- ter un grand nombre de très petites réclamations dont l'effet principal serait de gêner.
Le juge de première instance a jugé bien fondée la prétention selon laquelle certaines des disposi tions précises de la Loi indiquent clairement que le législateur avait l'intention de réserver au gouver- neur en conseil le pouvoir exclusif de fixer des quantités maximales à titre de critères d'admissibi- lité. L'alinéa 1l a) de la Loi est ainsi rédigé:
11. Le gouverneur en conseil peut, par règlement,
a) fixer des plafonds quant à la quantité ou à la valeur d'un produit agricole dont le prix est susceptible d'être stabilisé en vertu de la présente loi;
En toute déférence, je ne suis pas d'avis toute- fois qu'il ressort de cet alinéa que le législateur avait l'intention de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir exclusif de fixer un maximum quant à la quantité du produit agricole pour lequel un producteur particulier pourrait réclamer une subvention. Selon moi, le pouvoir est un pouvoir de fixer «... des plafonds quant à la quantité ou à la valeur d'un produit agricole dont le prix est sus ceptible d'être stabilisé ...». Il me semble que ce pouvoir en est un de fixer, quant à la quantité ou à la valeur de ce produit agricole, un maximum qui ne peut être dépassé. Cette disposition donne à l'Office une marge de manoeuvre lui permettant de fixer des limites (se situant en deçà d'un plafond, s'il en est, établi par le gouverneur en conseil) au-delà desquelles les producteurs ne recevront pas de paiements -relativement aux réclamations qu'ils présentent.
Je ne pense pas non plus qu'il ressorte du para- graphe 7(2) ou de l'article 8 de la Loi que les pouvoirs de l'Office ne doivent pas comprendre la fixation de limites pour les quantités de produits à l'égard desquels un producteur peut réclamer des paiements de stabilisation. Le paragraphe 7(2) a été cité à la page 757 des présentes. L'article 8 est ainsi rédigé:
8. Chaque année, l'Office fixe le prix de base du produit agricole ou des catégorie, qualité, variété, classe, type ou forme du produit agricole, dont le prix est à stabiliser en application de la présente loi.
La Loi prévoit que l'Office peut vouloir stabili ser les prix non seulement de produits en tant que tels, mais également de catégories, qualités, varié- tés, classes, types ou formes de produits agricoles, peut-être pour tenir compte du fait que des mar- chés distincts puissent exister pour ces différentes classifications. C'est ce qu'on a fait en l'espèce: une distinction a été faite entre les pommes fraî- ches et les pommes destinées à la fabrication du jus et un prix différent a été prescrit pour chaque type. En toute déférence, le fait que le paragraphe 7(2) et l'article 8 font mention de catégorie ou qualité, sans faire mention de la quantité ne veut pas dire, selon moi, qu'on ait eu l'intention d'empê- cher l'Office de prendre des mesures relatives à la quantité d'un type de produit agricole relativement auquel un prix de base a été fixé et un prix prescrit.
Mais ma préoccupation principale est toute autre. Tel que mentionné ci-dessus, en présentant au Conseil du Trésor le projet de Règlement, le Ministre a indiqué que si un maximum et un minimum sont fixés, c'est pour assurer que le programme de soutien bénéficie surtout aux «pro- ducteurs à plein temps, de moyenne importance et qui font preuve d'efficacité plutôt qu' [aux] petits exploitants à temps partiel», et que l'aide fournie par ce programme serait restreinte en ce sens qu'il était destiné aux «très grands producteurs, plus aptes que la moyenne à faire face aux fluctuations du marché».
Après avoir déclaré que les limites avaient été fixées en tenant compte des sommes prévues pour le programme, M. Proulx a ajouté que les limites avaient été fixées (en tenant compte, je suppose, des considérations d'ordre financier) [TRADUC- TION] «... afin que le programme bénéficie aux producteurs agricoles de moyenne importance qui avaient le plus besoin d'aide et pour éviter de faire de gros paiements à des producteurs particuliers de très grande importance qui étaient déjà financière- ment en mesure de maintenir eux-mêmes leur production de pommes et qui avaient suffisamment de ressources financières pour faire face aux fluc tuations du marché».
J'ai déjà indiqué que, selon moi, il est loisible à l'Office de fixer des limites minimum et maximum à l'intérieur desquelles des paiements peuvent être faits en application d'un programme de stabilisa-
tion des prix. Ces limites doivent toutefois être conçues pour réaliser une stabilisation des prix et non dans un but sans rapport avec cette stabilisa tion. Le problème selon moi est de savoir si la fixation de limites relativement au programme de stabilisation des prix des pommes aux fins indi- quées a eu pour effet de transformer le programme en quelque chose d'autre qu'un programme de stabilisation des prix des produits désignés au niveau prescrit.
J'ai conclu après quelque hésitation que les limi- tes n'ont pas eu cet effet. Le programme est demeuré essentiellement un programme destiné à stabiliser les prix de produits désignés au niveau prescrit. Le préambule de la Loi indique que les programmes de stabilisation des prix ont pour objet d'aider «l'industrie de l'agriculture» à obtenir un juste rendement de son travail et de son place ment. Un autre objet de tels programmes est de «maintenir un rapport équitable entre les prix reçus par les cultivateurs et le coût des marchandi- ses et des services qu'ils achètent, ce qui fournira aux cultivateurs une juste part du revenu natio nal». A mon avis, compte tenu de la raison d'être de ces limites et des objets visés par la Loi en prévoyant la stabilisation des prix agricoles, les limites fixées par l'Office sont légitimes. Ils n'ont pas eu pour effet de détourner le programme de stabilisation des prix des pommes.
J'accueillerais l'appel avec dépens. En vertu du sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, j'annulerais le juge- ment de la Division de première instance et le remplacerais par ce qui suit:
1. L'action des demandeurs est rejetée.
2. La demande reconventionnelle du défendeur est rejetée.
3. Le défendeur a droit à la taxation de ses dépens en l'instance.
4. Les demandeurs ont droit à la taxation de leurs dépens afférents à la demande reconven- tionnelle.
* * *
LE JUGE HEALD: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: J'y souscris.
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