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T-3837-77
McCain Foods Limited (Demanderesse)
c.
C. M. McLean Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, 13 décembre 1979.
Pratique Dépens Requête en augmentation des dépens prévus au tarif B Requête accueillie en partie attendu que la défenderesse a certainement subi un tort et que les frais se sont accrus considérablement à cause du désistement de der- nière minute Règles 344 et 346 de la Cour fédérale.
Requête introduite par l'avocat de la défenderesse, en appli cation de la Règle 324, pour demander, conformément aux Règles 344 et 346, une augmentation des frais et dépens. La procédure avait été intentée par la demanderesse en octobre 1977. Une fois terminés les plaidoiries et l'interrogatoire préa- lable de la demanderesse, la défenderesse a demandé qu'une date soit fixée pour le procès au printemps de 1979, mais a eu du mal à obtenir une date convenant à la demanderesse. Une conférence préparatoire eut lieu en septembre 1979, au cours de laquelle s'est posée la question de la compétence de la Cour. La demanderesse a alors présenté une requête tendant à une décision préliminaire sur cette question de droit, requête qui a été rejetée en octobre. L'action a été mise au rôle du 20 novembre. La veille de l'audition, la demanderesse a demandé et a obtenu l'autorisation de se désister. L'ordonnance portant rejet de l'action autorisait expressément la défenderesse à se prévaloir de la Règle 324 pour demander une ordonnance portant que les dépens seraient fixés conformément aux Règles 344 et 346(1).
Arrêt: la requête est accueillie en partie. Il n'y a pas lieu en l'espèce d'accorder des dépens sur une base procureur-client ainsi que le demande la défenderesse. On ne saurait conclure que l'action était frivole ou injustifiée. En revanche, la défende- resse a certainement subi un tort et les frais se sont considéra- blement accrus à cause du désistement de dernière minute. Il faut certes encourager les règlements à l'amiable et les désiste- ments, mais il ne faut pas qu'ils interviennent à la dernière minute, et ce sans aucun motif légitime. En raison du doute que fait peser l'arrêt Smerchanski sur la question de savoir s'il convient de donner à l'officier taxateur, sur la base de la Règle 344(7), l'ordre de majorer les frais prévus au tarif B lorsque les frais sont taxés entre parties, il est préférable d'appliquer la Règle 344(1) et d'ordonner le paiement d'une somme forfai- taire au lieu de dépens taxés.
Distinction faite avec l'arrêt: Smerchanski c. Le ministre du Revenu national [1979j 1 C.F. 801.
REQUÊTE. AVOCATS:
J. I. Minnes pour la demanderesse.
J. R. Morrissey pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Scott & Aylen, Ottawa, pour la demande- resse.
Barrigar & Oyen, Ottawa, pour la défende- resse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: L'avocat de la défenderesse a présenté une requête en vertu de la Règle 324 pour augmentation des frais et dépens aux termes des Règles 344 et 346 ainsi que des observations écri- tes à l'appui de sa requête. L'avocat de la deman- deresse a présenté des observations écrites à l'en- contre de cette requête.
La procédure intentée en l'espèce en octobre 1977 aux termes de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, portait sur l'em- paquetage de pommes de terre frites par la défen- deresse; elle visait à obtenir une injonction ainsi que des dommages-intérêts ou une reddition de compte. Une fois terminés les plaidoiries et l'inter- rogatoire préalable de la demanderesse, c'est la défenderesse qui a demandé de fixer une date pour l'instruction, au printemps 1979, mais elle n'a pas trouvé aisément des dates convenant à la demande- resse. Il a été ordonné de tenir une conférence préalable à l'instruction. Cette conférence s'est tenue le 5 septembre 1979 et la Cour y a soulevé des questions sur sa compétence en matière d'ac- tions intentées au titre de l'article 7 de la Loi sur les marques de commerce. En conséquence, la demanderesse a présenté une requête pour l'obten- tion d'une décision préliminaire sur un point de droit. En vertu d'un jugement rendu le 4 octobre 1979, la demande a été rejetée parce qu'il restait à savoir si la Cour était compétente pour entendre des actions intentées au titre de l'article 7b) de la Loi, suite à la décision de la Cour suprême dans l'affaire MacDonald c. Vapor Canada Ltd. [ 1977] 2 R.C.S. 134 qui portait sur l'article 7e) de la Loi.
Le 9 octobre 1979, l'action a été mise au rôle du 20 novembre 1979. La veille de l'instruction, soit le 19 novembre 1979, la demanderesse a demandé à se désister. A la suite de discussions sur les condi tions de ce désistement, celui-ci a été autorisé par ordonnance du 20 novembre 1979. Tenant compte du jugement rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Smerchanski c. M.R.N. [1979] 1 C.F. 801, lequel énonce les conditions auxquelles
la Cour peut rendre une ordonnance à l'égard des dépens qui ne sont pas prévus par le tarif, l'ordon- nance du 20 novembre 1979 qui rejettait l'action a permis expressément à la défenderesse de deman- der, aux termes de la Règle 324, une ordonnance spéciale portant que les dépens seraient établis en vertu des Règles 344 et 346(1) condition que la demande soit faite dans un délai de dix jours. La présente demande est conforme à cette ordon- nance.
La Règle 344(1) est ainsi conçue:
Règle 344. (1) Les dépens et autres frais de toutes les procédu- res devant la Cour sont laissés à la discrétion de la Cour et suivent le sort de l'affaire sauf ordonnance contraire. Sans limiter la portée générale, la Cour pourra prescrire le paiement d'une somme fixe ou globale au lieu de frais taxés.
Extrait de la Règle 344(7):
Règle 344. .. .
(7) Une partie peut
b) après que la Cour aura décidé du jugement à prononcer, au moment la requête pour l'obtention d'un jugement est présentée,
que le jugement ait ou non réglé la question des dépens, requérir la Cour de donner, au sujet des dépens, des directives spéciales aux termes de la présente Règle, y compris une directive visée au tarif B, et de statuer sur tout point relatif à l'application de tout ou partie des dispositions de la Règle 346.
La Règle 346 prévoit la taxation des frais entre parties par l'officier taxateur conformément au jugement de la Cour et au tarif B qui prévoit pour sa part que seuls les montants qui y sont cités sont autorisés à titre d'honoraires de procureur et d'avocat, sauf directive de la Cour en vertu de la Règle 344(7).
La Règle 345 s'applique uniquement au désiste- ment sans autorisation, auquel cas le défendeur peut faire taxer ses frais, qui sont censés se limiter aux frais entre parties. Cependant, le désistement en l'espèce ne pouvait être fait sans autorisation aux termes de la Règle 406(3), qui réserve expres- sément à la Cour le choix de fixer les conditions qui lui semblent justes du point de vue des frais.
Dans le jugement qu'il a rendu dans l'affaire Smerchanski (précitée), l'ancien juge en chef Jackett a déclaré aux pages 805 et 806:
On a seulement démontré en l'espèce que l'intimé avait reçu un compte de frais extrajudiciaires très élevé dans le cadre du présent appel. Ce fait aurait été pertinent si les frais avaient été adjugés sur la base procureur-client; il ne l'est généralement
pas quand il s'agit de fixer les frais entre parties. Rien n'indique que le déroulement de l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre parties. L'étude des Règles pertinentes ne révèle pas l'existence de quelque principe régissant la fixation des frais habituels entre parties. Toutefois, il semble clair, à mon sens, que les frais entre parties ne visent pas à indemniser intégralement la partie qui a gain de cause de ses frais extrajudiciaires.
et à la page 806:
J'hésite à admettre que le travail de préparation à lui seul, ou doublé d'autres facteurs comme la difficulté ou l'importance d'une affaire, justifie l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge d'augmenter le montant des frais prévus au tarif S. Il est certain, selon moi, que ces frais sont si peu élevés par rapport aux sommes en litige dans la plupart des cas qu'ils ne dédom- magent pas intégralement la partie qui a gain de cause des frais qu'elle a engagés dans le litige. (De fait, en l'espèce, on demande une augmentation qui n'indemniserait que très par- tiellement la partie qui a eu gain de cause de ses frais extrajudi- ciaires.) Si, ainsi que je le pense, les dépens entre parties en Cour fédérale ne sont pas destinés à indemniser intégralement la partie à laquelle ils seront versés, ils sont censés se limiter aux sommes tout à fait arbitraires prévues par les règles, sous réserve des modifications autorisées se fondant sur des facteurs relatifs au déroulement de la procédure dont il s'agit.
Bien que ces déclarations méritent notre atten tion, je constate que le savant juge en chef a quand même envisagé l'éventualité d'une majoration quand les faits le justifient puisqu'il a déclaré la page 8051: «Rien n'indique que le déroulement de l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre parties»; il parle aussi de «dépens» qui se limitent aux sommes tout à fait arbitraires prévues par les règles sous réserve des modifications autori- sées se fondant sur des facteurs relatifs au déroule- ment de la procédure dont il s'agit. [Souligné par mes soins.]
C'est pour cette raison que j'estime que la requête de la défenderesse devrait être accueillie en partie. A mon avis, la situation ne permet pas d'adjuger des frais extrajudiciaires (sur la base procureur-client) comme le propose la défende- resse. On ne peut conclure que l'action est futile ou injustifiée. La Cour elle-même a conclu que la question de la compétence était assez douteuse pour qu'aucune décision préalable ne soit prise à ce sujet sur une question de droit. La Cour n'a entendu aucun témoignage sur le fond en raison du désistement et elle ne peut conclure à juste titre que la procédure n'était pas fondée.
Par ailleurs, la défenderesse a certainement subi du tort et les frais ont été accrus considérablement à cause du désistement de dernière minute. La demanderesse disposait d'un délai assez long après l'interrogatoire préalable pour décider si elle avait de bonnes chances de succès. Après la conférence préalable à l'instruction qui s'est tenue le 5 sep- tembre et aussi après le refus de la Cour de trancher la question de compétence sur une ques tion de droit, le 4 octobre, la demanderesse avait amplement le temps de demander l'autorisation de se désister. Son silence sur ce point jusqu'au ven- dredi de la semaine précédant l'instruction a cer- tainement causé aux avocats de la défenderesse des dépenses supplémentaires et inutiles, pour rencon- trer les témoins et les citer à comparaître (encore heureux qu'on n'ait pas eu à les faire venir du Nouveau-Brunswick à Ottawa pour l'instruction, quand l'avis de demande d'autorisation de se désis- ter a été produit) ainsi que pour engager des experts, leur donner des instructions et préparer le procès en général, sans oublier les inconvénients graves causés à la Cour. Il est certain que les règlements et les désistements doivent être encou- ragés mais ils ne devraient pas intervenir à la dernière minute sans aucune justification appa- rente. Par conséquent, la défenderesse ne devrait pas assumer tous les frais des travaux accomplis inutilement par ses avocats et ses experts.
A la lecture de l'état de frais que les procureurs de la défenderesse ont présenté avec la requête, je conclus toutefois que les honoraires demandés sont exagérés. Bien que les tarifs horaires ne soient pas indiqués, ceux des stagiaires ne devraient pas être élevés parce que ceux-ci reçoivent un salaire très modeste. Si l'on accorde une rémunération symbo- lique aux stagiaires pour le temps qu'ils ont consa- cré à l'espèce, le tarif horaire de l'avocat semble être de plus de $125, ce qui est inacceptable à mon avis surtout si l'on compare le temps passé en consultation, préparation du dossier, etc. (soit plutôt le travail du procureur) au temps assez bref passé en Cour pour la conférence préalable à l'instruction, la requête pour l'obtention d'une décision préliminaire sur la question de droit et la requête pour autorisation de se désister.
En raison du doute soulevé par l'affaire Smer- chanski sur l'opportunité de donner à l'officier taxateur, en vertu de la Règle 344(7), des instruc-
tions en vue d'augmenter le montant prévu au tarif B, lorsque les frais sont taxés entre parties, je préfère appliquer la Règle 344(1) et ordonner le paiement d'une somme globale au lieu de frais taxés. La défenderesse réclame des honoraires d'avocat de $15,855 en plus de déboursés de $3,929.26. Je ne crois pas qu'il faille accorder des honoraires de plus de $7,000. Il n'est pas possible de vérifier les montants, faute de précisions sur les déboursés dans l'état de frais et en l'absence de taxation, mais à mon sens, la Règle 344(1) écarte la taxation. Sans donner de directive aux termes de la Règle 344(7), je ne peux ordonner à l'officier taxateur de taxer les déboursés seulement et d'a- jouter ensuite $7,000 au lieu des honoraires prévus au tarif B. L'avocat de la défenderesse a donné dans son affidavit certaines précisions sur les déboursés faits jusqu'à la date du désistement et il n'y a pas de raison de douter de leur exactitude.
Par conséquent, en application de la Règle 344(1), je fixe les frais dus à la défenderesse à la somme globale de $10,929.26.
ORDONNANCE
Les frais payables par la demanderesse à la défenderesse suite à son désistement sont fixés à la somme globale de $10,929.26 dont $7,000 au titre des honoraires d'avocat et $3,929.26 au titre des déboursés.
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